« En plus de donner un formidable écho aux initiatives locales, pratiquer le journalisme de solutions est formateur et stimulant pour la rédaction d’un journal régional comme le nôtre »
Chantal Pétillat est la rédactrice en chef de La Nouvelle République du Centre-Ouest, journal qui irrigue quotidiennement à plus de 150 000 exemplaires les régions Centre-Val de Loire et Nouvelle-Aquitaine. Nous l’avons rencontrée ce mardi à Tours en compagnie de Mémona Hintermann et d’une trentaine de journalistes connectés depuis quatre départements, à l’occasion de la première étape du « Tour des Reporters d’Espoirs ». Cette initiative nous conduit tout au long de l’année 2021 à rencontrer médias et écoles de journalisme des régions de France.
Chantal, la presse régionale et vous, c’est une longue histoire, une véritable passion !
L’Institut de journalisme Bordeaux Aquitaine (IJBA) où j’ai réalisé mes études, m’a donné l’occasion de toucher un peu à tout : radio, télévision et presse écrite. La presse écrite m’a tout de suite intéressée, en lien sans doute avec la licence d’histoire que j’avais obtenue auparavant.
J’ai travaillé dans plusieurs quotidiens, à Sud-Ouest et au Courrier Picard, avant de rejoindre La Nouvelle République, où je pense avoir occupé tous les postes envisageables. Rédactrice dans une départementale, secrétaire de rédaction, et surtout « localière » dans des bureaux détachés – autrement dit journaliste qui couvre une zone géographique en particulier. C’est ainsi que j’ai réalisé toute ma carrière jusqu’à présent dans la presse quotidienne régionale.
Jusqu’à aboutir à la rédaction en chef !
Oui et, entre temps, j’ai formé la rédaction à une nouvelle ligne éditoriale, j’ai pu travailler au secrétariat général de la rédaction, ou encore être détachée sur le numérique.
Quelles sont vos thématiques de prédilection ?
Toutes les thématiques m’intéressent ! Et d’être « localière » m’a passionné, avec cette idée de proximité avec un territoire que l’on appréhende dans sa profondeur et à travers ses spécificités économiques et sociales. Ce qui est enrichissant, c’est la grande diversité des rencontres.
Quelle est votre conception d’un « journalisme de solutions » ?
Il s’agit de donner la parole à celles et ceux qui agissent concrètement dans la perspective de faire bouger les lignes. Nous suivons les initiatives dans le temps. Nous racontons leurs difficultés, leurs réussites. Nous les mettons « en vitrine ».
C’est un élément de la raison d’être de la presse quotidienne régionale ?
Complètement. La presse quotidienne régionale diffuse des solutions auprès des lecteurs mais aussi auprès des acteurs locaux. Sa force est le maillage serré des territoires. Les médias nationaux en tirent d’ailleurs d’innombrables idées. Nous mettons la lumière sur ces personnes qui innovent et qui font des choses parfois incroyables à leur échelle. Au-delà de la proximité, la presse quotidienne régionale bénéficie d’une vraie fiabilité.
Avez-vous une rubrique dédiée aux initiatives ou est-ce une démarche transverse ?
Prenons une illustration. Lorsque nous réalisons le portrait de Solange qui accueille des personnes âgées chez elle dans une petite ville. A travers son histoire, nous en venons à envisager la question des personnes âgées dans sa globalité, problématique qui relève de la politique sociale. Ainsi, nous mettons en lumière des initiatives, pour les contextualiser dans une problématique globale rencontrée sur le territoire.
On pourrait dire que l’on pratique cette démarche depuis longtemps sans le savoir. D’un autre côté, il faut admettre que le journalisme de solutions ne parle pas encore à l’ensemble des journalistes. Je suis convaincue qu’il s’agit d’un chemin que l’on doit approfondir. C’est en ce sens que nous avons participé à l’opération 24h pour La France des solutions coordonnée par Reporters d’Espoirs. Parce qu’en plus de donner un formidable écho aux initiatives locales, c’est formateur et stimulant pour notre rédaction.
Comment aller plus loin selon vous ?
Aujourd’hui, relayer les initiatives ne suffit plus. Il est désormais indispensable de s’interroger sur l’utilité du message. Le journaliste n’est plus seulement un fin observateur des territoires, le journal n’est plus uniquement le « miroir de la vie locale ». Il me semble que nous devons adopter de nouvelles façons de travailler sur les territoires, en coopération plus étroite avec les citoyens.
Vous avez déjà posé un nouveau jalon en ce sens, sur les questions climatiques et de biodiversité.
Nos journalistes ont en effet créé un groupe Facebook intitulé Foutue Planète ?. C’est un lieu qui est source d’enquêtes. On y partage informations, initiatives et réflexions sur l’environnement, le climat et la biodiversité. A l’initiative de cinq journalistes de La Nouvelle République et Centre Presse, il rassemble toutes les bonnes volontés qui veulent agir ou réagir face au dérèglement climatique.
Entretien entre Chantal Pétillat et Gilles Vanderpooten, retranscrit par Inès Barbe, Tours le 9 mars 2021.