Jon Henley œuvre au journal britannique The Guardian, pour lequel il a été correspondant dans plusieurs pays d’Europe au cours des trente dernières années. Membre du jury de notre Prix européen du jeune reporter en 2023, il aborde pour nous son parcours, sa vision de l’Europe et son expérience au sein de ce média indépendant.
Co-fondateurs de leur association devenue média en ligne Inspeer, Diane et Théo sillonnent l’Europe et l’Amérique depuis deux ans à la rencontre d’« humains inspirants », en vélo et voilier. Tous deux anciens étudiants en école de commerce, ils cherchent aujourd’hui à inspirer des vocations en couvrant des « solutions d’avenir ».
Maxence Peigné est journaliste-reporter au sein du média coopératif Investigate Europe, la principale rédaction d’enquête à l’échelle européenne. Lauréat du Prix Vidéo Reporters d’Espoirs en 2019, il a également été pigiste, journaliste freelance, écrivain-voyageur et correspondant pour nombre de médias avant de se tourner vers le journalisme d’investigation. Il aborde pour nous son parcours et son expérience au sein d’un média structuré en coopérative.
Sylvia Amicone est journaliste à LCI depuis 2002, et fut parmi les premières à populariser la notion d’économie sociale et solidaire dans les médias au début des années 2010. Lauréate du Prix Reporters d’Espoirs en 2014, elle s’est depuis spécialisée dans la couverture d’initiatives inspirantes à travers reportages, matinales et chroniques. Cette année membre du jury du Prix Reporters d’Espoirs de l’innovation sociale, elle raconte l’évolution de ce sujet dans les médias.
Charlotte Meyer est journaliste environnementale aux Echos Planète et rédactrice en chef de son média indépendant Combat, pour lesquels elle réalise régulièrement des reportages sur l’économie sociale et solidaire. D’abord reporter sur plusieurs terrains de conflits au Moyen-Orient, expérience dont elle a tiré un livre intitulé La protection internationale des journalistes en mission professionnelle périlleuse – Enquête sur un défi impossible (éditions L’Harmattan), elle se tourne aujourd’hui vers le journalisme de solutions. En tant que membre la plus jeune du jury du Prix Reporters d’Espoirs de l’innovation sociale, elle évoque son parcours et sa pratique journalistique.
Le 8 juillet dernier, Reporters d’Espoirs participait aux Rencontres économiques d’Aix-en-Provence, sur un thème tout trouvé cette année : « Recréer l’espoir » ! A cette occasion, Christophe Agnus, vice-président de Reporters d’Espoirs, animait cette « controverse » entre Jean-Pierre Nadir, fameux investisseur de l’émission « Qui veut être mon associé ? » sur M6 et par ailleurs fondateur de Fairmoove qui se veut « le portail de distribution de voyage dédié au tourisme responsable », et Pascal Savary, président d’Altream dont le fond investit notamment dans l’immobilier de loisir à travers le monde (Accor, Mama Shelter, Center Parcs, Pierre & Vacances, Club Med…).
Le tourisme est un secteur économique en plein essor, qui représente une part importante du PIB de nombreux pays, et représentait 10% du PIB mondial en 2020. Entre hausse du niveau de vie mondial et relative accessibilité des moyens de transports, le tourisme comme d’autres secteurs a pris une dimension de masse. Ce changement d’échelle à cependant des impacts environnementaux désastreux (pollutions, émissions de gaz à effet de serre, dégradation des écosystèmes et mise en danger des communautés locales). Le tourisme est cependant synonyme d’évasion, de repos, de découverte, d’un confort nouveau à la portée du plus grand nombre. Le secteur touristique emploie également plus 250 millions de personnes à travers le monde. Dès lors entre tourisme et planète, qui s’adapte ? Le tourisme de masse est-il condamné à disparaitre ? Notre planète peut-elle survivre à notre confort ?
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Le célèbre linguiste, lexicographe et écrivain français Alain Rey (décédé en 2020), avait prononcé à l’occasion de l’événement de remise des Prix Reporters d’Espoirs auquel il été associé en 2014, le texte suivant dans lequel il propose une définition de l’espoir.
« L’espoir est un sentiment lié à la vitalité qui se dresse contre les obligations, contre les duretés, et d’une manière générale contre le destin.
L’espoir prend la forme d’une lutte contre la condition humaine, avec son achèvement inéluctable qu’est la mort, mais avec ce passage plein d’espérance qui est que chaque vie individuelle aboutit à l’espérance de vie après elle. « Après moi le déluge » : voilà une formule particulièrement déplaisante que nous devons je crois rayer du vocabulaire français. Car non ! Au contraire : après moi la récolte, le développement, la réaction contre tout ce qui va mal, contre tout ce qui tend à détruire l’humain en nous !
L’Humanité porte en elle ce paradoxe qu’elle tend à s’autodétruire constamment. Sans espoir, on risque la déshumanisation totale. Pour ré-humaniser, que faut-il faire ? Il faut combattre le destin. Or, que dit Malraux -l’un de mes inspirateurs : l’art en général, et je dirais plus largement la culture, est toujours un anti-destin. C’est une lutte perpétuelle, c’est une révolte, c’est une révolution positive. C’est dans cette lutte qu’il nous faut combattre la fatalité de l’autodestruction. Précisément en transmettant ce sentiment qu’est l’espoir et qui ne s’éteint jamais.
« L’espoir luit comme un brin de paille dans l’étable. » Ce très beau vers de Verlaine témoigne que l’espoir est quelque chose de parfois minuscule, presque invisible, mais toujours très puissant, et qui doit rester éternellement présent. Evidemment il s’agit d’une allusion à la naissance de Jésus. Sans partager la conversion religieuse du poète, on peut généraliser à d’autres références, qu’elles soient religieuses ou athées. C’est l’étable où l’Humanité risque de croupir si elle ne réagit pas. Réagir, c’est ça l’espoir. L’espoir est donc une lutte.
En tant que représentant de ceux qui cherchent à sauver, à préserver et à répandre le message de la langue, le message des mots, je suis désespéré quand je vois disparaître ou s’abîmer une langue. Malheureusement, il en disparaît beaucoup.
La langue française, langue universelle, n’y échappe pas : il faut lutter perpétuellement pour qu’elle ne soit pas trop abîmée. Face à cela surgit un espoir extraordinairement puissant, qui se manifeste dans des choses très simples, notamment celle-ci : la grande littérature française est très souvent représentée par des personnes pour qui le français n’est pas une obligation de naissance, mais un choix.
Voilà un message d’espoir que le français doit partager avec toutes les autres langues.
Toute situation négative a son pendant, l’envers de la médaille. Lorsque l’Homme renonce à rester dans le revers, et va chercher les avers, il rejoint cette idée fondamentale de survie qu’est l’espoir. »
Photo : Alain Rey et le calligraphe Lassaâd Metoui, le 13 octobre 2014 au Prix Reporters d’Espoirs, Palais d’Iéna, Paris.
Photo by IISD/ENB | Anastasia Rodopoulou
Dans sa contribution au sixième rapport du GIEC, le troisième groupe de travail observe que la couverture médiatique dédiée aux sciences climatiques est non seulement de plus en plus rigoureuse, mais a pratiquement doublé de volume en quatre ans dans 59 pays du monde. Aurait-on franchi le cap d’une information consciente de l’urgence climatique, et résolue à faire passer le message à son audience ? Sophie Szopa, auteure principale, coordinatrice d’un chapitre pour le premier groupe de travail du GIEC et vice-présidente développement soutenable à l’Université Paris-Saclay, s’attache à transmettre ce que sont ces rapports, leurs résultats clés et, comment se construisent les connaissances sur le climat aux politiques et journalistes. Conférencière notamment à Radio France et France Télévisions, invitée de l’édition 2023 de l’événement Sciences et Médias, experte lors de l’initiative « Mandat ClimatBiodiversité » à l’Assemblée Nationale (formation suivie par 27% des députés), elle partage avec Reporters d’Espoirs ses observations sur les habitudes et les impensés journalistiques qui tendent, en dépit des bonnes intentions, à freiner une réelle transition de l’information.
Conscience environnementale, entre engagement et posture
En France, les grands médias généralistes se sont passé le mot : l’heure est à l’écologie. Ils signent des chartes, sélectionnent attentivement leurs illustrations – plus de glaces et d’enfants qui barbotent dans les fontaines pour accompagner les reportages sur la canicule –, ils forment leurs équipes à la Fresque du climat (comme Le Monde ou BFM) et communiquent à grand bruit sur leur nouvel engagement. Le ton de « bon élève satisfait » surprend, voire agace, les journalistes pionniers sur le sujet ou certains scientifiques. « J’ai du mal à comprendre cet effet d’annonce », explique Sophie Szopa à propos du « grand Tournant » de Radio France. « Voilà plusieurs décennies que le premier rapport du GIEC est paru. Il n’y a pas de quoi être fier de ne prendre la mesure de la situation que maintenant. » Pareille autocongratulation lui rappelle d’ailleurs le comportement de certains députés venus participer, peu avant leur entrée en fonction, au programme Mandat ClimatBiodiversité, trois journées de vulgarisation durant laquelle une quarantaine d’experts initiaient les élus aux enjeux environnementaux. « L’événement était couvert par la presse, certains élus venaient surtout pour être pris en photo. » Le nombre de députés présents lors de la seconde session organisée en automne – et surtout hors caméra –, a drastiquement baissé. Réjouissance toutefois : le programme a inspiré une initiative similaire au Royaume-Uni, et des formations à l’attention de haut-fonctionnaires français, puis de l’ensemble des fonctionnaires, ont été annoncées à l’automne 2022.
Des freins intrinsèques au sujet du climat ?
Scientifiques, activistes, journalistes s’évertuent depuis des années à rendre visibles les effets de nos modes de vie sur le climat. Comment expliquer que la plupart des médias ne se soient pas emparés plus tôt du sujet ? Sophie Szopa observe d’abord que l’idée selon laquelle l’environnement constituerait un « sujet plombant », qui de surcroît n’intéresserait pas le public, rebute souvent les rédactions. Ensuite, le changement climatique est un bouleversement inscrit sur le long terme, or les journalistes sont davantage habitués à traiter l’actualité chaude et les évolutions à court terme. De fait, les événements ponctuels, comme la sortie des rapports du GIEC, ou dramatiques, comme les récentes inondations au Pakistan, propulsent l’environnement au premier plan. Mais cet intérêt par vague est à double tranchant, car le flot de l’actualité ne tarit jamais, et il y a toujours un événement pour venir en chasser un autre. « Récemment, raconte Sophie Szopa, j’ai été contactée pour parler de la dégradation de la qualité de l’air aux Etats-Unis, en lien avec les incendies au Canada. Je me suis préparée et, au dernier moment, la rédaction m’a appelée pour annuler, parce qu’une attaque avait eu lieu à Annecy, et que ça les intéressait davantage. ». Enfin, nombre de médias généralistes appartiennent à de riches industriels, lesquels n’auraient pas forcément intérêt à promouvoir un discours de transition. Les journalistes de Monde ou de BFM avec qui elle a abordé la question ont toutefois garanti leur totale indépendance sur ce point.
Déléguer aux experts : un réflexe un peu facile ?
« Depuis la sortie du sixième rapport, les auteurs du GIEC, en particulier ceux qui s’investissent dans la vulgarisation, sont énormément sollicités. On nous demande d’intervenir dans des entreprises, des universités, des rédactions. ». Elle s’interroge par contre sur l’intérêt de la présence d’un scientifique chaque fois que le climat est mentionné sur un plateau télé ou dans un article. Dans les émissions télévisées, par exemple, est-ce que la nécessité d’avoir des images, donc des visages, ne justifie pas l’intervention d’un expert davantage que le besoin d’information qu’il serait seul à pouvoir fournir ? Après tout, les rapports d’organisations internationales relatifs à l’environnement sont pour la plupart en libre accès. Le GIEC lui-même a publié de nombreux produits dérivés pour vulgariser ses observations, comme des fiches sectorielles, ou un atlas qui permet de naviguer dans les données parues, quand le collectif étudiant Pour un réveil écologique résume en dix points clés les contributions de chaque groupe de travail. « Les ressources sont là », observe Sophie Szopa, mais les journalistes peinent à s’en saisir. « C’est tout de même saisissant que, durant la campagne présidentielle de 2022, la question de l’environnement ait été complètement occultée. Quand un candidat faisait une annonce sur le sujet, les journalistes politiques ne cherchaient jamais à creuser plus loin. Il existe pourtant un Haut conseil pour le climat, composé de scientifiques indépendants qui évaluent les mesures prises pour diminuer les émissions de gaz à effet de serre de la France. Le travail critique est déjà prémâché. » Les lignes commencent cependant à bouger. On peut penser par exemple aux dernières initiatives du journal Le Monde, dont la première, « Comprendre le réchauffement », résume l’état des connaissances scientifiques sur le réchauffement planétaire dû à l’activité humaine grâce entre autres à des graphiques interactifs, et la seconde, la série « Adaptation », présente en onze reportages extensifs le potentiel d’adaptation de la France aux futures conditions climatiques. La scientifique salue également le travail de fact-checking (vérification) environnemental mené par de nombreuses rédactions. Reste à voir si ces connaissances serviront aux journalistes eux-mêmes pour traiter du climat avec pertinence, et ce quelle que soit leur spécialité. En pratique, les compétences existent souvent au sein des rédactions, ce sont des choix éditoriaux qui limitent le bon traitement de ces sujets.
Sortir le climat de la « case environnement »
Confiner le sujet à une seule rubrique, souvent secondaire, voilà en effet ce que Sophie Szopa reproche surtout aux médias français. Car on ne fait pas plus transverse que les crises environnementales. Économie, alimentation, politique, santé, énergie, sports – avec les récentes réflexions sur l’organisation d’événements à la fois internationaux et écoresponsables – tout touche de près ou de loin à l’impact des humains sur l’environnement ou à l’effet de la dégradation environnementale sur nos sociétés. Compte-tenu de l’urgence écologique, les professionnels de l’info ne devraient plus pouvoir évacuer ces questions sous prétexte qu’ils ne travaillent pas à Reporterre ou dans la rubrique « environnement » de Libération. Invitée en mars 2023 à une session de la formation aux enjeux climatiques de France Télévisions Université, organisée pour ses équipes de journalistes en régions, Sophie Szopa a ainsi pu constater que certains journalistes s’entendaient souvent répondre par leurs homologues que l’environnement constituait « un problème de bobos », voire un sujet circonscrit, dont le traitement ne remettait pas en question la façon de couvrir d’autres thématiques au sein d’une même rédaction. « La contribution du premier groupe de travail au sixième rapport du GIEC est sortie le 9 août 2021. Dans le JT, ce jour-là, les infos relatives à cette publication ont été immédiatement suivies d’un reportage sur la passion des Français pour les litchis. Rien sur l’impact environnemental de consommer ce genre de produits en France et un décalage flagrant entre un sujet grave et une information de divertissement. Ce n’est pas cohérent. » Pour autant, des rencontres régulières entre scientifiques et responsables de rédaction et journalistes de France Télévisions organisées depuis le printemps 2022 semblent avoir porté leurs fruits : une cellule « planète » a été constituée avec la volonté d’améliorer et de systématiser le traitement des informations relatives aux crises environnementales et à la transition. Information qui est d’ailleurs bien plus fouillée sur leur site internet, consulté par une population plus jeune et plus intéressée par ces sujets. Le point météo qui suit le journal de 20h a également évolué en un journal météo et climat, ce qui permet de mieux contextualiser les phénomènes météorologiques, mais aussi de raccourcir le chemin entre explications scientifiques et questions du public, puisque des scientifiques interviennent parfois directement afin d’apporter des réponses. Une équipe de référents scientifiques a de surcroît vu le jour peu après. Son rôle consiste à porter environ une fois par an un regard rétrospectif sur la manière dont le groupe a traité du climat, afin d’identifier des points d’amélioration.
En parler plus, en parler mieux… est-ce suffisant ?
Il existe un monde entre la connaissance et l’action : c’est presque une banalité de le dire. Le premier rapport du GIEC date de 1990. Trente-trois ans plus tard, le sixième rapport estime que le réchauffement de la planète est, en l’état actuel des mesures politiques, susceptible d’atteindre 3°C d’ici la fin du siècle. En outre, si l’on parle beaucoup des risques liés au changement climatique, leur perception demeure diffuse. Sophie Szopa rappelle qu’en juillet 2021, l’Allemagne a subi des inondations de grande ampleur, aux conséquences dramatiques, dont l’origine fut attribuée dès août au réchauffement climatique par le World Weather Attribution. « Les élections fédérales ont eu lieu peu de temps après, en septembre 2021. Malgré le choc des inondations, on n’a pas vu les Verts remporter les élections. » En dépit d’une augmentation de voix pour les écologistes de 5,8% par rapport à 2017, la Direction générale du Trésor constate que le SPD, victorieux, demeure en Allemagne l’un des partis de gauche les moins ambitieux vis-à-vis de la transition écologique. L’information ne se suffit donc pas à elle-même, c’est un fait. Surtout quand la culture médiatique de la controverse pousse parfois à opposer à outrance des points de vue sur le sujet sans chercher à rappeler les faits scientifiques qui eux ne sont pas discutables. Pour autant, affirme Sophie Szopa, le traitement du changement climatique par les médias demeure essentiel, en ce qu’il fournit des éléments de référence au débat public. « Les bouleversements de l’environnement et les choix de transition nous concernent tous, c’est normal que les médias témoignent de ces changements et les explicitent. C’est ce qui nous permet de débattre de la route à suivre. » Et c’est l’existence d’un débat public qui donne à une décision collective son caractère démocratique.
Louise Jouveshomme, chargée d’études au Lab Reporters d’Espoirs, juillet 2023.
Couverture du second numéro d’Écologie 360, disponible sur https://www.ecologie360.fr/
Pierre Doncieux, directeur de la rédaction du magazine Écologie 360, nous ouvre les coulisses de la création de cette nouvelle publication lancée en mars, du choix des thématiques à leur traitement journalistique. Une application du journalisme de solutions qui aborde le réchauffement climatique sous l’angle de l’innovation.
Pourquoi le titre de ce numéro 1, « Soyons positifs » ?
L’initiateur du projet, Benoît Habert, a proposé de traiter la question écologique de façon positive et constructive pour rompre avec les approches catastrophistes. Une fois le diagnostic posé, on choisit de mettre en avant des solutions pour la dépollution, la préservation de la biodiversité, la transformation des transports, de l’énergie, ou encore de l’habitat. Certaines sont compliquées à mettre en œuvre, mais il existe toujours des chemins grâce aux innovations que notre monde produit en permanence. La transition écologique est un défi, mais qui n’est pas antinomique de la croissance économique. C’est ce que nous nous employons à démontrer à chaque numéro, tous les trimestres.
Quelle est la ligne éditoriale de ce nouveau magazine ?
L’écologie est au cœur du projet évidemment. Nous la traitons sous tous les angles : personnel, entrepreneurial, public, selon les différents corps de métiers, les acteurs de la vie privée et de la vie publique. Nous voulons montrer et même prouver qu’il y a des solutions en toutes choses en traitant de sujets concrets comme comment voyager de manière plus durable, dans quels fonds verts investir, ou encore par quoi remplacer les bouteilles d’eau.
Des exemples de contenus qui ponctuent ces premiers numéros ?
Le magazine est dans l’action. Il traite des personnes qui font concrètement des choses.
Nous avons par exemple réalisé un portrait du Prince Charles, « écologiste depuis 1970 » dans le premier numéro, nous nous intéressons à Boyan Slat dans le second, qui met en oeuvre des solutions pour nettoyer les océans des déchets plastiques, notre dossier de couverture du 2e numéro est consacré aux nouveaux métiers de l’écologie, nous en en avons recensé plus de 60 !
Nous allons chercher des histoires de personnes et d’entreprises ayant un impact réel. Nous donnons accès à de nombreuses statistiques et infographies. Les données sont au centre du projet et rien de tel qu’un diagnostic chiffré pour comprendre la situation et les solutions possibles.
Comment appréhendez-vous la transition écologique ?
De manière constructive ! Certes, la Terre doit faire face au défi climatique mais il y a des solutions pour nous adapter. Nous voulons faire de la pédagogie pour faire comprendre l’ampleur du problème et passer en revue les réponses qui sont nombreuses.
De quelle manière vous appropriez-vous le journalisme de solutions ?
Le journalisme de solutions se base sur deux piliers forts : le constat d’une action et les résultats qu’elle engendre, c’est-à-dire les solutions. Nous nous intéressons aux actions entreprises pour résoudre un problème grâce à des innovations multiples. Cela nous permet de traiter l’actualité sous un angle différent et inspirant, et de fournir à nos lecteurs des clés pour appréhender le monde en étant mieux informés. À l’image de notre crédo : « il y a des solutions, agissons ! »
Propos recueillis par Sixtine Guellec.
Pierre Doncieux : son parcours en 6 dates
Années 1980 : débute sa carrière chez Condé Nast, en tant que rédacteur pour Vogue Hommes, Condé Nast Traveler, puis Rédacteur en chef de Vogue Hommes.
1995-1997 : Rédacteur en chef du magazine VSD (section culture/art de vivre).
1998 : lance avec son frère Jérôme l’agence Relaxnews qu’il développe pendant 20 ans, et qui fournit aux journaux nationaux et à l’AFP des contenus sur-mesure dans les domaines de l’art de vivre et de la culture.
2015 : vente de Relaxnews à Publicis.
2018 : Directeur de la diversification éditoriale du Figaro
2023 : lancement d’Écologie 360.
Sophie Douce, journaliste indépendante
Sophie Douce est une journaliste passionnée par la région du Sahel. Son expérience en tant que correspondante pour Le Monde Afrique et Ouest France au Burkina Faso a renforcé son intérêt pour la couverture de cette région souvent négligée. Son engagement pour le journalisme de solutions et sa volonté de mettre en lumière les histoires des communautés marginalisées font d’elle une voix inspirante dans le paysage médiatique. À tel point qu’elle a remporté le Prix Reporters d’Espoirs Radio 2022 pour un podcast paru sur… L’Express !
Ecouter le podcast de Sophie Douce, Prix Reporters d’Espoirs Radio 2022 : https://www.lexpress.fr/economie/medias/podcast-le-777-la-bonne-etoile-des-bergers-burkinabes_2155343.html.
Qu’est-ce qui vous a amenée au journalisme ?
J’ai commencé petite, par tenir des journaux de bord et des carnets de voyage. Le besoin déjà, de raconter, de décrire le monde qui m’entoure, de coucher sur le papier pour décrypter et essayer de comprendre. Puis cette envie d’ailleurs, d’aller voir plus loin, comment on vit sur d’autres continents. J’ai alors découvert les documentaires de voyage et les récits d’aventure, qui me fascinaient. Très vite, le rêve de devenir journaliste a commencé à grandir. Comme beaucoup, c’est le mythe du grand reporter, du journaliste caméléon, qui m’attirait. Pouvoir vivre mille vies en une, parcourir des pays, rencontrer des personnes qu’il ne m’aurait certainement été impossible de voir sans le prétexte du micro tendu. C’est un métier merveilleux, pouvoir faire parler les gens, ils nous ouvrent des bribes de leur vie, on crée du lien. Celui d’être un « passeur d’histoires », entre deux continents, des cultures et classes différentes.
Comment vous informez-vous ?
Je commence mes journées par une revue de presse de l’actualité de ma zone de travail, le Sahel. Je suis la presse internationale spécialisée, Le Monde Afrique, RFI, Jeune Afrique… J’aime aussi beaucoup acheter les journaux locaux, il y a une vraie culture de la presse d’investigation au Burkina Faso, avec des bimensuels de grande qualité. Je reçois des alertes par mail, par mot clé (« Burkina Faso », « Sahel »), puis je consulte les réseaux sociaux, Twitter, Facebook, les groupes WhatsApp… C’est assez fastidieux et chronophage, mais ça me permet de m’imprégner des questions qui font débat et j’y puise souvent des idées de sujets. J’essaie aussi de garder un œil sur l’actualité française et internationale, avec des contenus plus posés, des analyses, des reportages colorés. J’aime regarder aussi les nouveaux formats qui se créent, les webdocumentaires, les podcasts.
Pourquoi le Burkina Faso ?
J’ai choisi de m’installer au Burkina Faso en 2018, après mon stage de fin de master en école de journalisme, que j’ai réalisé à Reuters TV, à Dakar au Sénégal. Je n’ai pas étudié l’histoire du continent, la richesse de ses royaumes et ses empires, le passé douloureux de la colonisation à l’école. Nous avons une histoire commune forte, pourtant on connait si mal ce continent. Il me semblait que l’on parlait à la télévision de « l’Afrique » souvent avec le même prisme, à travers les conflits, les famines, les troubles post électoraux.
Ce continent me faisait peur et rêver à la fois. J’étais pleine de fantasmes et de préjugés. Il me semblait qu’il y avait là-bas des histoires que nous ne racontions pas. Des récits oubliés, effacés. Je voulais m’y installer pour apprendre, pour suivre l’actualité d’un pays au long court, plutôt qu’en faisant des allers-retours.
J’ai contacté plusieurs rédactions parisiennes à la recherche d’un poste de correspondante dans la région. Le Monde Afrique était intéressé par des reportages au Burkina Faso. Je ne connaissais pas ce pays, j’avais entendu parler de son insurrection populaire, de l’ancien président révolutionnaire Thomas Sankara, de la richesse de sa culture et ses valeurs de tolérance et d’hospitalité. Et je suis partie, avec une petite valise, un carnet et mon appareil photo. J’y suis restée cinq ans. Ce sont les Burkinabè qui m’ont tout appris.
Comment décririez-vous la situation actuelle au Burkina Faso ? Quels sont les principaux défis auxquels la population est confrontée ?
La situation est très préoccupante… Les attaques des groupes terroristes sont quasi quotidiennes. Plus de 10 000 personnes ont été tuées depuis le début de l’insurrection djihadiste, en 2015. Une grande partie du territoire échappe au contrôle des autorités. Les violences ont provoqué une grave crise humanitaire, deux millions de personnes sont déplacées, un Burkinabè sur dix souffre de la faim. Les civils sont les premières victimes des violences. Face à l’insécurité, l’armée a pris le pouvoir, deux coups d’Etat ont eu lieu en 2022. La junte mène depuis des opérations militaires offensives et impose une propagande dans la lutte contre le terrorisme. La liberté de la presse et d’expression sont menacées.
En tant que journaliste, quelles difficultés avez-vous rencontrées pour couvrir les événements récents au Burkina Faso ?
Les difficultés sont nombreuses pour les journalistes restés sur place. D’abord la contrainte sécuritaire, il est très difficile de sortir de la capitale à cause du risque d’enlèvement et d’attaque des groupes terroristes. Très peu de journalistes peuvent se déplacer sur le terrain.
Puis le climat de peur qui s’est progressivement installé depuis les deux putschs en janvier et septembre 2022. La crainte des sources au téléphone d’être écouté par les djihadistes mais aussi d’être surveillé par les autorités. Il y a des pressions directes des autorités, des rappels à l’ordre contre ceux qui contrediraient la propagande officielle. Des activistes ont été arrêtés. Des journalistes ont été convoqués pour des recadrages. Plusieurs ont été menacés de mort sur les réseaux sociaux par les soutiens des militaires. La junte a suspendu la diffusion de RFI et France 24. Nous avons été expulsées, en moins de 24 heures, avec Agnès Faivre, ma consœur du journal Libération, le 1er avril dernier, sans aucun motif. Des campagnes de dénigrement et de désinformation sont menées sur les réseaux sociaux contre les médias français, dans un contexte de tension avec l’ancienne puissance coloniale, la France.
Quelles sont les histoires les plus marquantes que vous avez couvertes au cours de votre séjour au Burkina Faso ?
Beaucoup de visages… Mon premier reportage, sur la veillée nocturne des femmes pour puiser de l’eau aux fontaines de leur quartier, faute de robinets fonctionnels chez elles, ce médecin qui « répare » les jeunes filles, victimes d’excision, ce paysan qui lutte contre la désertification qui grignote ses terres arides, ces veuves de militaires tués au front lors des opérations antiterroristes, et aussi, tous ces artistes, des metteurs en scène, des danseurs, des cinéastes, qui continuent de créer, pour résister.
Comment pensez-vous que les médias peuvent aider à apporter des changements positifs dans des pays en difficultés politiques, économiques et sociales comme le Burkina Faso ?
Je crois que dans un contexte de crise, le journaliste a avant tout un rôle d’alerte, de « réveilleur des consciences ». Il doit porter la voix des victimes des tueries, des conflits, des injustices. Mais au-delà de la guerre, plutôt que de compter les morts, les attaques, j’ai envie de raconter surtout, la vie qui continue malgré tout, souvent loin des projecteurs. Parler de ceux que l’on oublie, qui subissent ou qui résistent, qui construisent quand tout s’effondre, qui créent pour ne pas se résigner, qui s’efforcent de rêver, pour ne pas désespérer. Mettre des visages, raconter leur histoire. Au Sahel, la guerre est complexe, de plus en plus désincarnée. Il y a une fatigue des récits purement sécuritaires, je crois qu’il faut tenter de changer de narratif.
Je crois aussi à la fonction sociale du journaliste, qui peut créer des ponts, tisser des liens entre les peuples. Quelle chance nous avons de pouvoir parler à une multitude d’acteurs, accéder aux différentes strates de la société, des salons feutrés des gouvernants, aux paysans dans leur champ, pouvoir rentrer dans l’intimité d’un foyer, parler aux nantis mais aussi aux plus démunis. En portant leur voix, en transmettant des images, des émotions, certaines histoires peuvent toucher et faire bouger les lignes. Peut-être transmettre un souffle d’espoir ou inspirer certains.
Le journalisme de solutions est de plus en plus populaire. Qu’est-ce que cela signifie pour vous et comment pensez-vous que cela puisse aider à résoudre les problèmes dans des pays tels que le Burkina Faso ?
C’est tenter de poser un regard optimiste et bienveillant, sans complaisance ni naïveté bien sûr, mais en s’efforçant de se dépêtrer du cynisme ambiant, omniprésent lorsque l’on couvre des drames. C’est essayer de cultiver une capacité d’étonnement, de curiosité pour des sujets qui a priori ne nous intéressent pas, chercher à apprendre sans cesse, penser contre le narratif dominant. Choisir de faire un pas de côté des événements, prendre un chemin inverse quand les caméras se rivent vers un point convergent. C’est le pari de l’audace, face à la facilité.
Comment choisissez-vous les histoires que vous couvrez dans le cadre du journalisme de solutions et comment vous assurez-vous de présenter des solutions crédibles et efficaces aux problèmes que vous identifiez ?
La presse nationale au Burkina Faso regorge d’idées de sujets d’initiatives pratiques et originales. C’est une mine d’idées de reportages. J’aime beaucoup aussi me promener, discuter avec les gens au marché, dans les kiosques à café. La rue, un espace de vie et de travail central dans ce pays, est pour moi une grande source d’inspiration.
Je choisis mes sujets selon leur pertinence et leur impact sur les problèmes confrontés. Je mène toujours ma contre-enquête pour connaître, au-delà du projet présenté, la perception des gens autour.
Comment fonctionne le statut de journaliste indépendante ?
J’ai le statut de journaliste pigiste, je collabore avec plusieurs médias, principalement Le Monde, mais aussi régulièrement avec le quotidien régional Ouest-France, qui accorde une grande place à l’actualité internationale, et le magazine L’Express. Pour vivre de ce métier, les correspondants sur le continent travaillent la plupart du temps pour plusieurs médias. En cas d’actualité dite « chaude », il arrive que d’autres médias plus généralistes nous appellent pour un papier ou une intervention ponctuelle. J’aime beaucoup cette liberté, de pouvoir choisir mes sujets et jongler avec les formats et les angles.
Pourriez-vous nous raconter dans les grandes lignes l’histoire que vous abordez dans votre podcast qui vous a valu le prix Reporters d’Espoirs 2022 ?
Ce reportage a été réalisé dans le cadre d’une série lancée par l’hebdomadaire « L’Express », intitulée « Horizons africains », sur des initiatives innovantes utilisant les technologies satellites, des drones ou l’énergie solaire pour améliorer le quotidien des populations sur le continent.
La rédaction m’a proposé de réaliser un reportage sur la plateforme « Garbal », un outil original et concret qui aide les éleveurs au Sahel à s’adapter, face à la désertification et à l’insécurité qui entravent leurs déplacements. C’est une plateforme d’appel qui permet aux paysans de consulter la météo, localiser les pistes de transhumance sécurisées, les points d’eau pour les animaux, etc. Je suis très heureuse que ce prix mette la lumière sur la condition des éleveurs nomades de la région et contribue, surtout, à poser un autre regard, plein d’espoir, sur la crise au Sahel, où l’avenir ne cesse malheureusement de s’assombrir. Dans la région, les éleveurs font partie des premières victimes de l’insécurité, des conflits et de la sècheresse.
Propos recueillis par Sixtine Guellec.