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INTERVIEW # Jeunesses du monde dans l’objectif de Théo Saffroy

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« Je m’intéresse avant tout aux gens qui font bouger les lignes »

Amoureux de la culture mexicaine, Théo Saffroy photographie aussi la jeunesse du monde dans ses combats et ses paradoxes. À 31 ans, son travail, subtil mélange de documentaire et de fiction, veut raconter la réalité au-delà des clichés et des masques. Révéler des univers cachés, découvrir les montagnes derrière les écrans et les carcans… Son remède pour inspirer, à son échelle.

Votre intérêt pour la photographie, d’où vient-il ?

Théo Saffroy. Le déclic est arrivé avec le projet « El Grito » : une aventure de huit mois et 25 000 km à moto en Amérique du Sud avec mon meilleur ami. J’étais très intéressé par l’histoire coloniale du continent et les peuples précolombiens… nous avions 22 ans et rêvions d’aventure ! Avec ma caméra, j’ai pu documenter notre aventure, rencontrer des centaines de personnes, et réaliser des reportages notamment avec les Mapuches au Chili, les Quechuas au Pérou ou encore les Yanesha d’Amazonie. Un projet documentaire sur l’identité du continent qui fut ensuite publié et exposé en France. La photographie est arrivée à ce moment-là comme une manière de transmettre un récit et une réalité cachée.

Des inspirations dans le milieu de la photographie ?
T. S. Mon premier choc a été la découverte de la photographie humaniste de Sebastião Salgado. Ensuite j’ai beaucoup regardé la street photo new-yorkaise de Joel Meyerowitz par exemple, et le travail d’Harry Gruyaert sur les couleurs primaires qui donne beaucoup d’intensité et d’équilibre à ses compositions. C’est cette photographie du réel que je trouve la plus émouvante et que j’essaie de reproduire : jeu de composition, lumières contrastées et couleurs vives. Je m’inspire aussi beaucoup de la photographie de mode, particulièrement sur le travail de mise en scène comme Alex Prager et Sarah van Rij.

Qu’est-ce qui caractérise la « photographie documentaire » ?
T. S.
En ce qui me concerne, mes séries sont issues de réflexions personnelles qui tournent en général autour d’une jeunesse en mouvement et d’une idée de métamorphose, de « l’autre soi » en quête de liberté. Ce qui la caractérise spécifiquement, à mon avis, c’est surtout la notion de temps. Elle est primordiale pour développer une série. Je prépare mes shootings en amont (documentation, prise de contact) puis, une fois sur place, je prends le temps de créer une connexion avec mes sujets. Je les rencontre souvent avant le shooting sans appareil photo pour expliquer ma démarche, apprendre à les connaître et comprendre leur mode de vie, leurs habitudes. Cela me permet d’identifier les éléments à photographier tout en laissant une place à l’imprévu et à la collaboration. C’est un travail au temps long, parfois précaire, mais qui permet de témoigner d’une réalité entière avec des rencontres humaines plus fortes et des photographies plus intimes.

La jeunesse semble traverser l’ensemble de votre œuvre, est-ce un hasard ?
T. S. Je ne pense pas que ce soit un hasard, bien que ce soit rarement mon point de départ. Je m’intéresse avant tout aux gens qui font bouger les lignes, qui suivent une direction par passion et offrent un regard différent sur la société… Et il se trouve que la jeunesse a ce talent, cette soif de liberté, qu’ils s’émancipent à travers le parkour [une méthode d’entraînement pour franchir toutes sortes d’obstacles dans des environnements urbains ou naturels, Ndlr.], ou luttent sur un ring pour s’affranchir des règles de genre.

Les jeunes vous inspirent ?
T. S. Bien sûr ! Je suis extrêmement surpris par les jeunes d’aujourd’hui. Ils me donnent parfois l’impression d’avoir déjà vécu une vie tant leur discours est mature. Les lutteuses mexicaines, par exemple, ont cette aura, cette force, elles incarnent un passé violent avec une grande résilience. Depuis quelques années j’aborde les mutations de la société à travers la fenêtre du sport. Pour moi, les sportifs de haut niveau ont une force d’incarnation. Pour se consacrer à leur discipline, ils connaissent le sacrifice dès le plus jeune âge, un dépassement physique et mental constant, et développent un système de valeurs nobles autour du respect. De quoi inspirer la jeunesse.

Un message pour la jeunesse ?
T. S. Une phrase de Brel: « se tromper, être imprudent et aller voir ». Être curieux donc, s’accomplir en allant vers l’autre et vers le monde. Il faut conserver son authenticité, la cultiver et aller au bout de ses passions, de ses folies même, tout en respectant son entourage.

Vos photos contrastent parfois avec le sérieux des sujets qu’elles illustrent…
T. S. J’aime jouer avec l’absurde ou le contraste pour créer de nouvelles portes d’entrée vers des sujets plus sérieux. C’est la partie fictionnelle du documentaire. Cela renvoie aussi au paradoxe et à l’harmonie qu’il y a souvent dans mes sujets : imaginaire et réalité, intimité et énergie, équilibre et absurdité. Entrer dans un sujet grave avec des images graves serait sans doute plus compliqué. Je mise par exemple sur les leggings et les paillettes des lutteuses pour mieux aborder les 11 féminicides quotidiens au Mexique, je mets l’accent sur la prothèse stylisée de l’athlète paralympiques Arnaud Assoumani pour mieux parler du handicap…

Vous avez photographié le collectif musical Bon Entendeur. Quelle influence la musique a-t-elle sur vous ?
T. S. Je suis un grand amateur de rock et de musique en général, sujet sur lequel j’ai même réalisé un mémoire de sociologie. Je me suis intéressé à la création des courants musicaux contemporains : quels mouvements économiques, technologiques, sociétaux ont créé le rock’n’roll au sortir de la Seconde Guerre mondiale, pourquoi le disco et la techno sont apparus à ces moments précis… La musique dit beaucoup d’une époque, des idéologies et de ses influences. Par ailleurs, les collaborations avec des artistes me permettent de développer une dimension plus créative. Je m’amuse à créer dans un univers fictif, surréaliste, parfois cosmique : on peut partir plus loin dans la création et moins se soucier du réel. Cela me rapproche de la BD futuriste des dessinateurs du magazine « Métal hurlant » ou du dessinateur Ugo Bienvenu, qui inspirent beaucoup mon travail.

Comment composez-vous les lumières et les zones d’ombre ?
T. S. Les ombres renforcent l’idée du contraste et surtout du mystère, qui donne envie d’aller voir. Elles permettent de modeler l’image, de créer des formes et des compositions plus saisissantes. J’aime cette phrase d’Antoine de Saint-Exupéry dans «Le Petit Prince » : « Quand le mystère est trop impressionnant, on n’ose pas désobéir ». Elle traduit l’attirance et la curiosité qui redoublent d’intensité pour une zone mystérieuse et sans repères.

Vous qui êtes photographe documentaire, aimeriez-vous passer de l’autre côté de la caméra ?
T. S. Non, je ne crois pas. Dernièrement j’ai eu des passages à la télé et à la radio qui m’ont fait plaisir, mais autrement je ne me vois en aucun cas passer devant la caméra. Je n’ai pas envie d’être autre chose qu’un « directeur des histoires » !


↪︎ Retrouvez son portfolio sur theosaffroy.com

Propos recueillis par Paul Chambellant/Reporters d’Espoirs

Photo : Copyright Luccicanza/RM Conseil

13.09.2024 : Forum de Giverny, le rendez-vous des entreprises durables

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Photo : Copyright Luccicanza/RM Conseil

Pour sa 6e édition, le Forum de Giverny se tiendra le vendredi 13 septembre 2024 au Musée des impressionnismes de Giverny (Eure).

Rassemblant dirigeants d’entreprises, acteurs économiques et pouvoirs publics, cette réunion annuelle a pour dessein d’apporter des solutions concrètes et d’amplifier l’impact des démarches RSE.

Sont attendus de nombreux invités parmi lesquels Robert Vautard, climatologue et membre du GIEC, Muriel Signouret, directrice RSE de la SNCF, Jean-Dominique Sénard, président de Renault, ou encore des représentants de WWF France, EDF, Groupe Caisse des dépôts, et AXA Climate.

Portrait de trois femmes au parcours inspirant

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Dans « Ces jeunes qui font la Génération solutions », le dernier numéro de la revue Reporters d’Espoirs, nous mettons à l’honneur 24 jeunes qui vous font aimer 2024. Parmi eux, trois femmes d’exception…que l’on vous propose de découvrir dans cet article.


Léa Moukanas

Par Léonard de Carlo

«L’engagement n’a pas d’âge» – sous-titre de son dernier ouvrage «Je veux être utile» (éd. Robert Laffont, 2022) – résume son état d’esprit. L’entrepreneuse et auteure franco-libanaise Léa Moukanas, 24 ans, en a seulement 15 lorsqu’elle fonde l’association Aïda. À l’hôpital où est hospitalisée sa grand-mère, elle croise un jeune malade souffrant d’un cancer. Rencontre fondatrice qui préside à la création de son association. Neuf ans plus tard, 2 000 bénévoles âgés en moyenne de 19 ans ont été formés : ils accompagnent 2 200 jeunes dans plus de 60 hôpitaux en France dans leur combat quotidien contre la maladie, les souffrances physiques et les doutes existentiels. Un souffle d’espoir pour des milliers de 12-25 ans.

 

Claïna Clavaron

par Malika Souyah

C’est en avril 2023 que votre serviteur découvre Claïna Clavaron dans « Théorème/Je me sens un cœur à aimer toute la terre », d’Amine Adjina. Une pièce dans laquelle la jeune pensionnaire de la Comédie-Française incarne une Nour très lumineuse, et manie avec beaucoup d’aisance texte contemporain et tirades de Molière. « Comme j’étais une enfant assez timide, mes parents m’ont inscrite à un cours de théâtre quand j’avais 5 ans », partage l’artiste née en 2000 à Port-au-Prince, à Haïti. En 2019, un an après son bac et en parallèle de la Classe libre aux cours Florent, Claïna intègre la Comédie-Française en tant qu’artiste auxiliaire, avant d’en devenir pensionnaire en 2021. Sur les planches de la prestigieuse maison, elle incarne des personnages emblématiques de la comédie classique tels Gretel dans « Hansel et Gretel », des Frères Grimm, en 2021. Et des rôles plus contemporains aussi, comme celui de Claïna dans « D’où rayonne la nuit », de Yoann Gosiorowski, en 2022. Celle qui considère que « la force du théâtre, c’est de rassembler les gens » rêve d’incarner le personnage d’Esther dans la pièce éponyme de Racine. « C’est une pièce fabuleuse qui parle d’une jeune femme qui veut sauver le peuple juif d’un tyran. Elle a 16 ans, et elle a tellement foi en son Dieu qu’elle arrive à faire bouger les éléments pour sauver les siens. Elle a une force incroyable et les vers sont poignants. » En attendant, on peut la découvrir au Français en Hyacinthe dans « Les Fourberies de Scapin », de Molière, mise en scène par Denis Podalydès, jusqu’au 19 juin. Ou encore en Dacha dans « Les Démons », de Dostoïevski, dans une mise en scène de Guy Cassiers, jusqu’au 22 juillet.

Coline Debayle

Par Paul Chambellant

Lancer des projets entrepreneuriaux innovants, c’est tout un art que Coline Debayle, cofondatrice d’Artips et de Team for the Planet, 34 ans, semble maîtriser à la perfection. D’un côté, Artips, site web qui vise, depuis 2012, à vulgariser la culture générale au travers de trois newsletters hebdomadaires retraçant une œuvre d’art célèbre ou inconnue. De l’autre, Team for the Planet, entreprise fondée en 2019 qui veut lever un milliard d’euros pour créer 100 entreprises aptes à lutter efficacement contre le changement climatique. Si ces deux «licornes» l’ont propulsée sur le devant de la scène entrepreneuriale, elle accumule depuis les casquettes : accompagnatrice de projets à impact, coach pour des «intrapreneurs publics» et start-ups d’État, ou encore conférencière en entreprise par TedX.

Encore lui ! Louis de Funès allié du soleil, pionnier des low-tech

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1978 marque la création du Commissariat à l’énergie solaire… et une semaine plus tard la sortie du film « La Zizanie » avec Annie Girardot et Louis de Funès ! « Non ! Si ! Ohhhh ».

9e au box office, ce film, qui offre un récit écologique populaire avant l’heure (inégalé depuis ?) aborde malicieusement… l’innovation que constitue le four solaire.

Si vous êtes arrivé à saturation de la série des « Gendarmes » abondamment diffusée sur la TNT comme le veut la tradition aoutienne, voilà un chef d’œuvre qui saura vous enthousiasmer. Extrait ci-dessous.

Et si vous souhaitez en savoir plus sur « Louis de Funès, l’écolo », rendez-vous dans la revue Reporters d’Espoirs n°2 « Nature : vous n’avez encore rien vu ! » : nous y consacrons un article à l’œuvre cinématographique et jardinistique du comédien, qui appliquait déjà il y a cinquante ans les principes de l’agriculture biologique et de la communion avec la biodiversité.

« Peu de personnes s’engagent du jour au lendemain quatre heures par semaine dans une association. Il faut tester pour y prendre goût. 18 000 missions sont disponibles sur JeVeuxAider.gouv.fr pour toutes et tous ! » – Benjamin Richard

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Benjamin Richard est le responsable de la plateforme numérique jeveuxaider.gouv.fr, créée au sein de la Direction de la jeunesse, de l’éducation populaire et de la vie associative, et du Ministère de l’Education Nationale et de la Jeunesse. La plateforme publique du bénévolat met en lien 18 000 missions d’intérêt général avec les 550 000 citoyens inscrits qui souhaitent s’engager.

Dans quel contexte cette plateforme a-t-elle été créée ?

La plateforme a émergé dans un contexte de crise. Sa création s’est faite au moment du Covid, comme beaucoup de services de solidarité. Mais son idée remonte aux attentats de 2015, lorsque la Réserve Civique a été mise en place.  On a remarqué qu’il fallait faire face à de fortes envies et besoins de mobilisations au moment des crises, à l’image de l’accueil des réfugiés ukrainiens par exemple. L’Etat a voulu faciliter l’engagement des citoyens sur ces grandes causes.

Quelles ont été les évolutions de la plateforme depuis sa création ?

On a remarqué qu’outre les élans de solidarité dans les moments difficiles, l’engagement sur le long terme, au quotidien, était plus difficile. Or les associations ont aussi besoin d’un engagement régulier. De nombreuses structures cherchent des compétences particulières : un secrétaire, un trésorier, ou quelqu’un du monde juridique ou informatique par exemple.

Comment donner aux gens l’envie de s’engager ?

Je suis partisan de donner l’envie par l’exemple et par l’action. Peu de personnes s’engagent du jour au lendemain quatre heures par semaine dans une association. Il faut tester pour y prendre goût. Le premier pas, c’est de lever les freins ou les craintes : montrer que ce n’est pas nécessairement chronophage, qu’il y a des missions qui correspondent aux attentes de chacun. On doit goûter à la sensation d’être utile, à la proximité avec les gens.
La plateforme est conçue pour que les recherches soient facilitées. Il y a une grande variété de missions proposées, que ce soit près de chez soi ou à distance, sur des temps d’engagement longs ou courts. 28% des bénévoles réalisent leur première mission grâce à notre plateforme, et plus des deux tiers continuent leur engagement par la suite.

Qu’est-ce que les gens retirent de leur expérience ?

Il y a mille et une raisons de s’engager. La première est un attachement à la cause, et le sentiment d’être utile à la société. Mais il y a d’autres motivations : acquérir des compétences, faire des rencontres, se créer un réseau, sortir de chez soi… Chaque raison est légitime. On a l’idée reçue que l’engagement serait quelque chose de sacrificiel, qui coûte beaucoup. En réalité, on en tire beaucoup de bénéfices personnels et il faut l’assumer. L’engagement, on le fait pour les autres ainsi que pour soi.

Votre plateforme met en lien la population non seulement avec les associations, mais aussi avec d’autres acteurs ?

11 000 associations sont inscrites sur la plateforme, et nous regroupons 13800 structures en tout. Il y a des collectivités territoriales, comme des communes ou des départements, des organisations publiques, des CCAS, des EPHAD… Tout acteur à but non lucratif et portant un projet d’intérêt général est le bienvenu sur la plateforme. L’engagement n’est pas propre aux associations, beaucoup d’acteurs y concourent.

Quelle tranche d’âge est la plus représentée parmi les bénévoles ?

Ce sont les jeunes. Sur 550 000 personnes inscrites, la moitié a moins de 30 ans. Nous ne les ciblons pas particulièrement, mais cette nouvelle génération vient à nous plus naturellement. Ce qui n’empêche pas que toutes les générations soient représentées. Contrairement à ce que l’on pourrait penser, le service numérique n’est pas un frein à son utilisation par les plus de 60 ou 70 ans. La plateforme a l’avantage d’être très simple : en quelques clics, on est en relation avec une association et on peut aller rapidement sur le terrain. Il y a un côté concret et pragmatique qui plaît à tout le monde, bénévoles comme organisations d’ailleurs.

Comment développer l’envie de s’engager ?

Notre fil rouge, c’est la conviction qu’il existe une manière de s’engager qui correspond à chacun. On va chercher les personnes qui se sentent éloignées du bénévolat dans les endroits où les associations ne vont pas forcément. A ces personnes, on pourra proposer du bénévolat à distance, même si notre objectif est bien sûr de soutenir la dynamique associative partout. Pour faire connaitre notre service public numérique, nous sommes présents sur de nombreuses plateformes en ligne, comme des sites d’orientation ou des forums d’emploi. On intervient en milieu scolaire, dans des forums associatifs, au sein de divers événements. Une grande campagne d’affichage a également été mise en place dans les réseaux de transports des métropoles. Nous avons enfin des relais dans des médias.

Comment les médias peuvent-ils aider?

Nous développons des partenariats avec des médias, avec des rubriques « engagement » à côté des articles. J’ai la conviction que leur lecture donne aux gens l’envie d’agir. L’actualité nous laisse parfois désemparés donc on essaye de montrer qu’il existe des moyens d’agir à notre petite échelle. Par exemple, après un article qui parle des évolutions de la pauvreté, nous pouvons mettre en valeur des missions de distribution alimentaire ou de maraude à proximité. Notre utilité, c’est d’être à rebours du pessimisme ambiant, de montrer qu’on a des moyens de dépasser certains obstacles. Le bénévolat, c’est la joie en action. On entend toujours que la jeunesse ne fait rien, mais on constate exactement l’inverse à travers son engagement.

Propos recueillis par Maëlle Widmann pour Reporters d’Espoirs

« L’exposition à la lumière est bénéfique pour notre santé… à certaines conditions ! » Pierre Cesarini

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Pierre Cesarini est le directeur délégué de La Sécurité Solaire (www.soleil.info), une association dont le but est de sensibiliser et prévenir les risques de la surexposition au soleil. Son père, le Docteur Jean-Pierre Cesarini, chercheur à l’INSERM et spécialiste du mélanome, a fondé cette association il y a tout juste 30 ans avec un groupe de scientifiques. Parmi ses actions : la diffusion des Indices de rayonnement UV, l’éducation solaire des jeunes générations, la prévention en milieu professionnel, ou encore la lutte contre la propagation des cabines de bronzage. Le tout avec le soutien d’institutions comme l’INCa, des ARS, l’INSERM, Météo-France, les entreprises contre le cancer, ou la Ligue contre le cancer (92).


Quels sont les effets positifs des rayons du soleil sur notre mental ?

La partie visible du rayonnement offre des bénéfices qui nous semblent naturels : la lumière nous permet de voir les couleurs, les formes, et donc de nous déplacer dans l’espace. L’exposition à la lumière entraîne la production d’hormones bénéfiques pour notre santé. La dopamine booste notre énergie. La dépression hivernale, qui est un type spécifique de dépression, représente environ un quart des dépressions. Par exemple, on le voit chez les populations qui vivent au-delà des 60 degrés de latitudes dans le nord, là où le soleil ne dépasse pas l’horizon vingt heures par jour. En France, cette dépression saisonnière représente seulement 1% des types de dépression.

Physiquement, en quoi les rayons du soleil nous sont essentiels ?

Parmi les rayons du soleil, les UV, favorisent à doses modérées la synthèse de vitamine D. Cette vitamine permet notamment de fixer le calcium sur les os. C’est donc important, en particulier pour les enfants. Des études ont également montré que la vitamine D était essentielle pour notre système immunitaire.

Comment profiter de ses bénéfices sans se mettre en danger ?

Le premier conseil, c’est de ne jamais aller jusqu’au coup de soleil. Outre les risques à long terme et la douleur qu’il engendre, le coup de soleil est, dans tous les cas, délétère. Pour des doses reçues supérieures au coup de soleil, l’effet est contreproductif, car l’organisme détruit alors la vitamine D. Il faut aussi savoir adapter selon son type de peau. Les peaux noires ont tendance à absorber difficilement les UV, et donc l’organisme ne produit parfois pas assez de vitamine D. Les peaux très claires doivent en revanche être prudentes et se protéger efficacement quand le rayonnement est puissant. En la matière, attention ! s’appliquer de la crème solaire n’est pas la première chose à faire. Outre que certains de ses ingrédients sont montrés du doigt par certains car ils pourraient perturber le système endocrinien et entraver la croissance des coraux, la crème solaire doit surtout venir compléter la protection vestimentaire, pas la remplacer. Le mieux étant toujours de rester à l’ombre.

Comment faire de la prévention efficace ?

Les leviers à activer sont multiples et dépendent beaucoup des profils d’individus que l’on cherche à atteindre. Mais globalement, l’éducation est le moyen le plus unanimement reconnu pour faire prendre conscience des risques et adopter des pratiques plus favorables à sa santé. Mais cela demande du temps et des moyens. En France, même si nous avons réussi à ralentir l’augmentation du nombre de nouveaux cas de mélanomes, ce n’est pas suffisant. En Australie, pays tropical où l’essentiel de la population a la peau claire, les moyens mis dans la prévention sont beaucoup plus importants. En plus, celle-ci passe aussi par la loi. Par exemple, les lampes à UV y sont interdites. L’ombrage des cours d’écoles est obligatoire, les employeurs sont réellement obligés de protéger les « outdoor workers »…Grâce à cela, les Australiens ont réussi à inverser la courbe. Le nombre de nouveau cas de mélanomes diminue maintenant pour toute une catégorie de la population.

Quels sont les effets des trous dans la couche d’ozone ?

C’est une question complexe qu’il faut aborder dans le cadre plus global du dérèglement climatique. Nous espérons une régénérescence de la couche d’ozone du fait de l’arrêt des rejets de CFC, ces gaz qu’on trouvaient dans les réfrigérateurs, congélateurs, climatiseur et bombes à aérosols d’anciennes générations. Mais le réchauffement en cours est responsable d’incendies de plus en plus nombreux et étendus. Les cendres rejetées dans l’atmosphère abiment la couche d’ozone. Autre problème posé par le réchauffement : le comportement de la population qui a tendance à agir dès le début du printemps et de l’automne comme en plein été. Or, il faut savoir que l’intensité des UV est déjà significativement élevée en avril comme en septembre, et qu’elle est à son niveau maximum de mai à août.

Propos recueillis par Maëlle Widmann pour Reporters d’Espoirs

Mieux informer sur le climat : le Secrétariat général à la planification écologique mentionne Reporters d’Espoirs

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Dans une note de cadrage publiée le 16 juillet 2024, le SGPE développe les leviers à mettre en œuvre pour que les Français s’investissent davantage en matière de transition écologique. Cette note, intitulée « Engager une transition des modes de vie », aborde la question du traitement médiatique des enjeux environnementaux.

En effet, pour tendre vers une « transition réelle des modes de vie », il est nécessaire d’acculturer les Français. Cette acculturation est rendue possible, en partie, par l’information documentée qui leur est transmise à la télévision, à la radio et dans la presse. L’essentiel des citoyens s’informeront, au cours de leur vie, sur ces questions uniquement par le biais des journalistes.

En juillet 2020, notre étude « MédiasClimat », réalisée dans le cadre du Lab Reporters d’Espoirs -qui produit formations, outils numériques et études destinés aux journalistes- , faisait état que « la part des sujets qui évoquent le climat, sur le périmètre étudié, est de moins de 1 % en moyenne, avec des pointes à 2 % sur les chaînes d’info et à près de 5 % pour certains quotidiens nationaux ».

C’est ce volet de notre travail que le SGPE (page 8 de la note de cadrage), dirigé par Antoine Pellion et que notre association a rencontré dernièrement pour discuter de l’importance d’aborder l’information par la philosophie du « verre à moitié plein », a souhaité mettre en lumière.

Force est de constater que cette administration, rattachée à Matignon, désire quantifier et qualifier plus en profondeur ce traitement : « Des travaux restent à engager pour doter la puissance publique d’outils de suivi fiables et le plus proches possible du temps réel pour évaluer quantitativement et qualitativement le traitement médiatique des enjeux écologiques dans les médias. » Déchiffrer le qualitatif dans le quantitatif, en l’espèce, est indispensable.

L’objectif ? Mieux constater pour mieux distinguer comment les individus vont pouvoir s’éveiller à ces questions, et donc jouer un rôle dans la transition. « Aucune trajectoire crédible ne fait en effet l’économie d’un changement profond de nos modes de vies et de nos habitudes », les actions individuelles représentent 25% des efforts à produire d’ici à 2030, selon le Secrétariat, pour diminuer notamment drastiquement les émissions de gaz à effet de serre (GES) du pays.

En sus du volet informationnel, c’est à une meilleure formation et une meilleure communication auprès des Français auquel croît le SGPE.

« Le titre-restaurant, c’est un bel exemple du dialogue social français. Il faut développer cette culture du consensus » – Youssef Achour

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Youssef Achour est le président de la société coopérative UpCoop et du groupe Up dont il a gravi tous les échelons ces vingt-cinq dernières années. Patron engagé, élu par les salariés et porté par les valeurs de l’économie sociale et solidaire, il est aussi président de la CRESS Île-de-France (Chambre régionale de l’économie sociale et solidaire). La Scop* qu’il dirige a rejoint Reporters d’Espoirs comme mécène au début de l’année 2024. Aussi, nous avons voulu l’interroger sur le groupe singulier qu’il dirige, et plus largement sur l’engagement des entreprises de France. Sans oublier de le questionner sur son rapport à l’information.


Tout le monde ou presque côtoie UpCoop au quotidien … mais sans véritablement le savoir. Le chèque déjeuner, c’est vous ! Et ça fait 60 ans que ça dure.

Effectivement, nous avons débuté avec la marque Chèque déjeuner en 1964, qui a démocratisé l’accès à la restauration du midi et permis aux salariés qui déjeunaient à l’extérieur de prendre un repas de qualité dans un lieu de leur choix. Le titre-restaurant, c’est un vrai exemple de ce que le dialogue social dans l’entreprise, entre salariés et direction, permet de construire. C’est le fruit d’un accord obtenu au terme d’une négociation constructive entre partenaires sociaux, et l’impact est positif pour tous. Pour les salariés c’est du pouvoir d’achat additionnel, puisque les entreprises prennent en charge 60% ou 50% de la valeur du titre et pour l’employeur, c’est un levier d’engagement, de cohésion, de qualité de vie au travail et de marque employeur. Nous en sommes très fiers, car le titre restaurant nous a permis de nous ancrer dès le début dans une mission d’intérêt général et d’utilité sociale auprès des entreprises.

Comment un tel produit a pu se mettre en place ?

C’est grâce à la coopération de tous les acteurs. Il faut d’abord un Etat volontaire, qui met en place des mesures incitatives pour que l’entreprise et les salariés trouvent un intérêt commun. Il faut donc des entreprises qui décident, dans le cadre du dialogue social, d’améliorer le pouvoir d’achat et la qualité de vie de leurs salariés. Il faut aussi des restaurateurs, bien entendu, qui accepteront le paiement via ce support. Et pour coordonner le tout, un tiers de confiance : c’est nous ! Notre rôle est d’assurer le bon fonctionnement de tout l’écosystème et des flux qui y transitent. Lorsque le restaurateur reçoit et accepte le titre restaurant, il a confiance car il sait qu’il sera remboursé.

Outre les titres restaurants, qu’y a-t-il derrière ce groupe ?

Désormais, avec la digitalisation du titre-restaurant, on est à 1,2 million d’utilisateurs chaque jour. Avec le temps, nous nous sommes diversifiés en déployant d’autres titres spéciaux de paiement destinés à de l’achat plaisir-cadeau comme UpCadhoc par exemple : longtemps, les entreprises offraient via leur comité d’entreprise des paniers-cadeaux présélectionnés. Maintenant, avec le titre UpCadhoc, le salarié achète le cadeau qu’il souhaite offrir, ce qui donne une plus grande liberté. Nous avons élargi le dispositif à d’autres secteurs, comme ceux de la culture, du sport, de la lecture et de l’action sociale.

Ce que l’on connait moins, c’est toute l’activité qui nous permet d’accompagner les pouvoirs publics, collectivités et associations dans le versement des aides sociales aux personnes les plus démunies par exemple, de manière ciblée et sécurisée. Et nous nous sommes aujourd’hui déployés dans 25 pays.

Il y a tout juste deux ans, vous appeliez, avec Biocoop, à la création d’un chèque alimentaire « qui permette aux plus démunis d’accéder à une alimentation de qualité tout en préservant leur liberté de choix dans la consommation ». Où en est-on ?

Cela fait des années qu’on travaille sur l’idée du chèque alimentaire. Selon nous, l’Etat doit donner à chacun la possibilité d’accéder à la société de consommation. On imaginait un produit qui serait commandé par les collectivités locales pour être distribué aux personnes en situation précaire ou fragile. L’idée est de répondre au droit fondamental à se nourrir, en laissant la liberté aux bénéficiaires d’acheter dans n’importe quel commerce, ce qui permet au passage d’éviter la stigmatisation des files d’attentes aux banques alimentaires. On a d’abord testé le dispositif à l’échelle locale, puis travaillé avec Biocoop pour l’élargir au plan national. Nous avons voulu montrer la faisabilité du dispositif, pour que le gouvernement s’en empare et le généralise – comme l’avait annoncé le Président de la République en 2022. Hélas, le ministère de l’économie et des finances a décidé d’enterrer ce dispositif. Pour UpCoop, les expérimentations locales continuent, notamment à Dijon, à Montreuil et dans le Gers, mais il n’y a plus – pour l’heure – l’ambition politique nationale que nous espérions.

Vous dirigez la plus grande SCOP – société coopérative et participative – de France. A l’heure où l’on parle de partage de la valeur, et d’augmentation des salaires face à l’inflation, c’est un modèle qui fait la différence pour les salariés ?

Nous sommes la plus grande SCOP de France en termes de chiffres d’affaires, avec près de 750 salariés- coopérateurs de l’entreprise. Ils participent au processus de gouvernance, à la prise de décision, élisent le conseil d’administration parmi leurs pairs et 45% du résultat leur est redistribué.

C’est un exercice complexe mais passionnant que de perpétrer ce modèle de groupe coopératif. Il faut une volonté et une vision politique. Il faut aussi faire cohabiter ceux qui n’ont pas les mêmes intérêts ni le même statut dans un même groupe composé au global de 3 250 salariés. En se développant à l’international, le groupe a repris des entreprises dont les salariés n’ont pas la culture coopérative. Prenez nos filiales dans les pays de l’Est par exemple : ces entreprises, marquées par leur histoire, ne tiennent pas à redevenir des coopératives car cela ne leur évoque pas que de bons souvenirs. Cela ne nous empêche pas de les inciter à développer à la fois la place du dialogue social et la concertation en invitant des salariés à participer à leur conseil d’administration. Là où il faut généralement 1000 salariés dans une entreprise pour que ces derniers soient représentés au Conseil d’Administration, chez nous, les salariés ont des représentants qui participent aux instances y compris dans nos petites filiales.

Se crée-t-il encore des SCOP et des coopératives aujourd’hui en France ? Encouragez-vous cette création ?

Oui, il se crée des coopératives et nous souhaitons qu’il y en ait davantage. Cela étant, être une coopérative signifie s’engager sur le principe « une personne égale une voix » à la place de « une action égale une voix ». C’est compliqué dans un monde imprégné d’une forte culture capitalistique, où c’est le capital financier qui détermine votre pouvoir de décision ou d’influence dans une entreprise.

Aussi je pense qu’il faut surtout tendre à poursuivre l’essaimage dans la société actuelle des valeurs coopératives et des valeurs de l’économie sociale et solidaire (ESS), qui sont des valeurs de modernisation. Prenons quelques exemples : dans la plupart des entreprises, 90% à 95% des personnes ont des idées mais on ne les sollicite pas ; le principe de l’objectif individuel cultive la priorisation des intérêts personnels ; les salariés ne sont pas suffisamment associés aux décisions et intéressés au résultat collectif. Aujourd’hui, la jeune génération est en quête de sens. Les jeunes ont envie d’être associés au fonctionnement de l’entreprise, ils ont envie de plus de participatif. Je pense que cela va se développer ; il se trouve que les valeurs et pratiques historiques de l’ESS correspondent aux enjeux de la société actuelle et aux attentes des individus. Les résultats du Groupe Up témoignent que ces pratiques n‘altèrent en rien l’efficacité de l’entreprise.

Quel est votre rapport personnel à l’information et aux médias ? Comment vous informez-vous ?

J’écoute en permanence les informations. Mon réveil du matin, dès 6h, c’est la radio. Je commence en général par France Inter, avant de zapper sur d’autres chaînes, avec lesquelles je suis souvent en désaccord avec la ligne journalistique. C’est pour moi la seule façon de prendre le pouls des choses, d’entendre d’autres façons de penser les sujets de société. Avant, j’adorais dévorer la presse écrite. Avec la digitalisation, j’avoue avoir perdu l’habitude de la lire. C’est pourtant plus simple, plus accessible. Mais je ne prends plus le même plaisir qu’avec le papier. Il faut que je me réhabitue !

Vous qui avez fait des études d’économie et de finances, trouvez-vous que les médias sont suffisamment curieux d’économie et d’entreprise ?

Je trouve que les médias parlent de plus en plus d’économie, et traitent le sujet de mieux en mieux. Mais il y a trop souvent la recherche  d’alimenter un côté anxiogène des informations économiques ou sociales. Les médias ont une responsabilité énorme sur la santé mentale de la population. C’est plus facile de parler des trains qui arrivent en retard plutôt que des trains qui arrivent quotidiennement à l’heure. Prenez le sujet de l’intégration : on préfère parler des 20% d’échec plutôt que des 80% de réussite. C’est là que Reporters d’Espoirs est important ! Si on n’offre que de l’information anxiogène, on crée une société avec une vision réductrice et protectionniste du monde. C’est donc essentiel de mettre plus en avant ce qui fonctionne. Si tu ne crois plus en rien, tu te désintéresses de tout et tu n’exerces plus ta citoyenneté.

Propos recueillis par Gilles Vanderpooten et Maëlle Widmann/Reporters d’Espoirs.

*Société Coopérative et Participative

Prix européen jeunes Reporters d’Espoirs : ne manquez pas notre webinaire d’information !

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Avis aux candidats du Prix européen jeunes Reporters d’Espoirs : nous vous invitons à un webinaire d’information le lundi 8 juillet à 18h pour un échange autour du Prix.

Au programme :

  • Présentation du Prix européen jeunes Reporters d’Espoirs
  • Temps d’échange avec questions / réponses
  • Témoignage d’une lauréate de l’édition 2023

Voici le lien du webinaire.

A bientôt !

L’équipe de Reporters d’Espoirs

« Le lien social en France est riche, les gens sont prêts ! » – Mémona Hintermann-Afféjee & Tarik Ghezali

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Née à La Réunion, grand reporter ayant couvert de grands conflits mondiaux, ancienne membre du Conseil Supérieur de l’audiovisuel, Mémona Hintermann-Afféjee est aussi administratrice de Reporters d’Espoirs. Né en Algérie, « l’ingénieur du lien » Tarik Ghezali est fondateur de La Fabrique du Nous, à Marseille. L’un et l’autre s’accordent sur la nécessité de faire ensemble pour créer du lien. Voici en libre accès l’interview publiée dans la revue Reporters d’Espoirs n°1 « Ensemble, on va plus loin ! », toujours disponible sur notre site.


Vous vous êtes construit tous les deux sur la création de liens. Qu’est-ce qui dans votre histoire personnelle explique cela ?

Photo Julien Hintermann. DR.

Photo Julien Hintermann. DR.

 Mémona Hintermann-Afféjee. Sans doute la relation qui me lie à mes 11 frères et sœurs. Je suis née à La Réunion, dans une famille un peu en vrac, dans laquelle les plus grands s’occupaient des plus petits – situation que j’ai vue dans de nombreuses sociétés. C’est dans la fratrie que nous avons trouvé la solidité des sentiments, de la confiance, du partage, de la parole donnée… Et auprès des enseignants qui nous ont aidés à croire qu’une autre vie était possible. J’ai retrouvé ce climat de fratrie dans le champ du travail : pendant trente ans de reportages, je suis partie avec les mêmes collègues. On se construit comme on peut ! [Rires.]

Photo Silvio Santinone. DR.

Photo Silvio Santinone. DR.

Tarik Ghezali. Cela vient, je crois, en partie du fait que je suis né et que j’ai grandi en Algérie, un pays marqué par la guerre : guerre d’indépendance, puis guerre civile dans les années 1990. Arrivé en France, j’ai aussi été frappé de voir la richesse, la profondeur, la diversité des liens qui lient Algériens et Français, qu’ils soient immigrés, pieds-noirs, harkis… C’est un lien chargé à la fois de puissance et de souffrance. J’ai cet impératif de relier les deux rives dans le sang ! Pendant tout mon parcours, je n’ai pas cessé de créer du lien, de relier des mondes éloignés les uns des autres : les deux rives de la Méditerranée donc, mais aussi le business et la recherche, l’économique et le social, les quartiers riches et les quartiers pauvres, etc.

Comment mettez-vous en œuvre ce lien ?

M.H.-A. Je crois profondément que la solidité des liens peut compenser ce dont on a manqué d’un point de vue matériel. Aujourd’hui, je mesure combien il est important de rétablir ces territoires d’humanité. En tant que journaliste, membre du CSA ou dans mes engagements associatifs, je privilégie le « nous ». Et le lien, c’est l’ouvrage essentiel de nous tous. Les associations sont juste des relais, des passages de témoin.

T.G. Ce qui est naturel, c’est l’entre-soi. Le fait de faire des choses avec un autre qui ne nous ressemble pas ne va pas de soi. Pour lutter contre cette nature grégaire et nous inciter à faire ensemble, il faut de bonnes fées, des « ingénieurs du lien ». Le bonheur est dans le lien ! Ce n’est pas moi qui le dis, mais Harvard, à travers la plus longue étude sociale jamais menée sur cinq générations, depuis 1938 et toujours en cours. Les chercheurs ont suivi 800 personnes toute leur vie durant pour voir ce qui les rendait heureuses. Résultat : le facteur clé est la qualité des relations avec sa famille, sa communauté, etc.

Concrètement, qu’avez-vous mis en œuvre avec La Fabrique du Nous pour créer du lien ?

T.G. Dans les quartiers nord de Marseille, il n’y a pas assez de piscines publiques et les jeunes ne savent pas nager. Avec l’association Le Contact Club, nous avons sollicité des particuliers pour qu’ils nous donnent accès à leur piscine le temps de séances de natation avec maître-nageur. Nous avons créé un climat de confiance et le cadre pour autoriser les gestes humains, et ça marche très bien ! Une centaine de jeunes ont déjà eu accès à une vingtaine de piscines privées. Tout le monde est transformé : les jeunes sont touchés par cet élan de générosité et les particuliers sont ravis de voir des jeunes motivés auxquels ils ouvrent même leur carnet d’adresses. Il faut développer ça ! Autre exemple, « Le Grand bain » : plutôt que de jumeler les écoles de Marseille avec Hambourg ou Dakar, avec l’association CitizenCorps, nous avons rapproché dans le « faire » (sports, arts, patrimoine…) 100 élèves de cinq écoles primaires de quartiers riche, pauvre et bobo – trois entre-soi. Des mélanges au sein d’une même ville, c’est tout bête, il fallait juste essayer ! Les différences sociales ont beau s’exprimer, les enfants se mélangent très vite. Ville et rectorat sont partants pour élargir l’expérience.

M.H.-A. Dans ma vie de reporter et de femme engagée, j’ai constaté que la plupart des gens, même dans de mauvaises passes, peuvent s’en sortir. La main est là, prête à saisir la vôtre. Le lien social en France est riche, les gens sont prêts. La qualité de la vie en commun ne devrait pas faire obstacle. Ces derniers temps, on a l’impression que tout est devenu méchanceté, racisme, violence… Mais je crois que c’est encore possible. Il y a de l’amour ! Il faut montrer aux gens qu’on les aime, que l’on a de la considération pour eux. La colère des Gilets jaunes est née de ce manque de considération.

Vous en venez tous deux à l’idée que, dans une société individualiste, il faut redonner du sens et de la force à l’idée de « vibrer » ensemble.

T.G. Il faut changer le regard porté sur la femme voilée, les personnes en situation de handicap, les jeunes des quartiers… Il faut réapprendre à considérer les gens dans leur entièreté, au-delà de ces étiquettes identitaires qui font écran et masquent l’humanité des personnes. Par exemple, j’aime beaucoup le travail de l’association La Fabrique nomade, à Paris, qui aide des réfugiés à pratiquer leur artisanat. C’est dans l’intérêt des personnes concernées, bien sûr, mais aussi de l’économie française qui a besoin de ces compétences. Réfugié, ce n’est pas un métier ! Pour réussir à vivre ensemble, il faut commencer par faire ensemble. En France, le Baromètre du Centre de recherche pour l’étude et l’observation des conditions de vie (Credoc) observe que la confiance vis-à-vis des autres a baissé de 10 points en 10 ans. A contrario, le site leboncoin.fr, c’est 30 millions de personnes qui font des transactions, achètent, se font confiance sans se connaître avant.

Comment parvenir à décloisonner les univers ?

M. H.-A. Ma matrice, c’est la société créole, je ne peux pas me référer à un autre modèle. La Réunion est devenue française avant la Savoie ou Nice. À cause de l’esclavage, les communautés noires étaient obligées de faire vivre leur culture en cachette. Mais aujourd’hui, les fêtes de ces différentes communautés – qu’il s’agisse de célébrer le dieu chinois, l’Aïd ou la fin de l’esclavagisme – sont célébrées ensemble sur l’île ! Je pense que c’est l’école qui a permis cet universalisme. On aurait dû tous se tirer dans les pattes, s’enfoncer dans l’océan Indien, et pourtant, ça marche ! [Rires.] Au début des années 1980, la France a réussi là-bas ce qu’elle pourrait très bien incorporer à son bréviaire républicain partout sur le territoire. À La Réunion, nous avons fait de l’universalisme à partir de nos racines multiples. Inspirons-nous de ce qui marche ! Cette diversité est présente jusque dans les familles. Par exemple, mon frère est musulman. Et alors ? Nous avons trouvé un moyen de ne pas nous taper dessus et de vivre ensemble. Bien sûr, on aime la France. Mais à La Réunion, on se dit tous Créoles. La France a changé, je l’ai vue changer depuis mon arrivée dans les années 1970, et alors ? Est-ce qu’on continue à ne pas donner d’appartement ou de boulot à quelqu’un qui a un nom à consonance étrangère ? Les médias ont beaucoup de boulot à faire. À force de ne pas voir les problèmes, on finit par tourner en rond…

T.G. La Réunion porte bien son nom comme creuset d’un commun. Ce que vous dites de La Réunion résonne avec ce que l’on vit à Marseille. Nous avons une fierté d’être Marseillais. Cette ville est née il y a 2 600 ans de la rencontre de la princesse gauloise Gyptis et du marin grec Prôtis, soit, dès l’origine, deux altérités, sociale et culturelle. Marseille a connu plusieurs vagues d’immigrations, a accueilli de tout temps de nombreux exilés. Cette ville mêle communautarisme et universalisme, et ça marche ! La France a beaucoup changé. J’aime bien le travail de Jérôme Fourquet qui, dans L’Archipel français (Le Seuil, 2020), évoque la déchristianisation de la France. Les politiques ne racontent pas ça ! Pourtant, on aura avancé en France quand on acceptera que Mohamed est un prénom français, tout comme Tarik ou Mémona. Nous sommes la France !

Que reste-t-il à faire pour promouvoir la diversité dans les médias ?

M.H.-A. énormément de choses ! D’après le dernier rapport du régulateur, il n’y a pas de progression dans l’incarnation de cette France plurielle à la télévision. Il faut rappeler aux dirigeants de chaînes publiques qu’il faut davantage de diversité à l’antenne. La France bon teint qui s’affiche sur petit écran ne correspond plus à la réalité du pays. Le compte n’y est pas ! Il est urgent de mener des politiques publiques davantage conformes à la société française. Il faut que cette France soit incarnée, car les médias ont un impact social important, qui se traduit concrètement en matière d’emploi, de logement… Chacun doit faire un pas vers l’autre, pour ne pas prendre le risque de voir la société se ghettoïser.

T.G. Ça me fatigue que l’on mette constamment en exergue les différences, le « narcissisme des petites différences », alors que ce qui nous rassemble est nettement plus important. Dans les médias, la diversité d’origines est trop peu présente, tout comme la diversité d’opinions : on ne débat plus, on s’invective. J’aimerais beaucoup que Libération et Le Figaro organisent des débats de façon sereine sur des sujets clivants. À l’instar de My Country Talks, lancé par Zeit Online, qui permet à des individus qui n’ont pas les mêmes convictions de se rencontrer et de débattre. Cette initiative née en Allemagne a été reprise dans de nombreux pays. Les médias doivent permettre la confrontation sereine des opinions.

Qu’est-ce que les individus et la collectivité ont à gagner à faire ensemble ?

T.G. France Stratégie chiffre à 150 milliards sur vingt ans le coût des discriminations sur le marché du travail. Le déterminisme social coûte 10 milliards par an. On perd de l’argent à discriminer ! Et on en gagne à faire ensemble : à des parents des beaux quartiers marseillais qui doutent parfois de l’intérêt des initiatives que l’on met en place, je leur dis en les taquinant : « Il n’aura pas juste rencontré un Noir ou un Arabe, ton gamin, il sera aussi plus compétitif parce qu’il aura appréhendé des environnements plus complexes et plus incertains. » Les bons sentiments peuvent aller de pair avec de bons intérêts !

À quoi ressemblerait votre média idéal ?

M.H.-A. Il doit ressembler à la société. J’ai rencontré un patron de chaîne plus réaliste que les autres, Alain Weil, de Next Radio, qui convenait que la diversité, c’était bon pour le business !

T.G. À la revue Reporters d’Espoirs, bien évidemment ! [Rires.] Il faut inciter les médias à parler de ce qui marche. C’est super de mettre en avant des leaders, des superhéros qui changent le monde, mais on devrait aller au-delà et mettre en avant des citoyens lambda qui font des choses formidables pour inciter tous les autres à passer à l’acte. Avec une bande d’amis, nous avons à cette fin lancé #DenonceTesHeros. Les médias devraient aussi raconter des rencontres, car s’il n’y a pas de superhéros, il y a surtout de super rencontres qui amènent à des transformations réciproques. On ne fait rien tout seul, les médias devraient raconter cela. Quand ils interviewent un homme politique, un businessman, ils devraient parler de cela, des rencontres qui changent un parcours. Raconter cela, ça peut véritablement inciter à aller vers l’autre.

Quelle rencontre a changé votre vie ?

M.H.-A. La rencontre de gens simples la plupart du temps. Ma mère m’a vraiment impressionnée par son courage. Comme elle avait choisi de vivre en ménage avec un Indien, sa famille blanche l’a rejetée. Les plus grands de ses 11 enfants sont allés travailler pour nous nourrir et elle a cru que l’école ferait la différence. Elle ne savait ni lire ni écrire, mais elle m’a poussée à l’école. J’éprouve une admiration sans borne pour les femmes qui ont cru que l’école pouvait faire la différence pour leurs enfants.

T.G. Plein ! Une en particulier, et qui m’a nourri, c’est celle de Claude Alphandéry, un grand résistant, grand développeur de l’économie sociale et solidaire, et qui fêtera ses 100 ans cette année. Il a une pêche, une énergie, une jeunesse incroyables et continue de fourmiller de projets solidaires ! Claude a toujours fait avec d’autres. La preuve qu’il n’y a pas d’âge pour avoir une puissance créatrice. On devrait suivre cette voie.

Propos recueillis par Malika Souyah et Gilles Vanderpooten pour Reporters d’Espoirs