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« Ce que nous voulons faire, c’est bâtir un futur qui réintègre le vivant au plus près et au mieux. »

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A l’occasion de la 8e édition de l’Université de la Terre qui se tiendra les 14 & 15 mars prochains à l’UNESCO, nous avons interviewé Jacques Huybrechts, son fondateur. Présentant les enjeux abordés lors des conférences et tables rondes des deux jours, il revient sur la genèse de ce projet et sur l’importance qu’il accorde à fonder un modèle de société qui respecte le vivant.

Léa Varenne Jacques Huybrechts, qui êtes-vous ?

Jacques Huybrechts – Je me décris comme un entrepreneur engagé. J’ai toujours mis le projet économique que j’ai porté au service de mes valeurs. C’est notamment pour cette raison que j’ai fondé l’Université de la Terre, qui célèbrera ses 20 ans lors de l’édition des 14 et 15 mars 2025 à Paris. Le Parlement des Jeunes est un autre de mes projets, que j’ai lancé en 2021. Il se tient tous les 2 ans et ressemble à une convention citoyenne de la jeunesse, composée d’un panel représentatif avec lequel nous travaillons sur les principales préoccupations des jeunes.

Qu’est-ce qui vous anime ?

Améliorer la vie de cette planète, à la fois personnellement et collectivement, avec mon équipe et tous ceux que nous embarquons dans nos aventures. C’est peut-être très ambitieux mais j’ai toujours pensé qu’on pouvait associer activité professionnelle et contribution à une meilleure société. Je suis animé par le fait de concilier le projet de mon entreprise et les valeurs auxquelles je crois, qui sont alignées sur les enjeux économiques et humains.

Il y a 20 ans, vous avez décidé de fonder l’Université de la Terre. Quel était votre objectif ?

C’est un projet que j’ai écrit bien avant, en 1992, quand je finissais mes études. A cette date, il y a eu un grand sommet de la terre, le Sommet de Rio, et ça a été pour moi une révélation. A cette époque, je n’étais pas particulièrement engagé sur les sujets écologiques. C’est grâce à ce sommet que j’ai compris combien nous allions dans le mur – et même que nous étions déjà dans le mur sur un certain nombre de critères écologiques. Le GIEC n’avait pas encore déployé son travail sur les questions climatiques, mais il y avait toutes les pollutions que l’on connaît aujourd’hui et je me suis dit : « il faut qu’il y ait une prise de conscience sur ces enjeux-là ». C’est de là qu’est venue l’idée de créer une Université de la Terre, pour en apprendre plus sur ces enjeux, apprendre à vivre différemment et ainsi lutter contre les dégâts causés par les humains depuis des siècles. En 1992, c’était trop tôt, parce que ça intéressait peu de monde à l’époque. J’ai donc laissé le projet dans les cartons et il a fallu deux rencontres pour qu’il voit le jour : une avec l’UNESCO en 2004 – qui cherchait un projet pour 2005 sur les 60 ans des Nations Unies – et une avec le fondateur de Nature & Découverte, François Lemarchand, qui était notre premier partenaire à l’époque. Aujourd’hui, nous en sommes à la 8e édition en 20 ans, mais ça n’a vraiment grandi qu’à partir de 2015, avec la COP 21 pendant laquelle nous avons été intégrés à l’évènement public. Dès lors, les enjeux sont devenus de plus en plus prenants et urgents.

Quel est votre rôle dans tout ça ?

Je suis un peu le chef d’orchestre, en animant le projet dans toutes ses dimensions : financement, programme, mobilisation du public. Il faut aller chercher de nouveaux publics, des néophytes, sur le sujet. Je passe aussi beaucoup de temps sur la partie de communication, puisque nous sommes dans un monde d’information et de communication. Au-delà de l’Université de la Terre, l’idée est de faire monter les sujets dans les différentes sphères sociales. 

L’Université de la Terre 2025, Nature = Futur. Pourquoi ce thème ?

On voit bien que c’est une équation qui va être complexe à réaliser. Quand on parle de futur aujourd’hui, on valorise plutôt l’IA, le spatial, la transition numérique, et la nature est relayée à un 2e voire 3e plan. Il faut que le progrès intègre la question de la biodiversité et du vivant au cœur de son modèle dans les années à venir. Ces sujets ont été laissés de côté depuis la révolution industrielle, et nous arrivons au bout d’un modèle qui est prédateur et destructeur pour le vivant. Il devient urgent de réinventer un modèle dans lequel la nature a sa place. Ça ne signifie pas qu’il faut nier le progrès scientifique et technologique, qu’il faudrait opposer l’IA et le vivant. L’IA s’arrêtera peut-être avec la fin des ressources, qui fera que l’ère numérique va ralentir, mais il faut intégrer la nature au plus près de tous ces progrès, en prenant systématiquement le vivant en compte. C’est peut-être impossible de concilier les deux, je suis conscient de la complexité de cette question. Aujourd’hui nous ne pouvons pas dire aux 8 milliards d’êtres humains que nous allons arrêter le progrès scientifique et technologique et tout miser sur l’écologie. Mais ce que nous voulons faire, c’est bâtir un futur qui réintègre le vivant au plus près et au mieux.

Comment choisissez-vous les intervenants à l’Université de la Terre ?

C’est un processus qui prend plusieurs mois. Bien évidemment, les enjeux nous guident, et nous travaillons aussi avec tous nos partenaires et alliés, en interrogeant plusieurs parties prenantes. Je passe beaucoup de temps sur la programmation : je m’informe, je lis, je me nourris de tout ce que j’entends, de tout ce que je vois. J’essaye de voir un maximum de gens pour comprendre ce qu’ils font concrètement et ce qu’ils pourraient apporter. L’objectif est d’équilibrer entre les mondes scientifique, économique et politique. Par exemple, pour cette édition 2025, quelques élus locaux seront là pour illustrer le fait que la soutenabilité peut s’opérer sur le territoire à l’échelle locale. 

Parmi les nombreux thèmes abordés, il y a l’économie, la biodiversité et les médias. Ce sont des axes qui méritent d’être regardés de manière transdisciplinaire tant ils sont imbriqués. Comment faire pour qu’ils cohabitent mieux ?

Il faut recréer du lien entre les enjeux. Kate Raworth, grande figure qui sera présente, a inventé la théorie du donut, schéma qui montre les limites planétaires qu’il ne faut pas dépasser, et différents planchers humain et social en dessous desquels il ne faut pas aller. L’idée est de réencastrer l’économie dans la société, la société dans ses limites planétaires, et replacer chaque discipline par rapport à ces enjeux majeurs. C’est la première fois que l’humanité est en capacité de s’auto-détruire. Il ne faut pas oublier que nous sommes une espèce parmi d’autres qui va souffrir considérablement dans les années à venir. On peut choisir de n’en avoir rien à faire, en se disant que toutes les espèces vont disparaître et nous avec. Mais si on prend conscience que le vivant est important, et qu’on a envie de le protéger, je pense qu’il faut essayer de recréer du lien entre tous ces sujets. L’économie doit réintégrer la question du vivant et la question climatique, et les mettre en priorité. Et quand je dis « vivant », je parle aussi de la réconciliation de l’humain avec lui-même, car la dislocation sociale rend incompatible le lien avec toutes les autres formes de vie. 

Déjà en 2022, vous disiez que « notre défi collectif est d’ouvrir d’autres voies et un autre chapitre de la civilisation… ». Mais que faire face à la folie du monde qui nous détourne de notre but commun « redevenir terriens » comme vous le dites ?

Faire ce qu’on peut à son échelle, ce qui passe notamment par des changements de consommation. Choisir ce qu’on achète, ça nécessite une éducation, un effort, mais c’est un levier puissant pour changer la société. Le budget est parfois un frein, mais tout le monde peut avoir un impact. Aller dans la nature, comprendre le vivant, mieux le respecter, choisir ses déplacements… sont autant d’actions pour changer les choses. On peut agir par son vote aussi, bien évidement. Nous sommes dans une démocratie, préservons-la. On peut aussi rejoindre des ONG ou encore engager son entreprise dans des démarches de progrès. Il y a aujourd’hui un réseau de collectifs dans les entreprises, de salariés, de collaborateurs, qui essayent de faire bouger les lignes dans leur boîte. Et certains créent même leur propre structure avec une démarche d’impact très clairement annoncée.

Qu’est-ce que vous espérez des tables rondes et intervenant.e.s qui débattent ?

La vocation de l’Université de la Terre peut aussi se résumer ainsi : comprendre pour agir. Ce principe repose sur de l’information, de la précision, et donc un accompagnement de la connaissance pour aller un peu plus loin. Chacune et chacun de nos intervenants ont soit une expérience active sur ces sujets-là, soit des pistes d’actions. On leur demande donc d’être pragmatiques sur les solutions qui sont à disposition des citoyens ou des entreprises.

Qu’est-ce qu’il ressort de concret de l’Université de la Terre ?

D’abord des transformations personnelles. De nombreux participants, dont des patrons de grands groupes, nous ont dit que l’Université de la Terre avait changé leur manière de voir le monde. En 2025, nous lançons également un mouvement pour que les citoyens se reconnectent au vivant et à la nature. Il repose sur trois piliers que sont l’équilibre personnel, physiologique et psychique. On y retrouvera les questions de l’alimentation, du mouvement et aussi la reconnexion à la nature qui est un facteur d’équilibre physique et psychique. Cette opération, baptisée « 1, 2, 3, dehors »,  a pour vocation de porter un message fort : prendre conscience du vivant, de la nature, de ce qui nous entoure, c’est essentiel à notre bien-être. Ça va prendre du temps de changer les comportements, d’engager les citoyens pour qu’ils aillent vers la nature, mais c’est une opération concrète qui doit aussi amener les citoyens à la protéger grâce à une meilleure connaissance de celle-ci.

Dans son article Sortir de la sidération : 20 actions à mettre en place, Bon Pote suggérait d’« inonder la zone de (non) merde » pour reprendre les termes. Il fait référence à la tactique d’extrême droite qui consiste en « flood the zone with shit », ce que l’on observe sur les réseaux sociaux. Comment cela peut aboutir ?

Je crois qu’il va falloir une forte mobilisation. Pour le moment, nous sommes atones, les forces de progrès social et écologique sont sidérées face à ce qui est en train de se passer. Il n’y a pas de mobilisation alors que de l’autre côté ça se mobilise très fortement. Il faut donc que l’activisme se mette en place. On peut tous être activistes à sa manière. La mobilisation, il y a quelques années, a été très forte sur le climat et là il ne se passe plus rien. Un des thèmes de l’Université de la Terre est la radicalité positive : par exemple, face à la loi agricole, il y a un peu de mobilisation mais elle est trop faible. On est sidérés mais je pense que ça va monter, il va falloir que ça monte. Il y a des échéances importantes électorales en France, au niveau local et national, donc il va falloir monter au front, il faut agir.

Propos recueillis pas Léa Varenne pour Reporters d’Espoirs

« Lutter contre la morosité ambiante face aux défis d’un avenir incertain est un sujet primordial auquel je suis heureuse de contribuer. » Corinne Denis, présidente de Reporters d’Espoirs

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Corinne Denis est la Présidente de Reporters d’Espoirs. Jeune retraitée, elle a mené toute sa carrière dans le monde des médias. D’abord documentaliste, puis journaliste, puis enquêtrice, elle a été pionnière dans la numérisation des médias, ce pourquoi les États Généraux de l’Information ont fait appel à elle alors qu’ils s’intéressent aux défis des plateformes et de l’IA. Engagée dans le milieu associatif en région Occitanie, elle nous raconte son parcours.

Documentaliste, journaliste, puis dirigeante : vous avez fait carrière dans les médias. Qu’est-ce qui vous y destinait ?

Rien ne m’y destinait. Je faisais des études de biochimie et génétique à Jussieu et pour financer ma maitrise, j’ai trouvé un petit job à la documentation de L’Express. D’abord documentaliste scientifique puis journaliste, j’ai abandonné la recherche pour l’enquête. Je suis restée 30 ans dans ce groupe, où j’ai fait mes classes de reporter, dirigé la documentation, créé le site internet et dirigé le service multimédia avant de terminer comme directrice générale adjointe. J’ai ensuite rejoint Lagardère Active où j’ai dirigé la filiale numérique du Groupe, Lagardère digital France, et la filiale qui gère le publicité du groupe. La filiale média de Lagardère regroupait à la belle époque, entre autre, Paris Match, Elle, Télé 7 jours, Voici, Europe 1, Virgin, Gulli ou encore Doctissimo.fr.

Vous avez été pionnière dans la mutation numérique des médias… un peu par hasard !

Quand je dirigeais le service documentation de l’Express, je cherchais des débouchés pour les archives. Une société américaine, Compuserve, voulait s’implanter en France. C’était un réseau internet privé, et donc payant , comme AOL, qui a demandé à deux journaux, L’Express et Le Monde, s’ils étaient intéressés à travailler à la mise en ligne des archives sur leur réseau. Christine Ockrent, qui était directrice de la rédaction de L’Express à cette époque, m’a laissé le champs libre pour travailler avec eux. Nous avons donc été les premiers en France avec Le Monde à mettre nos archives en ligne. Parallèlement, Internet se développait. Et en 1997, j’ai proposé de créer un site web hébergé chez les américains. Une idée qui semblait incongrue à la direction du journal, qui trouvait que le Minitel, au moins, rapportait un peu d’argent !

A l’occasion d’un changement d’actionnaire nous avons donc, avec le directeur technique de la rédaction, crée le site web de L’Express… en un week-end ! Et depuis je n’ai plus quitté le domaine du développement numérique des médias. Une aventure de 25 ans avec l’arrivée du mobile et des applications, puis les tablettes, les réseaux sociaux et l’IA. Une révolution pour le secteur des médias et leurs modèles économiques mais aussi un travail collectif entre médias, grâce notamment au GESTE, le groupement des éditeurs numériques, que j’ai présidé pendant 4 ans.

Plus récemment, en 2023-2024, vous avez été participé aux États Généraux de l’Information, comme membre du groupe de travail « Espace informationnel et innovation technologique ». Qu’en retenez-vous ?

Nous avons auditionné de nombreux chercheurs et spécialistes du numérique et de l’intelligence artificielle (IA), avant de rendre nos conclusions -8 propositions- au CESE devant la Ministre de la Culture Rachida Dati.

Parmi les sujets sur lesquels nous avons planché, il y a celui du partage de la valeur entre médias d’information et plateformes. Aujourd’hui, les médias voient leurs contenus repris par des plateformes, qui s’enrichissent grâce à eux en captant la publicité, mais ne leur reversent toujours pas les droits d’auteurs qu’elles devraient. La majorité de la publicité numérique est captée par les plateformes au détriment des médias d’information. Les différentes négociations notamment celle concernant ce qu’on appelle les « droits voisins », visant à essayer de faire payer les plateformes, n’ont pas comblé les espoirs des éditeurs. L’IA vient compliquer l’exercice : les plateformes entrainent leurs algorithmes grâce au contenu créé par les médias d’information. Là aussi, comment les faire payer pour cet usage ?

Aujourd’hui, avec l’instabilité politique, nous ne sommes pas sûrs que nos conclusions vont aboutir. Beaucoup s’adressent surtout à la Commission Européenne. Pour forcer les plateformes à bouger, l’appui de l’Europe est indispensable.

Jeune retraitée dans le Sud-Est de la France, vous multipliez désormais les engagements associatifs. Vous faire « actrice de solutions », c’est important pour vous ?

Ne travaillant plus, j’ai du temps et j’ai envie de le mettre à disposition des causes qui me tiennent à cœur. Il y en a plusieurs : Reporters d’Espoirs bien sûr, 60 000 Rebonds, dont je fais partie du Conseil d’Administration en région Occitanie, la station locale Radio Fuze, et enfin Prima Vera, association qui organise aux côtés des enseignants des rencontres pour les élèves de collèges et lycées avec des artistes, des journalistes, des personnalités.

Lorsque j’ai quitté Paris au moment du Covid, l’important pour moi était de m’insérer dans le tissu social de ma commune. Alors nous avons décidé à quelques-uns, de créer un café associatif, Collor’Café, une façon de redonner vie à un village qui n’a pas de magasins et où les gens ne se croisent pas. Ce café existe depuis trois ans et il fonctionne bien.

Je m’implique aussi beaucoup dans l’association 60 000 rebonds qui aide les entrepreneurs qui ont fait faillite à rebondir. Dans mon parcours professionnel, j’avais créé un fonds média à L’Express pour financer des start-up. Je me suis intéressée au profil de jeunes dont la passion est d’entreprendre. Et plusieurs start up étaient incubées chez Lagardère digital France. A Paris et dans le numérique,

les échecs commençaient à être valorisés dans les CV de jeunes entrepreneurs comme une expérience enrichissante. En arrivant dans ma nouvelle région, j’ai compris que le tabou de l’échec était loin d’être tombé : notre vision en France pose un vrai problème. Quand des entrepreneurs déposent leur bilan, ils n’ont souvent plus de ressources, pas de chômage et finissent souvent au banc de la société et écartés de leurs anciens réseaux.

Pourquoi Reporters d’Espoirs ?

Reporters d’Espoirs est l’association qui me rapproche le plus de mon métier, le monde des médias dont je me suis éloignée en partant en province. Reporters d’Espoirs est une façon de rester en lien avec mon secteur de prédilection de toujours. Lutter contre la morosité ambiante face aux défis d’un avenir incertain, donner aux gens l’envie d’agir, face au doute et au complotisme, c’est un sujet primordial auquel je suis heureuse de contribuer.

Propos recueillis par Léa Varenne/Reporters d’Espoirs.

Couvrir journalistiquement la biodiversité : une multiplicité d’angles possibles

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La COP 16 touche bientôt à sa fin – le 1er novembre – et elle entend se solder par un accord important sur la préservation de la biodiversité. De nombreuses solutions existent en ce sens et une nécessité se manifeste de politiques publiques renforcées. Parler de biodiversité dans les médias, c’est aussi montrer comment la protéger et donner la parole à ceux qui en connaissent les enjeux.

Les aires protégées présentent un espoir car leur impact positif sur les écosystèmes a été démontré. Ces espaces sont des outils multi-facettes et rassemblent de nombreuses thématiques qu’elles soient sociales, économiques, environnementales…pouvant être traitées avec des approches très variées.

Biodiversité : Quels enjeux ?

Pour cette nouvelle COP, il ne s’agit pas de redéfinir des engagements mais plutôt pour les pays de « rendre effectives les actions, les interventions, les politiques publiques et les plans stratégiques qui sont mis en place pour atteindre les cibles de Kunming-Montréal », explique Joachim Claudet, directeur de recherche au CNRS et spécialiste de la durabilité des systèmes socio-écologiques côtiers et marins. Cela passe par l’intervention de nombreux acteurs, depuis la communauté scientifique jusqu’à l’écosystème médiatique. Médiatiquement, le sujet de la biodiversité se heurte souvent à la focalisation sur l’émerveillement suscité par « les baleines ou les pingouins ». « Il faut dépasser ce côté teddy bear-espèce emblématique et travailler à un niveau beaucoup plus systémique ». Selon le spécialiste, ce qui manque le plus est le relai de sujets a priori moins « séduisants » mais pour autant primordiaux. Une approche transdisciplinaire qui offre un traitement médiatique varié tout en exposant des solutions à l’extinction en masse de la biodiversité.

Une solution attestée : les aires protégées

Les aires protégées, qu’elles soient marines ou terrestres, « sont des périmètres, des espaces géographiquement définis, à l’intérieur desquels les usages humains sont interdits ou réglementés, selon le type d’usage et dont l’objectif principal est la conservation de la biodiversité » explique Joachim Claudet. Outils de gestion par zone, elles ont pour unique but la conservation de la biodiversité, des écosystèmes et espèces inhérentes. D’après le spécialiste, « montrer que les aires protégées sont un outil pour la durabilité est indispensable, que cette dernière soit environnementale, sociale ou économique ». Elles s’inscrivent sur le long terme et comportent des coûts – ne plus pouvoir pratiquer une activité dans le périmètre de l’aire protégée ou ne pouvoir la pratiquer que de manière différente – mais leurs bénéfices sont supérieurs. Le coût, pour les activités les plus extractives et impactantes, est plus fort au moment de la mise en place de l’aire protégée. Mais à moyen terme, l’aire sera bénéfique : si l’on prend l’exemple de la pêche, il y aura exportation de la biomasse, débordement et ensemencement de l’intérieur de l’aire vers l’extérieur, ce qui se traduira par des stocks de pêche accrus, des bénéfices pour la recherche et pour le tourisme. Conscients de cet impact positif à moyen-long terme, les Açores ont annoncé la protection de 30 % de leurs eaux afin de s’aligner aux objectifs de la COP 15 et de créer la plus grande aire marine protégée de l’Atlantique Nord, initiative qui prendra effet dans 9 mois. D’après le spécialiste, « il faut faire évoluer les pratiques » et cela passe par « une volonté politique, des politiques d’accompagnement ». Les politiques d’accompagnement et de compensation sont, dans ce cas, requises pour ne pas laisser seules les communautés territoriales et prendre le risque qu’elles proscrivent les logiques « perdant puis gagnant ». Les journalistes ont ainsi un rôle majeur à jouer pour expliciter les portfolios d’interventions et de transition vers la durabilité.

La géo-ingénierie et la technologie d’absorption de dioxyde de carbone : de nouvelles pistes à explorer et médiatiser ?

L’océan est source de solutions et d’innovations majeures : des écosystèmes côtiers en bonne santé peuvent aider à lutter contre les conséquences néfastes du changement climatique et de l’érosion de la biodiversité. Ces écosystèmes font par exemple office de protection contre la hausse du niveau de la mer ou tampons entre polluants et milieu marin. Aussi les solutions inhérentes au milieu marin sont nombreuses et peuvent constituer des pistes particulièrement intéressantes à explorer dans le champ médiatique.

Par ailleurs de nouvelles technologies, en plein essor, permettent d’accroître la quantité de CO2 capturée et séquestrée par l’océan. « Ces technologies que l’on ne considère pas nécessairement mûres comportent un certain nombre de points d’attention puisque nous ne maîtrisons pas les externalités négatives qu’elles pourraient engendrer, si elles sont employées à de grandes échelles », renseigne Gauthier Carle, responsable plaidoyer de la Plateforme Océan & Climat. « Il est important de décarboner mais d’abord et avant tout de limiter les impacts écologiques et sociaux de ces solutions que certains promeuvent » ce qui nécessite d’accroître la recherche et de mieux suivre, comprendre et rapporter ces sujets. L’enjeu est également de documenter les avancées et d’en vérifier les mises en œuvre.

Journalistes, s’emparer des enjeux : quelle aide pour relayer l’information ?

Quels enjeux pour les professionnels des médias ? Le devoir d’information et la contribution à la médiation scientifique, bien sûr. L’urgence à communiquer le constat scientifique qui fait état du lien entre la crise du climat et l’érosion de la biodiversité, aussi. Mais il s’agit de ne pas traiter les sujets en silo. La biodiversité et le changement climatique étant des « composantes essentielles de notre économie », ils peuvent être abordés dans quelque sujet que ce soit – y compris au sujet des guerres et conflits ou du projet de loi de finance. Pour reprendre l’exemple des aires protégées, par exemple, « pour les journalistes économiques, explique Joachim Claudet, il s’agit de montrer les coûts engendrés par l’absence de création d’une aire protégée. Ces coûts et bénéfices peuvent être chiffrés de manière économique et sociale. »

Joachim Claudet résume : « le travail des journalistes passe par aider à porter à la connaissance du plus grand nombre trois aspects essentiels : l’urgence de mettre en place des changements transformateurs, la manière dont nous dépendons de l’environnement et enfin le fait que les solutions à mettre en œuvre ne peuvent pas être toutes gagnantes-gagnantes en maintenant les pratiques actuelles. Une transformation est indispensable sous peine de n’avoir finalement que des perdants ».

Sur qui les journalistes peuvent-ils s’appuyer ? « Suivre des organisations ressources, ONG, instituts de recherche. Certains réseaux peuvent mobiliser nombre d’acteurs et constituer un point focal pour les médias afin de les orienter et d’être à même de répondre à leurs questions » selon Gauthier Carle. Par exemple, la Plateforme Océan & Climat propose des fiches ressources sur les conséquences du changement climatique sur l’océan, sur la pêche et l’aquaculture dans le contexte du changement climatique, et publie un rapport mettant en avant un panel de solutions pour le climat et la biodiversité.

Léa Varenne

Pour aller plus loin

https://ocean-climate.org/wp-content/uploads/2021/06/Ocean-solutions-report.pdf

http://www.joachimclaudet.com/

https://ocean-climate.org/

Santé mentale chez les journalistes : Où se situent nos homologues d’outre-Atlantique ? Samuel Lamoureux répond.

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À l’occasion de la Journée internationale de la santé mentale, ce jeudi 10 octobre, nous avons voulu nous intéresser à la manière dont elle concerne particulièrement la profession journalistique, parfois mise à rude épreuve.  Nous avons questionné Samuel Lamoureux, chercheur et professeur canadien en communication au Département Sciences humaines, Lettres et Communication de l’Université TÉLUQ. Ses analyses portent sur le journalisme, les médias, les conditions de travail et la santé mentale des journalistes au Canada et dans le monde francophone. Tiraillée entre ses propres biais internes, la virulence de certains lecteurs mais aussi les situations qu’elle se doit de couvrir, la profession journalistique laisse peu de place au bien être psychologique des journalistes, dont la sphère intime est fortement impactée. Samuel Lamoureux préconise une réflexion personnelle par et pour les journalistes afin qu’ils puissent répondre avec justesse à leurs problèmes. Certaines actions mises en place outre-Atlantique peuvent inspirer une meilleure prise en charge de la santé mentale des journalistes en France.

Léa Varenne – En cherchant des contenus sur  la santé mentale des journalistes , il faut se rendre à l’évidence : voilà un sujet très peu abordé. Pourtant, il y a beaucoup à faire. Est-ce un tabou ?

Samuel Lamoureux – Il y a plusieurs raisons à cela. La première c’est parce qu’aller creuser ce sujet signifierait poser des questions dérangeantes pour la profession. La souffrance au travail qui peut aussi être nommée « stress chronique » est documentée au sein des salles de rédaction depuis longtemps. Par exemple, le syndicat de Radio Canada (service public équivalent de France Télévisions au Canada) a déjà réalisé des enquêtes internes sur la souffrance au travail, mais elles n’ont pas été rendues publiques. Il en était sorti que plus de 40% de journalistes déclaraient avoir déjà ressenti des symptômes de détresse psychologique, même plusieurs fois par an, du stress chronique, des insomnies, des dépressions, des burn-out…C’est quelque chose qui est documenté, mais pas rendu public, parce que ça voudrait dire qu’on pose des questions délicates. Pourquoi est-ce que les journalistes souffrent autant ? Quand on creuse, on soulève deux aspects qui ne sont pas évidents à aborder : d’une part, les méthodes de travail – notamment le rythme de production, avec parfois des pratiques ultra commerciales-, et d’autre part la réaction du public quand les journalistes expriment leurs difficultés. Je me souviens que sur Twitter, notamment, des lecteurs s’en sont beaucoup pris à certains journalistes en disant qu’ils n’avaient pas à se plaindre. Depuis ce temps-là, je sens qu’il y a moins de volonté de la part des journalistes de se montrer fragiles.

Pensez-vous que la manière dont ils traitent l’actualité – qui est majoritairement négative – affecte la santé mentale des journalistes qui y sont exposés en première ligne ?

Je ne sais pas si le problème est le fait qu’on traite l’actualité de manière négative ou si c’est plutôt qu’on la traite de manière extrêmement rapide en mode « breaking news ». On se concentre sur beaucoup de conflits que nous avons des difficultés à mettre en perspective. On voit juste des images de villes détruites, le monde qui brûle, des ouragans, etc. Pour moi, il n’y a pas de volonté particulière de la part des éditeurs de dire : « couvre des sujets négatifs ». C’est plutôt : « couvre l’actualité la plus chaude » ou « live tweet un événement ». Et quand vous voulez couvrir l’actualité chaude, souvent, le plus facile, c’est de suivre un événement négatif, une fusillade, un ouragan et de retweeter ce que d’autres font. C’est là que réside l’intérêt du journalisme de solutions : on ne peut pas juste suivre l’actualité chaude et retweeter. Il faut des textes plus longs qui expliquent davantage de choses. Quand on dit à un journaliste de couvrir les victimes d’un attentat, mais sans jamais mettre cela en perspective, sans jamais donner de solutions, c’est sûr que ça a un impact sur les professionnels de l’information, qu’ils travaillent de chez eux, ou qu’ils se rendent sur le terrain. Là, on peut parler de choc post-traumatique.

Pourriez-vous faire un état de la situation au Canada, et en France, en matière de santé mentale chez les journalistes et dans les salles de rédaction ? La santé mentale est-elle prise en compte dans ce domaine ? Notez-vous une différence entre le Canada et l’Union Européenne ?

Quand on parle de santé mentale, on parle de problèmes de burn-out, de surmenage, de dépression aussi.

J’ai lu un article dans Le Monde selon lequel 40% des jeunes journalistes français quittaient le métier et abandonnaient leur carte de presse après sept ans de métier. La question des pigistes représente un enjeu plus spécifique encore. Au Canada, il ne gagnent pas plus de 20 000 dollars par an, ce qui pose beaucoup des problèmes d’isolement et impacte toutes les sphères de la vie puisqu’il est impossible de payer un loyer avec un salaire si faible. Les journalistes se surmènent pour trouver d’autres sources de revenus qui peuvent générer des problèmes éthiques. Certains jeunes se tournent vers des métiers qui sont mal vus par la profession comme la publicité ; d’autres acceptent n’importe quelles conditions de travail, en ne comptant pas leurs heures. Et ça, en psychologie, « en faire plus avec moins », c’est littéralement la recette d’un surmenage. Ce cocktail de pression vient à la fois des supérieurs, et de l’auto-pression que se mettent les journalistes pour atteindre leurs objectifs. Comment penser à la santé mentale de quelqu’un si on le considère comme une unité interchangeable qui doit juste remplir son quota d’actualités, qui varie selon l’offre et la demande ? Cela constitue un cocktail toxique qui pousse beaucoup de personnes à quitter le métier.

L’agence de presse Reuters met à disposition des journalistes des formations en e-learning (sur le site *) sur le thème de la résilience et de la santé mentale. Voyez-vous d’autres initiatives en matière de prise en charge ?

Il existe un débat assez classique en sociologie : celui d’opposer l’individu et le collectif. C’est-à-dire se demander est-ce la faute de l’individu ou est-ce la faute du collectif ? Dans le premier cas il doit se débrouiller pour ajuster son comportement ; dans le deuxième cas il doit modifier son mode de fonctionnement.

Ce débat traverse le monde du journalisme. Beaucoup de gens disent que les journalistes ont des problèmes parce qu’ils se mettent trop de pression, et c’est en partie vrai. J’ai questionné des personnes travaillant dans les ressources humains qui me parlaient de techniques comme la méditation. Je ne suis pas du tout contre le fait d’apprendre à être plus zen dans sa vie et c’est important pour les personnes anxieuses d’apprendre à être moins anxieuses, mais le problème est plus large. Il y a un vrai problème de rapport au téléphone par exemple. Les journalistes sont trop connectés et il est important qu’ils réussissent à se mettre des barrières. Mais ce n’est pas une solution suffisante à mon goût parce qu’elle se contente de mettre l’accent sur l’individu qui doit apprendre à régler ses propres problèmes. On sous-entend ainsi que c’est peut-être la faute des individus s’ils sont malades parce que pas assez responsables, ou pas adaptés au rythme. Il y a des limites à dire aux gens qu’ils doivent juste s’adapter.

Parfois, c’est le collectif lui-même qui est malade. Ces dernières années, beaucoup d’articles sont parus sur la toxicité des relations dans certaines rédactions, notamment envers les femmes. C’est présent au Canada comme en France et documenté dans le livre du sociologue français Jean-Marie Charon, Hier journalistes. Quand se pose la question du sexisme type « plafond de verre », le problème ne vient pas de l’individu. C’est le problème du collectif, donc, dans ce cas-là, on a besoin d’une réaction collective. Comment notre collectif peut-il s’améliorer ? Comment peut-on en finir avec les plafonds de verre ? Là, ça devient une réflexion collective, associative et qui parfois doit mener à des prises de parole publiques. Il y a quelques années, il y a eu le #MeToo Média, entre autres en Europe. Ça a été une libération de la parole.

Ainsi selon moi, il faut un bon dosage entre les deux solutions. D’un côté des solutions individuelles pour apaiser les gens anxieux et trop stressés et d’un autre côté, des solutions plus collectives.

Existe-t-il des formations dès les écoles de journalisme sur la manière de couvrir un sujet potentiellement anxiogène tout en préservant sa santé mentale ?

Créer ce genre de cours représente une préoccupation grandissante. Deux collègues, Matthew Persson et Dave Sieglin, ont créé une formation sur les traumatismes prodigués dans les écoles de journalisme. Dans leur rapport sur la santé mentale « Prenez soin de vous », leur constat en 2022 était qu’au Canada, 90 % des journalistes n’auraient pas eu de formation sur la santé mentale ou sur la gestion des traumatismes. Dans le cursus scolaire on enseigne plus le contraire, « Soyez endurcis, soyez comme Albert Londres, allez au bagne et écrivez vos articles, allez voir les horreurs, la guerre, et montrez-nous ce qu’il s’est passé ». On enseigne souvent la figure de journaliste-aventurier, qui doit absolument aller sur les terrains « chauds ».

Proposez-vous, dans vos travaux, de nouvelles stratégies de prise en charge des journalistes et acteurs des médias ?

Je suis beaucoup inspiré par le concept de « psychodynamique du travail ». Il a été popularisé en France par Christophe Dejours. Ce qui est dit dans cette approche-là c’est que, pour gagner la santé il faut augmenter son pouvoir d’agir et son pouvoir de décision. Je travaille avec l’Association des Journalistes Indépendants du Québec, et on organise beaucoup d’événements où les journalistes indépendants doivent eux-mêmes réfléchir, trouver des solutions à leur problème. Chaque mois, on organise des rencontres de socialisation où on essaie de discuter des principaux problèmes. Par exemple : beaucoup de pigistes avaient remarqué qu’un média en particulier mettait des mois à les payer, parfois six mois. Nous en avons discuté puis il y a eu des actions. Plusieurs personnes leur ont écrit sur Instagram, des rencontres ont été faites avec d’autres organisations, ce qui a conduit le média à changer ses pratiques : il a compris qu’il était préférable de payer ses pigistes sans délai.

Je pense qu’il faut créer des espaces de réflexion, de collaboration, où les journalistes peuvent énoncer leurs problèmes et trouver des moyens de les régler par la force de leur collectif. Certes je suis un expert mais ce n’est pas mon rôle en tant que tel de montrer aux gens comment vivre. Les gens sont assez intelligents pour trouver des solutions à leurs problèmes, parfois ils manquent simplement de temps et d’espace. Je pense qu’on doit faciliter les échanges dans la profession, et créer aussi des espaces où les journalistes n’ont pas peur d’avoir des représailles. Il y a des endroits où les langues peuvent se délier et ça peut être organisé par une association, par un syndicat, par les journalistes eux-mêmes. ■

Propos recueillis par Léa Varenne, chargée de veille et de rédaction à l’ONG Reporters d’Espoirs.

Sources

Rapport « Prenez soin de vous » : https://www.journalismforum.ca/rapport-prenez-soin

Article du Monde : https://www.lemonde.fr/comprendre-en-3-minutes/article/2023/11/05/pourquoi-autant-de-jeunes-journalistes-quittent-le-metier-au-bout-de-sept-ans-comprendre-en-trois-minutes_6198317_6176282.html

Boîte à outils (English content)

https://ijnet.org/en/toolkit/mental-health-and-journalism

https://www.mentalhealthreuters.com/introduction

INTERVIEW # Jeunesses du monde dans l’objectif de Théo Saffroy

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« Je m’intéresse avant tout aux gens qui font bouger les lignes »

Amoureux de la culture mexicaine, Théo Saffroy photographie aussi la jeunesse du monde dans ses combats et ses paradoxes. À 31 ans, son travail, subtil mélange de documentaire et de fiction, veut raconter la réalité au-delà des clichés et des masques. Révéler des univers cachés, découvrir les montagnes derrière les écrans et les carcans… Son remède pour inspirer, à son échelle.

Votre intérêt pour la photographie, d’où vient-il ?

Théo Saffroy. Le déclic est arrivé avec le projet « El Grito » : une aventure de huit mois et 25 000 km à moto en Amérique du Sud avec mon meilleur ami. J’étais très intéressé par l’histoire coloniale du continent et les peuples précolombiens… nous avions 22 ans et rêvions d’aventure ! Avec ma caméra, j’ai pu documenter notre aventure, rencontrer des centaines de personnes, et réaliser des reportages notamment avec les Mapuches au Chili, les Quechuas au Pérou ou encore les Yanesha d’Amazonie. Un projet documentaire sur l’identité du continent qui fut ensuite publié et exposé en France. La photographie est arrivée à ce moment-là comme une manière de transmettre un récit et une réalité cachée.

Des inspirations dans le milieu de la photographie ?
T. S. Mon premier choc a été la découverte de la photographie humaniste de Sebastião Salgado. Ensuite j’ai beaucoup regardé la street photo new-yorkaise de Joel Meyerowitz par exemple, et le travail d’Harry Gruyaert sur les couleurs primaires qui donne beaucoup d’intensité et d’équilibre à ses compositions. C’est cette photographie du réel que je trouve la plus émouvante et que j’essaie de reproduire : jeu de composition, lumières contrastées et couleurs vives. Je m’inspire aussi beaucoup de la photographie de mode, particulièrement sur le travail de mise en scène comme Alex Prager et Sarah van Rij.

Qu’est-ce qui caractérise la « photographie documentaire » ?
T. S.
En ce qui me concerne, mes séries sont issues de réflexions personnelles qui tournent en général autour d’une jeunesse en mouvement et d’une idée de métamorphose, de « l’autre soi » en quête de liberté. Ce qui la caractérise spécifiquement, à mon avis, c’est surtout la notion de temps. Elle est primordiale pour développer une série. Je prépare mes shootings en amont (documentation, prise de contact) puis, une fois sur place, je prends le temps de créer une connexion avec mes sujets. Je les rencontre souvent avant le shooting sans appareil photo pour expliquer ma démarche, apprendre à les connaître et comprendre leur mode de vie, leurs habitudes. Cela me permet d’identifier les éléments à photographier tout en laissant une place à l’imprévu et à la collaboration. C’est un travail au temps long, parfois précaire, mais qui permet de témoigner d’une réalité entière avec des rencontres humaines plus fortes et des photographies plus intimes.

La jeunesse semble traverser l’ensemble de votre œuvre, est-ce un hasard ?
T. S. Je ne pense pas que ce soit un hasard, bien que ce soit rarement mon point de départ. Je m’intéresse avant tout aux gens qui font bouger les lignes, qui suivent une direction par passion et offrent un regard différent sur la société… Et il se trouve que la jeunesse a ce talent, cette soif de liberté, qu’ils s’émancipent à travers le parkour [une méthode d’entraînement pour franchir toutes sortes d’obstacles dans des environnements urbains ou naturels, Ndlr.], ou luttent sur un ring pour s’affranchir des règles de genre.

Les jeunes vous inspirent ?
T. S. Bien sûr ! Je suis extrêmement surpris par les jeunes d’aujourd’hui. Ils me donnent parfois l’impression d’avoir déjà vécu une vie tant leur discours est mature. Les lutteuses mexicaines, par exemple, ont cette aura, cette force, elles incarnent un passé violent avec une grande résilience. Depuis quelques années j’aborde les mutations de la société à travers la fenêtre du sport. Pour moi, les sportifs de haut niveau ont une force d’incarnation. Pour se consacrer à leur discipline, ils connaissent le sacrifice dès le plus jeune âge, un dépassement physique et mental constant, et développent un système de valeurs nobles autour du respect. De quoi inspirer la jeunesse.

Un message pour la jeunesse ?
T. S. Une phrase de Brel: « se tromper, être imprudent et aller voir ». Être curieux donc, s’accomplir en allant vers l’autre et vers le monde. Il faut conserver son authenticité, la cultiver et aller au bout de ses passions, de ses folies même, tout en respectant son entourage.

Vos photos contrastent parfois avec le sérieux des sujets qu’elles illustrent…
T. S. J’aime jouer avec l’absurde ou le contraste pour créer de nouvelles portes d’entrée vers des sujets plus sérieux. C’est la partie fictionnelle du documentaire. Cela renvoie aussi au paradoxe et à l’harmonie qu’il y a souvent dans mes sujets : imaginaire et réalité, intimité et énergie, équilibre et absurdité. Entrer dans un sujet grave avec des images graves serait sans doute plus compliqué. Je mise par exemple sur les leggings et les paillettes des lutteuses pour mieux aborder les 11 féminicides quotidiens au Mexique, je mets l’accent sur la prothèse stylisée de l’athlète paralympiques Arnaud Assoumani pour mieux parler du handicap…

Vous avez photographié le collectif musical Bon Entendeur. Quelle influence la musique a-t-elle sur vous ?
T. S. Je suis un grand amateur de rock et de musique en général, sujet sur lequel j’ai même réalisé un mémoire de sociologie. Je me suis intéressé à la création des courants musicaux contemporains : quels mouvements économiques, technologiques, sociétaux ont créé le rock’n’roll au sortir de la Seconde Guerre mondiale, pourquoi le disco et la techno sont apparus à ces moments précis… La musique dit beaucoup d’une époque, des idéologies et de ses influences. Par ailleurs, les collaborations avec des artistes me permettent de développer une dimension plus créative. Je m’amuse à créer dans un univers fictif, surréaliste, parfois cosmique : on peut partir plus loin dans la création et moins se soucier du réel. Cela me rapproche de la BD futuriste des dessinateurs du magazine « Métal hurlant » ou du dessinateur Ugo Bienvenu, qui inspirent beaucoup mon travail.

Comment composez-vous les lumières et les zones d’ombre ?
T. S. Les ombres renforcent l’idée du contraste et surtout du mystère, qui donne envie d’aller voir. Elles permettent de modeler l’image, de créer des formes et des compositions plus saisissantes. J’aime cette phrase d’Antoine de Saint-Exupéry dans «Le Petit Prince » : « Quand le mystère est trop impressionnant, on n’ose pas désobéir ». Elle traduit l’attirance et la curiosité qui redoublent d’intensité pour une zone mystérieuse et sans repères.

Vous qui êtes photographe documentaire, aimeriez-vous passer de l’autre côté de la caméra ?
T. S. Non, je ne crois pas. Dernièrement j’ai eu des passages à la télé et à la radio qui m’ont fait plaisir, mais autrement je ne me vois en aucun cas passer devant la caméra. Je n’ai pas envie d’être autre chose qu’un « directeur des histoires » !


↪︎ Retrouvez son portfolio sur theosaffroy.com

Propos recueillis par Paul Chambellant/Reporters d’Espoirs

Événement 23/09 Le Grand Bain – 2031 : L’Odyssée de la Tech

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Reporters d’Espoirs est heureuse de s’associer à l’événement phare de la French Tech Aix-Marseille : Le Grand Bain, événement de prospective positive qui rassemble des acteurs de tous secteurs et horizons. Ensemble, ils dialoguent autour d’actions concrètes qui peuvent, dès aujourd’hui, répondre aux enjeux technologiques, environnementaux et sociaux de demain.

Après deux émissions live, Le Grand Bain fait son grand retour en présentiel pour la rentrée : Rendez-vous le 23 septembre à l’Orange Vélodrome !

Au programme :

4 conférences inspirantes pour penser l’entrepreneuriat en 2031

Une série d’ateliers concrets pour agir dès 2021

Une scène investisseurs, un challenge des startups à impact, une application de networking dédiée…


JEUDI 1ER JUILLET 2021 . INSCRIVEZ-VOUS A LA SOIRÉE DES MÉDIAS DE SOLUTIONS & DU PRIX REPORTERS D’ESPOIRS !

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Ce jeudi, Reporters d’Espoirs organise la « Soirée des médias de solutions » à l’occasion du dévoilement des lauréats du Prix Reporters d’Espoirs, 11e édition. Un événement physique, au Cinéma Majestic Passy (18 rue de Passy 75016 Paris), à 18h30. Pour bénéficier des quelques places encore disponibles, inscrivez-vous ici.

Au programme :

18h30 Accueil & networking

19h Début de la soirée, animée par la journaliste Raphaëlle Duchemin (RMC, FranceInfo, Europe 1…), et avec les membres du jury

Dévoilement des lauréats des Prix du reportage Presse écrite & Radio

[Focus] Médias&Climat : comment mobiliser de manière constructive ? 

Découverte des lauréats du Prix du reportage TV
Découverte des lauréats du Prix de l’engagement (nouveauté 2021)

[Débat] Quelle raison d’être pour les médias ?
Alors que l’on somme les entreprises de se doter d’une mission, d’une raison d’être, pour preuve de leur apport au bien commun, quelle transposition aux entreprises de presse ?

Découverte des lauréats du Prix de l’innovation

[Débat] Donner à voir une Europe des solutions : quel rôle pour les médias ?

Avec les jeunes lauréats du Prix européen du jeune reporter (nouveauté 2021). Pitchs & discussion avec les correspondants français de médias européens.

Cocktail


18/6/2021 . 10h . Intervention à Vivatech « Quelles innovations éditoriales et technologiques pour le journalisme de solutions ? »

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Reporters d’Espoirs était invité du salon VivaTech vendredi 18 juin pourra organiser une session sur les innovations éditoriales et numériques au service du journalisme de solutions.

À l’occasion du Prix Reporters d’Espoirs Innovation 2021 qui sera remis lors de la Grande soirée des médias de solutions du 1er juillet au Majestic Passy, 3 journalistes et professionnels des médias ont partagé leurs bonnes pratiques éditoriales, sociales et numériques.

« On a encore plus besoin, après cette pandémie, de messages d’optimisme, de faire ressortir les initiatives qui peuvent émerger dans la société. C’est notre rôle en tant que journaliste et d’autant plus en tant que grande chaîne de télévision. » affirme Yani Khezzar, journaliste et responsable de l’innovation pour l’information à TF1, qui s’appuie sur la 3D et la data pour enrichir ses reportages.  Il a mis en place des formats innovants pour renforcer la pédagogie – sur le changement climatique, la montée des eaux ou les mutations agricoles- tout en témoignant de perspectives de résolution ou d’adaptation –maisons sur pilotis, agroécologie, etc. « La technologie aujourd’hui, avec la 3D, la Réalité Augmentée, nous permet de montrer ce qui n’est pas filmable, d’anticiper ce qui pourrait se passer dans le futur en s’appuyant par exemple sur les données scientifiques des GIEC régionaux. (…) On fait très attention à ne pas tomber dans l’animation spectacle. Le travers de ces outils, le danger, c’est de vouloir trop s’amuser avec et de se prendre pour un grand studio de cinéma. Le but est de mettre cette technologie et ces visuels impressionnants au service du contenu et non pas l’inverse. (…) Il faut confier respectivement aux ordinateurs et aux journalistes ce qu’ils savent faire de mieux. »

Au-delà de la technologie, l’innovation passe par les communautés. Comment animer une communauté de lecteurs et de prescripteurs ? Alice Pouillier, directrice des opérations de SoGood et Ulule, partage l’expérience de ce nouveau magazine dont le slogan est « pour un monde meilleur ».

« On a voulu replacer les lecteurs et les abonnés au coeur du projet, en participant financièrement à la construction de So Good mais aussi avec ce qu’on appelle chez nous des « activistes » qui travaillent à identifier les bonnes initiatives et les bons projets. « Elle revient sur la genèse de ce magazine né « d’une rencontre « entre Ulule – plateforme de financement participatif,incubateur de projets à impact positif, qui voit des milliers de projets qui ne sont pas assez valorisés émerger grâce à l’adhésion du public, et de SoPress pour retranscrire les histoires de ces gens, leur parcours, leurs échecs. » Chaque année, So Good relance une campagne de financement participatif pour engager son lectorat. Alice Pouillier évoque la création d’un nouveau programme « d’éclaireurs » qui vont « agir comme des correspondants locaux et identifier, près de chez eux, des gens qui se bougent sur plein de sujets pour que, la rédaction de SoGood puisse ensuite les raconter et les révéler au plus grand nombre ».

François Saltiel, journaliste-chroniqueur bien connu de l’émission 28 minutes sur laquelle il officie quotidiennement sur ARTE, enseignant à l’IFP – Institut français de presse, et membre du jury du Prix Reporters d’Espoirs, anime l’échange. Auteur de « Le vendeur de thé qui sauva le monde avec un hashtag » et de « La société du sans contact : selfie d’un monde en chute » (éditions Flammarion), il a observé les impacts positifs et négatifs des réseaux sociaux, “ce même outil qui divise, qui capte notre attention et rend narcissique, mais qui, en même temps, révèle de belles histoires avec le hashtag. » Et de citer en exemple, « le mouvement #BlackLivesMatter et « le prix Pulitzer décerné à Darnella Frazier, une jeune femme de 18 ans qui en filmant le meurtre de George Floyd a permis de faire avancer les choses et de faire connaître encore plus la cause des discriminations ».

« Il faut toujours avoir à l’esprit que la technologie doit être un serviteur utile et non pas un maître dangereux », c’est sur cette citation que se conclut la conférence organisée par Reporters d’Espoirs dont la retransmission vidéo est disponible sur notre chaîne YouTube.

RDV JEUDI 1ER JUILLET 2021 POUR LA GRANDE SOIRÉE DES MÉDIAS DE SOLUTIONS DE REPORTERS D’ESPOIRS

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Parce qu’il est grand temps de nous retrouver, Reporters d’Espoirs invite la communauté journalistique, des innovateurs et (futurs) professionnels des médias, à une soirée jeudi 1er juillet à Paris.

Les lauréats des prix Reporters d’Espoirs et du jeune reporter européen seront dévoilés lors de cette Grande soirée des médias de solutions.


14/6/2021 . 14h-19h . Participez à l’édition spéciale francophonie « AI for the planet »

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Lors de cette édition, en direct des studios de BFM Business, Startup Inside, en collaboration avec l’Organisation des Nations Unies pour l’Éducation, la Science et la Culture (UNESCO) et le Programme des Nations unies pour l’environnement (UNEP), mettra en avant des acteurs internationaux engagés sur les sujets d’Intelligence Artificielle pour la Planète.

Un événement qui mettra en lumière les initiatives concrètes et cas d’usages issus de la francophonie, afin de partager les meilleures pratiques, célébrer les succès et inspirer de nouvelles actions et collaborations dans ce domaine.

Un des fondateurs de Reporters d’Espoirs, Pierre Nougué, CEO d’Ecosys group, interviendra à 15h32 sur la thématique « Le jumeau numérique de la planète ».

Participez à l’édition spéciale francophonie ce lundi 14 juin 2021, de 14h à 19h.

Pour s’inscrire, c’est ici.