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L’interview de Xavier Antoyé, rédacteur en chef du Progrès, Le Bien Public, et Le Journal de Saône et Loire

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Nous l’avons la chance de pouvoir interroger Xavier Antoyé à l’occasion de l’étape lyonnaise du Tour des Reporters d’Espoirs, qui nous a mené à la rencontre du Progrès, du Club de la presse de Lyon, et de l’école de journalisme de l’ISCPA.


Quelques mots sur votre parcours ?

Journaliste de Presse Quotidienne Régionale depuis plus de 30 ans, j’ai effectué la moitié de ma carrière au Dauphiné Libéré, et suis aujourd’hui rédacteur en chef de 3 des 9 titres du groupe EBRA : Le Progrès, Le Journal de Saône et Loire et Le Bien Public.

Quelle place pour le journalisme de solutions dans les innovations du Progrès ?

L’ensemble de notre groupe de presse, EBRA, s’est engagé depuis plus d’un an dans cette démarche. Pour nous, le journalisme de solutions c’est le journalisme du « comment ». On ne cherche pas à répondre simplement aux 5W [technique d’écriture utilisée par les journalistes] car ce n’est plus suffisant aujourd’hui. Il faut aussi dire « comment résoudre le problème ». Pour compléter la fameuse phrase d’Albert Londres, il devient nécessaire d’aussi panser les plaies. Dénicher les idées qui permettent d’avancer fait désormais partie intégrante de notre rôle.

Notre credo c’est que chacun détient une partie de la solution. Un problème global et mondial nécessite des initiatives locales. En tant que quotidien régional, il est primordial pour nous d’en parler à nos lecteurs.

Un exemple d’initiative entreprise par votre journal ?

L’ensemble du groupe EBRA* a lancé depuis un an le supplément thématique hebdomadaire « Ici, on agit », qui traite de la lutte contre le réchauffement climatique. C’est un supplément commun à nos 9 journaux, diffusé à plus de 900 000 exemplaires. Nos rédactions s’emparent chaque mois d’une thématique, par exemple les mobilités, le traitement de l’eau, ou le rôle du télétravail dans la diminution de l’empreinte carbone des entreprises. Nous cherchons à mettre en avant des initiatives locales et à les décrypter. C’est un journalisme de solutions et d’investigation, qui expose un problème et explique les réponses qui ont été mises en œuvre pour y remédier. L’enquête est au cœur du journalisme de solutions. Notre ambition est d’apporter des idées concrètes qui donnent envie d’agir à nos concitoyens.

*Le groupe EBRA comporte 9 titres régionaux référents de l’Est de la France : Le Républicain Lorrain, L’Alsace, Le Progrès, Le Journal de Saône et Loire, Le Bien Public, Le Dauphiné Libéré, L’Est Républicain, Dernières Nouvelles d’Alsace, Vosges Matin

Propos recueillis par Gilles Vanderpooten


« La défiance à l’égard des journalistes est trop forte et trop injuste. En revanche, elle peut se justifier. Les récits d’un quotidien qui « va bien » participent aussi à redorer l’image du journalisme » Jean-Marie Mulon, créateur du Presstival Info.

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Ancien journaliste à Ouest-France, puis l’hebdomadaire Haut-Anjou, Jean-Marie Mulon est le chef d’orchestre du Presstival Info du pays de Château-Gontier, fondé en 2012 suite à la disparition du Festival du scoop et du journalisme d’Angers – qui fût pendant 25 ans un rendez-vous phare de la profession. Son événement qui célèbre sa 10e édition cette année, rassemble des professionnels de renom et des spécialistes sur des sujets d’actualité lors de conférences-débats et d’expositions. La Ville de Château-Gontier sur Mayenne a récemment été donnée en exemple dans un reportage intitulé « La France heureuse, la France qui va bien, et si c’était elle, la majorité silencieuse ? » paru le 8 juin dans Le Monde sous la plume du journaliste Luc Bronner. Un article qui a été maintes fois cité dans les plateaux TV et radio ces dernières semaines.


Luc Bronner, grand reporter au journal Le Monde, a réalisé un reportage remarqué par les débatteurs des plateaux-télé parisiens à Château-Gontier sur Mayenne, évoquant la ville – dont vous êtes le directeur de l’information et de la communication comme un témoignage de « La France heureuse, la France qui va bien ». Trois semaines après, quelles en sont les retombées ?

L’impact de cet article a été fabuleux. Chaque jour, on continue de nous en parler. Luc Bronner a réalisé un travail d’une grande rigueur, accompagné de la photographe Laurence Geai. Très rapidement, j’ai senti la pleine confiance que nous pouvions accorder à l’ancien directeur de la rédaction du Monde, son regard était bienveillant et il tachait sincèrement d’angler son reportage autour des solutions qui existent en Mayenne. Forcément, un tel travail a suscité de vives réactions.  C’est bien la preuve que la France a besoin de cela dans ces moments difficiles. Le public nous l’a dit lui-même. Il a aussi besoin d’entendre la France qui va bien.

Vous avez longtemps été journaliste, qu’est-ce qui vous a orienté vers la profession ?

En classe de 6ème, lorsque notre professeur de français nous a questionnés sur le métier que l’on souhaiterait faire plus tard, j’ai instinctivement répondu le journalisme. Cette envie s’est ensuite érigée en passion. Après un détour par les métiers de l’imprimerie, et par la photographie, je me suis tourné vers la correspondance de presse pour Ouest France en 1982. L’école du terrain, en région, au plus près du public, a été extrêmement formatrice. J’ai en parallèle eu envie de m’engager dans l’équipe du Scoop d’Angers, premier festival de journalisme à avoir été créé en France. Durant ma carrière, j’ai eu l’occasion de réaliser près de 7000 articles et reportages. J’ai gardé mon affection pour l’écrit même après avoir arrêté le journalisme en 2001, en écrivant notamment quatre livres. 

Après le journalisme, vous vous êtes embarqué, comme une partie des gens du métier, dans une autre aventure, celle de la communication. Certains disent que c’est antinomique.

Je suis convaincu qu’il faut une vraie dose d’information dans la communication, et que l’information doit savoir communiquer. Je ne suis pas capable de vendre un produit, je n’ai pas l’âme économique développée, mais j’ai le sens du territoire. Ce sont des histoires de femmes et d’hommes que je cherche à transmettre, finalement assez proches du métier de journaliste que j’exerçais. Au quotidien, dans mon métier de communicant, je tâche toujours de vérifier mes informations et de refléter la réalité du terrain.

Vous avez conservé un lien fort avec le secteur, en fondant il y a 10 ans le Presstival Info, premier festival de journalisme « à la campagne » – vous insistez bien là-dessus.

Le Presstival Info est né du constat du besoin d’une information qui donne envie d’agir, animée notamment par des voix comme celle de Reporters d’Espoirs. Si je devais résumer ce qu’est à mes yeux le Presstival, je le dirais avec les mots du dessinateur Kak, président de l’association Cartooning For Peace : “Le Presstival s’ouvre à toutes les formes de journalisme”. Nous accueillons à bras ouverts le dessin de presse, la photographie et tout ce qui compose le métier. Nous sommes aussi fiers d’être les représentants d’un festival de journalisme à la campagne. 

Le Presstival Info s’investit aussi dans l’éducation des jeunes aux médias, en partenariat avec France Télévisions.

C’est un enjeu crucial qui s’est confirmé malheureusement après les attentats contre Charlie Hebdo. Cette éducation aux médias –axée notamment sur la lutte contre la haine sur la toile- a finalement rejoint les programmes scolaires. On se rend compte que les jeunes sont en attente de comprendre les enjeux médiatiques, ils ont de l’appétit pour l’information, un esprit neuf et une curiosité. Le Presstival a pu accueillir 25 000 d’entre eux et les sensibiliser à des enjeux comme l’écologie, les archives ou la liberté d’expression.

Cette année, vous avez présenté une exposition sur le thème des déchets en mer.

Sur 200m2, nous avons exposé auprès de 1 200 élèves le travail de Bruno Dumontet, fondateur d’Expédition MED, intitulée « Mer et océans plastifiés, impacts et solutions en mer ». Cette exposition traite de l’invasion des déchets dans les mers et océans, en même temps que des propositions de solutions pour limiter cette pollution. Notre ville étant traversée par la rivière de la Mayenne, nous sommes très sensibilisés au thème de l’eau.

Vous travaillez beaucoup avec l’ONG Cartooning for Peace, fondée par le dessinateur Plantu.

Ayant rencontré Plantu au Scoop d’Angers, j’ai souhaité poursuivre une coopération avec son association et lui. Dès 2014, nous avons collaboré autour des « Dessins pour la Paix », exposition que plus de 12 000 jeunes et scolaires, ainsi que des détenus en milieu carcéral, ont pu découvrir en Pays de La Loire. Et actuellement nous accueillons l’exposition « Tous migrants » qui retrace le parcours de migrants à travers des dessins de presse du monde entier. C’est une exposition bouleversante qui participe à un peu de pédagogie et d’apaisement sur des questions qui divisent. 

Reporters d’Espoirs est partenaire du Presstival depuis ses débuts. Vous nous avez souvent laissé « carte blanche » pour pousser des documentaires et films d’ « espoir » – que ce soit à propos d’agriculture et de paysannerie, de quête de sens, ou d’introspection journalistique avec le documentaire « Les médias, le monde et nous » d’Anne-Sophie Novel. Le journalisme et les médias porteurs de solutions, vous y croyez ?

La défiance qui existe aujourd’hui à l’égard des journalistes est trop forte et injuste. En revanche, elle peut se justifier. Il est légitime de reprocher certaines méthodes journalistiques comme l’information en continu lorsqu’elle s’alimente de dites polémiques. C’est un journalisme qui m’échappe. La profession doit pouvoir réaliser une autocritique. Anne-Sophie Novel a eu le courage de poser un stéthoscope sur l’état de la presse française ce qui est extrêmement pertinent. Je recommande à tous les rédacteurs en chef d’avoir « Les médias, le monde et nous » en livre de chevet. Mais, je crois que les récits d’un quotidien qui va bien participent aussi à redorer l’image du journalisme, voire est nécessaire pour que journaliste et citoyen se retrouvent. La profession doit se désacraliser. Les nouveaux médias ont un rôle à jouer. Je crois qu’il est possible de concilier l’esprit Albert-Londres avec des perspectives et moyens nouveaux. Cela implique d’apporter la matière aux jeunes et de porter attention à leur esprit critique.

Propos recueillis par Léa Sombret.


« Sur ma chaîne YouTube dédiée à l’agriculture, je tâche d’éviter la béatitude tout autant que la condamnation absolue. C’est la clé d’un dialogue serein entre citoyens et agriculteurs. » Pierre Girard

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Pierre Girard est un journaliste et présentateur de télévision français, né le 16 novembre 1982 à Strasbourg. Depuis janvier 2009, il présente Xenius sur Arte, le magazine quotidien de la connaissance. En 2019, il crée Tous Terriens, une chaîne YouTube sur l’agriculture de solutions.

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« J’ai le sentiment qu’un monde plus empathique est en train de se construire, mais dont peu de médias parlent » Etienne Pflimlin, président de la Fondation du Crédit Mutuel

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Étienne Pflimlin est le président de la Fondation du Crédit Mutuel, qui œuvre à la promotion de la lecture et de la langue française, avec une forte dimension de lutte contre l’exclusion économique et sociale. La fondation a soutenu plus de 1500 actions de terrain depuis sa création, et a permis de donner une dimension européenne au Prix Reporters d’Espoirs en direction des jeunes de 18 à 30 ans. Ancien président du Crédit Mutuel, européen convaincu, Etienne Pflimlin partage son sentiment quant au traitement médiatique des questions européennes.

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« Serait-ce le retour d’une société unie par un récit collectif ? » Virginie Raisson-Victor

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Virginie Raisson-Victor, analyste en politique internationale et co-auteure pour la célèbre émission pédagogique d’Arte Le Dessous des Cartes, lance le Grand Défi des entreprises pour la planète.

Virginie Raisson-Victor, analyste en politique internationale, co-auteure pour le magazine géopolitique Le Dessous des Cartes à l’antenne d’Arte depuis 1990, et cofondatrice du Lépac (Laboratoire d’Études Politiques et Cartographiques), a récemment lancé Le Grand défi (ex Convention21). Avec 150 représentants d’entreprises françaises tirées au sort, cette initiative inspirée de la Convention citoyenne pour le climat, vise à formuler 100 recommandations d’actions prioritaires pour « décarboner l’économie, régénérer la biosphère et mettre en œuvre une économie compatible avec les limites planétaires ». Les acteurs des médias sont appelés à y prendre part. Entretien.


Comment appréhendez-vous la place des médias aujourd’hui ?

Je pense qu’il devient urgent de repenser la sphère médiatique, qui diffuse chaque jour un lot d’informations négatives, pas toujours représentatives de la réalité mais presque toujours anxiogènes.

Je ne supporte plus d’écouter les informations ou de les regarder à la télévision. L’information en continu ne m’apporte rien de neuf sur ma vision du monde. Je préfère lire la presse qui offre un recul sur l’actualité chaude. Le monde médiatique dans lequel je me retrouve est celui qui prend le temps d’analyser et d’être au plus près des faits. Réaliser une émission de vulgarisation scientifique comme Le Dessous des Cartes, nécessite un arbitrage long et coûteux. Je suis consciente que la pression économique et rédactionnelle empêche les journalistes de s’adapter à ce modèle, et c’est pour cela, je pense, que les médias doivent se réinventer.

A propos du climat, comment devrait-il être selon vous traité médiatiquement ?

Déjà, il faut enseigner ce volet de la réflexion sur le climat dans les écoles de journalisme. Si j’avais un conseil à adresser aux journalistes : lire la synthèse du GIEC et se former, par exemple avec la Fresque du Climat qui en simplement trois heures offre déjà une approche très enrichissante. Ensuite, tant que l’on pensera le climat comme devant se résumer à des pages « planète » au lieu de le considérer comme un sujet transversal, sociétal, politique et économique, il sera très difficile de progresser. Les journalistes doivent saisir le climat non comme un sujet en soi, mais comme un sujet qui rassemble toutes les problématiques actuelles.

Sur le climat toujours, vous avez récemment lancé le projet du Grand Défi des entreprises pour la planète.

L’idée est née avec la Convention citoyenne pour le climat qui, au-delà des polémiques autour de la loi climat a montré l’importance de la pédagogie et du rôle de l’information pour éclairer la décision. Partant de là, nous avons donc décidé avec Jérôme Cohen [Président d’ENGAGE, dont l’ambition est « d’aider les citoyens et les entreprises à se saisir des grands défis du XXIe siècle »] d’adapter ce format aux entreprises, afin de les intégrer au processus de transition écologique. Car les entreprises sont clairement au cœur de la transition. Nous avons donc d’abord écrit une tribune, qui a été signée par plusieurs centaines de scientifiques, d’intellectuels, d’associations, et publiée dans les Échos en décembre 2020. C’est ainsi qu’est né le Grand défi.

Pour avoir un débat le plus inclusif et ouvert possible, nous avons ensuite défini un processus en trois phases.

La première est une phase de consultation des parties prenantes de l’entreprise, mais aussi de la société civile organisée et des territoires.

La seconde phase est celle de l’élaboration des 100 propositions d’actions par les représentants de 150 entreprises tirés au sort. Pour mener leurs travaux, ils seront répartis en trois collèges (dirigeants, salariés et investisseurs) et suivront une session qui leur permettra de « mettre à niveau » leurs connaissances et objectifs sur le climat et la biodiversité

La troisième phase est celle de la diffusion. Par exemple, les propositions seront remises aux acteurs économiques mais aussi à la nouvelle assemblée et au nouveau gouvernement. Au même moment, nous lancerons une plateforme collaborative dédiée à la transformation des entreprises afin qu’elles y trouvent aussi bien des données et des analyses que les outils nécessaires et les solutions disponibles. Pendant cette phase, les médias seront des acteurs clés du succès.

Que souhaitez-vous faire aboutir avec ce processus de convention climat qui impliquera très fortement le monde entrepreneurial ?

Encore aujourd’hui, l’entreprise à la française se pense comme un système pyramidal. Or l’efficacité d’organisations comme Le Grand Défi, Time For The Planet [mouvement visant à rassembler 1 milliard d’euros pour créer 100 entreprises luttant contre le réchauffement climatique] ou d’autres, s’explique par le pari de l’intelligence collective. Notre société change et s’adapte aux nouvelles mentalités. La nouvelle génération se pense comme un collectif. Elle partage tout : les appartements, les vélos, l’engagement et les convictions. Une entreprise qui intégrera l’inclusivité et le collectif prendra de l’avance sur les autres. La réflexion sur le climat et la construction d’un avenir commun ont dessiné de nouvelles perspectives d’entrepreneuriat coopératif. Il faut comprendre que la relation hiérarchique professionnelle n’est plus ajustée aux réalités sociétales. Le bien commun semble reprendre du terrain aux intérêts particuliers. Serait-ce le grand retour d’une société unie par un récit collectif ?

Comment les médias peuvent-ils prendre part à ce changement ?

Déjà, en rapportant ce récit collectif qui est en train d’émerger. Ensuite, il faut repenser la galaxie de l’information. On sait qu’une majeure partie de la population s’informe sur les réseaux sociaux. Aussi les influenceurs et youtubeurs doivent être autant considérés que les médias traditionnels. La clé de ce changement c’est la pédagogie et l’enseignement. C’est pourquoi le Grand Défi tient à embarquer les médias dans cette aventure. Ils se doivent d’être acteurs d’une information libre et documentée pour lutter contre l’information qui désespère et l’éco-anxiété. La situation est grave mais la seule solution c’est de continuer d’espérer et de s’engager. L’action libère et rend optimiste. ■

Propos recueillis par Gilles Vanderpooten

L’interview de François Saltiel, journaliste et membre du Prix Reporters d’Espoirs

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« Les réseaux sociaux peuvent créer de l’engagement, de l’espoir et des réactions positives, plus qu’aucun média n’aurait pu imaginer »

François Saltiel, journaliste à Arte et France Culture, enseignant à l’IFP (Institut Français de Presse) et cofondateur de l’association d’éducation aux médias et du Festival Txiki dans les Pyrénées-Atlantiques, rejoint le jury du Prix Reporters d’Espoirs 2021 dont les lauréats seront dévoilés le 24 juin. Il nous confie son regard sur les nouveaux médias, revient sur son parcours, et partage la manière dont il voit évoluer ses étudiants de 20 ans -lui qui fête tout juste son 40e anniversaire – auprès desquels il enseigne le journalisme.


Gilles Vanderpooten – De ton ouvrage « Le vendeur de thé qui changea le monde avec un hashtag » (Flammarion, 2018) ressort l’idée que les réseaux sociaux peuvent être utiles et diffuser l’envie d’agir. « Un magnifique tapis volant à emprunter pour découvrir le monde » écris-tu.

François Saltiel – On a souvent tendance à ne considérer que les aspects négatifs des réseaux sociaux. Ils existent mais permettent aussi à des gens des quatre coins du monde de se rejoindre sur une idée, se fédérer, se rencontrer et parvenir à faire avancer les choses. #MeToo est un bel exemple : il a libéré la parole des femmes et l’écoute des hommes et a mis sur le devant de la scène la question du harcèlement. Il a permis une prise de conscience et dans certains cas un renforcement du système législatif. De même #Blacklivesmatter a permis de rendre visible la violence policière à l’égard d’une communauté et de faire en sorte que les gens se réunissent. Je trouve que ce sont des usages qui montrent la force et la puissance des réseaux sociaux.

« Le vendeur de thé qui changea le monde avec un hashtag », que j’évoque dans l’un des chapitres du livre, c’est l’histoire d’une photographie d’un très beau vendeur de thé pakistanais de 18 ans qui a été massivement diffusée sur les réseaux sociaux au moment où le contexte politique était très tendu entre l’Inde et le Pakistan, notamment dans la région du Cachemire. Cette photographie est parvenue à fédérer et apaiser les tensions entre des Indiens et des Pakistanais qui ensemble se sont mis à la relayer. A son insu, le vendeur de thé est devenu une sorte d’ambassadeur, le temps d’une trêve, de la trêve du thé. C’est un exemple témoignant que les réseaux sociaux peuvent créer de l’engagement, de l’espoir et des réactions positives, plus qu’aucun média n’aurait pu imaginer.

Comment mets-tu en pratique l’idée d’être « reporter d’espoir »?

Je me rends compte que mes chroniques même les plus légères suscitent l’intérêt des gens parce qu’il y a un véritable besoin d’espoir, une envie, dans un espace médiatique assez saturé d’informations négatives qui se répètent. J’essaie de relayer au maximum les histoires de femmes et d’hommes qui se regroupent, militent, se lancent des défis sur les réseaux sociaux pour nettoyer les plages, les rues, distribuer de la nourriture à des gens qui en ont besoin. Ces histoires suscitent un élan favorable. J’essaie par cette pratique de casser le cliché journalistique selon lequel il serait nian-nian de parler des choses qui vont bien.

Quelques mots sur ton parcours dans le monde des médias ?

J’ai démarré le journalisme quand j’avais 20 ans grâce à un stage à la rédaction de Culture Pub, une émission qui a marqué ma génération, et j’y suis resté assez longtemps. De petits reportages en plus grands formats de 52 minutes, j’ai fait de la production et de la radio. Jusqu’à ce que j’arrive il y a cinq ans sur le plateau de 28 Minutes sur Arte [rendez-vous quotidien d’Arte pour décrypter l’actualité en France et à l’international, animé par Elisabeth Quin et Renaud Dély].

En parallèle j’anime des émissions de débats sur France Culture.

J’anime aussi une association d’éducation aux médias avec laquelle j’organise des événements, dont le Txiki festival qui réunit chaque année des enfants autour du cinéma et de l’éducation aux images, et mène des interventions dans les collèges et lycées. Il me parait essentiel de donner des outils à la nouvelle génération pour la compréhension des usages du numérique. On dit souvent que c’est la génération des « digital natives » et que les outils numériques n’ont aucun secret pour eux. C’est un mythe : ce n’est pas parce que tu as grandi avec que tu sais t’en servir.

Tu côtoies les jeunes également en tant qu’enseignant en journalisme.

J’enseigne à Paris II, à l’IFP (Institut Français de Presse) et ai enseigné durant dix ans à Paris III – Sorbonne-Nouvelle. L’enseignement a toujours accompagné mon parcours. Je fais partager mon savoir et je reçois des étudiants leur expérience, leur vision du monde, leur manière d’aborder les médias. L’un des problèmes de notre société étant le cloisonnement générationnel, je suis convaincu qu’il faut trouver un moyen de se reconnecter. L’université me sert à prendre le pouls d’une jeunesse qui m’aurait sans doute échappé si je n’étais pas enseignant.

Cette jeunesse qui a 20 ans en 2021, aborde-t-elle le métier d’une manière spécifique ?

Je trouve la jeunesse d’aujourd’hui plus aguerrie aux pratiques du métier, plus critique, plus consciente que l’était ma génération, peut-être parce qu’elle dispose d’outils plus sophistiqués. Les jeunes de 20 ans sont conscientisés, avec une véritable prise de position. Ils ont d’ailleurs souvent une lecture très subjective des choses.

Je pense qu’un journaliste subjectif, incarné, peut exister. On sait tous que lorsqu’on aborde un sujet on y va avec un a priori, avec une idée, avec une pensée. Il faut être assez mature, honnête, pour se rendre compte que ce que tu pensais au départ va être contredit par la réalité du terrain. On a tendance dans le journalisme à raconter les choses de manière manichéenne. Un gentil et un méchant, c’est plus facile à appréhender. La difficulté dans ce métier est d’accepter et d’intégrer la nuance, et surtout, de la transmettre. La jeunesse a peut-être une vision du monde un peu fermée, ancrée, qui se confronte à la réalité lors de ses premiers pas dans le métier. Mais je préfère un jeune qui a une vision un peu radicale plutôt qu’un jeune qui n’a pas de vision du tout.

 

Il faut donc une bonne dose de curiosité lorsqu’on est journaliste, pour s’aventurer au-delà de ses sujets de prédilection !

Oui, on dit qu’il faut « savoir penser contre soi-même », sortir de sa zone de confort, être curieux. On a tendance à mettre naturellement à l’écart les sujets que nous ne connaissons pas, par facilité. Je crois beaucoup que la curiosité journalistique nous amène à nous intéresser à des thématiques qui a priori ne nous intéressaient pas, et qui se révèlent finalement passionnantes… et parfois davantage que nos sujets de prédilection. Un journaliste n’est pas un sachant ni un expert, il apprend beaucoup pour transmettre au mieux, et c’est ce qui est si passionnant dans ce métier : l’on ne cesse d’apprendre.

Tu nous fais le plaisir de rejoindre le jury du prix Reporters d’Espoirs. Qu’en attends-tu ?

J’attends de la surprise ! Quand je dis surprise, ce n’est pas forcément un artifice, je n’attends pas des productions fantasques, j’attends une surprise qui n’est pas gratuite. Le sel d’un reportage n’est pas toujours dans l’originalité du sujet, mais aussi dans la personnalité du journaliste : son angle, son écriture, le ton utilisé, au service du message et des informations transmises.

Propos recueillis par Gilles Vanderpooten


A propos de Reporters d’Espoirs & du Prix

Le Prix Reporters d’Espoirs met à l’honneur depuis 2004 les journalistes, innovateurs des médias, et étudiants-futurs professionnels des médias, pour leurs sujets traités sous l’angle « problème + solution ». Il a distingué plus de 100 lauréats depuis sa création, et célèbrera en 2021 sa 11e édition. Le Prix a permis à des journalistes de défendre leur travail au sein de leur rédaction, de gagner en notoriété auprès du public, de maintenir ou développer leurs rubriques, ou encore de convaincre leur média de la pertinence du journalisme de solutions. Le Prix s’inscrit dans la mission de Reporters d’Espoirs « pour une info et des médias qui donnent envie d’agir ».

Marie-Christine Saragosse, présidente de France Médias Monde et membre du jury du Prix européen

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« Le journalisme de solutions, c’est un journalisme qui ne se détourne pas du réel mais qui invite à agir, qui permet de croire en l’avenir. »

Marie-Christine Saragosse a dès le début de sa carrière travaillé dans le secteur public audiovisuel, tout d’abord au Ministère de la Communication (SJTI) puis au sein du cabinet du Ministre déléguée à la Francophonie. Après avoir dirigé pendant deux ans la direction de la coopération culturelle et du français au Ministère des Affaires étrangères, elle a été rappelée en 2008 à la direction générale de TV5MONDE. Elle est nommée en 2012 Présidente directrice générale de l’Audiovisuel Extérieur de la France, dont la dénomination sociale est devenue France Médias Monde en 2013.


Merci Marie-Christine Saragosse de nous faire le plaisir et l’honneur de rejoindre le jury de cette première édition du Prix européen du jeune reporter ! En quoi partagez-vous la démarche qui nous anime ?

Merci à Reporters d’Espoirs de m’avoir invitée à rejoindre ce jury ! J’ai accepté cette invitation d’abord parce que je suis avec beaucoup d’intérêt les initiatives portées par Reporters d’Espoirs, que nos médias RFI, France 24 et MCD relaient régulièrement. L’information internationale est le cœur de métier des journalistes de notre groupe, mais ils sont aussi extrêmement conscients de la responsabilité sociétale qui est la leur à travers les contenus qu’ils produisent et qui sont suivis chaque semaine par plus de 240 millions de personnes sur les cinq continents. Si l’information « chaude », experte, vérifiée, indépendante et honnête est évidemment notre mission première, nos reportages et nos magazines mettent aussi l’humain au cœur des programmes et ont l’ambition d’encourager à agir, dans tous les domaines. La pandémie a accentué cette prise de conscience de l’importance de ce qu’on qualifie parfois de « journalisme positif » ou « de solutions ». C’est une aspiration des citoyens de la planète en souffrance, d’être inspirés par des exemples de solidarité, des initiatives qui donnent confiance en l’avenir, dans le génie humain… dans l’humanité.

 

Avec France Médias Monde, votre terrain de jeu, c’est la planète ! L’Europe est-elle une entité qui vous importe d’un point de vue culturel, littéraire, ou politique ?

L’Europe est l’un de nos grands bassins de diffusion et d’audience, mais c’est surtout notre continent d’ancrage. Nous proposons beaucoup de contenus, près de 30 heures hebdomadaires, pas seulement sur l’Europe politique et institutionnelle, mais aussi sur l’Europe des 500 millions de citoyens qui l’habitent et la vivent au quotidien.

Nous partageons en Europe des valeurs humanistes, nous poursuivons des projets communs. À l’heure où le Royaume-Uni a quitté l’Union et alors que nous peinons à trouver des solutions à des crises multiples (Covid-19, vague migratoire, terrorisme…), nous devons redoubler d’efforts autour de cette idée de construction européenne qui repose sur un projet de paix, sans doute le bien le plus précieux et dont avons peut-être un peu oublié la valeur. Pour cela, il est essentiel de contribuer à forger cette « conscience européenne », qui passe par notre capacité à s’approprier cet espace dans tout ce qui nous rapproche et dans nos différences.

C’est dans ce contexte que nous lancerons dans les prochaines semaines, avec nos partenaires allemands de Deutsche Welle et une dizaine de médias dans six pays européens, un média numérique en six langues à destination des jeunes sur les réseaux sociaux. Baptisée « ENTR », cette offre  100% vidéo proposera des contenus sur toutes les thématiques qui suscitent l’intérêt et font le plus réagir les jeunes, où qu’ils se trouvent, en s’adressant à eux dans leur langue maternelle et à travers les nouveaux modes narratifs de l’information.

 

À propos de France et de Francophonie : comment voyez-vous évoluer l’appétence que les gens leur portent à l’extérieur ?

À en croire les résultats de nos médias en forte croissance sur tous les continents, je ne peux que constater que cette appétence pour notre pays et pour la francophonie existe. De la même manière la langue française, qui partage avec l’anglais le privilège d’être parlée et enseignée sur les cinq continents, voit son nombre d’apprenants continuer d’augmenter selon l’Observatoire de la langue française. Dans une étude internationale réalisée il y a quelques années, la France était qualifiée « d’enfant terrible du monde », décrite comme un pays amoureux de la culture et du « beau », ayant parait-il inventé la liberté (selon John Kerry après l’attentat de Charlie Hebdo), un pays impertinent, râleur, raffolant du débat d’idées et des idées en général… mais aussi un pays de modernité, de créativité et de curiosité pour le reste du monde. Bien des citoyens du monde envient notre cadre social, nos droits et libertés… On s’en rend mieux compte lorsqu’on travaille à l’international : c’est souvent dans le regard des autres qu’on se voit le mieux !

 

Le Prix invite à la réalisation de reportages écrits sur des problèmes et des réponses concrètes et impactantes qui peuvent essaimer à l’échelle européenne. Y a-t-il un reportage de ce type, et « porteur d’espoirs », qui vous a marqué récemment ?

Je ne peux m’empêcher de penser à des réalisations de nos propres médias dans ce domaine. Certaines émissions les incarnent chaque semaine, que ce soit « Pas2Quartier » sur France 24 qui donne la parole aux jeunes menant des initiatives positives dans les banlieues françaises, ou alors nos émissions environnementales « Élément Terre » sur France 24 et « C’est pas du vent » sur RFI qui montrent comment des femmes et des hommes interviennent concrètement pour lutter contre le réchauffement climatique et donnent des clés à chacun pour agir. Je pourrais aussi évoquer « Le Club RFI » qui met à l’honneur les actions de terrain solidaires menées en Afrique par les Clubs RFI, là encore autour de la protection de l’environnement, mais aussi en termes de prévention sanitaire ou encore pour l’accès à l’éducation. Sur le plan européen, notre nouvelle offre ENTR sera beaucoup centrée sur cette idée de journalisme de solution et proposera des sujets inspirants, porteurs d’espoir pour les jeunes, dans leur langue maternelle.

 

Pour vous, un journalisme ou un média « de solutions », qu’est-ce que ça signifie ?

Le journalisme de solution, c’est un journalisme qui ne se détourne pas du réel mais qui invite à agir, qui permet de croire en l’avenir. C’est mettre en lumière et à la portée du plus grand nombre des parcours, des initiatives qui incitent l’ensemble de la société à s’engager dans la vie publique et qui mobilise le sens du collectif en chacune et chacun d’entre nous. C’est un journalisme qui sans faire preuve d’un angélisme naïf donne confiance en soi, en les autres, en le devenir de l’humanité.

 

Quel conseil voulez-vous adresser aux jeunes, journalistes ou apprentis-reporters (notez que le Prix est ouvert à tous les jeunes de 18 à 30 ans, journalistes ou non, peu importe leur parcours) qui postulent au Prix européen Reporters d’espoirs ?

Faire preuve de créativité (éviter de répéter ce que tout le monde dit), d’optimisme (le sens critique ne signifie pas la démolition systématique de toutes les actions et de toutes les idées), mais aussi de rigueur (ne pas se raconter d’histoire et bosser son sujet) ! J’attends que les candidates et candidats s’emparent d’un sujet qui nous surprenne et nous émeuve, mais nous apprenne aussi des choses utiles, nouvelles. Et j’ajoute qu’il est rare que le génie ne soit pas le fruit d’un gros travail…

 

Votre définition de l’Espoir ?

Pour moi, l’espoir ce n’est pas l’espérance qui a une connotation résignée et impuissante : je m’en remets à des forces extérieures à moi car je suis confrontée à quelque chose sur quoi je n’ai pas prise (il peut arriver dans la vie d’en avoir besoin néanmoins !). L’espoir c’est au contraire une invitation à l’action pour trouver une solution aux problèmes – car c’est possible -, pour améliorer la vie – car c’est possible. L’espoir trace un chemin dans une réalité qu’on a le pouvoir de rendre meilleure.

 

Propos recueillis par Gilles Vanderpooten, Reporters d’Espoirs.


A propos de Reporters d’Espoirs & du Prix

Le Prix Reporters d’Espoirs met à l’honneur depuis 2004 les journalistes, innovateurs des médias, et étudiants-futurs professionnels des médias, pour leurs sujets traités sous l’angle « problème + solution ». Il a distingué plus de 100 lauréats depuis sa création, et célèbrera en 2021 sa 11e édition. Le Prix a permis à des journalistes de défendre leur travail au sein de leur rédaction, de gagner en notoriété auprès du public, de maintenir ou développer leurs rubriques, ou encore de convaincre leur média de la pertinence du journalisme de solutions. Le Prix s’inscrit dans la mission de Reporters d’Espoirs « pour une info et des médias qui donnent envie d’agir ».

Gian-Paolo Accardo, membre du jury du Prix européen – La rencontre

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Gian-Paolo Accardo est un journaliste italo-néerlandais né à Bruxelles, fondateur et rédacteur en chef du site d’information Voxeurop (www.voxeurop.eu). Il a précédemment été rédacteur en chef adjoint de Presseurop.eu, de Courrier international et correspondant pour Internazionale, des médias réputés pour leur ouverture sur les langues européennes et leur horizon s’étendant au-delà des frontières nationales. Vous l’avez peut-être également entendu sur les ondes de France Inter, où il a longtemps contribué aux émissions dédiées au continent comme « Allô, l’Europe » et « Transeuropéenne » aux côtés de José-Manuel Lamarque et Emmanuel Moreau.


 

L’Europe, à vos yeux et par votre parcours, est une évidence !

Complètement. J’ai grandi et fait mes études entre Bruxelles, Rome et Paris. Après des stages et des piges entre la France et l’Italie, mon premier poste était à Internazionale, l’homologue italien de Courrier international, que j’ai rejoint par la suite à Paris et où je suis resté une quinzaine d’années. Mes cinq dernières années là-bas d’ailleurs ont été consacrées à PressEurop, traitant de l’actualité européenne en dix langues. En 2014, nous reprenions cette ligne éditoriale avec la même équipe mais sous un autre nom : c’est la naissance de Voxeurop, pour lequel je travaille toujours avec autant d’acharnement et de passion.

Pourquoi Voxeurop ? Avez-vous identifié un manque dans le paysage médiatique ?

Depuis que je m’intéresse à la presse et à l’information européenne, je remarque que l’Europe est de plus en plus intégrée mais qu’il n’existe pas de média européen ou paneuropéen pour la raconter, pour aborder les grandes thématiques qui circulent sans frontières notamment le climat, l’éducation ou encore le chômage des jeunes. Au niveau de l’Union européenne, nous avons trois piliers que sont le législatif, le judiciaire et l’exécutif sans pour autant avoir le quatrième pouvoir que constitue une presse libre et indépendante.

Pour toucher un maximum de lecteurs européens, vous avez décliné Voxeurop en plusieurs langues.

Nous pensons que si l’on souhaite s’adresser aux citoyens européens, il faut s’adresser à chacun dans sa langue. Aujourd’hui, les contenus de Voxeurop sont disponibles en anglais, français, italien, allemand et espagnol.

 

Le journalisme de solutions, est-ce une démarche qui vous parle et que vous pratiquez ?

Par nature, j’ai tendance à penser que « good news is no news »… mais que cet adage était valable jusqu’à une époque où le nombre de bonnes nouvelles était relativement élevé. Avec la crise, nous avons pu observer l’émergence d’une résistance par rapport aux mauvaises nouvelles, qui coïncide avec une baisse du budget consacré à la réalisation des reportages, qui sont les plus vecteurs de bonnes nouvelles. Le journalisme de solutions s’est affirmé au moment où la crise est devenue plus importante parce que les citoyens étaient plus réceptifs. Le journalisme de solutions, pratiqué avec rigueur et déontologie, n’est d’ailleurs pas en contradiction avec la Charte de Munich, un des documents de référence de l’éthique journalistique. L’enthousiasme et l’engagement dans l’information ne sont pas à proscrire dans la mesure où ils sont transparents.

Nous concevons à Reporters d’Espoirs le journalisme de solutions comme une méthode, et estimons que chaque journaliste peut faire preuve du même professionnalisme, du même regard critique et détachement vis-à-vis du sujet de son reportage, qu’il traite de problème ou de réponse à un problème. Il peut tout à fait traiter de réponses concrètes, de prise d’initiative, sans pour autant être engagé ou céder à l’éloge !

Le journaliste est un être humain. Aussi, prétendre qu’il est neutre partout et tout le temps est une chimère. Dans les reportages, par exemple, l’auteur ne se met pas forcément en retrait. Cela aide d’ailleurs le lecteur à se plonger dans son travail. La clé est l’honnêteté dans la transmission de l’information et la transparence à l’égard du lecteur.

Pensez-vous qu’il existe un journalisme européen ?

Le journalisme européen est composite. Je distingue le journalisme paneuropéen, tel qu’il est pratiqué par Voxeurop avec une vision transnationale, des journalismes nationaux qui composent une mosaïque de pratiques distinctes formant un tout. Dans les coalitions de grands quotidiens européens comme LENA (Leading European Newspaper Alliance, rassemblant 7 journaux de 7 pays) ou Europa, un des principaux obstacles que rencontrent les rédactions est que l’adaptation des articles entre les différents médias est relativement difficile. De ce point de vue, il n’y a pas un journalisme européen unique mais toute une mosaïque de pratiques journalistiques à l’échelle européenne.

Merci Gian-Paolo de rejoindre le jury du Prix européen du jeune reporter. En quoi vous retrouvez – vous dans cette initiative ?

Je suis tout à fait curieux de découvrir le fonctionnement du journalisme de solutions, les sujets qui intéressent les jeunes reporters tout autant que le langage qu’ils utilisent. C’est une opportunité de plonger dans le bain de la nouvelle génération de reporters. Enfin, si les reportages des lauréats du Prix européen du jeune reporter sont de grande qualité, il me semble envisageable de les publier et de les traduire en plusieurs langues sur Voxeurop.

Propos recueillis par Inès Barbe et Gilles Vanderpooten, Reporters d’Espoirs.


A propos de Reporters d’Espoirs & du Prix

Le Prix Reporters d’Espoirs met à l’honneur depuis 2004 les journalistes, innovateurs des médias, et étudiants-futurs professionnels des médias, pour leurs sujets traités sous l’angle « problème + solution ». Il a distingué plus de 100 lauréats depuis sa création, et célèbrera en 2021 sa 11e édition. Le Prix a permis à des journalistes de défendre leur travail au sein de leur rédaction, de gagner en notoriété auprès du public, de maintenir ou développer leurs rubriques, ou encore de convaincre leur média de la pertinence du journalisme de solutions. Le Prix s’inscrit dans la mission de Reporters d’Espoirs « pour une info et des médias qui donnent envie d’agir ».

Entretien avec Alexia Kefalas, membre du jury du Prix européen

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« Le journaliste retranscrit ce qu’il observe, tel Hermès, le messager des Dieux de l’Olympe ».

Après des études en France au cours desquelles elle travaille comme correspondante du quotidien grec Ta NEA, Alexia Kefalas repart en Grèce, où elle collabore au quotidien grec Kathimerini et devient correspondante du Figaro, de Courrier International ainsi que des chaînes de télévision France 24, TV5MONDE, TSR et de la radio RTL.


Merci Alexia de nous faire le plaisir de rejoindre le jury de cette première édition du Prix européen du jeune reporter ! En quoi partagez-vous la démarche qui anime Reporters d’Espoirs ?

Tout d’abord merci pour votre invitation. J’aime promouvoir mon métier. Il m’a toujours passionné et continue à le faire. L’essentiel est de transmettre. Nous avons un métier exigeant face à l’infobésité, nous devons donc répondre par nos fondamentaux, double checker, filtrer, et intéresser. Le journaliste ne fait le jeu de personne, il retranscrit ce qu’il observe tel Hermès, le messager des Dieux de l’Olympe. Nous avons besoin d’avoir de modèles qui donnent un sens en ces temps difficiles.

Votre définition de lEspoir ?

On dit souvent que l’espoir est le pilier du monde. J’adhère aussi à la vision de Jon Agee dans « Le bon côté du mur » qui dévoile une histoire métaphorique qui évoque avec humour les murs ou autres frontières que les humains érigent par peur de l’autre. L’Espoir, c’est de ne pas dresser ces murs..

Comment le journaliste peut-il lincarner ?

Nous pouvons apporter des outils, retranscrire notre expérience du terrain, croiser nos infos avec des analystes, écrivains ou experts pour mieux décrypter. Fondamentalement, notre rôle est de donner des clés pour une meilleure compréhension dans un monde complexe. Ainsi, plus nous nous informons et plus notre champ est éclectique pour trouver des solutions.

Vous êtes correspondante de plusieurs médias français, comme Le Figaro, depuis la Grèce. Comment définiriez-vous le lien que vous entretenez dune part avec la Grèce, dautre part avec la France ?

C’est un lien européen. Nous sommes une vraie fédération d’Etats qui ont chacun une histoire mais aussi des racines communes. Cette année, nous fêtons le bicentenaire de la Révolution grecque. Cette dernière est intervenue en 1821, dans la lignée de la Révolution française. Et c’est grâce aux philhellènes (amis de la Grèce) que les Grecs ont pu se relever et surtout se soulever contre le joug ottoman. Ce joug a duré 400 ans, on le retrouve même sur les 400 plis de la fustanelle, jupette portée par la garde présidentielle de la place Syntagma à Athènes.

L’amitié franco-grecque résulte d’une influence mutuelle qui a traversé les siècles. La crise greco-turque en est un exemple phare. Elle est très actuelle et très dangereuse. La France a été l’un des seuls Etats à réagir concrètement, sur le terrain.

LEurope est-elle une entité qui vous semble essentielle dun point de vue culturel, littéraire, ou politique ?

Evidemment. Même si des ratés ont encore eu lieu récemment avec la problématique des vaccins. Toutefois et malgré les erreurs sur la crise grecque, la Grèce reste attachée à son appartenance à l’Union européenne. C’est une Europe qui n’est pas parfaite mais il y a des solidarités internes pour aller de l’avant et faire avancer la construction européenne vers un horizon commun. D’ailleurs Europe tient son la mythologie grecque!

Vous qui côtoyez la Grèce comme la France et qui observez lAllemagne, pensez-vous pertinent de parler de « peuple européen » ?

Même si LE peuple européen n’a pas d’existence véritable, il reste que LES peuples européens existent. L’Europe se doit de promouvoir des valeurs européennes et de les entretenir afin de perpétuer cette appartenance à une entité commune. L’Europe est une structure, les peuples sont libres de circuler. Nous avons tendance à tourner le dos au passé mais finalement, nous sommes tous des réfugiés de l’Histoire. Je préfère parler d’un « peuple du monde ».

Quelle place occupe la francophonie en Grèce ?

La francophonie recule dans le monde entier. Les instituts français ont tendance à fermer, en Grèce notamment. C’est regrettable mais ne le considérons pas comme une fatalité, regardons vers l’Afrique, où l’essor de natalité, rime avec la transmission de la langue française. Cette francophonie peut tout à fait renaitre, c’est justement la force de la langue française.

Des reportages « porteurs despoirs » vous ont-ils particulièrement touchée récemment ?

Je citerais volontiers le portrait d’Albert Bourla. Né en Grèce, à Thessalonique, dont les parents ont été déportés. Après des études de vétérinaire, il a gravit les échelons et est désormais le directeur général de Pfizer depuis le 1er janvier 2019. L’une de ses premières décisions à été de construire un centre de data à Thessalonique.

Un deuxième exemple : celui d’un jeune réfugié guinéen. Il n’avait pas obtenu l’asile et pourtant il a été accepté à SciencesPo. Après un reportage sur son parcours, une mobilisation s’est déclenchée en France pour l’accepter et l’accompagner dans son cheminement. J’ai aussi réalisé un reportage pour France 24 sur Alia Camara, un jeune réfugié guinéen arrivé dans le camp de Moria à Lesbos, qualifié de « camp de la honte ». Tout ce qu’il aimait, c’était le football. Il s’en est sorti et a pu intégrer une équipe de football  grecque (Panionos).

Avez-vous un conseil à adresser aux candidats au Prix européen du jeune reporter despoirs ?

Déjà, Jules Vernes s’interrogait sur le futur du journaliste. Aujourd’hui une grande prolifération d’information avec, notamment, les réseaux sociaux et les chaînes d’infos parfois anxiogènes. Il faut garder le cap vers un journalisme qui sépare la nouvelle de l’analyse, et éviter les formules toutes faites pour éviter de succomber à la filature de l’émotion. Ce sera mon conseil.

Propos recueillis par Inès Barbe.


A propos de Reporters d’Espoirs & du Prix

Le Prix Reporters d’Espoirs met à l’honneur depuis 2004 les journalistes, innovateurs des médias, et étudiants-futurs professionnels des médias, pour leurs sujets traités sous l’angle « problème + solution ». Il a distingué plus de 100 lauréats depuis sa création, et célèbrera en 2021 sa 11e édition. Le Prix a permis à des journalistes de défendre leur travail au sein de leur rédaction, de gagner en notoriété auprès du public, de maintenir ou développer leurs rubriques, ou encore de convaincre leur média de la pertinence du journalisme de solutions. Le Prix s’inscrit dans la mission de Reporters d’Espoirs « pour une info et des médias qui donnent envie d’agir ».

[Sur la route du tour] Rencontre avec Chantal Pétillat, rédactrice en chef de La Nouvelle République du Centre-Ouest

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« En plus de donner un formidable écho aux initiatives locales, pratiquer le journalisme de solutions est formateur et stimulant pour la rédaction d’un journal régional comme le nôtre »

 

Chantal Pétillat est la rédactrice en chef de La Nouvelle République du Centre-Ouest, journal qui irrigue quotidiennement à plus de 150 000 exemplaires les régions Centre-Val de Loire et Nouvelle-Aquitaine. Nous l’avons rencontrée ce mardi à Tours en compagnie de Mémona Hintermann et d’une trentaine de journalistes connectés depuis quatre départements, à l’occasion de la première étape du « Tour des Reporters d’Espoirs ». Cette initiative nous conduit tout au long de l’année 2021 à rencontrer médias et écoles de journalisme des régions de France.

Chantal, la presse régionale et vous, c’est une longue histoire, une véritable passion !

L’Institut de journalisme Bordeaux Aquitaine (IJBA) où j’ai réalisé mes études, m’a donné l’occasion de toucher un peu à tout : radio, télévision et presse écrite. La presse écrite m’a tout de suite intéressée, en lien sans doute avec la licence d’histoire que j’avais obtenue auparavant.

J’ai travaillé dans plusieurs quotidiens, à Sud-Ouest et au Courrier Picard, avant de rejoindre La Nouvelle République, où je pense avoir occupé tous les postes envisageables. Rédactrice dans une départementale, secrétaire de rédaction, et surtout « localière » dans des bureaux détachés – autrement dit journaliste qui couvre une zone géographique en particulier. C’est ainsi que j’ai réalisé toute ma carrière jusqu’à présent dans la presse quotidienne régionale.

Jusqu’à aboutir à la rédaction en chef !

Oui et, entre temps, j’ai formé la rédaction à une nouvelle ligne éditoriale, j’ai pu travailler au secrétariat général de la rédaction, ou encore être détachée sur le numérique.

Quelles sont vos thématiques de prédilection ?

Toutes les thématiques m’intéressent ! Et d’être « localière » m’a passionné, avec cette idée de proximité avec un territoire que l’on appréhende dans sa profondeur et à travers ses spécificités économiques et sociales. Ce qui est enrichissant, c’est la grande diversité des rencontres.

Quelle est votre conception d’un « journalisme de solutions » ?

Il s’agit de donner la parole à celles et ceux qui agissent concrètement dans la perspective de faire bouger les lignes. Nous suivons les initiatives dans le temps. Nous racontons leurs difficultés, leurs réussites. Nous les mettons « en vitrine ».

C’est un élément de la raison d’être de la presse quotidienne régionale ?

Complètement. La presse quotidienne régionale diffuse des solutions auprès des lecteurs mais aussi auprès des acteurs locaux. Sa force est le maillage serré des territoires. Les médias nationaux en tirent d’ailleurs d’innombrables idées. Nous mettons la lumière sur ces personnes qui innovent et qui font des choses parfois incroyables à leur échelle. Au-delà de la proximité, la presse quotidienne régionale bénéficie d’une vraie fiabilité.

Avez-vous une rubrique dédiée aux initiatives ou est-ce une démarche transverse ?

Prenons une illustration. Lorsque nous réalisons le portrait de Solange qui accueille des personnes âgées chez elle dans une petite ville. A travers son histoire, nous en venons à envisager la question des personnes âgées dans sa globalité, problématique qui relève de la politique sociale. Ainsi, nous mettons en lumière des initiatives, pour les contextualiser dans une problématique globale rencontrée sur le territoire.

On pourrait dire que l’on pratique cette démarche depuis longtemps sans le savoir. D’un autre côté, il faut admettre que le journalisme de solutions ne parle pas encore à l’ensemble des journalistes. Je suis convaincue qu’il s’agit d’un chemin que l’on doit approfondir. C’est en ce sens que nous avons participé à l’opération 24h pour La France des solutions coordonnée par Reporters d’Espoirs. Parce qu’en plus de donner un formidable écho aux initiatives locales, c’est formateur et stimulant pour notre rédaction.

Comment aller plus loin selon vous ?

Aujourd’hui, relayer les initiatives ne suffit plus. Il est désormais indispensable de s’interroger sur l’utilité du message. Le journaliste n’est plus seulement un fin observateur des territoires, le journal n’est plus uniquement le « miroir de la vie locale ». Il me semble que nous devons adopter de nouvelles façons de travailler sur les territoires, en coopération plus étroite avec les citoyens.

Vous avez déjà posé un nouveau jalon en ce sens, sur les questions climatiques et de biodiversité.

Nos journalistes ont en effet créé un groupe Facebook intitulé Foutue Planète ?. C’est un lieu qui est source d’enquêtes. On y partage informations, initiatives et réflexions sur l’environnement, le climat et la biodiversité. A l’initiative de cinq journalistes de La Nouvelle République et Centre Presse, il rassemble toutes les bonnes volontés qui veulent agir ou réagir face au dérèglement climatique.

 

Entretien entre Chantal Pétillat et Gilles Vanderpooten, retranscrit par Inès Barbe, Tours le 9 mars 2021.