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Reporters d’Espoirs

« Le journalisme de solutions est la preuve qu’il est possible de changer d’imaginaire » – Diane Lami et Théo Boyé, co-fondateurs de l’association Inspeer et « slow reporters »

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Co-fondateurs de leur association devenue média en ligne Inspeer, Diane et Théo sillonnent l’Europe et l’Amérique depuis deux ans à la rencontre d’« humains inspirants », en vélo et voilier. Tous deux anciens étudiants en école de commerce, ils cherchent aujourd’hui à inspirer des vocations en couvrant des « solutions d’avenir ».

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« La structure coopérative se prête particulièrement au journalisme d’enquête » – Maxence Peigné, journaliste reporter à Investigate Europe et ancien lauréat du Prix Reporters d’Espoirs

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Maxence Peigné est journaliste-reporter au sein du média coopératif Investigate Europe, la principale rédaction d’enquête à l’échelle européenne. Lauréat du Prix Vidéo Reporters d’Espoirs en 2019, il a également été pigiste, journaliste freelance, écrivain-voyageur et correspondant pour nombre de médias avant de se tourner vers le journalisme d’investigation. Il aborde pour nous son parcours et son expérience au sein d’un média structuré en coopérative.

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« J’ai beaucoup d’espoir en cette jeunesse qui s’engage » – Sylvia Amicone, membre du jury du Prix Reporters d’Espoirs de l’innovation sociale et journaliste présentatrice à LCI

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Sylvia Amicone est journaliste à LCI depuis 2002, et fut parmi les premières à populariser la notion d’économie sociale et solidaire dans les médias au début des années 2010. Lauréate du Prix Reporters d’Espoirs en 2014, elle s’est depuis spécialisée dans la couverture d’initiatives inspirantes à travers reportages, matinales et chroniques. Cette année membre du jury du Prix Reporters d’Espoirs de l’innovation sociale, elle raconte l’évolution de ce sujet dans les médias.

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« Je ne voulais pas passer ma vie à parler de mort » – Charlotte Meyer, membre du jury du Prix Reporters d’Espoirs de l’innovation sociale et journaliste environnementale aux Échos

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Charlotte Meyer est journaliste environnementale aux Echos Planète et rédactrice en chef de son média indépendant Combat, pour lesquels elle réalise régulièrement des reportages sur l’économie sociale et solidaire. D’abord reporter sur plusieurs terrains de conflits au Moyen-Orient, expérience dont elle a tiré un livre intitulé La protection internationale des journalistes en mission professionnelle périlleuse – Enquête sur un défi impossible (éditions L’Harmattan), elle se tourne aujourd’hui vers le journalisme de solutions. En tant que membre la plus jeune du jury du Prix Reporters d’Espoirs de l’innovation sociale, elle évoque son parcours et sa pratique journalistique.

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L’Espoir, par Alain Rey

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Le célèbre  linguiste, lexicographe et écrivain français Alain Rey (décédé en 2020), avait prononcé à l’occasion de l’événement de remise des Prix Reporters d’Espoirs auquel il été associé en 2014, le texte suivant dans lequel il propose une définition de l’espoir.

« L’espoir est un sentiment lié à la vitalité qui se dresse contre les obligations, contre les duretés, et d’une manière générale contre le destin.

L’espoir prend la forme d’une lutte contre la condition humaine, avec son achèvement inéluctable qu’est la mort, mais avec ce passage plein d’espérance qui est que chaque vie individuelle aboutit à l’espérance de vie après elle. « Après moi le déluge » : voilà une formule particulièrement déplaisante que nous devons je crois rayer du vocabulaire français. Car non ! Au contraire : après moi la récolte, le développement, la réaction contre tout ce qui va mal, contre tout ce qui tend à détruire l’humain en nous !

L’Humanité porte en elle ce paradoxe qu’elle tend à s’autodétruire constamment. Sans espoir, on risque la déshumanisation totale. Pour ré-humaniser, que faut-il faire ? Il faut combattre le destin. Or, que dit Malraux -l’un de mes inspirateurs : l’art en général, et je dirais plus largement la culture, est toujours un anti-destin. C’est une lutte perpétuelle, c’est une révolte, c’est une révolution positive. C’est dans cette lutte qu’il nous faut combattre la fatalité de l’autodestruction. Précisément en transmettant ce sentiment qu’est l’espoir et qui ne s’éteint jamais.

« L’espoir luit comme un brin de paille dans l’étable. » Ce très beau vers de Verlaine témoigne que l’espoir est quelque chose de parfois minuscule, presque invisible, mais toujours très puissant, et qui doit rester éternellement présent. Evidemment il s’agit d’une allusion à la naissance de Jésus. Sans partager la conversion religieuse du poète, on peut généraliser à d’autres références, qu’elles soient religieuses ou athées. C’est l’étable où l’Humanité risque de croupir si elle ne réagit pas. Réagir, c’est ça l’espoir. L’espoir est donc une lutte.

En tant que représentant de ceux qui cherchent à sauver, à préserver et à répandre le message de la langue, le message des mots, je suis désespéré quand je vois disparaître ou s’abîmer une langue. Malheureusement, il en disparaît beaucoup.

La langue française, langue universelle, n’y échappe pas : il faut lutter perpétuellement pour qu’elle ne soit pas trop abîmée. Face à cela surgit un espoir extraordinairement puissant, qui se manifeste dans des choses très simples, notamment celle-ci : la grande littérature française est très souvent représentée par des personnes pour qui le français n’est pas une obligation de naissance, mais un choix.

Voilà un message d’espoir que le français doit partager avec toutes les autres langues.

Toute situation négative a son pendant, l’envers de la médaille. Lorsque l’Homme renonce à rester dans le revers, et va chercher les avers, il rejoint cette idée fondamentale de survie qu’est l’espoir. »

Photo : Alain Rey et le calligraphe Lassaâd Metoui, le 13 octobre 2014 au Prix Reporters d’Espoirs, Palais d’Iéna, Paris.

6-9 juillet : Reporters d’Espoirs vous donne RDV à Epinal pour le Festival Là-haut sur la colline

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Gilles Vanderpooten, directeur général de Reporters d’Espoirs, est invité du festival et participera samedi 8 juillet à 17h30 au débat sur le thème « L’esprit critique, une compétence clé pour l’avenir« .

Ce festival européen qui se tient du 6 au 9 juillet 2023 se construit autour de différentes propositions : concerts, espaces-paroles, animations et ateliers ludiques. Découvrez le programme sur ces 4 jours festifs où artistes -dont le rappeur Black M-, philosophes et personnes de tous horizons se donnent rendez-vous au parc du Cours d’Épinal.

Evénements gratuits / Concerts payants.

>Informations sur le site du Festival

7-8-9 juillet : Reporters d’Espoirs vous retrouve aux Rencontres économiques d’Aix-en-Provence sur le thème « recréer l’espoir »

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Christophe Agnus, journaliste et vice-président de Reporters d’Espoirs, animera la controverse « Tourisme ou planète : qui s’adapte ? » avec Jean-Pierre Nadir, fondateur de Fairmoove, portail de distribution de voyage dédié au tourisme responsable (et par ailleurs figure de l’émission « Qui veut être mon associé ? sur M6) et Pascal Savary, président d’Altream, société de gestion ayant notamment investi dans les acteurs parmi les plus importants de l’hotellerie et des loisirs (Accor, Mama Shelter, Center Parcs, Pierre & Vacances, Club Med).

Les Rencontres économiques d’Aix-en-Provence sont organisées par le Cercle des économistes. Elles proposent 3 jours de débats gratuits et ouverts à tous, avec 360 dirigeants, entrepreneurs, observateurs et acteurs du monde économique, 60 sessions et conférences.

Programme & inscription gratuite : www.lesrencontreseconomiques.fr

Sophie Douce : « Dans un contexte de crise, le journaliste a avant tout un rôle d’alerte, de « réveilleur des consciences » ».

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Sophie Douce, journaliste indépendante

Sophie Douce est une journaliste passionnée par la région du Sahel. Son expérience en tant que correspondante pour Le Monde Afrique et Ouest France au Burkina Faso a renforcé son intérêt pour la couverture de cette région souvent négligée. Son engagement pour le journalisme de solutions et sa volonté de mettre en lumière les histoires des communautés marginalisées font d’elle une voix inspirante dans le paysage médiatique. À tel point qu’elle a remporté le Prix Reporters d’Espoirs Radio 2022 pour un podcast paru sur… L’Express !

Ecouter le podcast de Sophie Douce, Prix Reporters d’Espoirs Radio 2022 : https://www.lexpress.fr/economie/medias/podcast-le-777-la-bonne-etoile-des-bergers-burkinabes_2155343.html.

Qu’est-ce qui vous a amenée au journalisme ?

J’ai commencé petite, par tenir des journaux de bord et des carnets de voyage. Le besoin déjà, de raconter, de décrire le monde qui m’entoure, de coucher sur le papier pour décrypter et essayer de comprendre. Puis cette envie d’ailleurs, d’aller voir plus loin, comment on vit sur d’autres continents. J’ai alors découvert les documentaires de voyage et les récits d’aventure, qui me fascinaient. Très vite, le rêve de devenir journaliste a commencé à grandir. Comme beaucoup, c’est le mythe du grand reporter, du journaliste caméléon, qui m’attirait. Pouvoir vivre mille vies en une, parcourir des pays, rencontrer des personnes qu’il ne m’aurait certainement été impossible de voir sans le prétexte du micro tendu. C’est un métier merveilleux, pouvoir faire parler les gens, ils nous ouvrent des bribes de leur vie, on crée du lien. Celui d’être un « passeur d’histoires », entre deux continents, des cultures et classes différentes.

Comment vous informez-vous ?

Je commence mes journées par une revue de presse de l’actualité de ma zone de travail, le Sahel. Je suis la presse internationale spécialisée, Le Monde Afrique, RFI, Jeune Afrique… J’aime aussi beaucoup acheter les journaux locaux, il y a une vraie culture de la presse d’investigation au Burkina Faso, avec des bimensuels de grande qualité. Je reçois des alertes par mail, par mot clé (« Burkina Faso », « Sahel »), puis je consulte les réseaux sociaux, Twitter, Facebook, les groupes WhatsApp… C’est assez fastidieux et chronophage, mais ça me permet de m’imprégner des questions qui font débat et j’y puise souvent des idées de sujets. J’essaie aussi de garder un œil sur l’actualité française et internationale, avec des contenus plus posés, des analyses, des reportages colorés. J’aime regarder aussi les nouveaux formats qui se créent, les webdocumentaires, les podcasts.

Pourquoi le Burkina Faso ?

J’ai choisi de m’installer au Burkina Faso en 2018, après mon stage de fin de master en école de journalisme, que j’ai réalisé à Reuters TV, à Dakar au Sénégal. Je n’ai pas étudié l’histoire du continent, la richesse de ses royaumes et ses empires, le passé douloureux de la colonisation à l’école. Nous avons une histoire commune forte, pourtant on connait si mal ce continent. Il me semblait que l’on parlait à la télévision de « l’Afrique » souvent avec le même prisme, à travers les conflits, les famines, les troubles post électoraux.

Ce continent me faisait peur et rêver à la fois. J’étais pleine de fantasmes et de préjugés. Il me semblait qu’il y avait là-bas des histoires que nous ne racontions pas. Des récits oubliés, effacés. Je voulais m’y installer pour apprendre, pour suivre l’actualité d’un pays au long court, plutôt qu’en faisant des allers-retours.

J’ai contacté plusieurs rédactions parisiennes à la recherche d’un poste de correspondante dans la région. Le Monde Afrique était intéressé par des reportages au Burkina Faso. Je ne connaissais pas ce pays, j’avais entendu parler de son insurrection populaire, de l’ancien président révolutionnaire Thomas Sankara, de la richesse de sa culture et ses valeurs de tolérance et d’hospitalité. Et je suis partie, avec une petite valise, un carnet et mon appareil photo. J’y suis restée cinq ans. Ce sont les Burkinabè qui m’ont tout appris.

Comment décririez-vous la situation actuelle au Burkina Faso ? Quels sont les principaux défis auxquels la population est confrontée ?

La situation est très préoccupante… Les attaques des groupes terroristes sont quasi quotidiennes. Plus de 10 000 personnes ont été tuées depuis le début de l’insurrection djihadiste, en 2015. Une grande partie du territoire échappe au contrôle des autorités. Les violences ont provoqué une grave crise humanitaire, deux millions de personnes sont déplacées, un Burkinabè sur dix souffre de la faim. Les civils sont les premières victimes des violences. Face à l’insécurité, l’armée a pris le pouvoir, deux coups d’Etat ont eu lieu en 2022. La junte mène depuis des opérations militaires offensives et impose une propagande dans la lutte contre le terrorisme. La liberté de la presse et d’expression sont menacées.

En tant que journaliste, quelles difficultés avez-vous rencontrées pour couvrir les événements récents au Burkina Faso ?

Les difficultés sont nombreuses pour les journalistes restés sur place. D’abord la contrainte sécuritaire, il est très difficile de sortir de la capitale à cause du risque d’enlèvement et d’attaque des groupes terroristes. Très peu de journalistes peuvent se déplacer sur le terrain. 

Puis le climat de peur qui s’est progressivement installé depuis les deux putschs en janvier et septembre 2022. La crainte des sources au téléphone d’être écouté par les djihadistes mais aussi d’être surveillé par les autorités. Il y a des pressions directes des autorités, des rappels à l’ordre contre ceux qui contrediraient la propagande officielle. Des activistes ont été arrêtés. Des journalistes ont été convoqués pour des recadrages. Plusieurs ont été menacés de mort sur les réseaux sociaux par les soutiens des militaires. La junte a suspendu la diffusion de RFI et France 24. Nous avons été expulsées, en moins de 24 heures, avec Agnès Faivre, ma consœur du journal Libération, le 1er avril dernier, sans aucun motif. Des campagnes de dénigrement et de désinformation sont menées sur les réseaux sociaux contre les médias français, dans un contexte de tension avec l’ancienne puissance coloniale, la France.

Quelles sont les histoires les plus marquantes que vous avez couvertes au cours de votre séjour au Burkina Faso ?

Beaucoup de visages… Mon premier reportage, sur la veillée nocturne des femmes pour puiser de l’eau aux fontaines de leur quartier, faute de robinets fonctionnels chez elles, ce médecin qui « répare » les jeunes filles, victimes d’excision, ce paysan qui lutte contre la désertification qui grignote ses terres arides, ces veuves de militaires tués au front lors des opérations antiterroristes, et aussi, tous ces artistes, des metteurs en scène, des danseurs, des cinéastes, qui continuent de créer, pour résister.

Comment pensez-vous que les médias peuvent aider à apporter des changements positifs dans des pays en difficultés politiques, économiques et sociales comme le Burkina Faso ?

Je crois que dans un contexte de crise, le journaliste a avant tout un rôle d’alerte, de « réveilleur des consciences ». Il doit porter la voix des victimes des tueries, des conflits, des injustices. Mais au-delà de la guerre, plutôt que de compter les morts, les attaques, j’ai envie de raconter surtout, la vie qui continue malgré tout, souvent loin des projecteurs. Parler de ceux que l’on oublie, qui subissent ou qui résistent, qui construisent quand tout s’effondre, qui créent pour ne pas se résigner, qui s’efforcent de rêver, pour ne pas désespérer. Mettre des visages, raconter leur histoire. Au Sahel, la guerre est complexe, de plus en plus désincarnée. Il y a une fatigue des récits purement sécuritaires, je crois qu’il faut tenter de changer de narratif.

Je crois aussi à la fonction sociale du journaliste, qui peut créer des ponts, tisser des liens entre les peuples. Quelle chance nous avons de pouvoir parler à une multitude d’acteurs, accéder aux différentes strates de la société, des salons feutrés des gouvernants, aux paysans dans leur champ, pouvoir rentrer dans l’intimité d’un foyer, parler aux nantis mais aussi aux plus démunis. En portant leur voix, en transmettant des images, des émotions, certaines histoires peuvent toucher et faire bouger les lignes. Peut-être transmettre un souffle d’espoir ou inspirer certains.

Le journalisme de solutions est de plus en plus populaire. Qu’est-ce que cela signifie pour vous et comment pensez-vous que cela puisse aider à résoudre les problèmes dans des pays tels que le Burkina Faso ?

C’est tenter de poser un regard optimiste et bienveillant, sans complaisance ni naïveté bien sûr, mais en s’efforçant de se dépêtrer du cynisme ambiant, omniprésent lorsque l’on couvre des drames. C’est essayer de cultiver une capacité d’étonnement, de curiosité pour des sujets qui a priori ne nous intéressent pas, chercher à apprendre sans cesse, penser contre le narratif dominant. Choisir de faire un pas de côté des événements, prendre un chemin inverse quand les caméras se rivent vers un point convergent. C’est le pari de l’audace, face à la facilité.

Comment choisissez-vous les histoires que vous couvrez dans le cadre du journalisme de solutions et comment vous assurez-vous de présenter des solutions crédibles et efficaces aux problèmes que vous identifiez ?

La presse nationale au Burkina Faso regorge d’idées de sujets d’initiatives pratiques et originales. C’est une mine d’idées de reportages. J’aime beaucoup aussi me promener, discuter avec les gens au marché, dans les kiosques à café. La rue, un espace de vie et de travail central dans ce pays, est pour moi une grande source d’inspiration.

Je choisis mes sujets selon leur pertinence et leur impact sur les problèmes confrontés. Je mène toujours ma contre-enquête pour connaître, au-delà du projet présenté, la perception des gens autour.

Comment fonctionne le statut de journaliste indépendante ?

J’ai le statut de journaliste pigiste, je collabore avec plusieurs médias, principalement Le Monde, mais aussi régulièrement avec le quotidien régional Ouest-France, qui accorde une grande place à l’actualité internationale, et le magazine L’Express. Pour vivre de ce métier, les correspondants sur le continent travaillent la plupart du temps pour plusieurs médias. En cas d’actualité dite « chaude », il arrive que d’autres médias plus généralistes nous appellent pour un papier ou une intervention ponctuelle. J’aime beaucoup cette liberté, de pouvoir choisir mes sujets et jongler avec les formats et les angles.

Pourriez-vous nous raconter dans les grandes lignes l’histoire que vous abordez dans votre podcast qui vous a valu le prix Reporters d’Espoirs 2022 ?

Ce reportage a été réalisé dans le cadre d’une série lancée par l’hebdomadaire « L’Express », intitulée « Horizons africains », sur des initiatives innovantes utilisant les technologies satellites, des drones ou l’énergie solaire pour améliorer le quotidien des populations sur le continent.

La rédaction m’a proposé de réaliser un reportage sur la plateforme « Garbal », un outil original et concret qui aide les éleveurs au Sahel à s’adapter, face à la désertification et à l’insécurité qui entravent leurs déplacements. C’est une plateforme d’appel qui permet aux paysans de consulter la météo, localiser les pistes de transhumance sécurisées, les points d’eau pour les animaux, etc. Je suis très heureuse que ce prix mette la lumière sur la condition des éleveurs nomades de la région et contribue, surtout, à poser un autre regard, plein d’espoir, sur la crise au Sahel, où l’avenir ne cesse malheureusement de s’assombrir. Dans la région, les éleveurs font partie des premières victimes de l’insécurité, des conflits et de la sècheresse.

Propos recueillis par Sixtine Guellec.

Mariette Darrigrand : « Le décryptage pourrait constituer un quatrième genre journalistique, outre le fameux triangle reportage-éditorial-portrait. »

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Mariette Darrigrand, sémiologue, directrice du cabinet des Faits et des Signes

Sémiologue spécialiste du discours médiatique, co-fondatrice de l’Observatoire des mots, auteure de nombreux ouvrages dont le dernier, Une épopée du féminin, est paru en octobre 2022 aux éditions Eyrolles, Mariette Darrigrand analyse l’usage des mots dans les médias, leur sens, les images qu’ils véhiculent. Au travers d’études ad hoc, de conseil auprès des rédactions et d’un travail de veille sur le langage médiatique, elle s’intéresse aux récurrences, aux thèmes qui gagnent en popularité ou perdent en engouement, et à ce que ces évolutions nous disent des changements de notre société.

À l’occasion de la publication du deuxième numéro Nature : vous n’avez encore rien vu ! de la revue papier Reporters d’Espoirs, elle partage ses observations sur l’évolution de la représentation de la nature dans le discours médiatique.

Vous définissez les mots comme des bassins sémantiques, des clusters de représentations, d’images et de signes. Avez-vous remarqué des changements dans l’emploi du mot « nature » ? Que nous disent-ils sur nos représentations de la nature ?

D’une façon générale, notre rapport à la nature – celui de la société occidentale – a beaucoup changé sous l’influence de la prise de conscience écologique, au début des années 2000, période qui marque l’arrivée du concept de développement durable dans les médias grand public. On observe alors un changement de terme : les articles qui traitaient de ces questions parlaient jusque-là d’ « environnement », ils se mettent à parler beaucoup plus globalement du monde. On le voit au travers de la création de rubriques dites « planète » ou « monde durable ». Ces rubriques étaient souvent illustrées par une image récurrente, où l’on voit deux mains qui portent de la terre comme si elles la présentaient sur un autel religieux. C’est l’idée du sustainable development (en français le « développement durable ») car étymologiquement, sustainable veut dire « tenu par en-dessous ». Ainsi se renverse l’ordre normal du monde : auparavant l’être humain marchait sur la terre, et tout d’un coup, le voilà qui la porte. Il en devient responsable.

Vous observez l’essor, depuis une dizaine d’années, du terme « vivant » pour parler de la nature. Comment expliquer ce glissement de termes ?

Le vivant remplace le mot « nature » sous l’influence de travaux d’anthropologues, en particulier Philippe Descola en France, très médiatisé. Dans son livre Par-delà nature et culture (2005), il affirme que « la nature n’existe pas », qu’elle est une construction culturelle occidentale qui justifie l’exploitation et la domination de formes de vie non-humaine. Philippe Descola s’est déplacé chez les peuples d’Amazonie, par exemple, lesquels sont animistes. Cela signifie que pour eux, la nature n’est pas à dominer mais à écouter, car elle a une âme, comme l’Homme. Quand on a cette vision de la nature, on ne la violente pas. Aujourd’hui, cette remise en question de notre rapport à notre environnement influence énormément les jeunes chercheurs et les médias qui s’intéressent à la question. La nouvelle pensée anthropologique, relayée par le discours médiatique, utilise donc le terme « vivant », qui crée un continuum entre tous les êtres : il y a de l’ADN commun entre le mammouth, la bactérie ou le moindre légume, et l’Homme.

Ce continuum est-il compatible avec l’idée de développement durable, dans laquelle l’Homme se place en gestionnaire et s’extraie de la nature pour pouvoir la préserver ?

Les deux conceptions se croisent et s’hybrident. On le voit avec la permaculture, l’agriculture régénératrice, toute cette nouvelle manière de cultiver la terre avec des pratiques beaucoup plus respectueuses et moins dominatrices, beaucoup moins en surplomb. Des pratiques responsables. Cette idée de la responsabilité humaine caractérise le développement durable, selon lequel c’est désormais à l’Homme de soutenir la nature en étant humble devant elle. Il y a tout un vocabulaire de l’humilité, au sens propre, puisque « humilité » vient de « humus », la terre. L’Homme du XXIème siècle se fait petit devant la nature, et la travaille en respectant ses cycles biologiques, en se gardant de trop intervenir. La nature retrouve sa valeur sacrée, et l’Homme redevient son serviteur. On relève dans ce discours une filiation avec la tradition contemplative, que portent aussi bien le romantisme que la religion chrétienne.

Bien qu’on admette aujourd’hui les limites de la nature, vous remarquez que son génie adaptatif est de plus en plus reconnu. D’après le discours médiatique, l’Homme doit-il respecter la nature parce qu’elle est puissante, ou au contraire parce qu’elle est fragile ?

Encore une fois, les deux pensées se croisent. L’écologie nous a fait réaliser la finitude de la nature. Par son action, l’Homme a épuisé des ressources qui au départ, dans l’idée de l’abondance biblique, étaient infinies. Toutefois, la nature demeure puissante dans ses grands mécanismes. Il est donc intéressant de l’observer pour son intelligence, une prise de conscience qui a inspiré le biomimétisme, utilisé d’abord en design, puis en sciences, en médecine… On regarde comment la nature fonctionne parce qu’elle a un puissant génie de production. C’est une révolution mentale, de penser qu’elle a mieux fait les choses que beaucoup de créations humaines. On assiste à une forme d’hybridation des intelligences, avec d’un côté l’ingéniosité humaine, de l’autre les mécanismes d’adaptation de la nature. Je remarque d’ailleurs que le mot « adaptation », issu de l’industrie classique, s’impose depuis quelques années à la place du terme « réparation », qui avait un sens à la fois matériel (réparer un objet) et moral (réparer une faute).

Le terme « sauvage » pour désigner la nature gagne en importance dans le discours médiatique. D’où provient cet engouement ?

La notion de « sauvage » vient du monde intellectuel et a été très bien décrite dans des œuvres riches et poétiques, comme celles de Vinciane Despret, Baptiste Morizot, Natassja Martin… En plus de posséder de belles plumes, ces auteurs sont de bons personnages médiatiques, intéressants à interviewer. De ce fait, les médias ne se sont pas tellement faits le partenaire critique de cette mode intellectuelle, mais plutôt sa caisse résonnante. Or pour moi, l’une des fonctions du journalisme, c’est bien de produire une critique des discours. Autrement, il ne fait pas écran à la diffusion idéologique. Et cette diffusion culmine avec le mot sauvage, que les médias reprennent parce qu’il est beau, sans en faire la critique ni l’histoire. C’est peut-être plus élégant de parler de l’ensauvagement d’un pré que de sa jachère, mais il y a des connotations, en particulier politiques, derrière ce terme. On parle aujourd’hui de l’ensauvagement des villes, on a parlé hier des « sauvageons » de banlieue [ndlr : le terme de sauvageons, employé par le ministre de l’Intérieur pour désigner les mineurs multirécidivistes, fait polémique depuis 1999]. Le mot sauvage a plein d’acceptions, et je trouve que les médias devraient pousser davantage l’analyse, plutôt que de simplement s’arrêter sur un terme à la mode. Surtout que nous sommes dans une période très idéologique aujourd’hui, avec une lutte sur le langage. On ne peut pas se contenter d’être pour ou contre un vocabulaire, d’accepter un terme et d’abandonner les autres. Au contraire, ce qui est intéressant, quand une société se donne un autre mot – par exemple « vivant », « sauvage » – c’est de faire jouer les deux paradigmes, ancien et nouveau. Ce n’est pas parce qu’on parle davantage du « vivant » qu’il faut tuer la « nature ».

Vous travaillez avec des rédactions sur le vocabulaire qu’elles utilisent. Est-ce qu’une telle réflexion est compatible avec les délais, les contraintes de nombre de signes ou de durée d’émissions, qui s’appliquent au journalisme ?

Oui, au travers du décryptage, qui constituerait alors un quatrième genre journalistique, outre le fameux triangle reportage-éditorial-portrait. Lorsque je travaille avec des rédactions, je leur dis que c’est dommage qu’elles n’aient pas une quatrième dimension, qui serait celle de la critique du discours, ambiant comme médiatique. Je pense que c’est important, sur les thèmes liés à l’écologie et à la nature, de ne pas passer d’un paradigme à un autre, par exemple, passer de la domination à la dévotion. Il faut garder les deux conceptions, voir comment elles se nourrissent, et les critiquer toutes deux. Cette dimension est d’ailleurs attendue par le public, qui n’a pas envie de gober tout ce que les médias disent. Ces derniers doivent donc se demander quelles idéologies ils colportent lorsqu’ils parlent.

Propos recueillis par Louise Jouveshomme.

Laurent de Cherisey : « Les plus fragiles sont en réalité les premiers de cordée. »

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Laurent de Cherisey, entrepreneur social, co-créateur de Reporters d’Espoirs et écrivain

À l’occasion de la sortie de son livre Partager peut tout changer, Laurent de Cherisey revient sur son parcours, de ses débuts dans l’entreprenariat à la création des Maisons Simon de Cyrène. Il nous éclaire sur Reporters d’Espoirs et le journalisme de solutions dont il a œuvré à l’émergence.

Comment ce concept de « reporters d’espoirs » vous est-il venu ?

Tout a commencé lorsque mon épouse a souhaité renouveler sa pratique journalistique. Elle envisageait d’accorder davantage de temps aux rencontres, les formats de reportages qui lui étaient confiés jusque-là ne lui laissant pas cette liberté. De mon côté, plongé dans l’entrepreneuriat, je me posais beaucoup de questions sur le sens que je voulais donner à mon métier. À ce tournant de nos vies professionnelles, nous étions en quête d’un nouveau projet de grande envergure.

Alors nous avons embarqué pour un tour du monde avec nos cinq enfants. Du Brésil au Vietnam, de l’Inde à la Sibérie, l’itinéraire s’est construit au fil de nos rencontres avec des hommes et femmes œuvrant pour la justice. Cette aventure de quatorze mois, nous l’avons retransmise sous deux formats : des reportages vidéo diffusés à la télévision sur France5, et deux tomes d’un ouvrage intitulé Passeurs d’espoirs.

D’une certaine façon, c’est ainsi que les « reporters d’espoirs » sont nés. Face aux grands défis comme la lutte contre la pauvreté, la violence ou la crise environnementale, nous avons eu la volonté de mettre en lumière que tout n’est pas perdu, qu’il existe de nombreux héros qui ne sont pas nécessairement médiatisés et qui agissent pour le bien commun en cherchant des solutions. En somme, nous avons compris qu’il fallait s’emparer de cette envie d’agir qui sommeille en nous pour lutter contre le sentiment d’impuissance qui menace parfois de nous submerger.

Cette démarche est donc pionnière du journalisme de solutions ?

Notre objectif premier était de rencontrer des personnes originaires des pays visités pour mettre en avant dans nos reportages comment elles avaient concrètement relevé les défis inhérents à leurs territoires. Les résultats que nous avons observés étaient souvent extraordinaires. Cependant, nous ne souhaitions pas pour autant dissimuler la réalité des faits. L’idée n’est pas de voir le monde avec une paire de lunettes roses, chaque mission est jalonnée de problèmes et d’obstacles. Nous avons donc opté pour une approche exposant à la fois les succès et les limites des initiatives abordées. Un des premiers jalons du journalisme de solutions était posé. 

Qu’est-ce qui vous a conduit à fonder ensuite les maisons partagées Simon de Cyrène ?

Dans les années 80, ma sœur, alors âgée de dix-sept ans, a été victime d’un accident qui l’a rendue lourdement handicapée. Nous avons dû réinventer tout notre système de vie commune, chacun étant appelé à être co-acteur de son nouveau chemin de vie.

Le handicap, on plonge dedans, on ne l’a pas choisi. La question qui se pose alors est : comment fait-on pour que la vie retrouve du sens ? Je crois que c’est par l’autre. « Être » n’est pas un verbe d’état comme paraître, sembler, devenir, passer pour. C’est un verbe d’action, de relation. Quels sont nos espaces de relation ? Et leur altérité ? Pour redonner un sens à une vie marquée par le handicap, il faut penser innovation sociale.

En nous disant « j’ai besoin de toi », les personnes handicapées ont un rôle décisif puisqu’elles nous accordent leur confiance. À une époque où la performance de nos actions prime, elles nous appellent à dépasser notre peur de la fragilité et à oser une relation fraternelle.

Notre société crée beaucoup de solitude : il s’agit de la plus grande des maltraitances. Les échanges que j’ai eu avec mes amis à ce sujet m’ont conduit à imaginer ce système de maisons communes, d’une maison de la planète.

Pourquoi ces maisons sont-elles surnommées maisons des intouchables ?

Intouchables met en scène deux personnes en marge de la société, dont la plus grande souffrance est la solitude. Le film a révélé au grand public Simon de Cyrène, présidé par Philippe Pozzo di Borgo, l’homme d’affaires tétraplégique dont s’inspire le scénario. L’association fait cette promesse incroyable de maisons pensées, construites et habitées par des personnes handicapées, des salariés, des bénévoles. Ce sont des passeurs d’espoirs, porteurs de solutions. Les médias ont ainsi surnommé notre initiative les « vraies maisons des intouchables ».

Ce système s’est-il développé ?

Aujourd’hui, il existe vingt-cinq maisons partagées Simon de Cyrène, et il y en a tout autant qui sont en cours de construction. En 2015, notre association a reçu le prix de l’Elysée pour La France s’engage. Notre projet a alors pris de plus en plus d’ampleur :  cette innovation est finalement devenue un bien social, inscrit dans la loi sur l’habitat inclusif de 2018. 

Qu’est-ce qui vous a inspiré l’écriture de ce nouveau livre ?

Partager peut tout changer est à prendre comme un parcours dans lequel j’ai tenté de mettre en lumière l’utilité du rapport social qui se tisse au sein d’une maison commune. La réciprocité des relations conduit à des échanges, au décloisonnement de la société dans son rapport au temps, un rapport suspendu hors du temps. Il y a une dimension spirituelle qui émane de ce mélange de personnes toutes dotées de richesses variées. Les liens qu’elles tissent sont féconds et source d’une immense joie.

Ce livre se fait témoin de la promesse universelle de nos maisons partagées :  celle d’une société forte de par la place que chacun va et peut y prendre.

Si vous deviez résumer Partager peut tout changer en trois mots ?

Fragilité, relation et confiance. Les plus fragiles sont en réalité les premiers de cordée. S’en suit le concept de relation, ce besoin fondamental de l’humain d’exister avec les autres. Et pour finir, la confiance qui est un modèle de croissance pour notre société.

Propos recueillis par Sixtine Guellec.