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Vous êtes au bon endroit pour tout savoir de la méthode.
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Voici l'essentiel sur le journalisme de solutions :
Le journalisme de solutions, pratique initiée par Reporters d’Espoirs en France dès 2004, a fait des émules dans le monde – Etats-Unis, Allemagne, Danemark, Italie, Espagne, Moyen-Orient… Sa vocation : pratiquer une information « à spectre large ». En identifiant et traitant de manière journalistique des initiatives répondant à des problèmes économiques, sociétaux ou environnementaux. En complément de l’enquête conventionnelle sur les problèmes, difficultés, dysfonctionnement.
Le « journalisme de solutions » est une méthode
- Un journalisme qui analyse une situation problématique, tout en exposant des éléments de réponses concrets et concluants => problème + solution
- Un journalisme qui aborde à la fois les succès et les limites des initiatives abordées => impact, et regard critique sur l’impact
Les difficultés, dysfonctionnements, doivent être mis en évidence, dans un souci de crédibilité.
Il ne s’agit pas d’un exercice de communication : présenter des initiatives porteuses de solutions ne signifie pas en faire la promotion. On peut tout à fait exercer son esprit critique quel que soit l’angle et le sujet. - C’est une méthode qui n’implique donc pas de position idéologique, de pensée économique ou sociale particulière.
En tant que méthode, le journalisme de solutions tel que le défini Reporters d’Espoirs implique en effet une forme de neutralité.
Libre à chaque journaliste, à chaque rédaction, de s’emparer de la méthode et d’y ajouter le prisme qui lui est propre.
5 critères
- Expliquer le problème et ses causes => mise en contexte
- Présenter une réponse => initiative concrète
- Raconter le « comment on a fait » => processus de résolution
- Présenter les résultats obtenus => impact
- Expliquer les limites recul critique
Ces 5 critères constituent l’idéal du reportage de journalisme de solutions.
Des solutions d’accord, mais lesquelles ?
Le terme “solutions” peut sembler ambitieux, voire présomptueux, dès lors qu’il statuerait sur l’existence d’une réponse parfaite, absolue, infaillible. Or une solution peut n’être que relative à un contexte donné, à un moment donné, à une société ou à un groupe et son système de valeurs, à un état des connaissances, à un point de vue. Aussi il s’agit de s’intéresser à des réponses, à des initiatives, qui peuvent n’être que locales, tout en ayant un potentiel d’inspiration et d’essaimage.
Par « solution » nous nous contenterons donc de chercher à identifier :
- une initiative concrète
- qui apporte une réponse à un problème de société, économique, et/ou social et/ou environnemental
- qui peut être locale (à l’échelle d’une organisation, un village, une ville, une région) tout en ayant un potentiel de développement, d’essaimage, de reproductibilité en d’autres lieux, à d’autres échelles
- dont les résultats ou l’impact sont mesurables, qualitativement et quantitativement (si elle prétend créer de l’emploi ou de l’insertion, des économies de Co2, préserver des espèces, créer de la richesse… il est bon de pouvoir l’apprécier par des chiffres, connaitre le nombre de personnes concernées par l’action, et ne pas se contenter de bonnes intentions)
- qui s’inscrit dans le temps (permettant d’apprécier sa pérennité, sa viabilité)
- qui peut inspirer les gens, et leur donne envie d’agir (un critère relativement subjectif)
Dans des situations où il n’existe pas de réponse concrète, on peut aussi s’intéresser à :
- des histoires de résilience
- des histoires de résolution de problèmes ou conflits
- des histoires de personnes qui font face et trouvent des issues concrètes à leurs propres problèmes ou à des problèmes identifiés dans la société.
Parce qu’il existe une tendance du journalisme à privilégier ce qui fait « sensation », qui conduit à donner une image partielle de certaines situations et à les dramatiser
Prime au drame et au sensationnel
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- Négatif et dénonciation seraient ‘plus efficaces’
- Part des faits divers dans les JT + 200% en 10 ans
- Elections, Trump, politique : course à la polémique et aux « petites phrases »
- La formation des journalistes, leurs représentations concernant les attentes du public ou encore la priorité accordée aux faits immédiats, conduisent le discours médiatique à restituer strictement le problème, avec souvent un ton alarmiste.
- La majorité des messages émis par les médias se limite à rendre compte de l’hostilité du réel, sans ouvrir d’horizons permettant de le dépasser – et même parfois en éclipsant ou en condamnant toute tentative ou issue. Un tel cadrage journalistique devient problématique dès lors qu’il empêche de traiter un sujet dans sa totalité. Faire l’impasse sur des initiatives qui peuvent répondre à un problème, revient à donner une information partielle, non-exhaustive, ne représentant pas la réalité.
- L’info n’est jamais neutre. L’agenda médiatique, la tonalité, l’angle avec lesquels sont traités les sujets, la ligne éditoriale choisie, ont une influence et un impact sur les représentations, attitudes, émotions, voire convictions des citoyens qui y sont exposés.
- Lorsqu’elle se focalise de manière univoque sur les « trains qui déraillent » (ou les banlieues qui brûlent, les entreprises qui délocalisent), l’info contribue à la propagation de la peur et de l’immobilisme.
Parce que c’est un moyen de recréer de la confiance entre citoyens et médias, et plus particulièrement de lutter contre les « fake news »
Une grande défiance à l’égard des journalistes et des médias
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- 71% des Français considèrent que « les journalistes ne sont pas indépendants »
- Seuls 23% des français déclarent leur faire confiance
- Mimétisme, uniformisation, hiérarchie : on questionne le traitement des faits
- « Tous pourris », « médiacrates », « parti des médias »: 5ème métier le plus détesté
- Plus de confiance dans les proches que dans les professionnels
Quand vous demandez à un jeune d’un quartier « sensible » ce qu’il pense des journalistes, il y a des chances qu’il vous réponde : « On ne vient nous voir que quand il y a un problème, jamais pour dire ce qu’il se passe de bien chez nous ». Lorsqu’un journaliste ne décrit la réalité que sous cet angle -images de voitures brûlées, de trafics, d’émeutes- cela n’incite pas les premiers concernés à avoir confiance dans les médias. Le journaliste peut être considéré comme celui qui cherche les images chocs et qui envenime le débat pour faire de l’audience.
Parler d’autres faits tout aussi réels -Des habitants qui tentent d’apaiser la situation dans les moments « chauds », des artistes et de la créativité qui s’exprime ; de la solidarité ; de gens qui créent des entreprises, des associations, des projets…- ne peut qu’aider à refléter une image plus fidèle de la situation, et à crédibiliser le travail d’information.
Parce qu’il y a un risque d’immobilisme et de repli sur soi
« A trop éprouver par procuration, l’empathie s’épuise. Le risque : un repli communautariste. » Serge Tisseron, psychanalyste
Parce que de plus en plus de journalistes estiment que leur « responsabilité sociétale » est de diffuser la connaissance de faits qui peuvent donner de l’espoir, de l’envie, voire de l’action
Parce que le public le demande
Parce que les expériences ambitieuses montrent que ça marche !
- Libé des solutions +24% de ventes au numéro
- Ouest France des solutions + 7% de ventes au numéro
- Nice matin : des records de taux de clics, temps de lecture, taux de partages, nombre de vidéos vues, personnes qui acceptent de visionner une pub en vidéo pour pouvoir lire l’intégralité d’un article…
« Les bonnes nouvelles, les ‘trains qui arrivent à l’heure’, ça n’intéresse personne » ou « Se dire d’office ‘moi je ne parle que des choses belles et merveilleuses’, ça veut dire que si la vie est noire et triste, je ne reflèterai pas la vie et je déciderai de parler de quelque chose qui n’est pas représentatif de ce qu’est la réalité. »
Lorsque Reporters d’Espoirs en 2004 fait émerger la notion de « journalisme de solutions », certains ont pu l’assimiler au « journal des bonnes nouvelles », à « des petites actions qui donnent du baume au cœur », ou encore « aux trains qui arrivent à l’heure (en ajoutant : « ça n’intéresse personne ») ». Or, l’approche que nous proposons ne s’intéresse pas à des phénomènes sympathiques mais futiles comme « L’écureuil Twiggy qui fait du jet ski » (c’est rigolo) ou « Vous ne devinerez jamais comment cet homme a sauvé un chat » (c’est estimable mais ce n’est pas le sujet)… mais à des initiatives qui apportent réellement des éléments de réponses à des problèmes, des difficultés, qui se posent à des individus, des collectifs, une société.
Vous l’aurez compris : il ne s’agit pas de faire du positivisme gratuit, de dire que tout va bien, de nier l’existence de problèmes, difficultés, catastrophes.
Mais bien d’identifier et de médiatiser des réponses, des pistes concrètes, qui contribuent à résoudre un problème => PROBLÈMES + SOLUTIONS.
20 ans après la création de Reporters d’Espoirs, le débat n’en est plus au stade des questions sémantiques (le public se moque d’ailleurs bien de savoir s’il convient de parler de bonne nouvelle, de positif, d’initiative, d’impact, ou de solution… ) : la plupart des professionnels de l’information s’accordent sur la nécessité d’une telle approche.
« L’information positive c’est le lot des dictatures »
Renvoyer à « la dictature », la ficelle est grosse. Paresse intellectuelle ou stratagème pour éviter la question d’une remise en question ? On pourra opportunément se focaliser sur la mesure imaginée un temps par les autorités russes d’imposer aux chaines d’État un quota de 50% d’informations positives sur la Russie. C’est un peu hâtif.
Renversons l’argument : confiner la population dans la peur ne serait-il pas tout autant le lot de despotes qui voudraient éviter qu’elle n’aspire au changement, à la prise d’initiative ? Dans 1984, est-ce l’excès de positivisme qui caractérise l’oppression ? Ou bien le fait de semer la terreur, de contrôler, museler, réécrire l’histoire ?
Il y aurait des raisons de s’inquiéter d’un monde où l’information serait « uniquement » positive (monde illusoire), comme il y a tout autant de raisons de craindre une information « uniquement » négative qui aurait pour effet de confiner la population dans la peur et l’immobilisme. Le « tout positif » comme le « tout négatif » peuvent relever d’une stratégie ou tentative manipulatoire, laissant peu de place à l’analyse et au regard critique.
Ce n’est pas le propos du journalisme en général, et donc pas du journalisme de solutions en particulier. Le journalisme n’a pas vocation à promouvoir l’une ou l’autre de ces approches. Il veut considérer le monde tel qu’il est, en analysant et en rendant compte des problèmes, des défis, des enjeux contemporains, tout autant qu’en diffusant la connaissance d’initiatives mises en œuvre concrètement sur le terrain pour y apporter des éléments de réponse.
« Où le journalisme de solutions se situe-t-il idéologiquement ? »
Le journalisme de solutions tel que le porte Reporters d’Espoirs en tant qu’association est une méthode, pas une idéologie.
Libre ensuite à chaque journaliste, à chaque rédaction, de s’emparer de cette méthode pour appliquer son propre prisme. Car tous les médias ne prétendent pas viser la neutralité ou « l’objectivité », notion extrêmement difficile à défendre. En effet, chacun parle depuis un point de vue particulier, voire un positionnement idéologique plus ou moins assumé et explicite. On ne trouvera pas apriori la même perspective dans des journaux aussi différents que Libération et Le Figaro, ou dans une radio publique comme France Inter et une radio privée comme RTL, etc. Libre à chacun de privilégier des solutions interventionnistes ou libérales… même si dans l’idéal, il s’agirait d’exposer un panel de réponses concrètes entreprises ici et là, quand bien même contradictoires, face à un même problème !
Exemples en télévision
« Colombie, de la coca au cacao » (France 2)
« On a une très mauvaise image ici. On était longtemps stigmatisés à cause de la violence et de la culture de la drogue. On veut prouver aujourd’hui que nous sommes de bons agriculteurs qui se battent depuis longtemps« , explique Elisabeth Aguido Villamizar, productrice de cacao « Finca Villa Gaby ». Transformer la Colombie en Eldorado du cacao, c’est un défi de taille pour ce pays encore meurtri par plus de 52 ans de conflits entre la guérilla et les paramilitaires et où la culture de la coca était le nerf de la guerre. Pour stabiliser une paix encore fragile, le chocolat pourrait devenir la meilleure arme de la Colombie. »
https://www.francetvinfo.fr/monde/ameriques/colombie-de-la-coca-au-cacao_2443142.html
« Assurance maladie une seconde chance pour les oubliés » (France 2)
Dans le Valenciennois (Nord), les statistiques sont éloquentes : 58% des gens n’ont pas de mutuelle et une personne sur trois renonce à se soigner. Alors l’Assurance maladie a mis en place un dispositif pour accompagner ces décrocheurs de la santé. Christian Cattiaux est l’un d’entre eux : un ancien militaire en dépression sévère, invalide à cause d’une opération au genou. Depuis un an, il est accompagné par une conseillère. Avec elle, il ose parler de tout ce qui va mal. Émilie Calonne l’aide à se soigner : avant de la rencontrer, il ne voyait aucun médecin. Ses problèmes dentaires et de vue, il ne s’en occupait pas. Désormais, c’est elle qui prend ses rendez-vous chez l’ophtalmologiste et le dentiste. Des soins impossibles à payer avec sa pension d’invalidité de 700 euros par mois. Alors la conseillère a trouvé une solution : « Au vu de ses ressources, il avait droit à une aide financière, qu’on pouvait verser directement au professionnel de santé », explique Émilie Calonne ».
« Valenciennes : comment Toyota a modifié l’économie de la ville » (TF1)
En 1998 à la surprise générale, Toyota choisit de s’implanter à Onnaing près de Valenciennes (Nord). Le territoire était sinistré, mangé par une crise économique sans précédent, mais le constructeur japonais n’a jamais regretté sa décision, de même que les habitants de cet ancien bassin minier. L’implantation de Toyota a symbolisé le renouveau économique de la ville et de la région.
Le secret anti-chômage se trouve aux Herbiers (TF1)
Aux Herbiers, en Vendée, cette ville de 15.000 habitants abrite des entreprises qui prospèrent. La municipalité cherche et applique les meilleures idées pour créer des emplois dans le secteur privé. Résultat : deux fois moins de chômage par rapport au niveau national.
https://tv-programme.com/lci/replay/le-secret-anti-chomage-se-trouve-aux-herbiers_5a29aedc76afc
Exemples en presse écrite
« Traversée d’une Afrique bientôt électrique », Le Monde Afrique
« San Francisco, ville zéro déchet », Philippe Coste, L’Express
« Peut-on fabriquer un téléphone équitable ? », Emmanuel Raoul, Le Monde Diplomatique
« Les vertus du dialogue à Neve Shalom », Salomé Parent, La Croix
« En Syrie, le bibliobus d’Idlib défie les islamistes », Delphine Minoui, Le Figaro