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L’actu de Reporters d’Espoirs

« Ce qui me plaît c’est d’avoir l’impression que nous sommes une équipe et que chacune et chacun apporte de soi »

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Crédits photo : Editions Marabout / Elodie Daguin

Journaliste indépendante spécialisée en sport et en société depuis 2012, Assia Hamdi collabore avec les magazines l’Équipe, Le Monde, Marie-Claire, Phosphore, ou encore Tennis Magazine… Lauréate du Prix Reporters d’Espoirs Sport & Innovation sociale 2024, elle nous livre son parcours et sa vision du journalisme de solutions.

Léa VarenneVoilà 13 ans que vous faites profession de journaliste. Qu’est-ce qui a motivé votre volonté d’exercer ce métier ?

Assia Hamdi – Les correspondants des journaux télé me faisaient rêver parce qu’ils étaient reporters à l’étranger, envoyés spéciaux : ce sont eux qui m’ont donné envie de faire ce métier, de découvrir le monde et le raconter. Au fil de mon parcours, ma vision a évolué, elle est devenue plus « terre à terre ». Au collège, j’ai commencé à apprécier écrire. J’aimais beaucoup l’idée de comprendre comment fonctionne un texte, comment fonctionnent les mots, comment choisir les bons, de jouer avec eux et avec le vocabulaire. En parallèle, j’ai développé une passion pour le sport que je pratiquais pas mal en dehors de l’école et que je regardais à la télé. Ces deux passions se sont combinées. Au fil des ans, l’envie de devenir journaliste dans le sport s’est précisée, jusqu’à devenir logique au moment de choisir mon orientation.

Vous exercez comme journaliste indépendante : est-ce par choix ou par la force des choses ?

Quand j’étais étudiante au CFPJ, j’ai effectué mon alternance au sein du média L’Étudiant en contrat de professionnalisation. L’Étudiant n’avait pas la possibilité de m’embaucher du fait d’une situation économique tendue, mais ils ont continué à me solliciter comme pigiste. D’une situation un peu subie, elle m’a finalement rendu service : ça m’a appris à être débrouillarde, démarcher toujours de nouvelles rédactions, diversifier les angles, développer une capacité à chercher de bons sujets et différentes façons de traiter un même sujet. De travailler, aussi, avec une diversité de médias, et de m’adapter au rythme particulier de la pige. J’ai ainsi appris à compter sur moi et à croire en moi. Aujourd’hui, j’aime partir d’une idée, d’un sujet, pour les proposer à tel ou tel média. Avec une constante toutefois : travailler sur le sport en l’abordant d’une manière sociétale.

Vous vous passionnez pour « la place du sport comme levier de société, la question de l’égalité dans le sport, mais aussi des femmes, du genre et des discriminations dans le sport et dans la société. » Vous contribuez à rendre visibles des histoires de résilience ou de personnes invisibilisées. Peut-on dire que le journalisme constructif est pleinement intégré à votre démarche journalistique ?

Je ne sais pas si dans tous les articles que j’ai écrit, j’ai été constructive ou pas, mais j’ai toujours eu la volonté de me sentir utile dans cette profession. Ce besoin motive le choix de mes sujets, et me permet de mieux les défendre dès lors qu’il s’agit de raconter une histoire qui peut inspirer d’autres personnes. Quand je tâche de mettre en valeur un projet, une initiative ou une cause, j’ai besoin d’y croire. Bien sûr, il m’arrive comme tout journaliste de traiter de sujets parce qu’il y a un besoin précis d’une rédaction, mais j’ai la chance de pouvoir la plupart du temps choisir mes propres sujets.

Vous avez postulé au Prix Reporters d’Espoirs de l’Innovation sociale : qu’est-ce qui vous y a motivée ?

Je suis tombée par hasard sur le site internet de Reporters d’Espoirs. Je connaissais le Prix de nom. Le thème donné cette année m’a immédiatement parlé. J’ai trouvé très intéressant de valoriser ainsi la thématique du sport mêlée à celle de l’innovation sociale. Car j’ai l’impression que dans le journalisme, le sport n’est pas forcément vu comme un vecteur social. J’ai trouvé encourageant que Reporters d’Espoirs reconnaisse le sport comme un outil d’innovation, et cela m’a poussé à candidater.

Que représente pour vous le fait d’être lauréate du Prix Reporters d’Espoirs ?

J’ai jeté un œil aux autres reportages en présélection et il y a une chose amusante : j’envisageais de traiter une des initiatives. Cela m’a fait plaisir de voir qu’autant d’initiatives sont mises en avant par notre profession et valorisées par votre association. D’autant que j’ai souvent l’impression que le sport est le vilain petit canard du journalisme : on va en parler en fin de journal, on a l’impression qu’il a une dimension futile dans notre société – même si les JO ont apporté du nouveau.

Je suis très fière et honorée d’être lauréate car ce Prix récompense toute une façon de traiter le sport. Hélas, des annonces ont été faites visant à limiter les heures supplémentaires de pratique sportive hebdomadaire dans certaines écoles alors qu’il s’agissait d’une mesure phare annoncée dans le cadre des JO. C’est inquiétant et cela donne une dimension encore plus forte et plus importante à notre travail et à cette nécessité de documenter le sport dans notre société. Je travaille sur l’héritage des JO et j’ai envie de continuer à faire en sorte que le sport ne soit pas oublié dans les années qui viennent.

En plus d’être journaliste spécialisée en sport et société, vous faites de l’éducation aux médias en intervenant dans des établissements scolaires. Pensez-vous que le journalisme de solutions puisse redonner aux jeunes confiance dans les médias ?

Totalement. Le journalisme de solutions appliqué au sport consiste à aller sur les territoires, que ce soit dans les banlieues où la pratique sportive est indispensable ou des zones en campagne, éloignées des grandes villes. 

Tout l’intérêt de notre métier réside dans le fait de donner la parole à des gens pour lesquels la pratique sportive apporte quelque chose, que ce soit des enfants issus de quartiers défavorisés ou des personnes atteintes d’une maladie. J’utilise beaucoup ce type d’exemples quand j’interviens dans des écoles.

Lorsque j’échange avec les jeunes dans les ateliers d’éducation aux médias, ils m’indiquent qu’ils lisent le journal de leur ville, donc ce qui les concerne en premier. Quand on leur parle de quelque chose à un niveau national, par exemple les JO, je pense que le plus intéressant est de les emmener sur une compétition ou les faire rencontrer un athlète sur son terrain d’entraînement. Ainsi, avec un collègue, j’ai mené l’an dernier un projet d’EMI avec le plongeur Gary Hunt qui se préparait aux JO et qui s’entraînait à Montreuil. Il est venu les rencontrer dans leur collège mais nous avons aussi emmené les jeunes assister à son entraînement et ils trouvaient ça exceptionnel de rencontrer un sportif, ils étaient émerveillés. Quand on casse les barrières comme ça, les jeunes peuvent vraiment sentir l’intérêt de notre profession : le journalisme ce n’est pas forcément aller à l’autre bout du monde, ça peut aussi se passer en bas de chez soi. Les collégiens avec lesquels j’échange m’apportent aussi beaucoup, ils me permettent de voir comment la perception de notre métier évolue.

Quelle est votre volonté profonde, en tant que journaliste, face aux défis que représentent les sujets que vous traitez ?

Si je parle du milieu du sport, la question de l’inclusion et de l’égalité me fait beaucoup échanger avec des associations, des personnes militantes, entraîneuses, entraîneurs, des sportives et sportifs, des enseignants aussi. Ce qui me plaît c’est d’avoir l’impression que nous sommes une équipe et que chacune et chacun apporte de soi.

Par exemple, je connais bien un enseignant à Aulnay-sous-Bois qui fait beaucoup de sensibilisation, en enseignement d’éducation physique, aux questions d’égalité entre les genres, égalité homme-femme, histoire du sport, lutte contre le racisme auprès de ses élèves. Ça fait des années que nous menons des projets ensemble. Quand je dois faire intervenir des professeurs dans certains articles je le sollicite, comme lorsque j’ai raconté son histoire en tant que porteur de la flamme olympique. Avec ses élèves, nous avons aussi réalisé un grand dossier sur les sports avec le magazine Phosphore. De la même manière, je vais me rendre dans l’une de ses classes pour réaliser des ateliers d’EMI où je parle de mon expérience de journaliste sur les JO.

C’est vraiment ce travail de long terme que j’apprécie, au contact d’acteurs locaux qui prennent leurs responsabilités en se disant qu’ils peuvent changer les choses à leur manière, et essayent de le faire.

Propos recueillis par Léa Varenne/Reporters dEspoirs

Santé mentale chez les journalistes : Où se situent nos homologues d’outre-Atlantique ? Samuel Lamoureux répond.

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À l’occasion de la Journée internationale de la santé mentale, ce jeudi 10 octobre, nous avons voulu nous intéresser à la manière dont elle concerne particulièrement la profession journalistique, parfois mise à rude épreuve.  Nous avons questionné Samuel Lamoureux, chercheur et professeur canadien en communication au Département Sciences humaines, Lettres et Communication de l’Université TÉLUQ. Ses analyses portent sur le journalisme, les médias, les conditions de travail et la santé mentale des journalistes au Canada et dans le monde francophone. Tiraillée entre ses propres biais internes, la virulence de certains lecteurs mais aussi les situations qu’elle se doit de couvrir, la profession journalistique laisse peu de place au bien être psychologique des journalistes, dont la sphère intime est fortement impactée. Samuel Lamoureux préconise une réflexion personnelle par et pour les journalistes afin qu’ils puissent répondre avec justesse à leurs problèmes. Certaines actions mises en place outre-Atlantique peuvent inspirer une meilleure prise en charge de la santé mentale des journalistes en France.

Léa Varenne – En cherchant des contenus sur  la santé mentale des journalistes , il faut se rendre à l’évidence : voilà un sujet très peu abordé. Pourtant, il y a beaucoup à faire. Est-ce un tabou ?

Samuel Lamoureux – Il y a plusieurs raisons à cela. La première c’est parce qu’aller creuser ce sujet signifierait poser des questions dérangeantes pour la profession. La souffrance au travail qui peut aussi être nommée « stress chronique » est documentée au sein des salles de rédaction depuis longtemps. Par exemple, le syndicat de Radio Canada (service public équivalent de France Télévisions au Canada) a déjà réalisé des enquêtes internes sur la souffrance au travail, mais elles n’ont pas été rendues publiques. Il en était sorti que plus de 40% de journalistes déclaraient avoir déjà ressenti des symptômes de détresse psychologique, même plusieurs fois par an, du stress chronique, des insomnies, des dépressions, des burn-out…C’est quelque chose qui est documenté, mais pas rendu public, parce que ça voudrait dire qu’on pose des questions délicates. Pourquoi est-ce que les journalistes souffrent autant ? Quand on creuse, on soulève deux aspects qui ne sont pas évidents à aborder : d’une part, les méthodes de travail – notamment le rythme de production, avec parfois des pratiques ultra commerciales-, et d’autre part la réaction du public quand les journalistes expriment leurs difficultés. Je me souviens que sur Twitter, notamment, des lecteurs s’en sont beaucoup pris à certains journalistes en disant qu’ils n’avaient pas à se plaindre. Depuis ce temps-là, je sens qu’il y a moins de volonté de la part des journalistes de se montrer fragiles.

Pensez-vous que la manière dont ils traitent l’actualité – qui est majoritairement négative – affecte la santé mentale des journalistes qui y sont exposés en première ligne ?

Je ne sais pas si le problème est le fait qu’on traite l’actualité de manière négative ou si c’est plutôt qu’on la traite de manière extrêmement rapide en mode « breaking news ». On se concentre sur beaucoup de conflits que nous avons des difficultés à mettre en perspective. On voit juste des images de villes détruites, le monde qui brûle, des ouragans, etc. Pour moi, il n’y a pas de volonté particulière de la part des éditeurs de dire : « couvre des sujets négatifs ». C’est plutôt : « couvre l’actualité la plus chaude » ou « live tweet un événement ». Et quand vous voulez couvrir l’actualité chaude, souvent, le plus facile, c’est de suivre un événement négatif, une fusillade, un ouragan et de retweeter ce que d’autres font. C’est là que réside l’intérêt du journalisme de solutions : on ne peut pas juste suivre l’actualité chaude et retweeter. Il faut des textes plus longs qui expliquent davantage de choses. Quand on dit à un journaliste de couvrir les victimes d’un attentat, mais sans jamais mettre cela en perspective, sans jamais donner de solutions, c’est sûr que ça a un impact sur les professionnels de l’information, qu’ils travaillent de chez eux, ou qu’ils se rendent sur le terrain. Là, on peut parler de choc post-traumatique.

Pourriez-vous faire un état de la situation au Canada, et en France, en matière de santé mentale chez les journalistes et dans les salles de rédaction ? La santé mentale est-elle prise en compte dans ce domaine ? Notez-vous une différence entre le Canada et l’Union Européenne ?

Quand on parle de santé mentale, on parle de problèmes de burn-out, de surmenage, de dépression aussi.

J’ai lu un article dans Le Monde selon lequel 40% des jeunes journalistes français quittaient le métier et abandonnaient leur carte de presse après sept ans de métier. La question des pigistes représente un enjeu plus spécifique encore. Au Canada, il ne gagnent pas plus de 20 000 dollars par an, ce qui pose beaucoup des problèmes d’isolement et impacte toutes les sphères de la vie puisqu’il est impossible de payer un loyer avec un salaire si faible. Les journalistes se surmènent pour trouver d’autres sources de revenus qui peuvent générer des problèmes éthiques. Certains jeunes se tournent vers des métiers qui sont mal vus par la profession comme la publicité ; d’autres acceptent n’importe quelles conditions de travail, en ne comptant pas leurs heures. Et ça, en psychologie, « en faire plus avec moins », c’est littéralement la recette d’un surmenage. Ce cocktail de pression vient à la fois des supérieurs, et de l’auto-pression que se mettent les journalistes pour atteindre leurs objectifs. Comment penser à la santé mentale de quelqu’un si on le considère comme une unité interchangeable qui doit juste remplir son quota d’actualités, qui varie selon l’offre et la demande ? Cela constitue un cocktail toxique qui pousse beaucoup de personnes à quitter le métier.

L’agence de presse Reuters met à disposition des journalistes des formations en e-learning (sur le site *) sur le thème de la résilience et de la santé mentale. Voyez-vous d’autres initiatives en matière de prise en charge ?

Il existe un débat assez classique en sociologie : celui d’opposer l’individu et le collectif. C’est-à-dire se demander est-ce la faute de l’individu ou est-ce la faute du collectif ? Dans le premier cas il doit se débrouiller pour ajuster son comportement ; dans le deuxième cas il doit modifier son mode de fonctionnement.

Ce débat traverse le monde du journalisme. Beaucoup de gens disent que les journalistes ont des problèmes parce qu’ils se mettent trop de pression, et c’est en partie vrai. J’ai questionné des personnes travaillant dans les ressources humains qui me parlaient de techniques comme la méditation. Je ne suis pas du tout contre le fait d’apprendre à être plus zen dans sa vie et c’est important pour les personnes anxieuses d’apprendre à être moins anxieuses, mais le problème est plus large. Il y a un vrai problème de rapport au téléphone par exemple. Les journalistes sont trop connectés et il est important qu’ils réussissent à se mettre des barrières. Mais ce n’est pas une solution suffisante à mon goût parce qu’elle se contente de mettre l’accent sur l’individu qui doit apprendre à régler ses propres problèmes. On sous-entend ainsi que c’est peut-être la faute des individus s’ils sont malades parce que pas assez responsables, ou pas adaptés au rythme. Il y a des limites à dire aux gens qu’ils doivent juste s’adapter.

Parfois, c’est le collectif lui-même qui est malade. Ces dernières années, beaucoup d’articles sont parus sur la toxicité des relations dans certaines rédactions, notamment envers les femmes. C’est présent au Canada comme en France et documenté dans le livre du sociologue français Jean-Marie Charon, Hier journalistes. Quand se pose la question du sexisme type « plafond de verre », le problème ne vient pas de l’individu. C’est le problème du collectif, donc, dans ce cas-là, on a besoin d’une réaction collective. Comment notre collectif peut-il s’améliorer ? Comment peut-on en finir avec les plafonds de verre ? Là, ça devient une réflexion collective, associative et qui parfois doit mener à des prises de parole publiques. Il y a quelques années, il y a eu le #MeToo Média, entre autres en Europe. Ça a été une libération de la parole.

Ainsi selon moi, il faut un bon dosage entre les deux solutions. D’un côté des solutions individuelles pour apaiser les gens anxieux et trop stressés et d’un autre côté, des solutions plus collectives.

Existe-t-il des formations dès les écoles de journalisme sur la manière de couvrir un sujet potentiellement anxiogène tout en préservant sa santé mentale ?

Créer ce genre de cours représente une préoccupation grandissante. Deux collègues, Matthew Persson et Dave Sieglin, ont créé une formation sur les traumatismes prodigués dans les écoles de journalisme. Dans leur rapport sur la santé mentale « Prenez soin de vous », leur constat en 2022 était qu’au Canada, 90 % des journalistes n’auraient pas eu de formation sur la santé mentale ou sur la gestion des traumatismes. Dans le cursus scolaire on enseigne plus le contraire, « Soyez endurcis, soyez comme Albert Londres, allez au bagne et écrivez vos articles, allez voir les horreurs, la guerre, et montrez-nous ce qu’il s’est passé ». On enseigne souvent la figure de journaliste-aventurier, qui doit absolument aller sur les terrains « chauds ».

Proposez-vous, dans vos travaux, de nouvelles stratégies de prise en charge des journalistes et acteurs des médias ?

Je suis beaucoup inspiré par le concept de « psychodynamique du travail ». Il a été popularisé en France par Christophe Dejours. Ce qui est dit dans cette approche-là c’est que, pour gagner la santé il faut augmenter son pouvoir d’agir et son pouvoir de décision. Je travaille avec l’Association des Journalistes Indépendants du Québec, et on organise beaucoup d’événements où les journalistes indépendants doivent eux-mêmes réfléchir, trouver des solutions à leur problème. Chaque mois, on organise des rencontres de socialisation où on essaie de discuter des principaux problèmes. Par exemple : beaucoup de pigistes avaient remarqué qu’un média en particulier mettait des mois à les payer, parfois six mois. Nous en avons discuté puis il y a eu des actions. Plusieurs personnes leur ont écrit sur Instagram, des rencontres ont été faites avec d’autres organisations, ce qui a conduit le média à changer ses pratiques : il a compris qu’il était préférable de payer ses pigistes sans délai.

Je pense qu’il faut créer des espaces de réflexion, de collaboration, où les journalistes peuvent énoncer leurs problèmes et trouver des moyens de les régler par la force de leur collectif. Certes je suis un expert mais ce n’est pas mon rôle en tant que tel de montrer aux gens comment vivre. Les gens sont assez intelligents pour trouver des solutions à leurs problèmes, parfois ils manquent simplement de temps et d’espace. Je pense qu’on doit faciliter les échanges dans la profession, et créer aussi des espaces où les journalistes n’ont pas peur d’avoir des représailles. Il y a des endroits où les langues peuvent se délier et ça peut être organisé par une association, par un syndicat, par les journalistes eux-mêmes. ■

Propos recueillis par Léa Varenne, chargée de veille et de rédaction à l’ONG Reporters d’Espoirs.

Sources

Rapport « Prenez soin de vous » : https://www.journalismforum.ca/rapport-prenez-soin

Article du Monde : https://www.lemonde.fr/comprendre-en-3-minutes/article/2023/11/05/pourquoi-autant-de-jeunes-journalistes-quittent-le-metier-au-bout-de-sept-ans-comprendre-en-trois-minutes_6198317_6176282.html

Boîte à outils (English content)

https://ijnet.org/en/toolkit/mental-health-and-journalism

https://www.mentalhealthreuters.com/introduction

Mieux informer sur le climat : le Secrétariat général à la planification écologique mentionne Reporters d’Espoirs

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Dans une note de cadrage publiée le 16 juillet 2024, le SGPE développe les leviers à mettre en œuvre pour que les Français s’investissent davantage en matière de transition écologique. Cette note, intitulée « Engager une transition des modes de vie », aborde la question du traitement médiatique des enjeux environnementaux.

En effet, pour tendre vers une « transition réelle des modes de vie », il est nécessaire d’acculturer les Français. Cette acculturation est rendue possible, en partie, par l’information documentée qui leur est transmise à la télévision, à la radio et dans la presse. L’essentiel des citoyens s’informeront, au cours de leur vie, sur ces questions uniquement par le biais des journalistes.

En juillet 2020, notre étude « MédiasClimat », réalisée dans le cadre du Lab Reporters d’Espoirs -qui produit formations, outils numériques et études destinés aux journalistes- , faisait état que « la part des sujets qui évoquent le climat, sur le périmètre étudié, est de moins de 1 % en moyenne, avec des pointes à 2 % sur les chaînes d’info et à près de 5 % pour certains quotidiens nationaux ».

C’est ce volet de notre travail que le SGPE (page 8 de la note de cadrage), dirigé par Antoine Pellion et que notre association a rencontré dernièrement pour discuter de l’importance d’aborder l’information par la philosophie du « verre à moitié plein », a souhaité mettre en lumière.

Force est de constater que cette administration, rattachée à Matignon, désire quantifier et qualifier plus en profondeur ce traitement : « Des travaux restent à engager pour doter la puissance publique d’outils de suivi fiables et le plus proches possible du temps réel pour évaluer quantitativement et qualitativement le traitement médiatique des enjeux écologiques dans les médias. » Déchiffrer le qualitatif dans le quantitatif, en l’espèce, est indispensable.

L’objectif ? Mieux constater pour mieux distinguer comment les individus vont pouvoir s’éveiller à ces questions, et donc jouer un rôle dans la transition. « Aucune trajectoire crédible ne fait en effet l’économie d’un changement profond de nos modes de vies et de nos habitudes », les actions individuelles représentent 25% des efforts à produire d’ici à 2030, selon le Secrétariat, pour diminuer notamment drastiquement les émissions de gaz à effet de serre (GES) du pays.

En sus du volet informationnel, c’est à une meilleure formation et une meilleure communication auprès des Français auquel croît le SGPE.

« Le titre-restaurant, c’est un bel exemple du dialogue social français. Il faut développer cette culture du consensus » – Youssef Achour

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Youssef Achour est le président de la société coopérative UpCoop et du groupe Up dont il a gravi tous les échelons ces vingt-cinq dernières années. Patron engagé, élu par les salariés et porté par les valeurs de l’économie sociale et solidaire, il est aussi président de la CRESS Île-de-France (Chambre régionale de l’économie sociale et solidaire). La Scop* qu’il dirige a rejoint Reporters d’Espoirs comme mécène au début de l’année 2024. Aussi, nous avons voulu l’interroger sur le groupe singulier qu’il dirige, et plus largement sur l’engagement des entreprises de France. Sans oublier de le questionner sur son rapport à l’information.


Tout le monde ou presque côtoie UpCoop au quotidien … mais sans véritablement le savoir. Le chèque déjeuner, c’est vous ! Et ça fait 60 ans que ça dure.

Effectivement, nous avons débuté avec la marque Chèque déjeuner en 1964, qui a démocratisé l’accès à la restauration du midi et permis aux salariés qui déjeunaient à l’extérieur de prendre un repas de qualité dans un lieu de leur choix. Le titre-restaurant, c’est un vrai exemple de ce que le dialogue social dans l’entreprise, entre salariés et direction, permet de construire. C’est le fruit d’un accord obtenu au terme d’une négociation constructive entre partenaires sociaux, et l’impact est positif pour tous. Pour les salariés c’est du pouvoir d’achat additionnel, puisque les entreprises prennent en charge 60% ou 50% de la valeur du titre et pour l’employeur, c’est un levier d’engagement, de cohésion, de qualité de vie au travail et de marque employeur. Nous en sommes très fiers, car le titre restaurant nous a permis de nous ancrer dès le début dans une mission d’intérêt général et d’utilité sociale auprès des entreprises.

Comment un tel produit a pu se mettre en place ?

C’est grâce à la coopération de tous les acteurs. Il faut d’abord un Etat volontaire, qui met en place des mesures incitatives pour que l’entreprise et les salariés trouvent un intérêt commun. Il faut donc des entreprises qui décident, dans le cadre du dialogue social, d’améliorer le pouvoir d’achat et la qualité de vie de leurs salariés. Il faut aussi des restaurateurs, bien entendu, qui accepteront le paiement via ce support. Et pour coordonner le tout, un tiers de confiance : c’est nous ! Notre rôle est d’assurer le bon fonctionnement de tout l’écosystème et des flux qui y transitent. Lorsque le restaurateur reçoit et accepte le titre restaurant, il a confiance car il sait qu’il sera remboursé.

Outre les titres restaurants, qu’y a-t-il derrière ce groupe ?

Désormais, avec la digitalisation du titre-restaurant, on est à 1,2 million d’utilisateurs chaque jour. Avec le temps, nous nous sommes diversifiés en déployant d’autres titres spéciaux de paiement destinés à de l’achat plaisir-cadeau comme UpCadhoc par exemple : longtemps, les entreprises offraient via leur comité d’entreprise des paniers-cadeaux présélectionnés. Maintenant, avec le titre UpCadhoc, le salarié achète le cadeau qu’il souhaite offrir, ce qui donne une plus grande liberté. Nous avons élargi le dispositif à d’autres secteurs, comme ceux de la culture, du sport, de la lecture et de l’action sociale.

Ce que l’on connait moins, c’est toute l’activité qui nous permet d’accompagner les pouvoirs publics, collectivités et associations dans le versement des aides sociales aux personnes les plus démunies par exemple, de manière ciblée et sécurisée. Et nous nous sommes aujourd’hui déployés dans 25 pays.

Il y a tout juste deux ans, vous appeliez, avec Biocoop, à la création d’un chèque alimentaire « qui permette aux plus démunis d’accéder à une alimentation de qualité tout en préservant leur liberté de choix dans la consommation ». Où en est-on ?

Cela fait des années qu’on travaille sur l’idée du chèque alimentaire. Selon nous, l’Etat doit donner à chacun la possibilité d’accéder à la société de consommation. On imaginait un produit qui serait commandé par les collectivités locales pour être distribué aux personnes en situation précaire ou fragile. L’idée est de répondre au droit fondamental à se nourrir, en laissant la liberté aux bénéficiaires d’acheter dans n’importe quel commerce, ce qui permet au passage d’éviter la stigmatisation des files d’attentes aux banques alimentaires. On a d’abord testé le dispositif à l’échelle locale, puis travaillé avec Biocoop pour l’élargir au plan national. Nous avons voulu montrer la faisabilité du dispositif, pour que le gouvernement s’en empare et le généralise – comme l’avait annoncé le Président de la République en 2022. Hélas, le ministère de l’économie et des finances a décidé d’enterrer ce dispositif. Pour UpCoop, les expérimentations locales continuent, notamment à Dijon, à Montreuil et dans le Gers, mais il n’y a plus – pour l’heure – l’ambition politique nationale que nous espérions.

Vous dirigez la plus grande SCOP – société coopérative et participative – de France. A l’heure où l’on parle de partage de la valeur, et d’augmentation des salaires face à l’inflation, c’est un modèle qui fait la différence pour les salariés ?

Nous sommes la plus grande SCOP de France en termes de chiffres d’affaires, avec près de 750 salariés- coopérateurs de l’entreprise. Ils participent au processus de gouvernance, à la prise de décision, élisent le conseil d’administration parmi leurs pairs et 45% du résultat leur est redistribué.

C’est un exercice complexe mais passionnant que de perpétrer ce modèle de groupe coopératif. Il faut une volonté et une vision politique. Il faut aussi faire cohabiter ceux qui n’ont pas les mêmes intérêts ni le même statut dans un même groupe composé au global de 3 250 salariés. En se développant à l’international, le groupe a repris des entreprises dont les salariés n’ont pas la culture coopérative. Prenez nos filiales dans les pays de l’Est par exemple : ces entreprises, marquées par leur histoire, ne tiennent pas à redevenir des coopératives car cela ne leur évoque pas que de bons souvenirs. Cela ne nous empêche pas de les inciter à développer à la fois la place du dialogue social et la concertation en invitant des salariés à participer à leur conseil d’administration. Là où il faut généralement 1000 salariés dans une entreprise pour que ces derniers soient représentés au Conseil d’Administration, chez nous, les salariés ont des représentants qui participent aux instances y compris dans nos petites filiales.

Se crée-t-il encore des SCOP et des coopératives aujourd’hui en France ? Encouragez-vous cette création ?

Oui, il se crée des coopératives et nous souhaitons qu’il y en ait davantage. Cela étant, être une coopérative signifie s’engager sur le principe « une personne égale une voix » à la place de « une action égale une voix ». C’est compliqué dans un monde imprégné d’une forte culture capitalistique, où c’est le capital financier qui détermine votre pouvoir de décision ou d’influence dans une entreprise.

Aussi je pense qu’il faut surtout tendre à poursuivre l’essaimage dans la société actuelle des valeurs coopératives et des valeurs de l’économie sociale et solidaire (ESS), qui sont des valeurs de modernisation. Prenons quelques exemples : dans la plupart des entreprises, 90% à 95% des personnes ont des idées mais on ne les sollicite pas ; le principe de l’objectif individuel cultive la priorisation des intérêts personnels ; les salariés ne sont pas suffisamment associés aux décisions et intéressés au résultat collectif. Aujourd’hui, la jeune génération est en quête de sens. Les jeunes ont envie d’être associés au fonctionnement de l’entreprise, ils ont envie de plus de participatif. Je pense que cela va se développer ; il se trouve que les valeurs et pratiques historiques de l’ESS correspondent aux enjeux de la société actuelle et aux attentes des individus. Les résultats du Groupe Up témoignent que ces pratiques n‘altèrent en rien l’efficacité de l’entreprise.

Quel est votre rapport personnel à l’information et aux médias ? Comment vous informez-vous ?

J’écoute en permanence les informations. Mon réveil du matin, dès 6h, c’est la radio. Je commence en général par France Inter, avant de zapper sur d’autres chaînes, avec lesquelles je suis souvent en désaccord avec la ligne journalistique. C’est pour moi la seule façon de prendre le pouls des choses, d’entendre d’autres façons de penser les sujets de société. Avant, j’adorais dévorer la presse écrite. Avec la digitalisation, j’avoue avoir perdu l’habitude de la lire. C’est pourtant plus simple, plus accessible. Mais je ne prends plus le même plaisir qu’avec le papier. Il faut que je me réhabitue !

Vous qui avez fait des études d’économie et de finances, trouvez-vous que les médias sont suffisamment curieux d’économie et d’entreprise ?

Je trouve que les médias parlent de plus en plus d’économie, et traitent le sujet de mieux en mieux. Mais il y a trop souvent la recherche  d’alimenter un côté anxiogène des informations économiques ou sociales. Les médias ont une responsabilité énorme sur la santé mentale de la population. C’est plus facile de parler des trains qui arrivent en retard plutôt que des trains qui arrivent quotidiennement à l’heure. Prenez le sujet de l’intégration : on préfère parler des 20% d’échec plutôt que des 80% de réussite. C’est là que Reporters d’Espoirs est important ! Si on n’offre que de l’information anxiogène, on crée une société avec une vision réductrice et protectionniste du monde. C’est donc essentiel de mettre plus en avant ce qui fonctionne. Si tu ne crois plus en rien, tu te désintéresses de tout et tu n’exerces plus ta citoyenneté.

Propos recueillis par Gilles Vanderpooten et Maëlle Widmann/Reporters d’Espoirs.

*Société Coopérative et Participative

Christophe Agnus président du jury du 26e Prix Cap’Com de la presse et de l’information territoriale

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La coopérative Cap’Com lance en 2024 la 26ème édition de son prix de la presse et de l’information territoriale, qui récompense la publication d’une institution publique ou d’une collectivité. L’occasion de mettre en avant la qualité du travail des professionnels de la communication publique, et d’observer les tendances du secteur. L’évènement en ligne de remise du prix se tiendra le vendredi 28 juin.

Christophe Agnus, président du Grand Jury 2024

Cette année, le grand jury est présidé par Christophe Agnus, vice-président de Reporters d’Espoirs. Auteur, éditeur, journaliste, ex grand-reporter à L’Express, son expérience lui permettra d’avoir un regard acéré sur les publications de communication publique. Un jury pro et un jury étudiant sont également sollicités pour ce prix.

Le prix de la presse et de l’information territoriale se décline en sept catégories :

  • Prix du projet éditorial
  • Prix de la plume d’or
  • Prix de l’iconographie
  • Prix de la conception graphique
  • Prix de la Une
  • Prix es publications internes
  • Prix des petits poucets

Pour en savoir plus, la liste des nommés est publiée sur le site Cap’Com. Pour assister à l’évènement du 28 juin, l’inscription est gratuite.

Journalisme de solutions : conférence destinée aux étudiants de l'ISCPA

Conférence à l’ISCPA : « Aujourd’hui beaucoup d’éléments nous poussent à être pessimiste, mais pourquoi ne pas faire le choix d’être optimiste ? »

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Ce 4 avril, Reporters d’Espoirs a rencontré les étudiants de l’ISCPA dans le cadre d’une conférence sur le thème « Journalisme de solutions : levier de santé publique et de démocratie ». L’après-midi, animée par la responsable de formation Aude Ristat, a été consacrée à la présentation de cette approche ainsi qu’à un débat sur ses enjeux démocratiques entre Gilles Vanderpooten (Reporters d’Espoirs), Florence Gault (En un battement d’aile), Arthur Grimonpont (RSF), Sophie Casals (Nice-Matin) et Frédéric Duval (Lyon Positif). Reporters d’Espoirs remercie l’équipe de l’école, et particulièrement Thierry Kiefer, journaliste, enseignant et correspondant de l’association à Lyon.

A Lyon, le campus René Cassin du Groupe IGS -qui réunit de nombreuses écoles, dont l’Institut Supérieur des Médias (ISCPA)- fête ses 20 ans. Cette information peut difficilement échapper aux visiteurs et étudiants qui passent le sas d’entrée – y est effectivement orné en gros caractères “20 ans de réussites”. 

En 2004, l’association Reporters d’Espoirs voyait elle aussi le jour. A cette époque, l’ISCPA, née en 1991, avait déjà formé plusieurs générations de journalistes et connu des changements de cap importants dans ses enseignements face aux mutations touchant la profession. “C’est fou comme le métier change ne serait-ce que dans le rapport aux autres”, avance Aude Ristat, mi-déplorée mi-enjouée, devant l’amphithéâtre éponyme de l’éminent juriste ayant participé à l’écriture de la Déclaration universelle des droits de l’homme, responsable de formation. Mutations encore bien saillantes aujourd’hui et auxquelles l’école n’est pas hermétique. Elle fait même preuve de clairvoyance par l’organisation de cette conférence intitulée “Journalisme de solutions : levier de santé publique et de démocratie”. Ce n’est d’ailleurs pas la première fois que l’institut de référence en journalisme à Lyon initie ses étudiants au journalisme de solutions. Cette philosophie journalistique gagne en crédibilité aujourd’hui et se diffuse dans les rédactions et écoles ; 20 ans en arrière, les responsables de l’ISCPA n’auraient pas imaginé que la profession -au-delà des bouleversements techniques qu’elle a connus- serait à ce point questionnée dans sa substance même et que l’aphorisme d’Albert Londres “porter la plume dans la plaie” aurait à se réinventer. Reporters d’Espoirs émergeait alors. 

Biais de négativité 

Les étudiants de première et deuxième année du Bachelor Journalisme s’installent au compte-gouttes dans l’amphi. Les discussions vont bon train. On perçoit que l’ambiance y est chaleureuse ; le propre d’une école à taille humaine comparativement aux façons de faire universitaires. Quelques-uns échangent avec leurs professeurs. Des consignes sont rappelées. Des interviews à réaliser. On apprend sur le terrain, ici. Le ton, toujours amical et bienveillant. Une feuille d’émargement circule toutefois dans les rangs des fois que certains auraient mieux à faire. 

Ecole de contrôle ? A tempérer. Société de contrôle ? Assurément, et l’intelligence artificielle en est tenue pour responsable par Arthur Grimonpont, responsable du desk IA et enjeux globaux à Reporters sans frontières, qui ouvre les débats. Le ton devient Orwellien. L’audience, désormais silencieuse, est captivée. Jambes croisées, regard fixe et débit de parole élevé ; le calme dont fait preuve l’ancien consultant auprès de collectivités territoriales est frappant face aux réalités dystopiques qu’il énumère et qu’il a précisément étudiées, notamment dans son ouvrage « Algocratie. Vivre libre à l’heure des algorithmes » (Actes Sud, 2022). 

“L’IA joue un rôle prépondérant dans la diffusion et la structuration de l’information à l’échelle mondiale”, 

“Les règles du jeu propres aux algorithmes favorisent l’exposition de contenus diffamants, outranciers et basés sur la peur sur les réseaux sociaux”, 

“La majorité des contenus informationnels auxquels on accède sont recommandés par une IA qui poursuit un objectif économique clair : celui de l’accroissement des recettes publicitaires des géants de la technologie”. 

Le constat est sans appel, d’autant plus alarmant que l’intelligence artificielle intervient désormais dans la production même de l’information. Arthur Grimonpont, toujours de marbre : “D’ici quelques mois ou années, l’écrasante majorité des contenus du web seront générés par une intelligence artificielle”. Ici et là, quelques réactions s’élèvent dans l’assemblée. Lui poursuit son réquisitoire. Il finit par ponctuer “Demain, l’accès aux faits représentera un intérêt particulier”. Les étudiants se relâchent. L’espoir renaît. Place aux solutions. 

Journalisme de solutions 

“Qui a déjà développé des symptômes d’anxiété à la consultation régulière de l’actualité ?”. Sans surprise, une majorité de mains se lèvent dans le public. “Face à cette angoisse, qui a décidé d’arrêter de s’informer ?”, cette fois seules 3 mains se lèvent sur près de 70. Et pour cause, l’assemblée, constituée d’étudiants en journalisme, est foncièrement animée par l’information et du reste constitue des “cerveaux tout neufs”, dixit un quidam à l’avant de l’amphithéâtre. Florence Gault, journaliste derrière le podcast “En un battement d’aile”, expose la définition du journalisme de solutions : “un journalisme qui montre les réponses aux problèmes sociaux”. D’emblée, elle tient à ne pas considérer cette approche journalistique comme celle résultant d’un monde utopique à l’instar de celui des “bisounours”. « Il ne s’agit pas de faire de l’information type good news ». Des écueils à éviter ? « Ne pas considérer cette approche comme politique. Au contraire. En faisant du journalisme de solutions, on prône une certaine vision de la société mais il ne faut pas rentrer dans les travers de la politique” ou encore “Évoquer une initiative sans en faire pour autant sa communication”, développe la reporter de solutions et enseignante à l’ISCPA. 

S’en suit l’intervention de Gilles Vanderpooten qui, au détour de l’exposition de son parcours personnel, présente l’association pionnière du journalisme de solutions qu’il dirige : Reporters d’Espoirs. Son adage ? “Aujourd’hui beaucoup d’éléments nous poussent à être pessimiste, mais pourquoi ne pas faire le choix d’être optimiste ? Si l’on cherche des raisons d’opter pour l’un ou pour l’autre, on les trouve, elles sont là”. Cette association diffuse l’envie d’agir dans les médias. Concrètement, elle décerne des prix à des journalistes, produit des études sur le traitement médiatique de sujets de société, confectionne une revue qui met en exergue des acteurs de solutions, expose des initiatives via une plateforme intitulée “Le Plus” pour inspirer les journalistes… 

Sophie Casals, rédactrice en chef adjointe du groupe Nice-Matin, a notamment été inspirée par l’association. Depuis Nice, elle explique la décision du journal d’avoir entrepris l’ouverture d’une rubrique “Solutions” en 2014, alors que le quotidien est au plus bas et que les salariés le reprendront en main, de manière transitoire sous forme de coopérative : “On est là pour parler des problèmes, c’est notre métier au fond que de traiter des fait-divers. J’avais toutefois le sentiment à l’époque de faire mon métier sans aller au bout des choses, de façon incomplète. » Une approche qui engage les lecteurs assure-t-elle même si elle ne rivalise pas avec le sensationnalisme. Un choix éthique au fond car ces contenus davantage qualitatifs ne sont pas valorisés par les algorithmes des réseaux sociaux, dixit l’intervention de l’ingénieur Grimonpont. 

Un étudiant se demande : “N’est-il pas particulièrement difficile en France de faire du journalisme de solutions ? Un pays pessimiste par nature.” Frédéric Duval, fondateur de Lyon Positif, lui répond : “La France n’est pas le pays où il est le plus difficile de porter la casquette de journaliste. On a de la chance. Mais c’est vrai que dès que je me rends quelque part, on attend de moi un certain état d’esprit : que je sois positif tout le temps. Or, ce n’est pas toujours le cas.”

Une étudiante s’interroge également sur les limites de cette approche : « Durant la crise sanitaire, on a connu une période d’épuisement informationnel, comment chercher et trouver des solutions quand tout est noir ? »

« Je crois que bien des médias, durant cette période, ont péché à vouloir à tout prix interroger le “bon client” comme ce professeur qui a monopolisé le temps d’antenne et qui en vérité apportait des réponses douteuses. Certains journalistes ont réussi à le débunker, d’autres animateurs ou éditorialistes l’ont porté aux nues de façon abusive et sans contradicteur. Le journalisme de solutions n’est ici pas en cause, car il attend des preuves avant de considérer une initiative comme porteuse » étaye Vanderpooten. 

Une des forces du journalisme de solutions réside en effet dans sa capacité à reprendre le pouvoir sur les événements. Un journalisme à impact. Un journalisme performatif. « L’objectivité n’existe pas. Il faut viser l’honnêteté intellectuelle » déclare Duval à un étudiant du bachelor qui désire résorber la fracture entre citoyens et journalistes. Ce journalisme à « spectre large » a -qui sait ?- peut-être suscité de nouvelles vocations dans la salle ?

Assises du Journalisme de Tours : « L’éducation à l’information, c’est l’éveil critique des jeunes et des moins jeunes », Damien Fleurot (TF1)

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Cette semaine, Tours accueille la 17ème édition des Assises du Journalisme qui fait cette année honneur aux Jeux Olympiques avec pour thématique : « Le journalisme, c’est du sport ! ». Au programme : débats, ateliers, salon du livre (ce samedi), tables rondes et conférences sur des sujets variés : la couverture des Jeux Olympiques et des élections européennes, la place de l’intelligence artificielle ou encore l’importance des Etats Généraux de l’Information. Un thème est également sur toutes les lèvres : l’EMI pour  « éducation aux médias et à l’information » dont nous avons interrogé quelques acteurs sur place.

Dans le Palais des Congrès qui fait face à la gare de Tours, journalistes et personnalités médiatiques déambulent au milieu de collégiens et lycéens. En petits groupes, les élèves se déplacent de stands en ateliers. Il faut dire que l’EMI, priorité grandissante encouragée par les ministères de la Culture comme de l’Education, était à l’honneur quelques jours auparavant, avec la 35ème Semaine de la Presse et des Médias à l’Ecole, coordonnée par le CLEMI. Ici, l’EMI s’illustre par les initiatives de médias régionaux et tourangeaux comme France 3, Radio Campus, Radio 100% lycéens, ou encore le club de la presse Centre – Val de Loire.

Sur le premier stand, une vingtaine de lycéens assis en tailleur. Les élèves de ce Bac pro optique semblent intéressés, et leurs questions fusent : « est-ce qu’on a des primes quand on trouve une info ? » demande un adolescent. L’intervenant de France 3 décrit le métier de journaliste, explique son rôle : « la qualité première d’un journaliste, c’est la curiosité. ». Il insiste également sur la valeur et la fiabilité de l’information : « il faut toujours recouper les informations, c’est un métier précis où on doit être rigoureux ». Valérie, chargée de communication à France 3, participe à l’animation de ces ateliers : « on fait de la sensibilisation aux métiers des médias ». Ces animations sont proposées spécifiquement dans le cadre des Assises, mais il existe des projets d’EMI tout au long de l’année : « on accueille beaucoup de stagiaires de 3ème, et on envoie des journalismes dans les écoles » précise Valérie.

Pour Damien Fleurot, rédacteur en chef adjoint chez TF1, l’EMI permet « l’éveil de l’esprit critique des jeunes et des moins jeunes ». En tant que président de l’association « Lumières sur l’info », qui lutte contre la désinformation, l’importance de l’EMI sonne pour lui comme une évidence. Si elle s’impose dans les milieux scolaires, l’EMI ne doit pas exclure un public plus âgé. Pour ce faire, il faut « aller le chercher là où il est : organiser des rencontres dans les foyers municipaux, dans les mairies », explique le journaliste. L’éducation aux médias doit « élargir sons spectre ». Quant à la consommation d’informations des jeunes sur les réseaux sociaux, Damien Fleurot est catégorique : « L’essentiel, c’est de savoir ce qu’on regarde. Il faut apprendre à faire la différence entre le contenu d’information, de divertissement et de communication. »

Ici et là, des groupes d’adolescents discutent, feuillètent des journaux et se montrent des vidéos sur leur téléphones. Cinq élèves en classe de première venues d’Orléans attendent leur premier atelier de la journée. « On est là pour continuer notre projet « fake news ». Toute l’année, on travaille sur une loi fictive qui pourrait être mise en place pour lutter contre les fake news. » explique une adolescente. Son amie complète : « on a déjà rencontré un député et un sénateur depuis le début de l’année ».

Au fond de la grande salle, on distingue plusieurs adolescents autour d’une table, casque sur les oreilles et micro dans les mains. Nous sommes sur le studio radio établi par Radio Campus pour la durée de l’événement. Ce réseau est composé d’une trentaine de radios associatives régionales. Leur socle commun se construit autour des sujets d’actualité portant sur l’inclusion, l’écologie ou encore les inégalités. Mais le plus important, c’est la place qui est faite aux jeunes. Emmanuel Frochot est chargé de développement à Radio Phénix de Caen. Il explique qu’une grande partie des équipes sont des jeunes en bénévolat, en alternance ou en service civique. « A Caen par exemple, on est obligé d’avoir 30% de l’équipe qui soit composée d’étudiants. Mais on a aussi des jeunes en insertion, ou qui viennent des centres de loisirs et de foyers ». Radio Campus fait référence à l’implantation des antennes dans des villes universitaires. Le développement de l’EMI fait partie de ses missions. Une partie de chaque équipe locale y est d’ailleurs spécialement dédiée. « On considère que c’est notre rôle en tant que média de proximité », justifie Emmanuel, « c’est une façon de montrer que les médias sont accessibles ».

M.W.

[Podcast] “Reporters d’Espoirs Pour l’Avenir” – EP1 – Rencontre avec Serge Tisseron, psychologue : éduquer nos enfants aux écrans et à l’information

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Omniprésence d’informations, mauvais usage de TikTok, biais cognitifs… Le docteur en psychologie et spécialiste de nos rapports aux objets technologiques Serge Tisseron inaugure le podcast “Reporters d’Espoirs Pour l’Avenir”. Nous abordons avec lui notre rapport à l’actualité, au temps de l’instantanéité et de l’abondance d’informations non contextualisées, leurs effets néfastes sur les plus jeunes. Il évoque des pistes pour y remédier comme la classe inversée et le bénéfice que tire notre cerveau à être exposé à des débuts de solutions. Un entretien inspirant pour apprendre à mieux éduquer nos enfants (et nous-mêmes) aux écrans et à l’information.

En 2024, Reporters d’Espoirs déploie un programme d’éducation à l’information avec le Clemi

Cet entretien, axé notamment sur l’éducation aux médias, inaugure le programme de formation au journalisme de solutions que Reporters d’Espoirs va déployer en 2024 en coopération avec le Clemi. Ensemble, nous allons toucher 2 000 enseignants et 200 000 écoliers, collégiens et lycéens… Notre ambition : contribuer à ce que nos enfants s’informent mieux et se projettent positivement dans le monde. 

« Pour l’Avenir » : Serge Tisseron premier invité du podcast Reporters d’Espoirs

Dans ce premier épisode du podcast “Reporters d’Espoirs Pour l’Avenir”

  • Serge Tisseron livre sa conception du rapport des plus jeunes aux écrans : non à un usage répressif ; oui à une accoutumance dès le plus jeune âge avec des pratiques intelligentes et raisonnées. Cette analyse, qu’il partage depuis de nombreuses années, a été expérimentée à grande échelle avec les balises 3-6-9-12, programme pour un bon usage des écrans de 3 à 12 ans qu’il a créé pour tendre vers un développement numérique durable. 
  • Serge Tisseron aborde l’aide qu’apporte un journalisme de solutions à notre cerveau alors que crises et conflits semblent pulluler comme jamais si l’on en croit le flot ininterrompu d’actualités anxiogènes auquel nous sommes exposés. La dimension “solutions” est propice à développer empathie et compréhension mutuelle confirme-t-il. Par ailleurs, il pense qu’il est essentiel que les journalistes retrouvent un rôle central dans la distribution de l’information, sachant qu’une information non contextualisée constitue une menace à ne pas sous-estimer. 

Un entretien inspirant, particulièrement pour les parents qui y trouveront matière à éduquer leurs enfants aux écrans et à l’information. 

Pour financer notre projet d’éducation à l’info et aux médias en 2024 avec le CLEMI, et pour que vos enfants s’informent de façon plus constructive, rejoignez Reporters d’Espoirs : contribuez à notre action par votre don !

14-16 juillet 2023 . RDV au Festival International du journalisme de Couthures-sur-Garonne

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Reporters d’Espoirs à le plaisir de vous retrouver pour la deuxième année consécutive au Festival international du journalisme de Couthures-sur-Garonne, le week-end du 14 juillet. Trois jours dédiés aux passionnés d’info, parrainés par le Groupe Le Monde, avec 250 conférences, ateliers, rencontres… dont 2 temps-forts sur lesquels nous retrouver :

LE JOURNALISME DE SOLUTIONS, ANTIDOTE À LA SINISTROSE ?

Dimanche 16 juillet | 16h00 – 17h30 | Le Manège

Pour éviter de décourager celles et ceux qui s’informent, de nouvelles approches journalistiques s’efforcent de mettre en avant des initiatives positives. Peuvent-elle constituer un moyen de lutte contre la sinistrose et contribuer à faire bouger les lignes ?

Syrielle MEJIAS, Journaliste au « Monde » pour les éditions Snapchat et TikTok

Luce JULIEN, Directrice de l’information de Radio Canada

Lucas SCALTRITTI, Auteur et réalisateur de podcast

Françoise TOVO, Directrice déléguée du « Monde »

Augustin PERRAUD, Responsable des programmes et communication de Reporters d’Espoirs

Simon ROGER, Journaliste au « Monde »

Jon HENLEY, Journaliste au « Guardian »

Camille HURCY, Étudiante à l’IJBA

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ECOLE BUISSONNIÈRE DE JOURNALISME | CONFIANCE, AUDIENCE : LE JOURNALISME DE SOLUTIONS AU SECOURS DES MÉDIAS ?

Dimanche 16 juillet | 14h00 – 15h00 | Les Bosquets

Le « journalisme de solutions » peut-il contribuer à capter et retenir l’attention des lecteurs ? Réponse avec des cas concrets et des initiatives qui donnent des résultats.

Louise JOUVESHOMME, Chargée d’études à Reporters d’Espoirs

Augustin PERRAUD, Responsable des programmes et communication de Reporters d’Espoirs

Solène Codroc’h, lauréate du Prix Presse Ecrite 2022

Le Prix Presse Ecrite 2022 met la lumière sur les mariages forcés au Kirghizistan

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Solenn Cordroc’h, lauréate du Prix Presse Ecrite 2022

Le « Tour des Reporters d’Espoirs » a fait étape à Bordeaux ces 24, 25 et 26 novembre. A l’occasion de la 12ème édition des Tribunes de la Presse, portant cette année sur « La guerre des identités », l’association est intervenue et y a remis samedi son « Prix Presse Ecrite 2022 »,

Solenn Cordroc’h décrit la réalité de l’ala kachuu

Sélectionné par un Jury de professionnels parmi un large panel de productions journalistiques, le Prix Presse Ecrite mettait cette année à l’honneur les productions réalisées autour de la thématique : « Résistance, résilience ou renaissance dans des situations de conflits ». Cinq reportages ont atteint la finale, issus du Figaro, de SoGood, Le Monde, La Croix et Géo.

C’est finalement Solenn Cordroc’h pour SoGood qui remporta le Prix 2022, pour son brillant reportage « Haro sur les mariées volées », qui dresse un portrait glaçant de la réalité persistante de l’ala kachuu au Kirghizistan, pratique consistant à enlever une femme de force pour la marier. On recense encore aujourd’hui près de 12 000 enlèvements de la sorte chaque année. Illégale depuis 1994, l’ala kachuu (qui signifie « prendre et courir ») puise ses racines à l’époque médiévale dans les steppes d’Asie centrale, et que les experts estiment avoir vu réapparaître au Kirghizistan dès la chute de l’Union Soviétique.

Derrière ce constat tragique, nombreux s’investissent pour défendre les droits des femmes. ONG, avocats, société civile : la résistance se met en place pour mettre fin à cette pratique asservissante.

Retrouvez l’article complet de Solenn Cordroc’h pour SoGood