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L’actu de Reporters d’Espoirs

« Lutter contre la morosité ambiante face aux défis d’un avenir incertain est un sujet primordial auquel je suis heureuse de contribuer. » Corinne Denis, présidente de Reporters d’Espoirs

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Corinne Denis est la Présidente de Reporters d’Espoirs. Jeune retraitée, elle a mené toute sa carrière dans le monde des médias. D’abord documentaliste, puis journaliste, puis enquêtrice, elle a été pionnière dans la numérisation des médias, ce pourquoi les États Généraux de l’Information ont fait appel à elle alors qu’ils s’intéressent aux défis des plateformes et de l’IA. Engagée dans le milieu associatif en région Occitanie, elle nous raconte son parcours.

Documentaliste, journaliste, puis dirigeante : vous avez fait carrière dans les médias. Qu’est-ce qui vous y destinait ?

Rien ne m’y destinait. Je faisais des études de biochimie et génétique à Jussieu et pour financer ma maitrise, j’ai trouvé un petit job à la documentation de L’Express. D’abord documentaliste scientifique puis journaliste, j’ai abandonné la recherche pour l’enquête. Je suis restée 30 ans dans ce groupe, où j’ai fait mes classes de reporter, dirigé la documentation, créé le site internet et dirigé le service multimédia avant de terminer comme directrice générale adjointe. J’ai ensuite rejoint Lagardère Active où j’ai dirigé la filiale numérique du Groupe, Lagardère digital France, et la filiale qui gère le publicité du groupe. La filiale média de Lagardère regroupait à la belle époque, entre autre, Paris Match, Elle, Télé 7 jours, Voici, Europe 1, Virgin, Gulli ou encore Doctissimo.fr.

Vous avez été pionnière dans la mutation numérique des médias… un peu par hasard !

Quand je dirigeais le service documentation de l’Express, je cherchais des débouchés pour les archives. Une société américaine, Compuserve, voulait s’implanter en France. C’était un réseau internet privé, et donc payant , comme AOL, qui a demandé à deux journaux, L’Express et Le Monde, s’ils étaient intéressés à travailler à la mise en ligne des archives sur leur réseau. Christine Ockrent, qui était directrice de la rédaction de L’Express à cette époque, m’a laissé le champs libre pour travailler avec eux. Nous avons donc été les premiers en France avec Le Monde à mettre nos archives en ligne. Parallèlement, Internet se développait. Et en 1997, j’ai proposé de créer un site web hébergé chez les américains. Une idée qui semblait incongrue à la direction du journal, qui trouvait que le Minitel, au moins, rapportait un peu d’argent !

A l’occasion d’un changement d’actionnaire nous avons donc, avec le directeur technique de la rédaction, crée le site web de L’Express… en un week-end ! Et depuis je n’ai plus quitté le domaine du développement numérique des médias. Une aventure de 25 ans avec l’arrivée du mobile et des applications, puis les tablettes, les réseaux sociaux et l’IA. Une révolution pour le secteur des médias et leurs modèles économiques mais aussi un travail collectif entre médias, grâce notamment au GESTE, le groupement des éditeurs numériques, que j’ai présidé pendant 4 ans.

Plus récemment, en 2023-2024, vous avez été participé aux États Généraux de l’Information, comme membre du groupe de travail « Espace informationnel et innovation technologique ». Qu’en retenez-vous ?

Nous avons auditionné de nombreux chercheurs et spécialistes du numérique et de l’intelligence artificielle (IA), avant de rendre nos conclusions -8 propositions- au CESE devant la Ministre de la Culture Rachida Dati.

Parmi les sujets sur lesquels nous avons planché, il y a celui du partage de la valeur entre médias d’information et plateformes. Aujourd’hui, les médias voient leurs contenus repris par des plateformes, qui s’enrichissent grâce à eux en captant la publicité, mais ne leur reversent toujours pas les droits d’auteurs qu’elles devraient. La majorité de la publicité numérique est captée par les plateformes au détriment des médias d’information. Les différentes négociations notamment celle concernant ce qu’on appelle les « droits voisins », visant à essayer de faire payer les plateformes, n’ont pas comblé les espoirs des éditeurs. L’IA vient compliquer l’exercice : les plateformes entrainent leurs algorithmes grâce au contenu créé par les médias d’information. Là aussi, comment les faire payer pour cet usage ?

Aujourd’hui, avec l’instabilité politique, nous ne sommes pas sûrs que nos conclusions vont aboutir. Beaucoup s’adressent surtout à la Commission Européenne. Pour forcer les plateformes à bouger, l’appui de l’Europe est indispensable.

Jeune retraitée dans le Sud-Est de la France, vous multipliez désormais les engagements associatifs. Vous faire « actrice de solutions », c’est important pour vous ?

Ne travaillant plus, j’ai du temps et j’ai envie de le mettre à disposition des causes qui me tiennent à cœur. Il y en a plusieurs : Reporters d’Espoirs bien sûr, 60 000 Rebonds, dont je fais partie du Conseil d’Administration en région Occitanie, la station locale Radio Fuze, et enfin Prima Vera, association qui organise aux côtés des enseignants des rencontres pour les élèves de collèges et lycées avec des artistes, des journalistes, des personnalités.

Lorsque j’ai quitté Paris au moment du Covid, l’important pour moi était de m’insérer dans le tissu social de ma commune. Alors nous avons décidé à quelques-uns, de créer un café associatif, Collor’Café, une façon de redonner vie à un village qui n’a pas de magasins et où les gens ne se croisent pas. Ce café existe depuis trois ans et il fonctionne bien.

Je m’implique aussi beaucoup dans l’association 60 000 rebonds qui aide les entrepreneurs qui ont fait faillite à rebondir. Dans mon parcours professionnel, j’avais créé un fonds média à L’Express pour financer des start-up. Je me suis intéressée au profil de jeunes dont la passion est d’entreprendre. Et plusieurs start up étaient incubées chez Lagardère digital France. A Paris et dans le numérique,

les échecs commençaient à être valorisés dans les CV de jeunes entrepreneurs comme une expérience enrichissante. En arrivant dans ma nouvelle région, j’ai compris que le tabou de l’échec était loin d’être tombé : notre vision en France pose un vrai problème. Quand des entrepreneurs déposent leur bilan, ils n’ont souvent plus de ressources, pas de chômage et finissent souvent au banc de la société et écartés de leurs anciens réseaux.

Pourquoi Reporters d’Espoirs ?

Reporters d’Espoirs est l’association qui me rapproche le plus de mon métier, le monde des médias dont je me suis éloignée en partant en province. Reporters d’Espoirs est une façon de rester en lien avec mon secteur de prédilection de toujours. Lutter contre la morosité ambiante face aux défis d’un avenir incertain, donner aux gens l’envie d’agir, face au doute et au complotisme, c’est un sujet primordial auquel je suis heureuse de contribuer.

Propos recueillis par Léa Varenne/Reporters d’Espoirs.

Lutter contre la machine : une campagne de journalisme de solutions dans les salles de rédaction locales du Royaume-Uni

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Lutter contre la machine, voilà un titre évoquateur qui permet d’introduire l’étude menée par trois chercheurs britanniques, Daniel Jackson, Antje Glück et An Nguyen et parue le 14 novembre 2024. Relayée par le Nieman Lab, organisme d’analyse de la presse américain, cette étude interroge la place du journalisme de solutions au sein des rédactions de presse locale et régionale. Dans un but croissant de lutte contre la fatigue informationnelle mais aussi le défaitisme qui s’abat sur les informés, ces travaux de recherche entendent poser un regard obtu sur la possibilité et la faisabilité d’implémenter, dans de petites structures telles que les rédactions de PQR, la méthode du journalisme de solutions.

Reporters d’Espoirs a choisi de traduire l’étude Fighting Against the Machine: Inside a Solutions Journalism Campaign in UK Local Newsrooms, disponible en open source, afin d’apporter un regard scientifique sur la viabilité de l’adaptation au journalisme de solutions à une échelle locale.

Le mouvement du journalisme de solutions (JOSO) prend de plus en plus d’ampleur, les organismes d’information du monde entier intégrant de plus en plus des pratiques de reportage sur la manière dont les gens répondent aux problèmes sociaux. Des recherches antérieures suggèrent que le JOSO a le potentiel de reconfigurer les relations entre le public et les journalistes, tout en ouvrant de nouvelles sources de revenus. Mais quels sont les obstacles auxquels le JOSO peut être confronté dans les salles de rédaction où le rythme est rapide et les ressources limitées, en particulier celles qui desservent des audiences locales ? Après une campagne d’un an au cours de laquelle nous avons contribué à introduire le JOSO dans 47 titres de presse locale au Royaume-Uni, nous commençons à répondre à cette question, sur la base d’entretiens avec huit mentors du JOSO, 17 journalistes et 10 rédacteurs en chef, ainsi que d’observations issues de forums de mentors. Alors que les journalistes voient de nombreux avantages à cette pratique, nous soulignons plusieurs obstacles à la mise en œuvre réussie du JOSO dans les médias locaux, notamment le temps et le flux de travail, les mesures et les récompenses institutionnelles, ainsi que l’engagement de la rédaction. En outre, nous identifions l’émergence d’une forme pragmatique de ce que nous appelons « JOSO lite », caractérisée par des informations qui contiennent des éléments de journalisme de solutions mais qui ne correspondent pas aux définitions largement utilisées suggérées par les leaders de l’industrie. Ces deux conclusions ont des implications pour l’orientation future de cette pratique journalistique émergente.

La négativité inhérente et le caractère conflictuel des reportages sont passés d’une simple « valeur d’information » à une « idéologie d’information » globale (Lengauer, Esser et Berganza 2012, 181). Un tel biais systémique de négativité dans les médias d’information (Soroka et McAdams 2015) n’est pas sans impact sur les publics de l’information. Au cours des dernières décennies, les téléspectateurs sont devenus « de plus en plus apathiques et frustrés » (McIntyre 2019, 17), les chercheurs avertissant que le flot de nouvelles négatives peut conduire à la passivité, à l’anxiété et à l’impuissance apprise (Urner 2019). En outre, la couverture du COVID-19 a montré que les gens recherchent des sources d’information alternatives lorsque la négativité des médias grand public est perçue comme trop élevée ou évitent complètement de consommer des informations (Newman et al. 2022 ; Nguyen et al. 2023 ; Toff et Kalogeropoulos, 2020). En effet, rien qu’au Royaume-Uni, l’évitement sélectif des nouvelles (l’évitement intentionnel de certaines nouvelles) a doublé entre 2017 et 2022 (Newman et al. 2022).

L’un des antidotes potentiels à ce malaise supposé est le journalisme de solutions (JOSO, voir Lough et McIntyre 2021). Un solide corpus de recherches montre l’impact positif du journalisme constructif et de solutions sur les émotions du public (Baden, McIntyre et Homberg 2019 ; McIntyre 2020 ; McIntyre et Lough 2023), l’engagement et l’intérêt pour les nouvelles (Meier 2018 ; Rice-Oxley 2018), la connaissance du public (Curry et Hammonds 2014), l’auto-efficacité (Curry et Hammonds 2014 ; Gielan, Furl et Jackson 2017) et l’autonomisation psychologique (Zhao, Jackson et Nguyen 2022). D’autres études suggèrent que le JOSO peut aider à rétablir la confiance dans les informations (Thier et al. 2021). Ensemble, bien qu’elles ne soient pas entièrement concluantes, ces preuves suggèrent que le SOJO pourrait avoir le potentiel de reconnecter et de réengager les journalistes avec leur public. C’est pourquoi les partisans du JOSO ont présenté un argumentaire convaincant en faveur de cette pratique, fondé sur la durabilité économique et la croissance des revenus (Solutions Journalism Network 2021).

Mais, compte tenu des pressions économiques croissantes qui s’exercent sur le secteur, quels obstacles la production du JOSO pourrait-elle rencontrer dans des salles de rédaction où le rythme est rapide et les ressources limitées, en particulier celles qui s’adressent à des publics locaux ? En outre, le JOSO pourrait-il reconfigurer les relations entre les publics et les journalistes sans grever davantage les ressources des salles de rédaction ? Dans cet article, nous faisons la lumière sur ces questions importantes en documentant les résultats d’une campagne JOSO menée avec des organes de presse locaux au Royaume-Uni. Bien que nous nous concentrions sur les salles de rédaction locales, nous soulignons plusieurs obstacles à la mise en œuvre réussie du JOSO qui, selon nous, ne sont probablement pas propres au contexte de notre étude. En outre, nous identifions l’émergence d’une forme pragmatique de JOSO que nous appelons « JOSO lite », caractérisée par des nouvelles qui contiennent des éléments de JOSO mais qui ne correspondent pas aux définitions largement utilisées par les leaders de l’industrie tels que le Réseau de journalisme de solutions (SJN). Ce faisant, nous soulignons les implications pour l’orientation future de cette pratique journalistique.

Les fondements du journalisme de solutions

Le journalisme de solutions est entré dans le lexique public en 1998 (Benesch 1998), mais ce n’est que depuis les années 2010 qu’un corpus de recherches théoriques et empiriques a vu le jour (McIntyre et Lough 2021). Il est généralement considéré comme une branche du journalisme constructif, une pratique plus large qui s’engage en faveur d’un dialogue et de perspectives constructifs, tout en restant fidèle aux fonctions essentielles du journalisme (McIntyre et Gyldensted 2017). D’un point de vue conceptuel, il est lié à des pratiques établies telles que le journalisme d’investigation (par sa méthode de collecte de preuves) (Wenzel et al. 2018), le journalisme de paix (par sa remise en question des reportages axés sur les conflits) (Thier, 2016) et le journalisme civique (dont la mission est de promouvoir l’engagement des citoyens et d’inclure les voix de la base) (Loizzo, Watson, et Watson 2018). D’un point de vue théorique, il peut être considéré comme un cadre d’information (McIntyre et Lough 2021) et/ou une valeur d’information (Gans 2010).

Le JOSO est de plus en plus pratiqué dans les salles de rédaction du monde entier (Bro 2019 ; Krüger et al. 2022 ; McIntyre et Gyldensted 2017). Selon le SJN, le leader mondial du journalisme de solutions, un article sur les solutions doit contenir (a) une réponse à un problème social (et comment cette réponse a fonctionné ou pourquoi elle n’a pas fonctionné), (b) des preuves qui montrent l’efficacité (ou le manque d’efficacité) des solutions, (c) une réflexion qui distille les leçons qui rendent la réponse pertinente et accessible à d’autres, et (d) toutes les limites de la solution. En présentant des solutions à des problèmes de société, le JOSO suit une conception différente du reportage par rapport aux pratiques traditionnelles, qui mettent généralement l’accent sur une perspective centrée sur le problème (Soroka et McAdams 2015). Cela signifie qu’au lieu de rapporter « ce qui ne va pas dans l’espoir que quelqu’un puisse y remédier », le JOSO se concentre sur la manière dont les problèmes sont abordés par les acteurs de la société dans l’espoir que d’autres puissent imiter les solutions présentées (Benesch 1998, 39), mettant ainsi « en lumière des réponses adaptatives dont les personnes et les communautés peuvent s’inspirer » (Réseau du journalisme de solutions 2021). En ce sens, le JOSO vise à créer une compréhension plus holistique des problèmes sociétaux ainsi que des changements positifs en offrant des récits d’espoir, qui cherchent à inspirer un sentiment d’agence, d’empathie et d’engagement, ainsi qu’à contrer la lassitude des nouvelles (Solutions Journalism Network 2023a).

Les potentiels du JOSO (et de la catégorie parapluie du journalisme constructif) sont perçus par Meier (2018) à trois niveaux, allant de la neutralisation des visions négatives du monde au niveau du consommateur individuel à une fidélité accrue du public et une image de marque positive au niveau de l’organisation, en passant par la contribution à des solutions possibles aux problèmes sociaux et, par conséquent, à l’engagement social et au progrès au niveau macrosocial. Le JOSO est perçu comme l’une des « innovations les plus pertinentes » du journalisme européen au cours de la dernière décennie (Meier et al. 2022). Il est largement pratiqué en Europe occidentale, en Scandinavie et aux États-Unis, où il est également de plus en plus intégré dans la formation au journalisme (Bright 2022 ; Höhle et Bengtsson 2023). Au moment où nous écrivons ces lignes, le Solutions Journalism Network – le leader mondial de la formation et du plaidoyer en matière de JOSO – affirme avoir travaillé et formé 47 000 journalistes dans le monde entier (Solutions Journalism Network 2023a).

L’intérêt académique pour le JOSO s’est accru ces dernières années. Cet intérêt est relativement bien réparti entre les études d’audience (par exemple, Curry et Hammonds 2014 ; Thier et al. 2021 ; Zhao, Jackson et Nguyen 2022), les études de contenu (Atanasova 2019 ; Guenther, Brüggemann et Elkobros 2022 ; Li 2023 ; Walth, Dahmen et Thier 2019) et les études de production dans les salles de rédaction (Amiel et Powers 2019 ; Powers et Curry 2019). C’est cette dernière, avec la question de savoir comment le JOSO est adopté dans les salles de rédaction et quels sont les défis auxquels il est confronté, qui constitue le point central de notre étude.

L’adaptation du journalisme de solutions dans les salles de rédaction

D’après la littérature, nous comprenons que le JOSO a un potentiel de transformation en tant que stratégie de salle de rédaction (Meier 2018), sous au moins quatre angles : Le JOSO en tant qu’innovation ; en tant qu’adaptation d’un modèle commercial ; en tant que motivation pour les journalistes ; et en tant que moteur de mise en œuvre du changement social (Krüger 2016).

L’innovation dans le journalisme est souvent liée à la technologie (par exemple, Westlund, Krumsvik et Lewis 2021) ou aux acteurs (tels que les interlopes ou les acteurs périphériques ; par exemple, Eldridge II 2019 ; Sherwin et Duffy 2019). En revanche, nous nous concentrons sur l’adaptation des pratiques journalistiques courantes et de la culture professionnelle en mettant l’accent sur l’innovation en matière de compétences, d’idées et de pratiques. Au cœur du maintien et de l’adaptation des modèles d’entreprise des éditeurs de presse sur un marché hautement concurrentiel, le journalisme affiche un « biais pro-innovation » (Steensen et Westlund 2021, 22), visant à se distinguer des autres concurrents dans le domaine de l’information. En termes de SOJO, l’innovation est souvent encadrée et facilitée par des méta-organisations telles que le SJN et le Constructive Journalism Institute, qui visent à fournir une structure et un soutien aux projets JOSO (Lowrey, Macklin et Usery 2023).

Les études existantes mettent en évidence les différents facteurs contextuels qui contribuent à la réussite de la mise en œuvre du JOSO dans les salles de rédaction. Dans une étude portant sur 12 salles de rédaction américaines, par exemple, Nelson et Dahmen (2022) ont constaté que la forte dépendance des journaux à l’égard des bailleurs de fonds du journalisme et de leurs idées sur l’audience de l’information était un facteur déterminant pour inciter les salles de rédaction américaines à adopter le JOSO en tant que pratique journalistique. Les rédactions régionales françaises, quant à elles, ont déployé le JOSO comme un nouveau discours marketing pour la direction (en termes d’objectifs commerciaux tels que l’attraction de lecteurs), en le plaçant derrière un paywall. Les journalistes régionaux français ont également perçu cela comme une chance de renouvellement professionnel des pratiques journalistiques établies, en mettant l’accent sur un contenu payant approfondi et de haute qualité (Amiel et Powers 2019).

D’autres exemples à travers le monde soulignent le caractère ambigu du JOSO et du journalisme constructif lorsqu’ils sont mis en œuvre. Cela va du scepticisme perçu du public en Croatie, qui a eu un impact sur les pratiques du SOJO (Kovacevic et Perisin 2018), au Rwanda après le génocide, où une approche axée sur les solutions a contribué à l’unité, à la réconciliation et à la reconstruction (McIntyre et Sobel 2018). Ce dernier exemple montre que les journalistes ouverts à l’adoption des principes du JOSO dans leur travail peuvent être motivés par un engagement à contribuer au changement social, qui s’apparente au modèle interventionniste de l’« agent de changement » (voir Krüger 2016 ; van Antwerpen, Turnbull et Searston 2022). Toutefois, cette orientation interventionniste peut entrer en conflit avec le modèle SJN du JOSO, selon lequel les journalistes devraient maintenir des pratiques d’objectivité standard plutôt que de jouer un rôle de défenseur et de mobilisateur en défendant des causes. Cette tension entre les normes de plaidoyer et d’objectivité semble ne pas être résolue dans la littérature et dans la pratique, et illustre des divergences plus larges entre le RSJ et les journalistes en exercice (Lough et McIntyre 2023 ; McIntyre et Lough 2021 ; Powers et Curry 2019 ; Thier et Namkoong 2023 ; Usery 2022).

Le JOSO étant un sous-domaine relativement jeune des études sur le journalisme, nous en sommes encore à apprendre comment il est mis en œuvre dans les salles de rédaction et quels sont les modèles de pratique qui émergent. En ce qui concerne les études sur les salles de rédaction, à ce jour, la plupart de nos connaissances sont basées (a) sur des salles de rédaction relativement riches en ressources, (b) généralement sur un cadre national/régional plutôt que local et (c) sur des contextes où le SOJO est déjà intégré dans les salles de rédaction, ce qui peut entraîner un biais de positivité dans les résultats. Dans cette étude, nous attirons l’attention sur le contexte relativement peu étudié de l’information locale (au Royaume-Uni), à la suite d’un projet de recherche-action dans le cadre duquel les chercheurs ont travaillé avec des partenaires de l’industrie pour (a) concevoir et mettre en œuvre une campagne visant à présenter le JOSO aux journalistes dans 47 salles de rédaction locales et (b) l’utiliser comme site d’enquête pour étudier les facilitateurs et les obstacles au JOSO au niveau du journalisme local. Notre enquête s’appuie sur les questions suivantes :

QR1 : Quelle valeur les journalistes et rédacteurs en chef locaux britanniques accordent-ils au journalisme de solutions par rapport à d’autres modèles de reportage ?

    QR2 : Quels sont les moteurs et les obstacles institutionnels et culturels qui sous-tendent la mise en œuvre des pratiques de journalisme de solutions dans les salles de rédaction locales britanniques ?

    RQ3 : Comment les professionnels de l’information locale au Royaume-Uni s’approprient-ils la pratique du journalisme de solutions dans leurs activités quotidiennes ?

L’information locale au Royaume-Uni

Le secteur de l’information locale au Royaume-Uni est façonné à la fois par des impératifs commerciaux forts et par les principes de la liberté d’expression. Comme dans de nombreux pays, la transition vers le numérique et la forte baisse des revenus qui en a découlé ont créé des turbulences considérables pour le secteur (Harte, Howells et Williams 2018), notamment une baisse de la diffusion des journaux papier (Clark 2017), des audiences fragmentées avec des demandes changeantes, ainsi qu’une concurrence commerciale accrue avec des réductions financières et de ressources ou des fermetures de salles de rédaction (Newman 2023). Actuellement, plus de 80 % du marché britannique des médias d’information locaux est contrôlé par cinq entreprises seulement, les trois plus importantes – Newsquest, Reach et National World – contrôlant près de 70 % de l’ensemble de la diffusion des journaux locaux (Media Reform Coalition 2022). Entre 2005 et 2020, environ un cinquième des titres locaux (265) ont fermé au Royaume-Uni (Tobitt 2022). La moitié des districts des autorités locales du Royaume-Uni sont désormais des monopoles d’information (Media Reform Coalition 2021), et les « déserts médiatiques » (Ferrier, Sinha et Outrich 2016) ou « déserts d’information » locaux sont en augmentation (Barclay et al. 2022).

Cette preuve est liée à une « crise du journalisme local » plus large qui a préoccupé de nombreux chercheurs (Hendrickson 2019, 2 ; Newman et al. 2021 ; Nielsen et al. 2020). Franklin a défini la valeur du journalisme local comme offrant « un commentaire indépendant et critique sur les questions locales, rendant les élites locales responsables, [et] fournissant un forum pour l’expression de points de vue locaux sur des questions d’intérêt communautaire » (Franklin 2006, p. xix). Mais de plus en plus, les nouvelles locales luttent avec les rôles de « surveillance quotidienne » (Gans 2010), la majorité des journalistes des tribunaux et des conseils au Royaume-Uni ayant progressivement disparu depuis les années 1990, remplacés par des relations publiques et des communiqués de presse (Clark 2017 ; Davies 2008). Ces constatations soulèvent des inquiétudes quant au rôle traditionnel des médias d’information au sein d’une communauté locale, des voix mettant en garde contre un « déficit démocratique local » croissant (Clark 2017, 65).

C’est dans ce contexte que se situe notre recherche. Alors que les pressions commerciales auxquelles sont confrontées les nouvelles locales britanniques pourraient poser des défis pour que le JOSO prospère, elles présentent également des incitations pour les organisations à mettre en œuvre des pratiques innovantes telles que le JOSO pour obtenir un avantage concurrentiel et une viabilité économique. Il existe également des liens normatifs entre l’information locale et le JOSO. Compte tenu de son engagement à donner aux citoyens les moyens de contribuer à leur communauté (Meier et al. 2022), le JOSO semble offrir aux organes d’information locaux des moyens potentiels de remplir certains de leurs rôles démocratiques fondamentaux.

Méthode

Nos données sont basées sur des entretiens et des observations liés à un projet plus large qui mérite d’être détaillé en premier lieu. Pendant 18 mois en 2021-2022, grâce au financement du programme de réponse rapide Covid-19 de l’UKRI, nous avons introduit le JOSO dans l’industrie de l’information locale au Royaume-Uni par le biais d’une campagne Solutions Journalism for Pandemic Recovery.1 Nous nous sommes associés à quatre éditeurs d’informations régionales et locales au Royaume-Uni : Newsquest (plus de 250 marques d’informations locales), JPI Media (plus de 170 marques d’informations locales, rebaptisé National World en avril 2022), DC Thomson (6 marques d’informations locales) et Illiffe Media (35 marques d’informations locales), ainsi que quelques points de vente locaux et communautaires autonomes. Les partenaires ont été choisis pour représenter un éventail de grands, moyens et petits éditeurs d’informations locales avec différents modèles économiques associés. Les journalistes participants ont été recrutés par les rédacteurs en chef de ces titres d’information en fonction de leur intérêt potentiel et de leur capacité à réaliser le JOSO.

Le cœur de la campagne consistait à former les journalistes sélectionnés au JOSO, d’abord dans le cadre d’ateliers sur mesure organisés par le SJN, puis par le biais d’un mentorat personnalisé de six mois assuré par dix journalistes chevronnés ayant une riche expérience de la production de JOSO pour des organes de presse nationaux.2 La campagne comprenait deux cohortes : la première était destinée aux journalistes de Newsquest (mai-novembre 2021) et la seconde aux reporters des autres sociétés (décembre-mai 2022).

Notre objectif était d’avoir un ou deux journalistes formés au JOSO par titre, qui pourraient ensuite servir de mentors à d’autres journalistes dans leur propre salle de rédaction. Dans le cadre de leur travail quotidien et sur une période de six mois, les journalistes participants ont été chargés de produire deux articles par mois fondés sur des solutions et portant sur des initiatives communautaires locales visant à se remettre de la pandémie. Avec un objectif de 50 journalistes participants, le but était de produire 600 articles basés sur des solutions à la fin de la campagne.3 Au total, 51 journalistes de 47 titres d’information locale et communautaire ont participé à la formation. Cependant, seuls 30 d’entre eux ont rédigé au moins un article JOSO et 170 articles ont été publiés au total. Ces chiffres témoignent du niveau d’attrition que nous avons rencontré, plusieurs journalistes participants, souvent à des postes subalternes, ayant quitté leur emploi au cours du projet, et d’autres n’ayant pas été en mesure de rédiger ne serait-ce qu’un article du JOSO, pour des raisons que nous expliquons dans la section consacrée aux résultats.

Les articles publiés ont été codés par les chercheurs en fonction de leur thème, environ un quart des articles explorant des solutions liées à la santé et aux soins sociaux dans le contexte de Covid-19, en raison de la date de notre étude, et les trois quarts restants couvrant des solutions à des sujets plus généraux tels que l’adaptation des écoles dans le cadre de Covid-19 et la manière dont les gens font face aux défis dans les différents domaines de la vie locale. Si la plupart des articles étaient liés à la pandémie, tous n’en parlaient pas. Les journalistes participants ont couvert un large éventail de sujets dans le cadre de leurs activités quotidiennes et ont appliqué l’optique des solutions là où ils le jugeaient le plus approprié.

En présentant ce contexte, nous reconnaissons que nous nous sommes personnellement investis dans la réussite de ce projet. Nous avons conçu le projet, recruté les partenaires, obtenu le financement, supervisé la campagne locale JOSO et mené la recherche primaire pour évaluer son succès. Notre projet a suivi la conception de la recherche-action où les tâches convergent, le chercheur étant immergé dans le processus d’action tout en l’étudiant (Hinchey 2008). Employant généralement un ensemble de méthodes qui poursuivent l’action et la recherche en même temps, la recherche-action est bien adaptée à l’examen de l’introduction d’innovations dans la salle de rédaction (Wagemans et Witschge 2019). De telles stratégies répondent aux appels à une « sensibilité ethnographique » dans les études sur le journalisme qui brouille les lignes entre les sites d’étude et le travail analytique pour parvenir à une compréhension plus profonde et plus holistique des phénomènes étudiés (Robinson et Metzler 2016). Cependant, l’effacement de ces lignes peut également entraîner de nouveaux dilemmes éthiques. Par exemple, bien que nous ayons été très éloignés de la mise en œuvre du JOSO dans les salles de presse, nous avons co-conçu le modèle de pratique et de mentorat (avec les partenaires du projet) et nous avons maintenu une interface régulière avec les mentors et les cadres supérieurs des organes de presse participants. Pour ces raisons, nous nous sommes efforcés de garder une distance critique lors de la collecte, de l’analyse et de l’interprétation des données. En tant que gestionnaires de projet, nous avions tout intérêt à ce que la campagne réussisse, mais en tant que chercheurs, nous étions tout aussi intéressés par les facteurs à l’origine de l’échec de JOSO dans les salles de presse locales que par les facteurs qui l’ont favorisé.

Les entretiens

Nous avons mené des entretiens approfondis avec 37 journalistes, dont 19 mentorés, 10 rédacteurs en chef et 8 mentors. Pour les mentorés, les entretiens ont eu lieu à la fin de leur programme de formation, de mentorat et de pratique de six mois (octobre 2021 pour la première cohorte et juillet 2022 pour la seconde). Les éditeurs et les mentors ont été interrogés en juillet 2022, ce qui représentait la fin de l’ensemble de la campagne JOSO. Tous les participants ont donc pu réfléchir à leur expérience du JOSO après au moins 6 mois de pratique. Tous les journalistes qui ont suivi la formation et participé au mentorat (51) ont été invités à un entretien, de même que tous les rédacteurs en chef des titres de presse participants (47) et les dix mentors. Notre échantillon était donc autosélectionné mais représentait un bon éventail de journalistes et de rédacteurs en chef qui ont réussi ou échoué à intégrer le JOSO dans la salle de rédaction. Dix-huit participants étaient des femmes et dix-neuf des hommes (voir fichier supplémentaire).

Tous les entretiens ont été menés par les auteurs sur Zoom et ont duré de 40 à 90 minutes. Les entretiens étaient semi-structurés, ce qui a permis d’aborder toute une série de sujets, y compris ceux soulevés par les personnes interrogées. Néanmoins, tous les entretiens ont exploré les expériences des participants en matière de pratique ou de supervision du JOSO dans les actualités locales, leurs perceptions du JOSO en tant que pratique (y compris ses avantages, ses inconvénients et leurs évaluations normatives) et les facteurs (dés)habilitants auxquels les participants ont été confrontés lors de la mise en œuvre et de la supervision du JOSO dans la salle de rédaction. Tout au long des entretiens, nous avons mis l’accent sur les expériences, les pratiques et les routines, afin de faire passer la discussion de l’abstrait au concret.

Observations

Nous complétons notre analyse des entretiens par des observations tirées des forums des mentors et de leurs rapports mensuels pendant toute la durée du projet. Il s’agissait de plusieurs réunions formelles entre les chercheurs et les mentors au cours des 18 mois qu’a duré le projet, ainsi que d’un groupe WhatsApp géré par les chercheurs et les mentors (environ 12 000 mots de données). Ces données ont été analysées avec l’autorisation des mentors et des mentorés. Les mentors disposaient d’un point de vue unique pour observer le projet, puisqu’ils étaient en conversation régulière avec les mentorés et ont donc recueilli des informations importantes sur les expériences de JOSO dans les salles de rédaction.

Analyse des données

Les entretiens ont été enregistrés, transcrits et codés avec la transcription du groupe WhatsApp des mentors par le biais d’une analyse thématique (Boyatzis 1998) via NVivo. Les transcriptions ont d’abord été codées en thèmes qui ont émergé en réponse aux préoccupations générales de l’étude (articulées par les QR) et à partir de nos notes de terrain et des observations recueillies tout au long de la campagne, puis développées de manière itérative en thèmes consolidés au fur et à mesure que nous travaillions sur l’ensemble des données. Comme c’est le cas pour des données qualitatives riches, d’autres thèmes ont émergé organiquement, dépassant les limites de notre enquête initiale. Les auteurs ont conservé des notes de terrain de la période d’observation et des entretiens, qui ont servi de points de réflexion lors de l’analyse des données. Dans la section suivante, nous passons en revue les résultats, organisés selon les trois grands thèmes des questions à poser, en identifiant les sous-thèmes lorsqu’ils sont apparus.

Compte tenu de la nature potentiellement sensible sur le plan commercial de certaines données, les participants ont été rendus anonymes et seront décrits ci-dessous par leur titre de poste générique. Il s’agissait également d’une condition du comité d’éthique de l’université de Bournemouth, qui a évalué et approuvé la recherche (code d’éthique : 35791). Toutes les citations sont tirées des entretiens, sauf indication contraire.

Constatations

« Retour aux sources : Avantages normatifs du journalisme de solutions

La campagne locale JOSO a démarré dans deux conditions favorables. Du côté de l’industrie, les dirigeants des entreprises de presse participantes ont apporté un soutien enthousiaste. Pour leur part, la campagne JOSO s’inscrivait dans le cadre d’une stratégie visant à s’éloigner de la maximisation de l’audience qui peut instantanément être monétisée par la publicité, pour s’attacher à fidéliser l’audience grâce à un contenu de qualité qui peut être transformé en revenus d’abonnement. Du côté de l’audience, notre étude nationale de pré-campagne a montré une demande écrasante pour des nouvelles plus constructives qui pourraient remonter le moral d’un public fatigué par la pandémie (Jackson et al. 2021 ; Zhaovet al. 2022).

En ce qui concerne la question 1, les journalistes et les rédacteurs en chef participants ont tous, sans exception, parlé avec enthousiasme du JOSO. Tout d’abord, et conformément à d’autres études, ils ont parlé de sa valeur pour placer les informations locales au « centre de la communauté » et renforcer les relations avec les publics (Lough et McIntyre 2021). Alors que les rédacteurs en chef ont identifié certains avantages commerciaux, les journalistes ont parlé de récentes rencontres positives avec le public sur les médias sociaux et les champs de commentaires, où ils sont habitués à recevoir des insultes (Wright, Jackson et Graham 2020). Comme l’a dit un journaliste, « nous sommes accusés en tant que journalistes … de toujours nous concentrer sur le négatif … En fait, j’ai été un peu moins victime de trolls depuis que je le fais (JOSO) ». Un deuxième aspect de leur relation avec le public concerne l’une des revendications normatives du JOSO : donner aux gens les moyens de participer à leur communauté (Meier et al. 2022) en jouant le rôle journalistique de facilitateur et de mobilisateur (Hermans et Gyldensted 2019 ; Thier et Namkoong 2023). Comme l’a dit l’un des mentorés :

L’une des choses les plus importantes qu’il pourrait probablement faire est d’encourager d’autres personnes à s’impliquer dans leurs propres communautés. Encourager les gens à regarder les choses et à se dire qu’elles ne sont pas une cause perdue. Je peux faire la différence et mettre en lumière la façon dont d’autres personnes l’ont fait, et presque servir d’inspiration à d’autres personnes ».

Le JOSO a donc permis aux journalistes de se considérer comme une « source de bien » qui « tend un miroir à la société pour que celle-ci trouve des solutions », a déclaré un rédacteur en chef. Pour un autre rédacteur, le JOSO les a ramenés « à l’essentiel » :

Il est bon de pouvoir dire aux jeunes journalistes : « Regardez, c’est ce que le journalisme est censé être. Vous avez un rôle à jouer. Vous n’êtes pas seulement une machine qui régurgit des mots. »

Même ceux qui ont lutté pour embrasser pleinement le JOSO ont affirmé que leur expérience du JOSO aurait un impact durable sur leur pratique. Cela se traduit par un changement de mentalité où ils cherchent maintenant activement à trouver des sources d’information auprès de ceux qui travaillent sur les solutions aux problèmes locaux. Un journaliste junior a donné l’exemple de statistiques récentes montrant que son autorité locale de santé a le taux le plus élevé de problèmes de santé mentale en Irlande du Nord :

    Ma première pensée a été de dire : « Je vais parler à une organisation qui travaille avec des personnes ayant des problèmes de santé mentale et voir ce qu’elle fait pour s’attaquer à cette question, et ce qu’elle aimerait que la fiducie de la santé fasse pour s’y attaquer également. »

Peu après le début de la campagne, cependant, les stagiaires ont dévié du cours et — malgré leurs évaluations positives de l’OJO — ont eu du mal à participer pleinement. Il est vite apparu que pour de nombreuses salles de rédaction, l’intégration d’une innovation telle que JOSO serait une bataille difficile. Nous avons dû abandonner l’objectif initial de la campagne, soit deux articles par mois et par journaliste. En fait, la plupart des mentorés actifs ont terminé leur mentorat de six mois avec deux ou trois histoires axées sur les solutions et bon nombre d’entre eux, après un examen rigoureux, ne se sont pas strictement qualifiés de JOSO selon la définition du SJN. Dans les sections suivantes, nous décrivons les principaux thèmes qui expliquent les défis auxquels ont été confrontées les salles de rédaction locales pour mettre en œuvre le JOSO (RQ2) avant d’expliquer comment elles ont pu l’intégrer à leurs routines quotidiennes (RQ3).

Temps et flux de travail

De nombreux journalistes locaux nous ont dit qu’ils n’avaient pas le temps d’investir dans un journalisme approfondi, y compris JOSO. Comme l’a déclaré un journaliste :

    Il n’y a que trois journalistes dans notre journal. Si je devais prendre un après-midi libre le lundi ou le mardi pour faire une partie de ces activités (JOSO), je transmettrais la charge de travail à deux autres journalistes qui auraient une liste aussi longue, sinon plus longue que celle sur laquelle je travaillerais, donc il s’agissait de transmettre les pressions.

Ces histoires nous rappellent les pressions quotidiennes intenses que subissent les journalistes locaux, qui ont subi d’énormes licenciements au cours des dernières décennies. On s’attend maintenant à ce que les journaux locaux produisent un produit similaire, mais avec une fraction du personnel dont ils disposaient auparavant (Jenkins 2020). Parmi les employés de Newsquest à qui nous avons parlé, la norme était de 5 à 15 histoires par jour. Il y a eu des cas où les mentorés ont passé leur temps pendant plusieurs semaines à faire une histoire de solutions, pour finalement abandonner parce qu’ils ne pouvaient pas continuer sous la pression quotidienne. Comme l’a fait remarquer un journaliste :

    Nos salles de rédaction sont conçues pour répondre très bien aux dernières nouvelles, et c’est une grande partie de ce que nous faisons, et essayer de trouver du temps dans votre journée et parmi tout ce que vous faites … est peut-être l’un des plus grands défis (pour faire JOSO).

Ces comptes-rendus font ressortir l’observation importante selon laquelle les reportages du JOSO prennent plus de temps que ceux que produisent habituellement de nombreux journalistes locaux. Par conséquent, pour de nombreuses salles de nouvelles locales, plutôt que de s’intégrer dans leurs routines de travail, le JOSO représentait une perturbation et une concurrence avec l’activité principale. Invariablement, l’accent a prévalu. Comme l’a dit un journaliste, il faut « changer de culture » pour que les journalistes aient le temps de s’adapter au JOSO et aux autres engagements.

Mesures et récompenses institutionnelles

Pour les grands organismes de presse avec lesquels nous avons travaillé, les mesures sont construites autour et les récompenses institutionnelles sont organisées pour soutenir la production de gros volumes de contenu qui peuvent générer du trafic. Les journalistes sont donc incités à produire des articles qui sont rapides à écrire et/ou susceptibles de maximiser la vue de page. Nos reporters participants nous ont dit que cela a des conséquences néfastes pour la qualité de l’information, car ils devraient prioriser certains sujets doux (tels que le crime et la propriété), les appâts-clics et le contenu générique non local. Compte tenu de cela, il y avait peu d’incitation à produire du JOSO. Comme l’a déploré un mentoré :

    La chose qui était constamment en jeu était d’être en mesure d’atteindre les objectifs de vue de page, ce que nous sommes constamment dit (pour être) la chose la plus importante, et juste le nombre d’histoires nécessaires pour remplir l’horaire tous les jours.

D’autres ont souligné comment la nature positive de l’OODJO luttait contre les logiques dominantes de la culture axée sur les mesures, qui — à leur avis du moins — privilégie les agendas des nouvelles négatives. Comme l’a dit un de ses élèves : « Il s’agit de générer du trafic sur le Web. Cela réduit considérablement la portée des nouvelles. Cela est pertinent parce que 90 % du contenu que vous trouvez sur les sites d’information locaux sont maintenant négatifs en termes de focus ». En justifiant pourquoi ils n’ont pas soutenu leurs reporters pour produire plus de JOSO, plusieurs rédacteurs nous ont dit que « les mauvaises nouvelles ont un meilleur rendement ». Un autre rédacteur a déclaré que « si vous avez des objectifs quotidiens, il faut donner quelque chose et ce qui donnera n’est pas encore prouvé pour stimuler les ventes ou les abonnements à la presse écrite » (JOSO). Un mentoré a eu le temps de produire des histoires sur le JOSO, mais il s’est plaint que :

Ces histoires ne sont pas aussi bien qu’un enfant molesté ou un chien qui attaque quelqu’un, ou que « cela s’est passé au tribunal » (histoires). Il est difficile de regarder ces chiffres côte à côte sur la même planche de mesure et de ne pas avoir l’impression d’avoir fait un travail terrible.

Bien sûr, l’impact des histoires peut être mesuré au-delà de simples mesures. Ce n’est pas plus vrai que pour le JOSO, qui vise explicitement à provoquer le changement en faisant participer les publics, les décideurs et d’autres parties prenantes à l’élaboration de solutions aux problèmes communs (McIntyre et Lough 2021). Cependant, la plupart des journalistes ont compris les répercussions de leurs histoires en termes anecdotiques par le biais de « lecture de commentaires » en ligne et de la « signification de cela » pour leur propre pratique. Une des personnes qui a écrit une série d’articles sur les pistes cyclables du JOSO a constaté que « le conseil prend des décisions éclairées et les inclut dans ses consultations ». Mais à moins que ces impacts ne puissent être quantifiés de façon fiable dans les systèmes de mesure existants, ce qui n’est pas le cas actuellement, ils étaient susceptibles d’être éphémères.

Engagement éditorial

Les rédacteurs jouent un rôle essentiel dans le succès de l’intégration de JOSO (Lough et McIntyre 2018, 2021) puisqu’ils sont responsables de l’affectation des ressources de la salle de presse et de la mise en forme des agendas éditoriaux. Nous avons constaté qu’un petit nombre de médias, en particulier des plus petits, indépendants et moins axés sur le marché, appuyaient leurs journalistes pour produire des articles de solutions. La plupart des rédacteurs en chef ont toutefois laissé les journalistes poursuivre cette innovation en plus de leur charge de travail actuelle. Certains rédacteurs en chef ont dû faire des « manœuvres créatives » pour donner du temps à leurs journalistes afin qu’ils participent à la campagne de l’OODJO. L’une, par exemple, a permis à son reporter de faire un jour distinct de congé annuel pour le premier jour de retour de son congé annuel, parce qu’elle pouvait continuer à travailler selon le modèle temporaire qui était en place pour couvrir son absence des vacances.

Comme mentionné, tous les rédacteurs ont été positifs au sujet du concept de JOSO. Pourtant, malgré cette bonne volonté, ils sont eux-mêmes sous une pression immense pour les yeux, les clics et les profits, et c’était une tension clé au cœur de cette campagne JOSO. En effet, c’est à travers cette optique que certains éditeurs ont vu la valeur de JOSO.

En fin de compte, nous avons une entreprise à gérer, n’est-ce pas? Nous avons des employés à payer et nous devons faire un profit… pour survivre. Et nous sommes guidés par le public et nous devons faire ce que notre public veut vraiment. J’aimerais penser que nous pouvons peut-être les influencer dans une certaine mesure. Mais … Si nous nous tournons vers le journalisme de solutions hardcore en ce moment, nous perdrions beaucoup de lecteurs.

Ces citations nient l’hésitation des rédacteurs à s’engager dans quelque chose qui ne garantit pas les bénéfices pour le résultat net (voir Nelson et Dahmen 2022). Dans de telles circonstances, les rédacteurs en chef ont eu du mal à créer les conditions pour que les journalistes produisent des articles sur les solutions. Dans un récit typique, « malgré le fait qu’il veuille que cela réussisse », un rédacteur a admis que « [le journaliste] était isolé parce qu’il ne travaillait pas avec quelqu’un pour l’encourager » et « mon manque de connaissance et de participation à la chose était un problème ». Presque uniformément, lorsque les rédacteurs ont été interrogés sur les obstacles à l’intégration du JOSO dans la salle de presse, ils sont retournés à la ressource :

Ressources. Tout est fait et fini. Qu’il s’agisse de temps, de personnel ou de budget. Vous ne pouvez pas le faire à moitié. Je pense que si cela va faire une différence, vous devez investir dans ce… Vous pouvez soit sacrifier autre chose et cela peut être difficile parce que vous serez mesuré sur cette base, ou vous obtenez des ressources supplémentaires.

    Vous pourriez dire : « Eh bien, SJN dit que vous devriez avoir un journaliste dans la salle de rédaction qui est purement axé sur les solutions », et je dis : « Donnez-moi plus de personnel et j’aurai un journaliste des solutions. » Nous ne sommes que trois à réunir une équipe de 72 personnes.Page journal qui, il y a 10 ans, avait été mis sur pied par 20. Oui, je ne vais pas avoir le journalisme de solutions comme priorité.

Ces récits nous rappellent que les rédacteurs en chef — alors qu’ils sont des acteurs clés — ne sont encore qu’un rouage dans une machine plus grande qui n’est pas nécessairement sous leur contrôle. Et en parlant de ressources, beaucoup de rédacteurs en chef et de journalistes ont estimé que le JOSO — du moins le modèle présenté par la SJN — est mieux adaptée aux salles de rédaction bien dotées en ressources que celles qui existent dans le secteur local. Un éditeur a évoqué des partenariats avec Facebook, Google ou la BBC comme modèles potentiels de JOSO qui pourraient fonctionner pour les nouvelles locales, mais c’est l’incorporation de « certains aspects de cela dans le reportage » qui était le principal modèle émergent de JOSO dont nous avons été témoins et qui est capturé dans notre dernier thème.

« JOSO Lite »

Pour être inclus dans le SJN Story Tracker, les histoires de solutions doivent répondre aux quatre critères du JOSO (Solutions Journalism Network 2023b), et ces quatre piliers sont au cœur de toutes les formations qu’ils offrent à travers le monde, y compris celle dispensée à nos mentorés. Jusqu’à présent, nous avons décrit certains des défis auxquels nos salles de rédaction ont été confrontées dans la mise en œuvre de JOSO. Malgré cela, 170 articles basés sur des solutions ont été produits en 12 mois par 30 journalistes. Bien que cela ait été considérablement inférieur à notre objectif de 600 articles, cela démontre encore une certaine participation réussie au JOSO parmi notre cohorte et des preuves de la façon dont les professionnels de l’information se sont appropriés la pratique du JOSO dans leurs routines quotidiennes (RQ3). Cependant, bon nombre de nos mentorés ont présenté une version réduite du JOSO qui répondait rarement à la norme SJN du JOSO mais représentait le meilleur qu’ils pouvaient faire dans les circonstances.

Pour certains mentorés, il était difficile de démontrer l’impact des solutions au-delà de « les personnes qualifiées qui ont dit qu’elles ressentaient un changement positif ». D’autres n’ont pas pu « cocher la case supplémentaire » du JOSO parce qu’ils « ne peuvent tout simplement pas joindre les gens pour répondre aux questions. Je pense que c’est un cas d’essayer, mais pas toujours de l’atteindre. » Pour un autre mentoré, « la portée de JOSO était tout simplement trop grande pour que je puisse faire mon travail quotidien. Je ne pouvais vraiment y consacrer que des paroles en l’air ». Ce qui est apparu, c’est une version pragmatique de JOSO, adaptée à l’« environnement rapide » des nouvelles locales. Cette approche a été approuvée par l’équipe du projet et encouragée par les mentors, qui ont pu constater les obstacles auxquels se heurtent les journalistes lorsqu’ils appliquent le modèle maximal de JOSO de la SJN. Un rédacteur a décrit ce modèle comme étant « solutions de journalisme lite ». L’un des mentors, journaliste chevronné en solutions, a décrit la transition de la théorie du JOSO à la réalité de sa mise en œuvre :

Le problème, c’est que… ils faisaient ça pour un journal local…  Leurs histoires devaient avoir du sens dans ce contexte. Cela a vraiment fait une grande différence quand nous avons dit : « Nous n’avons pas à cocher toutes les cases pour savoir ce qui constitue une histoire de journalisme de solutions d’or parce que cela allait être impossible. » Nous l’avons essentiellement simplifié en quelque chose qui était probablement plus… Le journalisme constructif, le journalisme de solutions ouvertes peut-être. C’est juste littéralement identifier un problème… et vous allez parler de la solution. Le simple fait de faire cela… le rend remarquable dans le contexte d’un journal local.

« JOSO lite » prend donc plusieurs formes mais est défini en répondant à certains des critères de la SJN pour JOSO, mais pas à d’autres. Un type d’histoire « JOSO lite » est une histoire où une solution potentielle à un problème a été identifiée, mais l’histoire ne s’est pas révélée efficace, car il était trop tôt pour évaluer son efficacité. Exemples : un projet pilote visant à introduire des Fitbits pour les personnes souffrant d’une longue période de COVID (Paterson 2021) et des plans pour un nouveau lieu de shopping et de loisirs afin de revitaliser la rue principale locale (Rugg 2021). Une autre histoire typique de « SOJO lite » est celle où les limites de la solution n’ont pas été discutées, comme dans l’histoire du déploiement des travailleurs en santé mentale dans les chirurgies du Yorkshire GP (Laycock 2021). Alors qu’ils ne faisaient qu’une forme de « JOSO lite », nos mentorés plus actifs ont trouvé satisfaction d’intégrer des solutions à leur travail et sont restés extrêmement positifs au sujet de la pratique. En effet, bon nombre de nos mentorés ont expliqué comment ils continueront d’adopter des aspects de la JOSO dans leurs rapports quotidiens. Voici ce qu’un mentoré a résumé :

Même si les articles ne deviennent pas nécessairement des articles de journalisme sur les solutions, le cadre lui-même a été très, très utile.

Discussion et conclusion

Le journalisme de solutions offre la promesse de reconnecter les auditoires avec l’actualité, de revitaliser l’engagement civique et même d’inverser certaines des difficultés économiques de l’industrie de l’information (McIntyre et Gyldensted, 2017; Meier, 2018; Solutions Journalism Network, 2021; Thier et al., 2021). Notre étude ne vise pas à remettre en question ces affirmations. Notre objectif était plutôt de documenter ce qui se passe lorsque le JOSO est nouvellement introduite dans les nouvelles locales, un secteur qui diffère des contextes nationaux et mieux financés que la plupart des études précédentes ont examinés.

Nous avons constaté que, comme pratique, le JOSO a été accueillie très favorablement par les journalistes et les rédacteurs en chef (RQ1). Tous les journalistes à qui nous avons parlé étaient ouverts à la remise en question des pratiques établies et ont parlé avec enthousiasme du potentiel du JOSO, tant pour ce qui est de se connecter avec leur public que d’accomplir leurs rôles démocratiques. Nous avons toutefois aussi souligné plusieurs obstacles à la réalisation de l’OODJO dans le contexte des nouvelles locales, notamment le temps et le flux de travail, les mesures et les récompenses institutionnelles, ainsi que l’engagement éditorial (RQ2). Compte tenu de son impact perturbateur sur les pratiques de collecte d’informations, nous aurions pu nous attendre à ce que le contexte de la pandémie soit un obstacle à l’exécution du JOSO. Cependant, le moment choisi pour réaliser notre étude (un an après le premier confinement et pendant la phase d’ouverture du pays) pourrait expliquer pourquoi ce thème n’a pas été retenu. Bien que certains obstacles (comme l’engagement rédactionnel) aient été abordés dans des recherches antérieures en tant que facteur déterminant du succès du JOSO (Lough et McIntyre 2021), le moment approprié pour faire des recherches et trouver des histoires sur le JOSO, est rarement mentionné dans les discours industriels ou universitaires sur le JOSO. Pour les mêmes raisons que le journalisme d’investigation est en recul dans de nombreux secteurs de l’information en raison de sa demande de ressources (Carson 2014), nous pourrions donc constater que le JOSO peine à s’établir également dans ces secteurs.

De même, l’impact des mesures et des analyses sur la culture des salles de rédaction et les structures de rémunération institutionnelles est maintenant bien établi (Elsheikh, Jackson et Jebril 2024). Il s’agit notamment de préoccupations concernant les mesures utilisées pour féliciter et sanctionner certains journalistes (Bunce 2019), pour embaucher puis promouvoir des journalistes (ibid.) et pour pousser vers des stratégies de contenu que les journalistes pourraient résister (Lamot et Paulussen 2020). Ensemble, ces interventions peuvent déterminer qui est considéré comme un « bon journaliste » et à qui est accordé le capital culturel au sein de la salle de rédaction (Bunce 2019). Notre étude, comme d’autres (p. ex., Elsheikh, Jackson et Jebril 2024; Magin et al. 2021; Moyo, Mare et Matsilele 2019), suggère que l’institutionnalisation des mesures a tendance à soutenir une « nouvelle douce », négative et sensationnaliste l’ordre du jour, que les histoires de JOSO ont eu du mal à concurrencer. Pour s’intégrer dans ces salles de rédaction, les partisans du JOSO devront peut-être gagner l’argument fondé sur des données analytiques.

Ces résultats combinés suggèrent que, malgré les bonnes intentions et la volonté de mettre en œuvre un changement culturel, de nombreux journalistes ont constaté que l’incorporation de JOSO signifiait lutter contre une machine programmée pour la vitesse et le volume des sorties plutôt que pour la profondeur et l’investigation. Ces observations reflètent donc une situation générale « de poule et d’oeuf » à laquelle l’industrie des nouvelles locales du Royaume-Uni est confrontée. D’une part, pour être socialement et économiquement viables face à un flux sans fin de technologies perturbatrices et de comportements de consommation du public, elles doivent être à la pointe des pratiques innovantes. Cela exige un environnement de travail résilient où les membres sont habilités à être confiants et audacieux dans la promotion de nouvelles idées, technologies et pratiques. Il doit créer et promouvoir des incitatifs et des facilitateurs pour que les personnes sortent de la boîte pour s’engager correctement avec le nouveau.

D’autre part, le problème même que l’innovation vise à résoudre — le déclin du journalisme local — constitue lui-même un obstacle énorme à l’innovation : Elle conduit à une attitude d’aversion au risque vis-à-vis des innovations qui n’ont pas nécessairement un bénéfice immédiat pour les entreprises mais qui peuvent soutenir leurs valeurs démocratiques et commerciales à long terme. Nous avons constaté que la bonne volonté pour le JOSO en tant qu’innovation existe à tous les niveaux – des cadres aux journalistes de première ligne -, mais il y a peu d’incitations institutionnelles dans les salles de rédaction locales du Royaume-Uni. Dans notre cas, même si nous avons commencé sur une base relativement solide (avec un financement externe pour couvrir des coûts d’adoption importants tels que la formation et le mentorat), la campagne ne s’est pas terminée aussi fructueusement que prévu en raison des défis décrits ci-dessus. Comme l’a fait remarquer un mentor dans le groupe WhatsApp :

Le problème général est le modèle d’affaires défectueux des médias traditionnels, surtout au niveau local. Le JOSO est l’une des nombreuses façons de mieux servir le public, ce qui commencerait à aborder les questions de confiance et de revenus – mais nous ne sommes pas au point où les médias traditionnels sont prêts à réinventer la façon dont le journalisme est fait. Ils sont fermement à bord d’un navire qui coule. Ils essaient de réparer les fuites, mais elles continueront de couler sans plus de changement systémique.

Ces obstacles à la mise en oeuvre du JOSO sont, nous le soutenons, structurels : ils se rapportent au modèle d’affaires prédominant de grandes parties de l’industrie des nouvelles locales du Royaume-Uni, Les salles de nouvelles qui sont chroniquement sous-équipées produisent un grand nombre d’articles visant à maximiser les statistiques sur l’audience au coût le plus bas possible (Firmstone, 2016; Harte, Howells et Williams, 2018). Nous soutenons également que ces obstacles à la mise en oeuvre réussie de JOSO, alors qu’ils sont peut-être plus fortement ressentis dans notre environnement de recherche, ne sont pas propres au Royaume-Uni ou aux nouvelles locales. Le passage au numérique a eu de profondes répercussions sur les journaux traditionnels dans le monde entier (Clark, 2017; Harte, Howells et Williams, 2018; Nelson et Dahmen, 2022), les journaux locaux étant ceux qui ont le plus souffert de la baisse des recettes publicitaires et des compressions de salle de rédaction connexes (Firmstone, 2016). Dans tout contexte où les journalistes se trouvent sous pression pour produire de grands volumes d’articles avec un temps limité pour la profondeur et l’enquête, nous suggérons que le JOSO — au moins le modèle maximal dans lequel nos participants ont été formés — aurait du mal à prospérer et à devenir une pratique journalistique véritablement dominante.

Mais notre étude a aussi mis en évidence la manière dont les solutions journalistiques pourraient être mises en œuvre de façon à ne pas perturber les flux de travail institutionnalisés (RQ3). La clé de cette évolution était d’adapter le modèle maximal de JOSO du SJN à ce que l’un des éditeurs a qualifié de « JOSO lite ». Pour nos participants, l’émergence de ce modèle était une réponse pragmatique qui équilibrait leur désir de mettre en œuvre une pratique dont ils étaient enthousiasmés par leurs conditions de travail prévalant. Ces résultats s’inscrivent dans le débat en cours sur les définitions de la SOJO et la normalisation de ses pratiques. Ici, les études soulignent l’importance des acteurs ou méta-organisations de terrain, dont la SJN, qui visent à générer un modèle dominant et un ensemble de meilleures pratiques pour les collaborations dans le domaine de l’information (Lowrey, Macklin et Usery 2023). Mais les modèles et les idées de changement qui sont développés sur le terrain peuvent souvent entrer en conflit au niveau local, où la plupart du journalisme est basé. Pour perdurer, les modèles journalistiques comme JOSO doivent donc « être instanciés localement [et] ce processus introduit des variations, car les organisations réagissent différemment aux changements institutionnels » (Heinze, Soderstrom, and Heinze 2016, 1142).

« JOSO lite » peut donc être comprise comme une forme de « traduction » impliquant la réinterprétation des normes et pratiques émergentes pour s’assurer qu’elles répondent aux besoins d’une organisation ou d’une communauté particulière (Heinze, Soderstrom et Heinze 2016). Une question non résolue ici est de savoir dans quelle mesure les méta-organisations, telles que la SJN, sont disposées à encourager la traduction sur le terrain. Nous affirmons que la pratique de « SOJO lite » est meilleure que, ironiquement, « JOSO rien », car elle implique toujours un changement d’état d’esprit qui oriente les journalistes vers des solutions constructives aux problèmes sociétaux. Et plus concrètement, c’est peut-être la seule façon pour que le JOSO puisse s’intégrer avec succès dans des salles de rédaction mal équipées et devenir vraiment grand public.

Notre étude ouvre plusieurs pistes de recherche. Premièrement, nous croyons qu’il est utile d’étudier les contextes où le JOSO se trouve à différents stades de son intégration dans les salles de rédaction. Cela devrait aller des salles de rédaction où il est arrivé à maturité comme pratique standard, à ceux qui expérimentent avec lui, aux salles de rédaction qui ont essayé et n’ont pas réussi à le mettre en œuvre. Cela nous donnera une image plus complète des facteurs qui favorisent la réussite de la mise en oeuvre, ainsi que des obstacles auxquels certaines salles de rédaction seront probablement confrontées. Deuxièmement, nos résultats ont des implications pour les études d’audience du JOSO. À ce jour, les conséquences (surtout positives) de l’exposition aux nouvelles axées sur les solutions ont été de montrer au public le modèle maximal du JOSO. Mais si des modèles hybrides de JOSO émergent dans la pratique, nous ne devrions pas supposer que ces conséquences (et les revendications associées de la valeur démocratique de JOSO) s’appliquent de la même manière. Ce n’est qu’en expérimentant différents modèles de JOSO que nous pouvons être sûrs de leurs impacts. Dans ce domaine, les recherches futures devraient dépasser les expériences en ligne pour se tourner vers des expériences sur le terrain et d’autres méthodes qui ressemblent davantage à la consommation quotidienne de nouvelles. Enfin, il est possible, tant sur le plan théorique qu’empirique, d’élargir notre compréhension des modèles émergents de JOSO par l’étude de la production/du contenu des nouvelles, en particulier en examinant les salles de rédaction qui sont pauvres en ressources.

Notes

1. Le projet a comporté trois activités principales sur une période de 18 mois : (1) étudier ce que les médias, en particulier les nouvelles locales, attendent des personnes touchées par la pandémie pour les aider à sortir de la crise d’une manière éclairée, inspirée et tournée vers l’avenir ; (2) élaborer et mettre en œuvre un programme d’apprentissageen faisant une campagne dans laquelle les titres de nouvelles locales produisent du JOSO sur des solutions communautaires pour la COVID-19 ; et (3) évaluent la valeur globale de JOSO pour l’industrie de la presse et le public pendant la pandémie et leurs implications pour l’avenir des nouvelles.

2. Les mentors ont été recrutés et administrés par l’Association of British Science Writers (partenaire du projet) et ont été rémunérés pour leur temps passé dans le cadre du projet.

3. Sur la base de deux articles par mois par journaliste, multiplié par six mois, multiplié par 50 journalistes (cet objectif a été fixé entre les chercheurs et les partenaires du projet).

Remerciements

Les auteurs tiennent à remercier tous les partenaires du projet, les journalistes participants et les personnes qui ont participé aux entretiens.

Énoncé des renseignements

Aucun conflit d’intérêts potentiel n’a été signalé par l’auteur.

Financement

Ce projet a été financé par le UK Research and Innovation research council. Numéro de subvention AH/V015168/1

Références

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Traduit de l’anglais à l’aide des traducteurs Deepl et Reverso

Les médias doivent-ils véhiculer de « nouveaux récits » ?

By Agenda, L'actu de Reporters d'Espoirs, Le Lab, Nouveaux récitsNo Comments

Dès notre plus jeune âge, nous nous forgeons avec des narrations qui nous permettent de comprendre le monde adulte, les travers humains, les cultures et les mœurs. Les histoires ne sont pas destinées qu’aux enfants. Des récits religieux, fictions, séries, divertissent aussi les adultes et structurent leurs repères de vie. Quant aux médias d’information, ils contribuent à façonner la vision que les citoyens ont de la société, par la manière dont ils racontent la vie politique et économique. Les rhétoriques sociales, politiques, médiatiques, écologiques actuelles seraient-elles dépassées, et empêcheraient-elles l’émergence de nouveaux imaginaires ? C’est ce que prétendent les défenseurs de « nouveaux récits » qui revendiquent des narrations plus en phase avec leurs aspirations – souvent écologiques ou sociales. Pour tenter de définir cette notion qui fait florès, nous avons interrogé d’une part Antoine Buéno, essayiste et prospectiviste, et d’autre part Jean-François Rochas-Parrot, alias « Jeff » des « ÉcoloHumanistes ». Deux visions, deux récits, qui témoignent de la subjectivité de la notion.

Les ingrédients clés d’une transformation des récits

Les « nouveaux récits », de quoi donc peut-il bien s’agir ? Pour Antoine Buéno, essayiste et conseiller au Sénat sur les questions de transition écologique, « le terme peut désigner quelque chose de concret qui est la question de l’imagination dans les projections que l’on peut faire au sujet de l’avenir ». Une discipline existe pour cela : la prospective.  « Pour faire de la prospective, il faut des informations concrètes, de la data – ce peut être des rapports, des articles scientifiques-, et aussi de l’imagination car ce qui advient, le réel, est toujours un défi à l’imagination. Vu du passé, le présent ressemble à un récit de science-fiction. Sans imagination et sans prise de risque vis-à-vis de la narration et des scénarios que l’on va élaborer, on a vraiment toutes les chances de ne pas être pertinent en matière d’anticipation et de projection du futur. Il y a donc une véritable importance à créer du récit. »

Pour Jeff des ÉcoloHumanistes – blog de penseurs qui réalisent des infographies et formations (avec Animacoop) pour partager des scénarios qui permettraient de « tendre vers un monde plus épanoui » – : «Il y a des milliers d’histoires. Ce qu’on comprend des gens qui parlent de nouveaux récits, c’est qu’il faut changer notre imaginaire ou du moins changer les valeurs fortes actuellement dominantes. Par exemple, dans l’éducation, c’est la compétition qui est mise en avant, alors que valoriser d’avantage la coopération peut être la base d’un nouveau récit qui permette de penser l’interdépendance plutôt que l’individualisme. »

Un consensus s’esquisse : le terme de nouveaux récits n’a pas de définition claire.

Hystérie de la nouveauté, multitude de futurs possibles

La volonté de parler de « nouveaux » récits, semble s’inscrire dans un courant de modifications quasi-systématiques des concepts, systèmes, fonctionnements. « Nous vivons dans un monde qui est dans une folie, une hystérie de la nouveauté » indique Antoine Buéno. « Vous avez dû remarquer qu’il faut tout changer, en permanence. Les systèmes informatiques en sont une caricature : il faut tout changer et tout revoir même si ça fonctionne très bien ». C’est ainsi que le concept de « récits » se voit, lui aussi, affublé de la caractéristique nouvelle. « J’imagine qu’un récit n’est « nouveau » que si on lui accole l’étiquette « nouveau » mais parmi tout ce qu’on appelle les « nouveaux récits », qu’est ce qui est véritablement nouveau ? Il existe une guerre de l’imagination qui se joue en fonction de ce que nous souhaitons voir advenir demain. Voulons-nous d’une société qui ressemble à celle de La petite maison dans la prairie ou à celle de Star Trek ? Dans les deux cas, on va agir de manière drastiquement différente pour conquérir, coloniser les esprits et les mentalités. Il s’agit d’un enjeu qui est à la fois social, sociologique, psychologique, culturel et in fine politique. Entre La petite maison dans la prairie d’un côté et de l’autre côté Star Trek, je reconnais des oppositions qui ne sont pas nouvelles et que l’on retrouve chez Rousseau et Voltaire. »

Au fond, n’y a t-il pas autant de récits d’un futur possible que d’auteurs, animés par leurs propres convictions aussi subjectives soient-elles ?

Pour Antoine Buéno, il existe un récit qui lui semble le plus adapté face aux problèmes actuels : « celui de la croissance verte, c’est-à-dire un mode de production, un mode d’existence de l’humanité économique qui permette de desserrer notre étau sur la planète et donc d’alléger notre empreinte environnementale. Selon moi, abolir le capitalisme serait la pire des solutions. Le seul récit qui me semble crédible et sur lequel on puisse compter est le récit d’un capitalisme radicalement transformé, d’un capitalisme qui demeure la dynamique de la société. C’est-à-dire maintenir la dynamique de la croissance pour la mettre au service d’un verdissement de l’ensemble de nos activités ». Le récit promu par les ÉcoloHumanistes repose sur deux autres concepts : la robustesse et l’interdépendance. « Le concept de robustesse est inspiré des travaux d’Olivier Hamant, chercheur en biologie à l’INRAE à Lyon, qui postule que les humains sont accros à la performance. Face à cela, la solution serait la robustesse, définie comme la capacité d’un système à rester stable malgré les fluctuations extérieures. La performance est ici considérée comme le récit dominant, et la robustesse le nouveau récit, selon Jeff. Je trouve qu’avec ce terme, il est plus facile de parler de thématiques écologiques à certains publics, notamment les populations les plus favorisées et éduquées. Alors qu’avec un récit comme celui de la décroissance, on perd vite tout le monde. »

L’espace médiatique, lieu propice au relai de nouveaux récits

Le rôle des médias et des journalistes dans le façonnement des représentations du présent, et d’un futur possible, est primordial. Jeff conçoit que « on ne peut pas créer un nouveau récit de toute pièce : c’est un engouement, et c’est un espace médiatique qui le relaie, le diffuse, les journalistes y participent beaucoup, à travers ce que nous voyons à la télé, dans les articles… » . Pour Antoine Buéno, « les médias ont à l’évidence un rôle dans la prédominance d’un imaginaire ou d’un autre. » Le journalisme, défini par Antoine Buéno comme « une matière molle, une matière mouvante qui s’adapte à son temps, à ses besoins », a pour vocation d’emporter la confiance que les gens accordent aux médias,« face à un monde qui est de plus en plus clivé par les réseaux sociaux, les algorithmes, les smartphones [et] potentiellement réinventer le journalisme pour essayer de contrer la défiance. » Les formes de journalisme telles que le journalisme de solutions, ou encore le slow journalism et le journalisme d’investigation sont autant de représentations de la réalité qui permettent de donner à voir une facette complémentaire du monde et de la société. « Aujourd’hui, la majorité des médias français militent en faveur de l’imaginaire de la décroissance, il y a là un parti pris médiatique parce qu’il y a une dominante de gauche qui s’exprime » estime Antoine Buéno.

Alors qu’il existe autant de récits que d’orientations politiques et sociales, le rôle du journalisme, par sa capacité à raconter une époque et livrer des faits de manière dépassionnée, serait-il la base de l’esquisse d’un imaginaire commun ?

 

Propos recueillis par Léa Varenne pour Reporters d’Espoirs

Crédits photographiques : Christophe Hautier pour Unsplash

 

« Ce qui me plaît c’est d’avoir l’impression que nous sommes une équipe et que chacune et chacun apporte de soi »

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Crédits photo : Editions Marabout / Elodie Daguin

Journaliste indépendante spécialisée en sport et en société depuis 2012, Assia Hamdi collabore avec les magazines l’Équipe, Le Monde, Marie-Claire, Phosphore, ou encore Tennis Magazine… Lauréate du Prix Reporters d’Espoirs Sport & Innovation sociale 2024, elle nous livre son parcours et sa vision du journalisme de solutions.

Léa VarenneVoilà 13 ans que vous faites profession de journaliste. Qu’est-ce qui a motivé votre volonté d’exercer ce métier ?

Assia Hamdi – Les correspondants des journaux télé me faisaient rêver parce qu’ils étaient reporters à l’étranger, envoyés spéciaux : ce sont eux qui m’ont donné envie de faire ce métier, de découvrir le monde et le raconter. Au fil de mon parcours, ma vision a évolué, elle est devenue plus « terre à terre ». Au collège, j’ai commencé à apprécier écrire. J’aimais beaucoup l’idée de comprendre comment fonctionne un texte, comment fonctionnent les mots, comment choisir les bons, de jouer avec eux et avec le vocabulaire. En parallèle, j’ai développé une passion pour le sport que je pratiquais pas mal en dehors de l’école et que je regardais à la télé. Ces deux passions se sont combinées. Au fil des ans, l’envie de devenir journaliste dans le sport s’est précisée, jusqu’à devenir logique au moment de choisir mon orientation.

Vous exercez comme journaliste indépendante : est-ce par choix ou par la force des choses ?

Quand j’étais étudiante au CFPJ, j’ai effectué mon alternance au sein du média L’Étudiant en contrat de professionnalisation. L’Étudiant n’avait pas la possibilité de m’embaucher du fait d’une situation économique tendue, mais ils ont continué à me solliciter comme pigiste. D’une situation un peu subie, elle m’a finalement rendu service : ça m’a appris à être débrouillarde, démarcher toujours de nouvelles rédactions, diversifier les angles, développer une capacité à chercher de bons sujets et différentes façons de traiter un même sujet. De travailler, aussi, avec une diversité de médias, et de m’adapter au rythme particulier de la pige. J’ai ainsi appris à compter sur moi et à croire en moi. Aujourd’hui, j’aime partir d’une idée, d’un sujet, pour les proposer à tel ou tel média. Avec une constante toutefois : travailler sur le sport en l’abordant d’une manière sociétale.

Vous vous passionnez pour « la place du sport comme levier de société, la question de l’égalité dans le sport, mais aussi des femmes, du genre et des discriminations dans le sport et dans la société. » Vous contribuez à rendre visibles des histoires de résilience ou de personnes invisibilisées. Peut-on dire que le journalisme constructif est pleinement intégré à votre démarche journalistique ?

Je ne sais pas si dans tous les articles que j’ai écrit, j’ai été constructive ou pas, mais j’ai toujours eu la volonté de me sentir utile dans cette profession. Ce besoin motive le choix de mes sujets, et me permet de mieux les défendre dès lors qu’il s’agit de raconter une histoire qui peut inspirer d’autres personnes. Quand je tâche de mettre en valeur un projet, une initiative ou une cause, j’ai besoin d’y croire. Bien sûr, il m’arrive comme tout journaliste de traiter de sujets parce qu’il y a un besoin précis d’une rédaction, mais j’ai la chance de pouvoir la plupart du temps choisir mes propres sujets.

Vous avez postulé au Prix Reporters d’Espoirs de l’Innovation sociale : qu’est-ce qui vous y a motivée ?

Je suis tombée par hasard sur le site internet de Reporters d’Espoirs. Je connaissais le Prix de nom. Le thème donné cette année m’a immédiatement parlé. J’ai trouvé très intéressant de valoriser ainsi la thématique du sport mêlée à celle de l’innovation sociale. Car j’ai l’impression que dans le journalisme, le sport n’est pas forcément vu comme un vecteur social. J’ai trouvé encourageant que Reporters d’Espoirs reconnaisse le sport comme un outil d’innovation, et cela m’a poussé à candidater.

Que représente pour vous le fait d’être lauréate du Prix Reporters d’Espoirs ?

J’ai jeté un œil aux autres reportages en présélection et il y a une chose amusante : j’envisageais de traiter une des initiatives. Cela m’a fait plaisir de voir qu’autant d’initiatives sont mises en avant par notre profession et valorisées par votre association. D’autant que j’ai souvent l’impression que le sport est le vilain petit canard du journalisme : on va en parler en fin de journal, on a l’impression qu’il a une dimension futile dans notre société – même si les JO ont apporté du nouveau.

Je suis très fière et honorée d’être lauréate car ce Prix récompense toute une façon de traiter le sport. Hélas, des annonces ont été faites visant à limiter les heures supplémentaires de pratique sportive hebdomadaire dans certaines écoles alors qu’il s’agissait d’une mesure phare annoncée dans le cadre des JO. C’est inquiétant et cela donne une dimension encore plus forte et plus importante à notre travail et à cette nécessité de documenter le sport dans notre société. Je travaille sur l’héritage des JO et j’ai envie de continuer à faire en sorte que le sport ne soit pas oublié dans les années qui viennent.

En plus d’être journaliste spécialisée en sport et société, vous faites de l’éducation aux médias en intervenant dans des établissements scolaires. Pensez-vous que le journalisme de solutions puisse redonner aux jeunes confiance dans les médias ?

Totalement. Le journalisme de solutions appliqué au sport consiste à aller sur les territoires, que ce soit dans les banlieues où la pratique sportive est indispensable ou des zones en campagne, éloignées des grandes villes. 

Tout l’intérêt de notre métier réside dans le fait de donner la parole à des gens pour lesquels la pratique sportive apporte quelque chose, que ce soit des enfants issus de quartiers défavorisés ou des personnes atteintes d’une maladie. J’utilise beaucoup ce type d’exemples quand j’interviens dans des écoles.

Lorsque j’échange avec les jeunes dans les ateliers d’éducation aux médias, ils m’indiquent qu’ils lisent le journal de leur ville, donc ce qui les concerne en premier. Quand on leur parle de quelque chose à un niveau national, par exemple les JO, je pense que le plus intéressant est de les emmener sur une compétition ou les faire rencontrer un athlète sur son terrain d’entraînement. Ainsi, avec un collègue, j’ai mené l’an dernier un projet d’EMI avec le plongeur Gary Hunt qui se préparait aux JO et qui s’entraînait à Montreuil. Il est venu les rencontrer dans leur collège mais nous avons aussi emmené les jeunes assister à son entraînement et ils trouvaient ça exceptionnel de rencontrer un sportif, ils étaient émerveillés. Quand on casse les barrières comme ça, les jeunes peuvent vraiment sentir l’intérêt de notre profession : le journalisme ce n’est pas forcément aller à l’autre bout du monde, ça peut aussi se passer en bas de chez soi. Les collégiens avec lesquels j’échange m’apportent aussi beaucoup, ils me permettent de voir comment la perception de notre métier évolue.

Quelle est votre volonté profonde, en tant que journaliste, face aux défis que représentent les sujets que vous traitez ?

Si je parle du milieu du sport, la question de l’inclusion et de l’égalité me fait beaucoup échanger avec des associations, des personnes militantes, entraîneuses, entraîneurs, des sportives et sportifs, des enseignants aussi. Ce qui me plaît c’est d’avoir l’impression que nous sommes une équipe et que chacune et chacun apporte de soi.

Par exemple, je connais bien un enseignant à Aulnay-sous-Bois qui fait beaucoup de sensibilisation, en enseignement d’éducation physique, aux questions d’égalité entre les genres, égalité homme-femme, histoire du sport, lutte contre le racisme auprès de ses élèves. Ça fait des années que nous menons des projets ensemble. Quand je dois faire intervenir des professeurs dans certains articles je le sollicite, comme lorsque j’ai raconté son histoire en tant que porteur de la flamme olympique. Avec ses élèves, nous avons aussi réalisé un grand dossier sur les sports avec le magazine Phosphore. De la même manière, je vais me rendre dans l’une de ses classes pour réaliser des ateliers d’EMI où je parle de mon expérience de journaliste sur les JO.

C’est vraiment ce travail de long terme que j’apprécie, au contact d’acteurs locaux qui prennent leurs responsabilités en se disant qu’ils peuvent changer les choses à leur manière, et essayent de le faire.

Propos recueillis par Léa Varenne/Reporters dEspoirs

Santé mentale chez les journalistes : Où se situent nos homologues d’outre-Atlantique ? Samuel Lamoureux répond.

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À l’occasion de la Journée internationale de la santé mentale, ce jeudi 10 octobre, nous avons voulu nous intéresser à la manière dont elle concerne particulièrement la profession journalistique, parfois mise à rude épreuve.  Nous avons questionné Samuel Lamoureux, chercheur et professeur canadien en communication au Département Sciences humaines, Lettres et Communication de l’Université TÉLUQ. Ses analyses portent sur le journalisme, les médias, les conditions de travail et la santé mentale des journalistes au Canada et dans le monde francophone. Tiraillée entre ses propres biais internes, la virulence de certains lecteurs mais aussi les situations qu’elle se doit de couvrir, la profession journalistique laisse peu de place au bien être psychologique des journalistes, dont la sphère intime est fortement impactée. Samuel Lamoureux préconise une réflexion personnelle par et pour les journalistes afin qu’ils puissent répondre avec justesse à leurs problèmes. Certaines actions mises en place outre-Atlantique peuvent inspirer une meilleure prise en charge de la santé mentale des journalistes en France.

Léa Varenne – En cherchant des contenus sur  la santé mentale des journalistes , il faut se rendre à l’évidence : voilà un sujet très peu abordé. Pourtant, il y a beaucoup à faire. Est-ce un tabou ?

Samuel Lamoureux – Il y a plusieurs raisons à cela. La première c’est parce qu’aller creuser ce sujet signifierait poser des questions dérangeantes pour la profession. La souffrance au travail qui peut aussi être nommée « stress chronique » est documentée au sein des salles de rédaction depuis longtemps. Par exemple, le syndicat de Radio Canada (service public équivalent de France Télévisions au Canada) a déjà réalisé des enquêtes internes sur la souffrance au travail, mais elles n’ont pas été rendues publiques. Il en était sorti que plus de 40% de journalistes déclaraient avoir déjà ressenti des symptômes de détresse psychologique, même plusieurs fois par an, du stress chronique, des insomnies, des dépressions, des burn-out…C’est quelque chose qui est documenté, mais pas rendu public, parce que ça voudrait dire qu’on pose des questions délicates. Pourquoi est-ce que les journalistes souffrent autant ? Quand on creuse, on soulève deux aspects qui ne sont pas évidents à aborder : d’une part, les méthodes de travail – notamment le rythme de production, avec parfois des pratiques ultra commerciales-, et d’autre part la réaction du public quand les journalistes expriment leurs difficultés. Je me souviens que sur Twitter, notamment, des lecteurs s’en sont beaucoup pris à certains journalistes en disant qu’ils n’avaient pas à se plaindre. Depuis ce temps-là, je sens qu’il y a moins de volonté de la part des journalistes de se montrer fragiles.

Pensez-vous que la manière dont ils traitent l’actualité – qui est majoritairement négative – affecte la santé mentale des journalistes qui y sont exposés en première ligne ?

Je ne sais pas si le problème est le fait qu’on traite l’actualité de manière négative ou si c’est plutôt qu’on la traite de manière extrêmement rapide en mode « breaking news ». On se concentre sur beaucoup de conflits que nous avons des difficultés à mettre en perspective. On voit juste des images de villes détruites, le monde qui brûle, des ouragans, etc. Pour moi, il n’y a pas de volonté particulière de la part des éditeurs de dire : « couvre des sujets négatifs ». C’est plutôt : « couvre l’actualité la plus chaude » ou « live tweet un événement ». Et quand vous voulez couvrir l’actualité chaude, souvent, le plus facile, c’est de suivre un événement négatif, une fusillade, un ouragan et de retweeter ce que d’autres font. C’est là que réside l’intérêt du journalisme de solutions : on ne peut pas juste suivre l’actualité chaude et retweeter. Il faut des textes plus longs qui expliquent davantage de choses. Quand on dit à un journaliste de couvrir les victimes d’un attentat, mais sans jamais mettre cela en perspective, sans jamais donner de solutions, c’est sûr que ça a un impact sur les professionnels de l’information, qu’ils travaillent de chez eux, ou qu’ils se rendent sur le terrain. Là, on peut parler de choc post-traumatique.

Pourriez-vous faire un état de la situation au Canada, et en France, en matière de santé mentale chez les journalistes et dans les salles de rédaction ? La santé mentale est-elle prise en compte dans ce domaine ? Notez-vous une différence entre le Canada et l’Union Européenne ?

Quand on parle de santé mentale, on parle de problèmes de burn-out, de surmenage, de dépression aussi.

J’ai lu un article dans Le Monde selon lequel 40% des jeunes journalistes français quittaient le métier et abandonnaient leur carte de presse après sept ans de métier. La question des pigistes représente un enjeu plus spécifique encore. Au Canada, il ne gagnent pas plus de 20 000 dollars par an, ce qui pose beaucoup des problèmes d’isolement et impacte toutes les sphères de la vie puisqu’il est impossible de payer un loyer avec un salaire si faible. Les journalistes se surmènent pour trouver d’autres sources de revenus qui peuvent générer des problèmes éthiques. Certains jeunes se tournent vers des métiers qui sont mal vus par la profession comme la publicité ; d’autres acceptent n’importe quelles conditions de travail, en ne comptant pas leurs heures. Et ça, en psychologie, « en faire plus avec moins », c’est littéralement la recette d’un surmenage. Ce cocktail de pression vient à la fois des supérieurs, et de l’auto-pression que se mettent les journalistes pour atteindre leurs objectifs. Comment penser à la santé mentale de quelqu’un si on le considère comme une unité interchangeable qui doit juste remplir son quota d’actualités, qui varie selon l’offre et la demande ? Cela constitue un cocktail toxique qui pousse beaucoup de personnes à quitter le métier.

L’agence de presse Reuters met à disposition des journalistes des formations en e-learning (sur le site *) sur le thème de la résilience et de la santé mentale. Voyez-vous d’autres initiatives en matière de prise en charge ?

Il existe un débat assez classique en sociologie : celui d’opposer l’individu et le collectif. C’est-à-dire se demander est-ce la faute de l’individu ou est-ce la faute du collectif ? Dans le premier cas il doit se débrouiller pour ajuster son comportement ; dans le deuxième cas il doit modifier son mode de fonctionnement.

Ce débat traverse le monde du journalisme. Beaucoup de gens disent que les journalistes ont des problèmes parce qu’ils se mettent trop de pression, et c’est en partie vrai. J’ai questionné des personnes travaillant dans les ressources humains qui me parlaient de techniques comme la méditation. Je ne suis pas du tout contre le fait d’apprendre à être plus zen dans sa vie et c’est important pour les personnes anxieuses d’apprendre à être moins anxieuses, mais le problème est plus large. Il y a un vrai problème de rapport au téléphone par exemple. Les journalistes sont trop connectés et il est important qu’ils réussissent à se mettre des barrières. Mais ce n’est pas une solution suffisante à mon goût parce qu’elle se contente de mettre l’accent sur l’individu qui doit apprendre à régler ses propres problèmes. On sous-entend ainsi que c’est peut-être la faute des individus s’ils sont malades parce que pas assez responsables, ou pas adaptés au rythme. Il y a des limites à dire aux gens qu’ils doivent juste s’adapter.

Parfois, c’est le collectif lui-même qui est malade. Ces dernières années, beaucoup d’articles sont parus sur la toxicité des relations dans certaines rédactions, notamment envers les femmes. C’est présent au Canada comme en France et documenté dans le livre du sociologue français Jean-Marie Charon, Hier journalistes. Quand se pose la question du sexisme type « plafond de verre », le problème ne vient pas de l’individu. C’est le problème du collectif, donc, dans ce cas-là, on a besoin d’une réaction collective. Comment notre collectif peut-il s’améliorer ? Comment peut-on en finir avec les plafonds de verre ? Là, ça devient une réflexion collective, associative et qui parfois doit mener à des prises de parole publiques. Il y a quelques années, il y a eu le #MeToo Média, entre autres en Europe. Ça a été une libération de la parole.

Ainsi selon moi, il faut un bon dosage entre les deux solutions. D’un côté des solutions individuelles pour apaiser les gens anxieux et trop stressés et d’un autre côté, des solutions plus collectives.

Existe-t-il des formations dès les écoles de journalisme sur la manière de couvrir un sujet potentiellement anxiogène tout en préservant sa santé mentale ?

Créer ce genre de cours représente une préoccupation grandissante. Deux collègues, Matthew Persson et Dave Sieglin, ont créé une formation sur les traumatismes prodigués dans les écoles de journalisme. Dans leur rapport sur la santé mentale « Prenez soin de vous », leur constat en 2022 était qu’au Canada, 90 % des journalistes n’auraient pas eu de formation sur la santé mentale ou sur la gestion des traumatismes. Dans le cursus scolaire on enseigne plus le contraire, « Soyez endurcis, soyez comme Albert Londres, allez au bagne et écrivez vos articles, allez voir les horreurs, la guerre, et montrez-nous ce qu’il s’est passé ». On enseigne souvent la figure de journaliste-aventurier, qui doit absolument aller sur les terrains « chauds ».

Proposez-vous, dans vos travaux, de nouvelles stratégies de prise en charge des journalistes et acteurs des médias ?

Je suis beaucoup inspiré par le concept de « psychodynamique du travail ». Il a été popularisé en France par Christophe Dejours. Ce qui est dit dans cette approche-là c’est que, pour gagner la santé il faut augmenter son pouvoir d’agir et son pouvoir de décision. Je travaille avec l’Association des Journalistes Indépendants du Québec, et on organise beaucoup d’événements où les journalistes indépendants doivent eux-mêmes réfléchir, trouver des solutions à leur problème. Chaque mois, on organise des rencontres de socialisation où on essaie de discuter des principaux problèmes. Par exemple : beaucoup de pigistes avaient remarqué qu’un média en particulier mettait des mois à les payer, parfois six mois. Nous en avons discuté puis il y a eu des actions. Plusieurs personnes leur ont écrit sur Instagram, des rencontres ont été faites avec d’autres organisations, ce qui a conduit le média à changer ses pratiques : il a compris qu’il était préférable de payer ses pigistes sans délai.

Je pense qu’il faut créer des espaces de réflexion, de collaboration, où les journalistes peuvent énoncer leurs problèmes et trouver des moyens de les régler par la force de leur collectif. Certes je suis un expert mais ce n’est pas mon rôle en tant que tel de montrer aux gens comment vivre. Les gens sont assez intelligents pour trouver des solutions à leurs problèmes, parfois ils manquent simplement de temps et d’espace. Je pense qu’on doit faciliter les échanges dans la profession, et créer aussi des espaces où les journalistes n’ont pas peur d’avoir des représailles. Il y a des endroits où les langues peuvent se délier et ça peut être organisé par une association, par un syndicat, par les journalistes eux-mêmes. ■

Propos recueillis par Léa Varenne, chargée de veille et de rédaction à l’ONG Reporters d’Espoirs.

Sources

Rapport « Prenez soin de vous » : https://www.journalismforum.ca/rapport-prenez-soin

Article du Monde : https://www.lemonde.fr/comprendre-en-3-minutes/article/2023/11/05/pourquoi-autant-de-jeunes-journalistes-quittent-le-metier-au-bout-de-sept-ans-comprendre-en-trois-minutes_6198317_6176282.html

Boîte à outils (English content)

https://ijnet.org/en/toolkit/mental-health-and-journalism

https://www.mentalhealthreuters.com/introduction

Mieux informer sur le climat : le Secrétariat général à la planification écologique mentionne Reporters d’Espoirs

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Dans une note de cadrage publiée le 16 juillet 2024, le SGPE développe les leviers à mettre en œuvre pour que les Français s’investissent davantage en matière de transition écologique. Cette note, intitulée « Engager une transition des modes de vie », aborde la question du traitement médiatique des enjeux environnementaux.

En effet, pour tendre vers une « transition réelle des modes de vie », il est nécessaire d’acculturer les Français. Cette acculturation est rendue possible, en partie, par l’information documentée qui leur est transmise à la télévision, à la radio et dans la presse. L’essentiel des citoyens s’informeront, au cours de leur vie, sur ces questions uniquement par le biais des journalistes.

En juillet 2020, notre étude « MédiasClimat », réalisée dans le cadre du Lab Reporters d’Espoirs -qui produit formations, outils numériques et études destinés aux journalistes- , faisait état que « la part des sujets qui évoquent le climat, sur le périmètre étudié, est de moins de 1 % en moyenne, avec des pointes à 2 % sur les chaînes d’info et à près de 5 % pour certains quotidiens nationaux ».

C’est ce volet de notre travail que le SGPE (page 8 de la note de cadrage), dirigé par Antoine Pellion et que notre association a rencontré dernièrement pour discuter de l’importance d’aborder l’information par la philosophie du « verre à moitié plein », a souhaité mettre en lumière.

Force est de constater que cette administration, rattachée à Matignon, désire quantifier et qualifier plus en profondeur ce traitement : « Des travaux restent à engager pour doter la puissance publique d’outils de suivi fiables et le plus proches possible du temps réel pour évaluer quantitativement et qualitativement le traitement médiatique des enjeux écologiques dans les médias. » Déchiffrer le qualitatif dans le quantitatif, en l’espèce, est indispensable.

L’objectif ? Mieux constater pour mieux distinguer comment les individus vont pouvoir s’éveiller à ces questions, et donc jouer un rôle dans la transition. « Aucune trajectoire crédible ne fait en effet l’économie d’un changement profond de nos modes de vies et de nos habitudes », les actions individuelles représentent 25% des efforts à produire d’ici à 2030, selon le Secrétariat, pour diminuer notamment drastiquement les émissions de gaz à effet de serre (GES) du pays.

En sus du volet informationnel, c’est à une meilleure formation et une meilleure communication auprès des Français auquel croît le SGPE.

« Le titre-restaurant, c’est un bel exemple du dialogue social français. Il faut développer cette culture du consensus » – Youssef Achour

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Youssef Achour est le président de la société coopérative UpCoop et du groupe Up dont il a gravi tous les échelons ces vingt-cinq dernières années. Patron engagé, élu par les salariés et porté par les valeurs de l’économie sociale et solidaire, il est aussi président de la CRESS Île-de-France (Chambre régionale de l’économie sociale et solidaire). La Scop* qu’il dirige a rejoint Reporters d’Espoirs comme mécène au début de l’année 2024. Aussi, nous avons voulu l’interroger sur le groupe singulier qu’il dirige, et plus largement sur l’engagement des entreprises de France. Sans oublier de le questionner sur son rapport à l’information.


Tout le monde ou presque côtoie UpCoop au quotidien … mais sans véritablement le savoir. Le chèque déjeuner, c’est vous ! Et ça fait 60 ans que ça dure.

Effectivement, nous avons débuté avec la marque Chèque déjeuner en 1964, qui a démocratisé l’accès à la restauration du midi et permis aux salariés qui déjeunaient à l’extérieur de prendre un repas de qualité dans un lieu de leur choix. Le titre-restaurant, c’est un vrai exemple de ce que le dialogue social dans l’entreprise, entre salariés et direction, permet de construire. C’est le fruit d’un accord obtenu au terme d’une négociation constructive entre partenaires sociaux, et l’impact est positif pour tous. Pour les salariés c’est du pouvoir d’achat additionnel, puisque les entreprises prennent en charge 60% ou 50% de la valeur du titre et pour l’employeur, c’est un levier d’engagement, de cohésion, de qualité de vie au travail et de marque employeur. Nous en sommes très fiers, car le titre restaurant nous a permis de nous ancrer dès le début dans une mission d’intérêt général et d’utilité sociale auprès des entreprises.

Comment un tel produit a pu se mettre en place ?

C’est grâce à la coopération de tous les acteurs. Il faut d’abord un Etat volontaire, qui met en place des mesures incitatives pour que l’entreprise et les salariés trouvent un intérêt commun. Il faut donc des entreprises qui décident, dans le cadre du dialogue social, d’améliorer le pouvoir d’achat et la qualité de vie de leurs salariés. Il faut aussi des restaurateurs, bien entendu, qui accepteront le paiement via ce support. Et pour coordonner le tout, un tiers de confiance : c’est nous ! Notre rôle est d’assurer le bon fonctionnement de tout l’écosystème et des flux qui y transitent. Lorsque le restaurateur reçoit et accepte le titre restaurant, il a confiance car il sait qu’il sera remboursé.

Outre les titres restaurants, qu’y a-t-il derrière ce groupe ?

Désormais, avec la digitalisation du titre-restaurant, on est à 1,2 million d’utilisateurs chaque jour. Avec le temps, nous nous sommes diversifiés en déployant d’autres titres spéciaux de paiement destinés à de l’achat plaisir-cadeau comme UpCadhoc par exemple : longtemps, les entreprises offraient via leur comité d’entreprise des paniers-cadeaux présélectionnés. Maintenant, avec le titre UpCadhoc, le salarié achète le cadeau qu’il souhaite offrir, ce qui donne une plus grande liberté. Nous avons élargi le dispositif à d’autres secteurs, comme ceux de la culture, du sport, de la lecture et de l’action sociale.

Ce que l’on connait moins, c’est toute l’activité qui nous permet d’accompagner les pouvoirs publics, collectivités et associations dans le versement des aides sociales aux personnes les plus démunies par exemple, de manière ciblée et sécurisée. Et nous nous sommes aujourd’hui déployés dans 25 pays.

Il y a tout juste deux ans, vous appeliez, avec Biocoop, à la création d’un chèque alimentaire « qui permette aux plus démunis d’accéder à une alimentation de qualité tout en préservant leur liberté de choix dans la consommation ». Où en est-on ?

Cela fait des années qu’on travaille sur l’idée du chèque alimentaire. Selon nous, l’Etat doit donner à chacun la possibilité d’accéder à la société de consommation. On imaginait un produit qui serait commandé par les collectivités locales pour être distribué aux personnes en situation précaire ou fragile. L’idée est de répondre au droit fondamental à se nourrir, en laissant la liberté aux bénéficiaires d’acheter dans n’importe quel commerce, ce qui permet au passage d’éviter la stigmatisation des files d’attentes aux banques alimentaires. On a d’abord testé le dispositif à l’échelle locale, puis travaillé avec Biocoop pour l’élargir au plan national. Nous avons voulu montrer la faisabilité du dispositif, pour que le gouvernement s’en empare et le généralise – comme l’avait annoncé le Président de la République en 2022. Hélas, le ministère de l’économie et des finances a décidé d’enterrer ce dispositif. Pour UpCoop, les expérimentations locales continuent, notamment à Dijon, à Montreuil et dans le Gers, mais il n’y a plus – pour l’heure – l’ambition politique nationale que nous espérions.

Vous dirigez la plus grande SCOP – société coopérative et participative – de France. A l’heure où l’on parle de partage de la valeur, et d’augmentation des salaires face à l’inflation, c’est un modèle qui fait la différence pour les salariés ?

Nous sommes la plus grande SCOP de France en termes de chiffres d’affaires, avec près de 750 salariés- coopérateurs de l’entreprise. Ils participent au processus de gouvernance, à la prise de décision, élisent le conseil d’administration parmi leurs pairs et 45% du résultat leur est redistribué.

C’est un exercice complexe mais passionnant que de perpétrer ce modèle de groupe coopératif. Il faut une volonté et une vision politique. Il faut aussi faire cohabiter ceux qui n’ont pas les mêmes intérêts ni le même statut dans un même groupe composé au global de 3 250 salariés. En se développant à l’international, le groupe a repris des entreprises dont les salariés n’ont pas la culture coopérative. Prenez nos filiales dans les pays de l’Est par exemple : ces entreprises, marquées par leur histoire, ne tiennent pas à redevenir des coopératives car cela ne leur évoque pas que de bons souvenirs. Cela ne nous empêche pas de les inciter à développer à la fois la place du dialogue social et la concertation en invitant des salariés à participer à leur conseil d’administration. Là où il faut généralement 1000 salariés dans une entreprise pour que ces derniers soient représentés au Conseil d’Administration, chez nous, les salariés ont des représentants qui participent aux instances y compris dans nos petites filiales.

Se crée-t-il encore des SCOP et des coopératives aujourd’hui en France ? Encouragez-vous cette création ?

Oui, il se crée des coopératives et nous souhaitons qu’il y en ait davantage. Cela étant, être une coopérative signifie s’engager sur le principe « une personne égale une voix » à la place de « une action égale une voix ». C’est compliqué dans un monde imprégné d’une forte culture capitalistique, où c’est le capital financier qui détermine votre pouvoir de décision ou d’influence dans une entreprise.

Aussi je pense qu’il faut surtout tendre à poursuivre l’essaimage dans la société actuelle des valeurs coopératives et des valeurs de l’économie sociale et solidaire (ESS), qui sont des valeurs de modernisation. Prenons quelques exemples : dans la plupart des entreprises, 90% à 95% des personnes ont des idées mais on ne les sollicite pas ; le principe de l’objectif individuel cultive la priorisation des intérêts personnels ; les salariés ne sont pas suffisamment associés aux décisions et intéressés au résultat collectif. Aujourd’hui, la jeune génération est en quête de sens. Les jeunes ont envie d’être associés au fonctionnement de l’entreprise, ils ont envie de plus de participatif. Je pense que cela va se développer ; il se trouve que les valeurs et pratiques historiques de l’ESS correspondent aux enjeux de la société actuelle et aux attentes des individus. Les résultats du Groupe Up témoignent que ces pratiques n‘altèrent en rien l’efficacité de l’entreprise.

Quel est votre rapport personnel à l’information et aux médias ? Comment vous informez-vous ?

J’écoute en permanence les informations. Mon réveil du matin, dès 6h, c’est la radio. Je commence en général par France Inter, avant de zapper sur d’autres chaînes, avec lesquelles je suis souvent en désaccord avec la ligne journalistique. C’est pour moi la seule façon de prendre le pouls des choses, d’entendre d’autres façons de penser les sujets de société. Avant, j’adorais dévorer la presse écrite. Avec la digitalisation, j’avoue avoir perdu l’habitude de la lire. C’est pourtant plus simple, plus accessible. Mais je ne prends plus le même plaisir qu’avec le papier. Il faut que je me réhabitue !

Vous qui avez fait des études d’économie et de finances, trouvez-vous que les médias sont suffisamment curieux d’économie et d’entreprise ?

Je trouve que les médias parlent de plus en plus d’économie, et traitent le sujet de mieux en mieux. Mais il y a trop souvent la recherche  d’alimenter un côté anxiogène des informations économiques ou sociales. Les médias ont une responsabilité énorme sur la santé mentale de la population. C’est plus facile de parler des trains qui arrivent en retard plutôt que des trains qui arrivent quotidiennement à l’heure. Prenez le sujet de l’intégration : on préfère parler des 20% d’échec plutôt que des 80% de réussite. C’est là que Reporters d’Espoirs est important ! Si on n’offre que de l’information anxiogène, on crée une société avec une vision réductrice et protectionniste du monde. C’est donc essentiel de mettre plus en avant ce qui fonctionne. Si tu ne crois plus en rien, tu te désintéresses de tout et tu n’exerces plus ta citoyenneté.

Propos recueillis par Gilles Vanderpooten et Maëlle Widmann/Reporters d’Espoirs.

*Société Coopérative et Participative

Christophe Agnus président du jury du 26e Prix Cap’Com de la presse et de l’information territoriale

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La coopérative Cap’Com lance en 2024 la 26ème édition de son prix de la presse et de l’information territoriale, qui récompense la publication d’une institution publique ou d’une collectivité. L’occasion de mettre en avant la qualité du travail des professionnels de la communication publique, et d’observer les tendances du secteur. L’évènement en ligne de remise du prix se tiendra le vendredi 28 juin.

Christophe Agnus, président du Grand Jury 2024

Cette année, le grand jury est présidé par Christophe Agnus, vice-président de Reporters d’Espoirs. Auteur, éditeur, journaliste, ex grand-reporter à L’Express, son expérience lui permettra d’avoir un regard acéré sur les publications de communication publique. Un jury pro et un jury étudiant sont également sollicités pour ce prix.

Le prix de la presse et de l’information territoriale se décline en sept catégories :

  • Prix du projet éditorial
  • Prix de la plume d’or
  • Prix de l’iconographie
  • Prix de la conception graphique
  • Prix de la Une
  • Prix es publications internes
  • Prix des petits poucets

Pour en savoir plus, la liste des nommés est publiée sur le site Cap’Com. Pour assister à l’évènement du 28 juin, l’inscription est gratuite.

Journalisme de solutions : conférence destinée aux étudiants de l'ISCPA

Conférence à l’ISCPA : « Aujourd’hui beaucoup d’éléments nous poussent à être pessimiste, mais pourquoi ne pas faire le choix d’être optimiste ? »

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Ce 4 avril, Reporters d’Espoirs a rencontré les étudiants de l’ISCPA dans le cadre d’une conférence sur le thème « Journalisme de solutions : levier de santé publique et de démocratie ». L’après-midi, animée par la responsable de formation Aude Ristat, a été consacrée à la présentation de cette approche ainsi qu’à un débat sur ses enjeux démocratiques entre Gilles Vanderpooten (Reporters d’Espoirs), Florence Gault (En un battement d’aile), Arthur Grimonpont (RSF), Sophie Casals (Nice-Matin) et Frédéric Duval (Lyon Positif). Reporters d’Espoirs remercie l’équipe de l’école, et particulièrement Thierry Kiefer, journaliste, enseignant et correspondant de l’association à Lyon.

A Lyon, le campus René Cassin du Groupe IGS -qui réunit de nombreuses écoles, dont l’Institut Supérieur des Médias (ISCPA)- fête ses 20 ans. Cette information peut difficilement échapper aux visiteurs et étudiants qui passent le sas d’entrée – y est effectivement orné en gros caractères “20 ans de réussites”. 

En 2004, l’association Reporters d’Espoirs voyait elle aussi le jour. A cette époque, l’ISCPA, née en 1991, avait déjà formé plusieurs générations de journalistes et connu des changements de cap importants dans ses enseignements face aux mutations touchant la profession. “C’est fou comme le métier change ne serait-ce que dans le rapport aux autres”, avance Aude Ristat, mi-déplorée mi-enjouée, devant l’amphithéâtre éponyme de l’éminent juriste ayant participé à l’écriture de la Déclaration universelle des droits de l’homme, responsable de formation. Mutations encore bien saillantes aujourd’hui et auxquelles l’école n’est pas hermétique. Elle fait même preuve de clairvoyance par l’organisation de cette conférence intitulée “Journalisme de solutions : levier de santé publique et de démocratie”. Ce n’est d’ailleurs pas la première fois que l’institut de référence en journalisme à Lyon initie ses étudiants au journalisme de solutions. Cette philosophie journalistique gagne en crédibilité aujourd’hui et se diffuse dans les rédactions et écoles ; 20 ans en arrière, les responsables de l’ISCPA n’auraient pas imaginé que la profession -au-delà des bouleversements techniques qu’elle a connus- serait à ce point questionnée dans sa substance même et que l’aphorisme d’Albert Londres “porter la plume dans la plaie” aurait à se réinventer. Reporters d’Espoirs émergeait alors. 

Biais de négativité 

Les étudiants de première et deuxième année du Bachelor Journalisme s’installent au compte-gouttes dans l’amphi. Les discussions vont bon train. On perçoit que l’ambiance y est chaleureuse ; le propre d’une école à taille humaine comparativement aux façons de faire universitaires. Quelques-uns échangent avec leurs professeurs. Des consignes sont rappelées. Des interviews à réaliser. On apprend sur le terrain, ici. Le ton, toujours amical et bienveillant. Une feuille d’émargement circule toutefois dans les rangs des fois que certains auraient mieux à faire. 

Ecole de contrôle ? A tempérer. Société de contrôle ? Assurément, et l’intelligence artificielle en est tenue pour responsable par Arthur Grimonpont, responsable du desk IA et enjeux globaux à Reporters sans frontières, qui ouvre les débats. Le ton devient Orwellien. L’audience, désormais silencieuse, est captivée. Jambes croisées, regard fixe et débit de parole élevé ; le calme dont fait preuve l’ancien consultant auprès de collectivités territoriales est frappant face aux réalités dystopiques qu’il énumère et qu’il a précisément étudiées, notamment dans son ouvrage « Algocratie. Vivre libre à l’heure des algorithmes » (Actes Sud, 2022). 

“L’IA joue un rôle prépondérant dans la diffusion et la structuration de l’information à l’échelle mondiale”, 

“Les règles du jeu propres aux algorithmes favorisent l’exposition de contenus diffamants, outranciers et basés sur la peur sur les réseaux sociaux”, 

“La majorité des contenus informationnels auxquels on accède sont recommandés par une IA qui poursuit un objectif économique clair : celui de l’accroissement des recettes publicitaires des géants de la technologie”. 

Le constat est sans appel, d’autant plus alarmant que l’intelligence artificielle intervient désormais dans la production même de l’information. Arthur Grimonpont, toujours de marbre : “D’ici quelques mois ou années, l’écrasante majorité des contenus du web seront générés par une intelligence artificielle”. Ici et là, quelques réactions s’élèvent dans l’assemblée. Lui poursuit son réquisitoire. Il finit par ponctuer “Demain, l’accès aux faits représentera un intérêt particulier”. Les étudiants se relâchent. L’espoir renaît. Place aux solutions. 

Journalisme de solutions 

“Qui a déjà développé des symptômes d’anxiété à la consultation régulière de l’actualité ?”. Sans surprise, une majorité de mains se lèvent dans le public. “Face à cette angoisse, qui a décidé d’arrêter de s’informer ?”, cette fois seules 3 mains se lèvent sur près de 70. Et pour cause, l’assemblée, constituée d’étudiants en journalisme, est foncièrement animée par l’information et du reste constitue des “cerveaux tout neufs”, dixit un quidam à l’avant de l’amphithéâtre. Florence Gault, journaliste derrière le podcast “En un battement d’aile”, expose la définition du journalisme de solutions : “un journalisme qui montre les réponses aux problèmes sociaux”. D’emblée, elle tient à ne pas considérer cette approche journalistique comme celle résultant d’un monde utopique à l’instar de celui des “bisounours”. « Il ne s’agit pas de faire de l’information type good news ». Des écueils à éviter ? « Ne pas considérer cette approche comme politique. Au contraire. En faisant du journalisme de solutions, on prône une certaine vision de la société mais il ne faut pas rentrer dans les travers de la politique” ou encore “Évoquer une initiative sans en faire pour autant sa communication”, développe la reporter de solutions et enseignante à l’ISCPA. 

S’en suit l’intervention de Gilles Vanderpooten qui, au détour de l’exposition de son parcours personnel, présente l’association pionnière du journalisme de solutions qu’il dirige : Reporters d’Espoirs. Son adage ? “Aujourd’hui beaucoup d’éléments nous poussent à être pessimiste, mais pourquoi ne pas faire le choix d’être optimiste ? Si l’on cherche des raisons d’opter pour l’un ou pour l’autre, on les trouve, elles sont là”. Cette association diffuse l’envie d’agir dans les médias. Concrètement, elle décerne des prix à des journalistes, produit des études sur le traitement médiatique de sujets de société, confectionne une revue qui met en exergue des acteurs de solutions, expose des initiatives via une plateforme intitulée “Le Plus” pour inspirer les journalistes… 

Sophie Casals, rédactrice en chef adjointe du groupe Nice-Matin, a notamment été inspirée par l’association. Depuis Nice, elle explique la décision du journal d’avoir entrepris l’ouverture d’une rubrique “Solutions” en 2014, alors que le quotidien est au plus bas et que les salariés le reprendront en main, de manière transitoire sous forme de coopérative : “On est là pour parler des problèmes, c’est notre métier au fond que de traiter des fait-divers. J’avais toutefois le sentiment à l’époque de faire mon métier sans aller au bout des choses, de façon incomplète. » Une approche qui engage les lecteurs assure-t-elle même si elle ne rivalise pas avec le sensationnalisme. Un choix éthique au fond car ces contenus davantage qualitatifs ne sont pas valorisés par les algorithmes des réseaux sociaux, dixit l’intervention de l’ingénieur Grimonpont. 

Un étudiant se demande : “N’est-il pas particulièrement difficile en France de faire du journalisme de solutions ? Un pays pessimiste par nature.” Frédéric Duval, fondateur de Lyon Positif, lui répond : “La France n’est pas le pays où il est le plus difficile de porter la casquette de journaliste. On a de la chance. Mais c’est vrai que dès que je me rends quelque part, on attend de moi un certain état d’esprit : que je sois positif tout le temps. Or, ce n’est pas toujours le cas.”

Une étudiante s’interroge également sur les limites de cette approche : « Durant la crise sanitaire, on a connu une période d’épuisement informationnel, comment chercher et trouver des solutions quand tout est noir ? »

« Je crois que bien des médias, durant cette période, ont péché à vouloir à tout prix interroger le “bon client” comme ce professeur qui a monopolisé le temps d’antenne et qui en vérité apportait des réponses douteuses. Certains journalistes ont réussi à le débunker, d’autres animateurs ou éditorialistes l’ont porté aux nues de façon abusive et sans contradicteur. Le journalisme de solutions n’est ici pas en cause, car il attend des preuves avant de considérer une initiative comme porteuse » étaye Vanderpooten. 

Une des forces du journalisme de solutions réside en effet dans sa capacité à reprendre le pouvoir sur les événements. Un journalisme à impact. Un journalisme performatif. « L’objectivité n’existe pas. Il faut viser l’honnêteté intellectuelle » déclare Duval à un étudiant du bachelor qui désire résorber la fracture entre citoyens et journalistes. Ce journalisme à « spectre large » a -qui sait ?- peut-être suscité de nouvelles vocations dans la salle ?

Assises du Journalisme de Tours : « L’éducation à l’information, c’est l’éveil critique des jeunes et des moins jeunes », Damien Fleurot (TF1)

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Cette semaine, Tours accueille la 17ème édition des Assises du Journalisme qui fait cette année honneur aux Jeux Olympiques avec pour thématique : « Le journalisme, c’est du sport ! ». Au programme : débats, ateliers, salon du livre (ce samedi), tables rondes et conférences sur des sujets variés : la couverture des Jeux Olympiques et des élections européennes, la place de l’intelligence artificielle ou encore l’importance des Etats Généraux de l’Information. Un thème est également sur toutes les lèvres : l’EMI pour  « éducation aux médias et à l’information » dont nous avons interrogé quelques acteurs sur place.

Dans le Palais des Congrès qui fait face à la gare de Tours, journalistes et personnalités médiatiques déambulent au milieu de collégiens et lycéens. En petits groupes, les élèves se déplacent de stands en ateliers. Il faut dire que l’EMI, priorité grandissante encouragée par les ministères de la Culture comme de l’Education, était à l’honneur quelques jours auparavant, avec la 35ème Semaine de la Presse et des Médias à l’Ecole, coordonnée par le CLEMI. Ici, l’EMI s’illustre par les initiatives de médias régionaux et tourangeaux comme France 3, Radio Campus, Radio 100% lycéens, ou encore le club de la presse Centre – Val de Loire.

Sur le premier stand, une vingtaine de lycéens assis en tailleur. Les élèves de ce Bac pro optique semblent intéressés, et leurs questions fusent : « est-ce qu’on a des primes quand on trouve une info ? » demande un adolescent. L’intervenant de France 3 décrit le métier de journaliste, explique son rôle : « la qualité première d’un journaliste, c’est la curiosité. ». Il insiste également sur la valeur et la fiabilité de l’information : « il faut toujours recouper les informations, c’est un métier précis où on doit être rigoureux ». Valérie, chargée de communication à France 3, participe à l’animation de ces ateliers : « on fait de la sensibilisation aux métiers des médias ». Ces animations sont proposées spécifiquement dans le cadre des Assises, mais il existe des projets d’EMI tout au long de l’année : « on accueille beaucoup de stagiaires de 3ème, et on envoie des journalismes dans les écoles » précise Valérie.

Pour Damien Fleurot, rédacteur en chef adjoint chez TF1, l’EMI permet « l’éveil de l’esprit critique des jeunes et des moins jeunes ». En tant que président de l’association « Lumières sur l’info », qui lutte contre la désinformation, l’importance de l’EMI sonne pour lui comme une évidence. Si elle s’impose dans les milieux scolaires, l’EMI ne doit pas exclure un public plus âgé. Pour ce faire, il faut « aller le chercher là où il est : organiser des rencontres dans les foyers municipaux, dans les mairies », explique le journaliste. L’éducation aux médias doit « élargir sons spectre ». Quant à la consommation d’informations des jeunes sur les réseaux sociaux, Damien Fleurot est catégorique : « L’essentiel, c’est de savoir ce qu’on regarde. Il faut apprendre à faire la différence entre le contenu d’information, de divertissement et de communication. »

Ici et là, des groupes d’adolescents discutent, feuillètent des journaux et se montrent des vidéos sur leur téléphones. Cinq élèves en classe de première venues d’Orléans attendent leur premier atelier de la journée. « On est là pour continuer notre projet « fake news ». Toute l’année, on travaille sur une loi fictive qui pourrait être mise en place pour lutter contre les fake news. » explique une adolescente. Son amie complète : « on a déjà rencontré un député et un sénateur depuis le début de l’année ».

Au fond de la grande salle, on distingue plusieurs adolescents autour d’une table, casque sur les oreilles et micro dans les mains. Nous sommes sur le studio radio établi par Radio Campus pour la durée de l’événement. Ce réseau est composé d’une trentaine de radios associatives régionales. Leur socle commun se construit autour des sujets d’actualité portant sur l’inclusion, l’écologie ou encore les inégalités. Mais le plus important, c’est la place qui est faite aux jeunes. Emmanuel Frochot est chargé de développement à Radio Phénix de Caen. Il explique qu’une grande partie des équipes sont des jeunes en bénévolat, en alternance ou en service civique. « A Caen par exemple, on est obligé d’avoir 30% de l’équipe qui soit composée d’étudiants. Mais on a aussi des jeunes en insertion, ou qui viennent des centres de loisirs et de foyers ». Radio Campus fait référence à l’implantation des antennes dans des villes universitaires. Le développement de l’EMI fait partie de ses missions. Une partie de chaque équipe locale y est d’ailleurs spécialement dédiée. « On considère que c’est notre rôle en tant que média de proximité », justifie Emmanuel, « c’est une façon de montrer que les médias sont accessibles ».

M.W.