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48h pour l’Europe des solutions : immersion des lauréats du Prix européen Jeunes Reporters d’Espoirs 2025

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Par Théo Criscuolo/Reporters d’Espoirs

Lundi 15 et mardi 16 septembre 2025, Reporters d’Espoirs a réuni à Paris cinq des six lauréats du Prix européen Jeunes Reporters d’Espoirs pour deux journées d’échanges, de rencontres et d’inspiration. Ces jeunes reporters, âgés de moins de 30 ans, ont été récompensés pour leurs reportages sur les grands défis économiques, écologiques, sociaux et culturels qui traversent l’Europe.

Journée 1 : des rencontres sous le signe de la transmission

Tout commence autour d’un déjeuner avec Mémona Hintermann, grand reporter et ancienne membre du CSA. Témoin de conflits majeurs, de la chute du mur de Berlin aux guerres du Moyen-Orient, elle partage avec les lauréats son regard sur le journalisme, fait de rigueur, d’engagement et de résilience. Un moment privilégié qui prend des allures de dialogue entre générations.

Début d’après-midi. Les jeunes reporters poussent les portes du Figaro, accueillis par Anne Rovan, journaliste qui durant six années a été la correspondante du journal à Bruxelles. Elle leur livre les coulisses d’un journalisme européen exigeant, où il s’agit de rendre lisibles des institutions complexes, tout en montrant les forces souvent méconnues de l’Union. Bien que critiquée, l’Europe sait aussi faire preuve de solidarité entre États membres, rappelle-t-elle. Et si le sujet peine à captiver le grand public, une clé réside dans la manière de les raconter : donner de la « chair », c’est-à-dire incarner les enjeux en parlant de personnes réelles, plutôt que rester dans un registre purement technique et institutionnel. Une leçon qui résonne particulièrement auprès des lauréats, soucieux de placer l’humain au cœur de leurs récits.

Challenge Reporters d’Espoirs Europe : 1 soirée, 40 invités de marque rassemblés autour des 5 lauréats

C’est à Europa Expérience que la journée se poursuit, avec la cérémonie de remise des Prix. Cinq lauréats sur les six récompensés sont dévoilés ce soir-là, et prennent la parole devant un public de 40 personnalités issues des mondes médiatique, économique, politique et culturel. Au-delà de la remise des prix, la soirée prend la forme d’un laboratoire d’idées. L’objectif : réfléchir à la manière dont les médias peuvent « donner envie d’Europe » aux citoyens. L’enjeu est clair : à travers une information à spectre large, capable de montrer à la fois les problèmes et les initiatives pour y répondre, les journalistes ont un rôle essentiel pour redonner confiance dans la démocratie européenne et la coopération des peuples et des nations.

Trois ateliers thématiques rythment la soirée dont deux conçus en collaboration avec Making Tomorrow, qui apporte sa méthode de design-fiction pour stimuler la créativité et projeter les participants dans des scénarios inédits. Un atelier “biodiversité” sur “comment les médias peuvent fédérer les Européens sur la préservation de leur patrimoine naturel”, un atelier “numérique” ou “comment les médias peuvent donner envie de souveraineté numérique européenne”, et enfin un atelier animé par Maxime Verner, centré sur la question “comment les médias peuvent donner envie d’Europe aux jeunes ?”.

Entre discours des lauréats, débats et ateliers, la soirée a offert un moment unique de dialogue, où s’est dessinée une vision commune : replacer l’Europe au cœur du récit médiatique, non pas comme un sujet technique ou institutionnel, mais comme une histoire collective à laquelle chacun peut prendre part.

Jour 2 : de l’AFP à France Médias Monde, plongée dans les coulisses des rédactions

Le lendemain, les lauréats ont vécu une immersion au sein de grandes rédactions. La matinée débute au siège de l’AFP (Agence France Presse), par l’observation de la conférence de rédaction. Puis un échange nourri s’engage avec Marianne Barriaux, adjointe à la rédaction en chef pour la région Europe et Juliette Michel, adjointe au service Planète. 

Créé en 2022, ce service est devenu l’une des deux priorités stratégiques de l’AFP avec le numérique. Juliette Michel explique comment l’agence a choisi de mêler ses journalistes environnement à ceux de l’économie pour créer des synergies inédites : couvrir ensemble les activités économiques qui affectent le climat et la biodiversité. Le dispositif fonctionne si bien que le sujet infuse désormais dans tout le réseau, avec des référents identifiés pour structurer et porter cette dynamique.

Quant au journalisme de solutions, l’AFP applique une méthode exigeante, adaptée à son cas de figure spécifique, reposant sur quatre règles : 

  • Vérifier si l’angle est nouveau
  • S’assurer qu’il peut trouver un écho dans d’autres pays
  • Écrire simplement, sans jargon
  • Évaluer la crédibilité des solutions

Les rédactions sont très demandeuses de ce type de contenus porteurs d’espoir nous affirment nos interlocutrices. Et cela répond aussi à une préoccupation croissante : la santé mentale des publics, de plus en plus éprouvés par la surabondance d’informations anxiogènes.

Au fil des échanges, d’autres défis contemporains se font jour : la difficulté à produire des nouvelles positives face à l’urgence des crises, les conditions de travail des correspondants en Ukraine, ou encore le rôle de l’IA perçue comme un véritable enjeu pour l’avenir de l’agence. Enfin, les lauréats découvrent l’ampleur du travail de fact-checking mené par l’AFP, par une équipe de 100 journalistes dédiés dans le monde.

Après-midi. Cap sur les locaux du groupe France Médias Monde qui réunit notamment la radio RFI et la chaîne d’information France 24. Après une visite guidée des locaux, des plateaux TV et des salles de rédaction organisée par Ségolène Allemandou, rédactrice en cheffe d’ENTR, les lauréats rencontrent l’équipe d’ENTR. 

ENTR est un réseau de journalistes européens qui produit des vidéos à dimension transnationale, spécialement conçues pour les réseaux sociaux. Particularité : les contenus ne sont pas simplement traduits, mais adaptés aux publics de chaque pays, afin de toucher les jeunes générations là où elles s’informent et avec des formats qui leur parlent. L’équipe présente une série consacrée à l’environnement, pensée avec une approche de journalisme de solutions. Les vidéos mettent en avant des initiatives concrètes, réplicables et impactantes, ancrées dans différents territoires européens. Une manière de montrer que l’Europe n’est pas seulement une institution, mais aussi un vivier d’innovations et de réponses communes aux défis globaux.

Cette présentation fait écho aux discussions de la matinée à l’AFP : qu’il s’agisse d’une agence internationale de presse ou d’un média jeune et numérique, une même ambition se dessine. Les rédactions cherchent à intégrer l’environnement et le journalisme de solutions au cœur de leurs pratiques, répondant à une demande de plus en plus forte des publics et à un enjeu de société majeur.

De ces deux journées, une conviction ressort : l’Europe a besoin de nouveaux récits. Ces jeunes reporters, curieux, engagés et inventifs, sont prêts à les écrire. Grâce à cette immersion entre figures emblématiques du journalisme et coulisses de grandes rédactions, ils repartent avec des clés, des contacts, et une certitude : l’information européenne peut être vivante, proche des citoyens et porteuse d’avenir.

Qu’ont pensé les lauréats de leur séjour parisien ?

Esther Lubanza (République Démocratique du Congo, Kinshasa)

« En seulement 48 heures, le Prix européen Jeunes Reporters d’Espoirs a bouleversé ma vision et marqué un tournant dans mon parcours. Le concours, l’accompagnement et le Challenge du lundi m’ont portée bien au-delà de mes attentes. Moi qui pensais poursuivre en communication, j’ai découvert une évidence : le journalisme de solutions est ma voie. Ces rencontres et cette énergie collective m’ont donné confiance et l’envie de transmettre, à mon tour, des récits porteurs d’espoir. »

Amel Louzguiti (France, Lyon)

« La vie est faite de rencontres, dont certaines peuvent changer votre regard sur le monde, pour le mieux et pour longtemps. Reporters d’Espoirs fait exactement cet effet ! Le Prix, l’accompagnement, les visites que nous avons partagées m’ont offert le souffle nécessaire pour oser. Il m’a confirmé le rôle du journalisme de solutions pour éclairer le monde, servir l’intérêt général et semer des idées qui font naître de nouvelles perspectives et parfois, beaucoup. »

[Palmarès] Les lauréats du Prix européen Jeunes Reporters d’Espoirs 2025 dévoilés à Europa Expérience à Paris

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Pour la 4ème édition, 6 jeunes de moins de 30 ans sont lauréats du Prix européen Jeunes Reporters d’Espoirs pour leurs reportages sur des défis et des initiatives économiques, écologiques, sociales et culturelles. 5 d’entre eux ont été dévoilés lors de la soirée organisée le 15 septembre 2025 à Europa Expérience (Paris).

 

Reporters d’Espoirs rassemble 40 personnes – journalistes, créateurs de contenus, experts et acteurs de l‘Europe, représentants des mondes médiatique, économique, politique, culturel – autour de trois ateliers thématiques (jeunesse, numérique, patrimoine naturel) pour réfléchir à comment donner envie d’Europe aux citoyens. Plus spécifiquement, comment les journalistes et les médias peuvent, grâce à une information à spectre large, orientée à la fois sur les problèmes et les initiatives pour y faire face, amener les citoyens à croire en la démocratie européenne et en la coopération de peuples et de nations européens.

Les lauréats du Prix européen Jeunes Reporters d’Espoirs étaient eux aussi partie prenante de ces ateliers après que chacun ait raconté son reportage en 3 minutes top chrono.

Ils ont entre 24 ans et 30 ans : voici les 6 lauréats du Prix européen Jeunes Reporters d’Espoirs, sélectionnés parmi 115 candidats.

Leur mission  : réaliser un reportage en langue française sur un problème économique, social ou environnemental ; sur des initiatives qui y apportent des réponses concrètes ; avec une dimension européenne. Au terme de plusieurs mois de candidatures et d’un jury, elles et ils sont venus du Congo, du Canada, de l’île Maurice, des régions de France.

Ils participent à une immersion de 48h à Paris à la rencontre notamment de la grande reporter Mémona Hintermann, de journalistes de l’AFP et de France Médias Monde. Ils se sont également rendus à Europa Expérience pour raconter les reportages pour lesquels ils ont parcouru l’Europe et ont été désignés lauréats du Prix européen Jeunes Reporters d’Espoirs 2025.

Les 3 lauréats “France”

1er Prix : Amel Louzguiti – Seniors LGBT+ : des résidences pour passer l’hiver de sa vie en couleurs

Journaliste et vulgarisatrice scientifique, Amel Louzguiti s’intéresse dans cet article aux enjeux sociaux et culturels, reliant monde académique et grand public. Dans ce reportage, elle explore le quotidien des seniors LGBT+ en Europe, confrontés à la précarité, à la solitude et à la discrimination, et met en lumière les résidences inclusives qui leur offrent un cadre sûr et communautaire.

2e Prix : Emma D’Aversa – “Avec les Caravanes, on essaie d’abolir la prison pour mineurs

Diplômée en histoire et en journalisme, Emma D’Aversa s’intéresse aux initiatives sociales et éducatives. Dans ce reportage, elle suit un séjour de marche collective pour mineurs en difficulté avec la justice, porté par l’association italienne Exodus, qui milite depuis 2020 pour l’abolition de la prison pour mineurs. À contre-courant du gouvernement de Giorgia Meloni et de son décret Caivano, le projet Pronti Via propose une alternative humaine et éducative face au phénomène croissant des baby-gangsters.

3e Prix : Thibaut Camboulives – La Sécurité Sociale de l’Alimentation : une idée qui fait son chemin

Journaliste spécialisé dans les questions sociales et environnementales, Thibaut Camboulives explore les expérimentations locales de la Sécurité sociale de l’Alimentation. Entre Cadenet, Montpellier, Bordeaux, Dieulefit, Toulouse, ainsi qu’en Belgique et en Suisse, il décrit des initiatives qui testent concrètement ce modèle innovant, prometteur de transformer en profondeur nos systèmes alimentaires et agricoles, malgré l’absence de vote national.

Les 3 lauréats “francophonie”

1er Prix : Esther Lubanza – Quand les petits villages ouvrent grand leurs portes : comment Camini transforme l’accueil des migrants en opportunité (République Démocratique du Congo)

Étudiante en sciences de l’information et de la communication, Esther Lubanza Ngangu s’intéresse aux dynamiques sociales et territoriales. Dans ce reportage, elle met en lumière Camini, village du Sud de l’Italie, qui accueille des migrants pour revitaliser sa vie économique et sociale, s’inspirant de l’expérience pionnière de Riace. À travers ce modèle d’hospitalité dispersée soutenu par les financements européens, elle montre comment un défi migratoire peut se transformer en opportunité au cœur des débats européens sur l’intégration.

2ème Prix : Alice Girard Bossé – Quand la salle d’urgence vient au patient (Canada)

Journaliste au quotidien québécois La Presse, Alice Girard-Bossé allie son expertise en neurosciences à son intérêt pour la santé publique. Dans ce reportage, elle suit les ambulances spécialisées pour les accidents vasculaires cérébraux (AVC), une initiative née à Hombourg, en Allemagne, et reproduite dans une vingtaine de villes dans le monde. Au cœur de ces équipes médicales, elle met en lumière leur détermination à sauver des vies grâce à des interventions rapides et innovantes.

Le 3e lauréat de cette catégorie sera révélé le samedi 29 novembre 2025 à 12h lors des Tribunes de la Presse à Bordeaux.

A propos du jury

Le jury était constitué cette année de Marianne Barraux, rédactrice en chef adjointe Europe à l’AFP ; Paolo Levi, correspondant de La Stampa et d’ANSA (Italie) ; François Vey rédacteur en chef de Légende et journaliste à Le 1 Hebdo ; Ségolène Allemandou, rédactrice en chef du média ENTR ; Etienne Pflimlin, président d’honneur de la Fondation du Crédit Mutuel pour la lecture ; Christophe Leclercq, fondateur du média Euractiv et président de la Fondation Europe Média Lab ; Dorothée Merville, directrice générale de la Fondation Hippocrène ; Pascal Canfin, journaliste et député européen ; Serge Michel, journaliste et fondateur du média Heidi.news ; Dorian de Meeus, rédacteur en chef de La Libre Belgique ; Alexia Kefalas, correspondante en Grèce pour Le Figaro, France 24 et Le Point ; Carolin Ollivier, directrice de l’information d’ARTE ; Amélie Reichmuth, lauréate du Prix 2024 ; et Nora Hamadi, journaliste à France Inter.

Sélection de photos de la soirée et des lauréats 
Journalistes et producteurs de contenus : des photos sont à votre libre disposition et téléchargeables sur le lien ci-dessous – merci de créditer : Copyright Augustin Perraud/Reporters d’Espoirs

15.09.2025 Reporters d’Espoirs célèbre l’Europe avec les 6 lauréats de son prix jeunes et 40 personnalités

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Les « 48 heures pour l’Europe des solutions » reviennent pour une deuxième saison : les 15 et 16 septembre 2025, Reporters d’Espoirs rassemble les 6 lauréats de son Prix européen Jeunes Reporters d’Espoirs en provenance du monde entier, ainsi que 40 personnalités. Ensemble, ils vont travailler sur des idées de sujets, d’angles, des manières de traiter médiatiquement du continent, de ses institutions, des réalités de terrain et des coopérations des peuples et des nations européens. Objectif : répondre à la question « Comment les médias peuvent-ils donner envie d’Europe ? ».

Pendant 2 jours, les lauréats vont rencontrer des journalistes, grands reporters, visiter les rédactions de l’AFP, du Figaro ou encore d’ENTR. Et, à l’occasion d’ateliers animés notamment par Making Tomorrow, interagir avec 40 personnes provenant des mondes médiatique, économique et politique.

Rendez-vous sur ce site pour partager avec vous ces rencontres et leurs résultats !

48 h pour vivre l’Europe des solutions

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Le 3Prix européen jeunes Reporters d’Espoirs a été décerné à Paris, en février dernier, à sept jeunes originaires du Danemark, de Suisse, de France… et même du Sénégal ! L’équipe de Reporters d’Espoirs a embarqué les lauréats à la rencontre de journalistes de l’AFP et du « Figaro », et d’experts des enjeux européens. Retour sur ces deux journées. Paul Chambellant, 22 ans et futur étudiant en journalisme qui a contribué à l’organisation de ce Prix en tant que service civique, retrace ces deux journées. Quant à Angélica Tarnowska, globetrotteuse et journaliste correspondante de Reporters d’Espoirs au Royaume-Uni, elle revient sur la soirée organisée en leur honneur à la Gaîté Lyrique, à Paris.

Par Paul Chambellant et Angélica Tarnowska/Reporters d’Espoirs

 

Lundi 12 février 2024
Le rendez-vous est donné à 13 h au Caffe dei Fratelli, dans le 1er arrondissement de Paris.

C’est là que nous rencontrons Pierre Terraz, Amélie Reichmuth (venue de Suède), Emilie Andrieux et Sami Zaïbi (venu de Suisse), 4 des 7 lauréats décorés par ce Prix européen du jeune reporter, pour un déjeuner aux accents italiens. Alors, pâtes ou pizza ? Les choix diffèrent selon qu’ils soient pigistes, correspondants, data journalistes, photoreporters… ou professeurs, un ami de Sami nous ayant rejoints. Si lui est un profane du monde journalistique, les lauréats quant à eux y sont immergés : qu’ils soient issus d’une école ou formés sur le terrain, ils se destinent tous au journalisme. L’occasion de se découvrir des points communs insoupçonnés et de s’émerveiller devant des parcours d’ores-et-déjà inspirants. Amélie parle six langues, Pierre a appris le photojournalisme en autodidacte après une école de communication, Sami vient de s’installer au Caire pour y apprendre l’arabe et devenir correspondant, Emilie maîtrise déjà l’art des infographies… De vrais couteaux suisses !

 

14 h 30.
L’heure de rejoindre les locaux de Reporters d’Espoirs pour rencontrer les membres de L’Atelier Europe – Patrick d’Humières, Gabriela Martin, Aymeric Bourdin et Michaël Malherbe. 

Au programme : une discussion sur l’état de l’Europe, les défis des élections et de la mandature à venir et le rôle de vulgarisation des journalistes. A la fois européens convaincus et analystes critiques des institutions, ils s’engagent dans la poursuite du projet européen à travers voyages d’étude et analyses des révolutions écologique et industrielle. Nous abordons des sujets aussi variés que le difficile arbitrage européen de l’intelligence artificielle après la « révolution manquée » d’Internet, la communication européenne en matière de politique environnementale, ou encore les enjeux posés par l’hypothèse d’un élargissement de l’Union Européenne en pleine guerre à ses frontières. Les lauréats ont su s’affranchir de l’aspect un peu académique de la rencontre, s’inspirant de leurs expériences de terrain pour interroger l’indépendance des journalistes européens et la pertinence d’un Pacte Vert à l’échelle européenne.

 

17 h.
Cap sur les imposants locaux de l’Agence-France Presse (AFP), place de la Bourse à Paris.

Septième étage, vue imprenable sur Paris. Nous rencontrons Guillaume Rollin, rédacteur en chef du service vidéo de l’AFP, Cécile Feuillatre, journaliste au service international, Kadir Demir, journaliste au service vidéo, et Coline Sallois, chargée de communication et de projets, pour une heure de questions-réponses sur les coulisses de leur métier, la couverture des terrains de conflits, le sort des journalistes palestiniens à Gaza, les choix éditoriaux d’une rédaction d’envergure internationale… Tous sont journalistes multi-tâches, tantôt en « desk » tantôt sur le terrain, et chez chacun résonne l’idée que le sigle AFP doit rester un gage d’indépendance et de qualité de l’information. Nous visitons ensuite la newsroom, clignotant de mille feux au rythme d’une actualité mondiale qui s’affiche sur une multitude d’écrans, avant de libérer les lauréats pour la soirée.
Voilà qui vient conclure cette première journée passée sur la route de l’info !

 

Mardi 14 février, 9 h 30.
Rendez-vous avec Renaud Girard, grand-reporter au « Figaro ».

Une lauréate est arrivée avant les autres : Cristina Coellen, étudiante autrichienne en école de journalisme à Paris. Bientôt rejoints par les autres lauréats, nous découvrons ensemble les bâtiments somptueux du Figaro, s’étendant sur une dizaine d’étages. C’est un Renaud Girard souriant et pensif qui nous y accueille, grand reporter au Figaro et spécialiste des crises et conflits mondiaux. Kosovo, Israël, Afghanistan, Ukraine, Irak… Lui qui a couvert toutes les guerres depuis 1984 s’en souvient avec vivacité, avec silence aussi parfois. C’est que le « souffle de l’histoire » qu’il a senti passer à de multiples reprises semble toujours l’habiter aujourd’hui, l’invitant à la contemplation. Il fait l’éloge de la lenteur sur les terrains en conflit, comparant les journalistes à des « historiens de l’instant ». Prendre le temps de la compréhension, choisir une histoire à raconter qui parle des gens et aux gens pour mieux rendre compte de la réalité : il faut montrer qu’on a été sur place, qu’on peut apporter de la valeur ajoutée. Inspirés par le personnage, son érudition et son parcours, nous prenons une photo de groupe pour immortaliser ce moment hors du temps, butte Montmartre en arrière plan. Et quittons le journal, nous prêtant à rêver nous aussi de pouvoir sentir le souffle de la grande histoire sur le terrain d’un reportage.

 

 

Mardi, 19h.
Soirée de remise des Prix et conférence de rédaction « Médias : donnez-nous envie d’Europe », à la Gaîté Lyrique, à Paris.

C’est donc à la Gaîté Lyrique que s’est tenu le final, mardi 13 février au soir, avec la 3édition du Prix européen jeunes Reporters d’Espoirs. Dans une effervescence positive, tous se sont retrouvés pour découvrir les sept lauréats sélectionnés parmi 140 candidats. L’objet du concours ? Réaliser un reportage sur des réponses concrètes apportées à un problème économique, social ou environnemental, avec une dimension européenne. Le défi ? Nous donner envie d’Europe ! Alexia Kefalas, correspondante de France24 et du Figaro, venue tout spécialement d’Athènes, menait la danse avec brio. Une soirée ponctuée des croquis plein d’humour signés Serge Bloch.

Le Best-of des Jurés

Chacun des jurés présents a évoqué le sujet qui l’a le plus enthousiasmé : Nicole Gnesotto, vice-Présidente de l’Institut Jacques Delors, a salué le reportage de Pierre Terraz, « Morts sous X », pour son originalité, la dignité et la délicatesse de son traitement. Étienne Pflimlin, à la tête de la Fondation du Crédit Mutuel pour la lecture, a retenu le sujet d’Émilie Andrieux, « Étudiants secouristes en santé mentale à l’Université de Bordeaux ». Patrick d’Humières, pionnier de la réflexion sur les médias et l’Europe, a été touché par le sujet d’Amélie Reichmuth, « Danemark : Grâce à Elderlearn, l’intégration devient un vecteur de lien social ». « Dans une société divisée, repliée sur soi et avec la peur des autres, ce projet valorise une Europe intergénérationnelle, où au contact des anciens, des réfugiés peuvent resocialiser, revivre, c’est un beau signe d’espoir », partage-t-il. Christophe Leclerc, fondateur d’Europe Média Lab, a lui aimé le sujet de Sami Zaïbi, « Samsø et l’énergie renouvelable, l’utopie devenue réalité ». Enfin, Dorothée Merville, Directrice générale de la Fondation Hippocrène, a choisi l’article de la journaliste autrichienne Cristina Coellen, « Extraire la chaleur des eaux usées, une technique de chauffage durable à la conquête des villes européennes ». « On y voit comment les solutions locales peuvent être répliquées partout et ce sujet donne envie d’Europe ! », commente-t-elle. Un vrai bon point car l’Union Européenne est assez dépréciée.

L’Europe mal-aimée et ses institutions méconnues : une image à redorer !

« L’Europe est devenue un bouc émissaire. Brisons ce cercle vicieux, ayons l’honnêteté de reconnaître les conquêtes nées d’une impulsion européenne et arrêtons de pointer les technocrates ! Car ces derniers, moins nombreux que les fonctionnaires de l’Île-de-France par exemple, sont souvent des jeunes, qui gèrent de Bruxelles une administration qui concerne 450 millions d’Européens », explique Paolo Levi, correspondant italien de « La Stampa » et de l’Agenzia Nazionale Stampa Associata  (Ansa). « L’Europe n’est pas un projet accompli mais une construction en cours ! », renchérit Bernard Guetta, Député européen Renew et journaliste. « Pour beaucoup, l’Europe reste une entité approximative et un pouvoir quasi-martien : Bruxelles est la capitale de la Belgique, mais accueille aussi les trois institutions de l’Europe, Conseil, Parlement et Commission. Or la place qui leur est consacrée dans les médias reste faible. On commence à peine à évoquer les débats au Conseil ou au Parlement européens… En défendant l’Europe, c’est un cri de besoin et de nécessité que je lance ! », conclut Bernard Guetta. Pour François Vey, rédacteur en chef des revues « Zadig » et « Légende », l’Europe des nations existe déjà : « La majorité du pouvoir est détenue par le Conseil européen, c’est lui qui tranche car il tient les cordons de la bourse ». Reste à faire découvrir la réalité de l’Union européenne, « trop souvent perçue comme ennuyeuse », explique Éléonore Gay, qui lui donne corps justement avec son émission « Nous les Européens », sur  France 2. Elle ajoute : « Mais les cartes ont été rebattues par la guerre en Ukraine. Les gens manifestent une curiosité nouvelle pour les équilibres géopolitiques. Des valeurs communes comme la paix resserrent les liens. À nous journalistes de faire aimer l’Europe ! ». 

Pitch des lauréats et conférence de rédaction

Venus d’Europe et même d’Égypte, il est temps pour les cinq lauréats [deux lauréates n’ont pu être présentes : Ndeye Fatou Toure (Sénégal) et Marie Dougnac (Bordeaux] de pitcher leur reportage afin de déterminer le sommaire idéal d’un journal dédié à l’Europe. Émilie démarre : « un étudiant sur six a une santé mentale dégradée. Depuis 2019, une formation australienne en secourisme psychologique se propage. À Bordeaux, 1 000 étudiants de fac la suivent, plus de 80 % sont prêts à aider leurs pairs, un franc succès pour des gestes qui peuvent sauver des vies ». Pour Mémona Hintermann, grand reporter, « voilà un grand sujet de société, car face aux 200 000 tentatives de suicides par an, il manque plus de 1 000 psychiatres en France ». Amélie a elle suivi l’association Elderlearn, qui a déjà créé au Danemark 1 600 binômes d’anciens, souvent trop seuls, avec des immigrés, qui veulent apprendre, avec 80 % de retours positifs ! Une idée lumineuse qui a tout pour s’exporter, pour une société inclusive et résiliente. Christina pitche : « L’eau peut avoir une seconde vie grâce à l’aquathermie, une technique réplicable partout ». Et Sami raconte Samsø, la première île autonome en énergie. « Les Danois sont ultra-pragmatiques, note Éléonore Gay, ils se sont organisés, ont confiance en l’autre, sont actionnaires de l’éolien, c’est un modèle visité par des groupes du monde entier ». Mémona Hintermann souligne : « là, c’est l’Europe qui marche ! ». Bernard Guetta note : « Européens, constructifs, passionnants, ces reportages sont parfaits pour l’ouverture des pages société, ils feront des émules ». Le sujet retenu par la majorité pour trôner en Une sera celui de Pierre Terraz qui a voulu savoir où était enterré « son » SDF, et a découvert le cimetière des Jardins de la Fraternité et ses tombes « sous X », à Thiais (94), où, avec, les collectifs de citoyens qui recherchent les familles de ces milliers de morts de la rue sans identité (migrants, vieux, corps retrouvés dans une rivière, bébés abandonnés… ». Bernard Guetta ponctue : « si je parle comme le directeur de rédaction que j’ai été à « L’Obs » et à « L’Expansion », alors le sujet sur les morts sous X, on achète, c’est intriguant, c’est forcément le sujet retenu pour faire la Une ».

Qu’ont pensé les lauréats de leur séjour parisien ?
Amélie Reichmuth et Sami Zaïbi témoignent. 

Avec deux Erasmus à Sciences Po, Amélie Reichmuth, franco-allemande basée en Suède et mariée à un Danois, est résolument européenne. Elle se passionne très tôt pour le journalisme de solutions et avait déjà postulé au Prix européen du jeune reporter les années précédentes, une persévérance payante ! « Les visites organisées par Reporters d’Espoirs la veille étaient formidables, une occasion d’échanger avec des reporters de renom comme Renaud Girard, de voir comment pitcher un sujet, et aussi de tisser des liens entre lauréats aux profils très variés, autodidactes comme moi ou sortis d’écoles de journalisme. Débats à bâtons rompus, avis engagés… la soirée était formidable ! Seul petit regret, on aurait aimé que le public aussi participe par vote à la conférence de rédaction. » 

Sami Zaïbi, lui, a particulièrement aimé la visite à l’AFP : « on utilise tous les jours leurs dépêches, découvrir la mécanique et le nombre de journalistes dédiés à l’info était fascinant ». Curiosité, amour de l’écriture et de la transmission, le Tuniso-Suisse a étudié à l’Académie du Journalisme à Neuchâtel, « avec Serge Michel, Prix Albert Londres, le journalisme constructif y était évoqué plus que vraiment enseigné ». Journaliste chez « Le Temps », il a pris une année sabbatique pour apprendre l’arabe en Égypte, mais continue de rédiger une newsletter hebdomadaire sur le Moyen-Orient: « Elle s’intitule « Le Point du Jour » et comporte une rubrique Une Raison d’Espérer… Pas toujours simple à alimenter ! »

2 octobre / 17 octobre / 13 novembre : les Webinaires d’information pour vous, candidats au Prix européen jeunes Reporters d’Espoirs

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Vous souhaitez candidater au Prix européen jeunes Reporters d’Espoirs et avez des questions sur ses modalités, des interrogations sur le choix de votre sujet, sur la dimension européenne à donner à votre reportage… ?
Nous sommes à votre disposition pour des conseils personnalisés, notamment à l’occasion de webinaires collectifs pour vous faire profiter de témoignages de lauréats des années précédentes.

Nous vous donnons rendez-vous en ligne :

  • mercredi 2 octobre 2024 de 18h à 18h45
  • jeudi 17 octobre de 18h à 18h45
  • mercredi 13 novembre de 18h à 18h45

>Toutes les infos sur le Prix sont également à retrouver sur la page dédiée

Prix européen jeunes Reporters d’Espoirs : ne manquez pas notre webinaire d’information !

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Avis aux candidats du Prix européen jeunes Reporters d’Espoirs : nous vous invitons à un webinaire d’information le lundi 8 juillet à 18h pour un échange autour du Prix.

Au programme :

  • Présentation du Prix européen jeunes Reporters d’Espoirs
  • Temps d’échange avec questions / réponses
  • Témoignage d’une lauréate de l’édition 2023

Voici le lien du webinaire.

A bientôt !

L’équipe de Reporters d’Espoirs

Ce que candidater au prix Reporters d’Espoirs m’a appris – Pierre Terraz

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Pierre Terraz est un jeune journaliste indépendant, qui parcourt le monde pour couvrir les conflits, de la guerre en Ukraine à la guerre civile en Birmanie, en passant par la guerre entre Israël et le Hamas, ou le conflit kurde en Turquie du Sud-Est. Talentueux lauréat du Prix européen Jeunes Reporters d’Espoirs 2023, il a aussi remporté le prix de la fondation Varenne et la bourse Lagardère.


Comment as-tu pris connaissance du Prix Européen Jeunes Reporters d’Espoirs ?

Je cherchais sur internet des concours et bourses auxquels candidater. Je suis tombé dessus en tapant « prix jeune ».

Qu’est ce qui t’as donné envie de postuler à ce prix en particulier ?

J’avais déjà postulé l’année d’avant, mais je savais que mon article ne correspondait pas aux critères. Entre temps, j’ai réalisé mon reportage Morts sous X, qui me paraissait plus approprié pour postuler une deuxième fois. Le prix présente beaucoup d’avantages. La dotation est généreuse. De plus, il y a une richesse dans l’accompagnement. Lorsque j’ai présenté ma première version, on m’a conseillé de comparer la situation française avec celle d’autres pays pour intégrer la dimension européenne. C’est à partir de là que j’ai trouvé les solutions. J’ai remarqué que le nombre de morts inconnus en Belgique est beaucoup moins élevé qu’en France, et j’ai vu ce qui était mis en place pour lutter contre ce phénomène. Le prix a une visée pédagogique, ce qui est un réel avantage.

Surtout pour toi qui n’a pas fait d’école de journalisme, ça te permettait de te former en même temps ?

Oui, j’étais en RH [ressources humaines] au CELSA. Au moment de trouver un stage, j’ai postulé dans des rédactions parce que je ne voulais pas faire RH. J’ai été pris au service Culture du Figaro, puis à celui de Libération. L’accompagnement proposé permet aussi d’avoir un regard extérieur sur son travail, c’est formateur. J’ai vu une nette amélioration entre la première version de mon article et la deuxième. J’avais entendu parler du journalisme de solutions, mais avant cela je n’avais pas la méthode.

Quels autres bénéfices tires-tu de cette expérience ?

Le réseau est un autre avantage de ce prix. J’ai par exemple sympathisé durant la soirée de remise du prix avec le dessinateur Serge Bloch. On a échangé nos contacts, on s’est revu après. Il m’a présenté aussi à d’autres personnes. Ça crée du lien avec les gens du milieu.

Un conseil aux prochains candidats ?

Je les encourage vivement à lire les reportages de l’année précédente, ce qui, personnellement, m’a été fort utile pour mieux saisir ce qui était attendu.

 

Propos recueillis par Maëlle Widmann pour Reporters d’Espoirs

Cristina Coellen, lauréate du prix Européen Jeunes Reporters d’Espoirs

By Prix EUNo Comments

Etudiante en journalisme et déjà forte de plusieurs expériences, Cristina Coellen vient d’Autriche et étudie à Paris. Pour ce reportage très incarné, elle s’est penchée sur la chaleur des eaux usées comme technique de chauffage durable dans plusieurs villes d’Europe. A grand renfort de graphiques et de témoignages d’acteurs de terrain, elle expose des initiatives permettant de « ne pas laisser filer la chaleur dont on dispose déjà ».

Elle a reçu le deuxième prix dans la catégorie « Francophonie » pour son reportage « Extraire la chaleur des eaux usées, une technique de chauffage durable à la conquête des villes européennes».

Extraire la chaleur des eaux usées, une technique de chauffage durable à la conquête des villes européennes – Cristina Coellen

Face à l’urgence climatique, augmenter les sources d’énergie dites « vertes » est devenu impératif pour les villes européennes. En France, Autriche et en Allemagne, certaines cherchent la solution dans les égouts, qui représentent un potentiel considérable pour le chauffage – et même le refroidissement – des bâtiments.

C’est un bâtiment discret, presque caché au milieu d’un parc verdoyant du XIVe arrondissement de Paris. Une demie douzaine de nageurs téméraires profitent de l’heure du déjeuner pour tracer quelques longueurs à la piscine Aspirant Dunand. Au-dessus du bassin, un panneau affiche la température de l’eau : 26°C. Ce que peu des visiteurs sportifs soupçonnent : le bassin dans lequel ils plongent est en fait chauffé grâce aux eaux usées.

Une technologie jusqu’à présent peu connue et répandue, de plus en plus de collectivités et constructeurs européens se tournent aujourd’hui vers la récupération de chaleur des eaux usées dans la quête de sources d’énergie plus propres et durables. « La chaleur est déjà là, on peut l’extraire en toute sécurité et on dispose de la technologie. Alors pourquoi ne pas l’utiliser ? », déclare Rowan Benning, conseillère auprès du Netwerk Aquathermie. Cet institut de recherche néerlandais étudie la récupération de chaleur, aussi appelée aquathermie de son nom scientifique – littéralement, la chaleur provenant de l’eau.

Exploiter la chaleur latente

Si l’aquathermie peut également se servir de l’énergie thermique contenue dans l’eau potable ou de surface, de nombreux projets se concentrent aujourd’hui sur le potentiel des eaux usées. Car chaque jour, des millions de litres d’eau chaude provenant de douches, lave-vaisselles ou encore machines à laver finissent dans les canalisations européennes. De ce fait, la température des égouts reste à une température relativement stable toute l’année: à Paris par exemple, elle est comprise entre 13°C et 20°C. « Le principe, c’est toujours d’aller récupérer des calories, c’est-à-dire de la chaleur, dans le réseau d’assainissement », explique Damien Balland, responsable innovation et performance énergétique à la ville de Paris.

Installé directement dans les canalisations, un échangeur thermique permet de transférer la chaleur des eaux usées vers un fluide caloporteur, généralement de l’eau propre. Souvent, une pompe à chaleur concentre alors la chaleur avant de la réinjecter dans le système de chauffage de bâtiments, voire de quartiers entiers. Pour éviter tout risque de contamination, les eaux usées et le fluide caloporteur ne se mélangent jamais, ajoute Rowan Benning. Pour certaines installations, le processus peut d’ailleurs être inversé pendant l’été : profitant de la température de l’eau relativement basse par rapport à celle de l’extérieur, l’aquathermie peut alors être utilisée pour rafraîchir et climatiser les bâtiments connectés au système. Reconnue comme énergie renouvelable par la Commission européenne en 2018, l’énergie latente contenue dans les eaux usées reste aujourd’hui encore largement inexploitée.

Pourtant, à l’heure où les pays du monde entier s’efforcent de réduire leur empreinte carbone, l’utilisation de cette source de chaleur facilement accessible pourrait éviter d’importantes quantités d’émissions de gaz à effet de serre. Selon les dernières données d’Eurostat, le chauffage et rafraîchissement de bâtiments représentent le premier poste d’énergie finale consommée à travers l’Union européenne (UE). Plus de 70% de cette énergie continue à provenir de combustibles fossiles comme le gaz, principaux responsables du changement climatique. Dans ce contexte, l’aquathermie offre une source d’énergie alternative décarbonée, similaire à la géothermie.

Atteindre les objectifs du plan climat

A Paris, les premiers projets d’aquathermie datent d’il y a environ une décennie. Après une première phase d’expérimentation hésitante, l’administration locale veut désormais accélérer et augmenter l’utilisation de cette technologie, selon Damien Balland de la ville de Paris. Alors que la capitale française vise une transition vers 100% d’énergies renouvelables et de récupération d’ici 2050, le déploiement de l’aquathermie s’inscrit notamment dans l’objectif de produire un cinquième de cette énergie localement. Balland insiste particulièrement sur la complémentarité de l’aquathermie: « On n’est pas en train de privilégier une source d’énergie par rapport à une autre. Mais on sait qu’il faut faire tout à la fois pour pouvoir atteindre les objectifs du plan climat. »

L’aquathermie est particulièrement adaptée à des lieux qui sont régulièrement utilisés du matin au soir, comme les écoles et piscines, ainsi que les administrations publiques telles que les mairies. Même le palais de l’Elysée est en partie chauffé grâce aux égouts. Ces bâtiments ont un déversement d’eau continu, ce qui permet d’optimiser le potentiel de chaleur récupérée. Depuis l’installation d’un collecteur d’eaux usées en 2020, le groupe scolaire Parmentier et la mairie du XIe arrondissement à Paris ont par exemple pu éviter l’émission de 102 tonnes de CO2 par an.

Une certaine densité des canalisations ainsi qu’une relative proximité entre le réseau d’égouts et les bâtiments connectés sont également nécessaires pour garantir un flot d’eau suffisant et le succès des projets d’aquathermie. Mais même dans les métropoles comme Paris, ce n’est pas toujours le cas. Pour contourner ce problème, certaines villes portent leur attention vers un autre point clé du réseau: plutôt que d’aller chercher la chaleur directement dans les canalisations, l’aquathermie peut également être appliquée à la sortie de stations d’épuration.

Plus de 100 000 ménages alimentés à l’aquathermie

C’est la solution qu’a choisie Wien Energie, le fournisseur d’énergie de Vienne. A Simmering, dans le sud-est de la capitale autrichienne, l’entreprise construit actuellement l’une des pompes à chaleur les plus performantes d’Europe. Haute de 12 mètres, elle alimente déjà 56 000 foyers depuis sa mise en route partielle cette année; à terme, le projet vise à doubler cette capacité pour fournir de la chaleur durable à plus de 100 000 ménages viennois d’ici 2027.

Pour atteindre une telle capacité, le projet profite notamment d’une spécificité urbaine de la capitale autrichienne, explique Christoph Segalla, chargé du projet à Simmering: une seule station d’épuration traite les eaux usées de ses quelque deux millions d’habitants. « Toute l’eau se rassemble finalement à un seul endroit. C’est un grand avantage, qui nous permet d’aménager une très grande centrale de récupération de chaleur », poursuit Segalla.

La technologie fonctionne de façon très similaire à d’autres projets d’aquathermie, si ce n’est qu’à une plus grande échelle: l’eau, assainie après son traitement par la station d’épuration, passe par un échangeur de chaleur qui lui retire environ 6°C. Une température encore relativement faible, mais que la pompe à chaleur de Simmering peut concentrer jusqu’à 90°C. L’eau, quant à elle, poursuit son cours normal et est relâchée dans le canal du Danube.

A Vienne comme à Paris, le coût d’investissement reste cependant un frein important dans la généralisation de l’aquathermie. A Simmering par exemple, l’installation est évaluée à environ 70 millions d’euros. « Les projets doivent faire sens d’un point de vue économique. Vérifier que c’est bien le cas peut être un long processus », confirme Christoph Segalla. Un constat partagé par Damien Balland à la ville de Paris: « Avant de dépenser des millions d’euros, il faut être sûr de soi. Donc il y a en phase d’amont énormément d’études, de vérifications et d’étapes de validation pour permettre de déclencher des travaux. »

Des obstacles supplémentaires en dehors des grandes villes

La récupération de chaleur des eaux usées ne se limite cependant pas aux grandes capitales comme Vienne ou Paris. De plus en plus de villes de taille moyenne s’intéressent également à l’aquathermie. Parmi les collines boisées du nord du land de Hesse, au cœur de l’Allemagne, se trouve la ville de Marbourg. Depuis quelques années déjà, la petite ville pittoresque de 77 000 habitants cherche à augmenter et diversifier ses sources d’énergie renouvelables, ayant déjà investi dans la biomasse et le solaire.

Désormais, l’urgence climatique et le plan gouvernemental qui prévoit de décarboner entièrement les sources d’énergie en Allemagne d’ici 2045, la poussent vers des solutions qu’elle n’avait pas encore considérées auparavant – comme l’aquathermie. Brian Thissen, l’un des responsables au service eau et assainissement de la ville de Marbourg, explique : « Nous avons appris l’existence de cette technologie uniquement grâce à une séance d’information, où une entreprise spécialisée en aquathermie nous en a parlé. » Depuis environ six mois, la ville de Marbourg conduit une étude sur son réseau d’égouts pour identifier les endroits les plus adaptés à l’installation d’échangeurs de chaleur. Selon Thissen, la petite taille de la ville ne semble pour l’instant pas poser problème, les résultats des premiers tests étant plutôt positifs. Mais il reconnaît aussi que l’aquathermie est une solution souvent limitée en dehors des grandes zones urbaines, faute de réseau d’égouts assez denses ou de stations d’épuration à haut débit. Les sources de chaleur de récupération potentielles s’en trouvent amoindries. À la campagne ou dans les très petites villes, il reste difficile de mettre en œuvre la technologie et de l’exploiter pleinement.

Vers des solutions individuelles

Dans ces cas, il reste l’option d’aller puiser la chaleur encore plus près de sa source d’origine: à savoir, directement au siphon ou au pied de l’immeuble, avant que les eaux usées ne partent dans le système d’égouts. Alors que beaucoup de bâtiments répondent aujourd’hui à des standards énergétiques très élevés, avec des fenêtres, toits et murs isolés, on ne pense souvent pas à la chaleur qui s’échappe à travers les canalisations, déplore Hugo Durou, président de l’association européenne pour la récupération de chaleur des eaux usées, WWHR Europe. Celle-ci rassemble aujourd’hui 22 inventeurs, fabricants et distributeurs de systèmes d’aquathermie à travers l’Europe. Fonctionnant sans pompe à chaleur, cette forme d’aquathermie s’applique surtout à la récupération de chaleur de l’eau des douches. Les degrés extraits de l’eau usée servent directement à préchauffer l’eau de la prochaine douche: la chaleur reste ainsi dans une sorte de boucle fermée. Selon une étude de la Commission européenne, l’extension de cette technologie pourrait permettre d’éviter 4,5 millions de tonnes d’équivalent pétrole à travers le continent. « Avant de chercher à produire de la chaleur, on a tout intérêt de ne pas laisser filer celle dont on dispose déjà. D’autant qu’on l’a déjà payée », insiste Durou. D’après ses calculs, l’installation d’un récupérateur de chaleur au niveau de la douche permettrait d’économiser jusqu’à 300 euros sur la facture d’énergie annuelle d’un foyer, pour un coût d’installation de 500 à 1 000 euros. Le système doit cependant être pensé à l’avance, souvent au moment-même de la construction, pour être compatible avec la tuyauterie de l’immeuble. Cela reste donc une solution limitée pour les bâtiments déjà existants.

Comme le rappelle Damien Balland de la ville de Paris, l’aquathermie est donc à envisager comme une solution qui ne peut venir combler les besoins énergétiques des villes à elle toute seule, mais qui doit faire partie d’un ensemble : « C’est comme un puzzle qu’on est en train de monter, où les différentes pièces vont finir par s’imbriquer. »

Ndeye Fatou Toure, lauréate du prix Européen Jeunes Reporters d’Espoirs

By Prix EUNo Comments

Ndeye Fatou Toure, 29 ans, est journaliste et reporter au Sénégal. Passionnée de technologie, c’est pourtant une initiative très terre-à-terre qu’elle s’est attachée à décrire dans le cadre de ce reportage. Village Pilote, une ONG sénégalaise qui s’est depuis étendue en Europe, c’est cette « lueur d’espoirs pour les enfants des rues » qui prend en charge des centaines d’enfants vivant dans l’extrême pauvreté et les accompagne dans leur formation et éducation. L’objectif ? Construire un avenir meilleur, « dans une ambiance conviviale et solidaire ».

Elle a reçu le troisième prix dans la catégorie « Francophonie » pour son reportage « L’ONG Village Pilote, une lueur d’espoir pour les enfants des rues ».

Sénégal : l’ONG Village Pilote, une lueur d’espoir pour les enfants des rues – Fatou Toure

Implantée à Lac Rose, à 35 kilomètres dans le Nord-est de Dakar, Village Pilote est un centre d’accueil pour les enfants des rues au Sénégal. Depuis sa création en 1994, par le Français Loïc Treguy et le Sénégalais Chérif Ndiaye, l’ONG s’est donnée pour mission d’accompagner les enfants et les jeunes, en particulier les plus vulnérables, afin de les élever et les soutenir. Avec des antennes et des comités de soutien en Europe, plus précisément en France, en Belgique, au Luxembourg et en Suisse, l’association étend son action au-delà des frontières sénégalaises.

La mendicité forcée des enfants reste un fléau persistant malgré les engagements pris par le gouvernement sénégalais. L’organisation française se bat depuis plus de 30 ans pour sortir ces enfants des rues et leur offrir une vie meilleure. Au cœur de cette lutte, le centre d’accueil offre aux enfants talibés

(issus des écoles coraniques, NDLR) une lueur d’espoir. À travers des actions concrètes, il s’est donné pour mission de trouver des solutions durables pour la réinsertion de ces enfants laisser à eux-mêmes dans les artères de Dakar. L’équipe du directeur et co-fondateur Loïc Treguy mène des actions sur le terrain depuis plusieurs décennies. Son engagement est multiple : santé, éducation, sécurité, formation professionnelle et protection des droits de l’enfant. L’association intervient principalement dans la capitale sénégalaise, où de nombreux talibés vivent dans des conditions déplorables, victimes de maltraitance et exclus du système scolaire.

En ce qui concerne les financements, Village Pilote Europe adopte des procédés similaires à ceux mis en place au Sénégal. Les dons des particuliers, des entreprises ainsi que les subventions constituent les principales sources de fonds d’appui. De plus, des initiatives telles que des cagnottes ou des campagnes de financement participatif sont régulièrement lancées par les sympathisants de l’association afin de sponsoriser les projets. Il est important de souligner que les antennes européennes de l’ONG reposent sur l’engagement bénévole des individus. Avec seulement un salarié en France, l’association compte sur la mobilisation des volontaires et des bénévoles pour mener à bien ses actions en Europe. Leur dévouement et leur soutien sont essentiels pour assurer le succès des projets et la pérennité de l’engagement de Village Pilote. Ainsi, l’antenne de la fondation en Europe s’engagent à promouvoir la solidarité internationale, à améliorer les conditions de vie des enfants et des jeunes, et à favoriser leur développement global. Grâce une approche inclusive et à des actions concrètes, l’association continue de faire une réelle différence dans la vie des jeunes, tant au Sénégal qu’en occident.

« VP Europe, branche européenne de Village Pilote, joue un rôle essentiel en sensibilisant et en mobilisant les acteurs européens. Ces activités contribuent directement au quotidien des jeunes pris en charge par Village Pilote au Sénégal. Grâce à la mobilisation de partenaires financiers, matériels et techniques, VP Europe soutient les activités menées sur le terrain. De plus, des actions de sensibilisation sont organisées dans les établissements scolaires européens, permettant de sensibiliser les jeunes générations à la solidarité internationale », relate Manon, chargée de communication. Elle ajoute que « des séjours solidaires au Sénégal sont également organisés, offrant aux bénévoles européens l’opportunité de découvrir et de participer activement aux projets de l’association ».

1.700 jeunes et enfants pris en charge grâce à ce programme

Au fil des années, l’organisation a réussi à accueillir une centaine de jeunes issus de familles vivant dans une extrême pauvreté. Grâce à ces initiatives, ils ont pu accéder à l’éducation, comme tous les enfants du monde. Au Sénégal, le centre se trouve à Lac Rose, l’une des plus grandes attractions touristiques au Sénégal. Il est composé de différentes structures, tels que les dortoirs Oasis, Tremplin et VIP. Les enfants accueillis à leur arrivée bénéficient d’un abri temporaire, voire parfois définitif. Sur place, un environnement sécurisé et favorable à leur développement leur garantit. En plus de l’hébergement, la fondation propose un accompagnement global aux enfants. Des salles de classe sont mises à leur disposition pour qu’ils puissent rattraper leur retard scolaire et acquérir les connaissances essentielles. Une infirmerie est également présente pour leur assurer un suivi médical régulier. Les jeunes sont encouragés à participer à des activités éducatives, artistiques et culturelles, qui élargissent leurs horizons et favorisent leur épanouissement personnel. Au fil du temps, plus de 1.700 jeunes (parfois majeur) et enfants (rarement âgés de moins de 5 ans) ont été pris en charge grâce à ce programme. Chacun d’entre eux est approché avec empathie, écouté et soigné. Les professionnels impliqués s’attachent à comprendre leur histoire individuelle et les facteurs qui ont conduit à leur rupture sociale, dans le but de proposer des solutions adaptées et durables.

Les « écoutes mobiles » se sont avérées être une approche efficace pour aider les enfants et les jeunes en situation de danger. En offrant un espace sécurisé où ils peuvent s’exprimer librement, ces interventions contribuent à restaurer leur confiance en eux-mêmes et en l’avenir. De plus, en les encourageant à quitter la rue, en les accompagnant vers des centres d’accueil appropriés, le programme leur offre une chance de reconstruire leur vie dans des conditions plus stables et propices à leur épanouissement.

Dans les années 2000, un juge a placé entre les mains des responsables de Village Pilote, des jeunes qui auraient dû être incarcérés dans le but de les éduquer. L’association, bien que peu expérimentée à l’époque, a pris le risque de les prendre en charge avec l’aide d’éducateurs spécialisés. Malheureusement, ces jeunes ont fugué après seulement une semaine de prise en charge, préférant vivre dans la rue. « À partir de ce moment, on s’est dit qu’on va trouver des solutions. On a commencé à les trouver dans la rue. On a d’abord instauré la confiance avec eux. Ils nous suivaient maintenant partout. Vu qu’il n’y a pas de règle et de loi dans la rue, on a décidé de louer une maison de 150m2. Le matin vers midi les jeunes viennent pour prendre leur douche, laver leurs habits puis rentrer. Car on ne pouvait pas les héberger. C’est comme cela que le projet Village pilote a démarré », relate Cherif Ndiaye le directeur adjoint de l’association.

Au cœur de la banlieue de Dakar à Pikine, l’ONG a mis en place un réseau de centres d’accueil destinés aux enfants en situation d’urgence et de danger. Le Refuge Pikine est le point d’encrage des « écoutes mobiles » menées par Village Pilote. Il sert de centre d’accueil d’urgence pour les enfants en danger, leur offrant un refuge temporaire avant de pouvoir être réunis avec leur famille ou intégrés dans d’autres centres d’hébergement. C’est également un lieu où les familles peuvent déposer des avis de recherche pour des enfants égarés ou bénéficier de services de médiation familiale.

Construire un avenir meilleur

Village Pilote va au-delà de l’éducation traditionnelle. L’ONG offre aux jeunes talibés des formations professionnelles dans des domaines telles que la couture, la maçonnerie, l’électricité, la mécanique et la plomberie. Ils y apprennent ainsi des compétences pratiques qui leur permettront d’accéder à un emploi stable et devenir autonomes. La journée de ces jeunes est rythmée par les repas pris en commun, dans une ambiance conviviale et solidaire. Ils participent à la préparation des repas et veillent à la propreté du centre. Leur éducation est une priorité, avec des salles de classe colorées ainsi qu’une enseignante dévouée qui encourage leur épanouissement intellectuel.

Lucette Badji, nous plonge dans le quotidien éducatif du centre, où l’intégration des enfants talibés nécessite une adaptation constante. Ce, malgré les frustrations chez certains jeunes qui ont du mal à évoluer. D’après Mme Badji, Village Pilote vise à favoriser le retour en famille et l’insertion scolaire des jeunes talibés. Alphabétiseuse de longue date, depuis 18 ans, dans le dit centre et engagée dans le centre d’accueil des jeunes talibés, elle porte plusieurs casquettes. Elle a partagé son expérience et les transformations remarquables qui s’opèrent au sein de ce centre. « Parmi les enfants qui ont bénéficié de l’accompagnement de Village Pilote, trois d’entre eux se sont particulièrement démarqués. Dame Wilane, qui était autrefois vendeur de sachets d’eau, a réussi à terminer ses études universitaires en devenant Ingénieur Japon Sénégal. Seydou Niang, qui était en situation de mendicité dans la rue avec sa maman, a pu retrouver sa famille grâce aux efforts déployés par Village Pilote. Il poursuit actuellement des études de droit à l’université. Talla, qui était autrefois enchaîné dans une école coranique, a réussi à s’échapper et se trouve également à l’université. Ces jeunes, grâce à Village Pilote, ont trouvé une voie vers un avenir meilleur, et ils sont prêts à témoigner de leur parcours et de ce que cette organisation a fait pour eux », témoigne-t-elle, le visage radieux et fier.

L’engagement de la fondation envers l’insertion professionnelle des jeunes se traduit par des résultats concrets. En 2014, plus de 70 jeunes ont réussi leur réinsertion professionnelle grâce à l’appui et aux ressources fournies par l’organisation. Cette année, en 2023, de nombreux retours en famille ont été réalisés avec succès. « La durée de séjour des enfants à Village Pilote varie en fonction des circonstances. Certains restent deux ans, d’autres un an, voire quelques mois avant que leurs parents ne se manifestent. Un gamin a gardé les contacts de son parent. Un an, il les avait. Il s’est bien stabilisé. Il est venu nous donner les contacts de son marabout pour qu’on contacte ses parents afin d’effectuer son retour en famille », raconte Lucette Badji.

Les limites de Village Pilote

Manon, la chargée de communication du centre d’accueil partage son point de vue sur les défis auxquels l’organisation est confrontée. « Le principal objectif de Village Pilote est d’augmenter les capacités du centre afin de mettre en œuvre des projets bénéfiques pour les jeunes filles et les femmes. Cependant, trouver des financements reste un défi majeur pour l’organisation. Le fonctionnement du centre demande des ressources considérables, notamment pour rémunérer les nombreux animateurs indispensables à la gestion des enfants. Bien qu’il bénéficie de subventions provenant de bailleurs, ces fonds sont généralement spécifiquement affectés à des projets particuliers, ce qui ne permet pas de couvrir tous les salaires des animateurs. La principale difficulté actuelle de l’organisation réside dans la recherche des financements nécessaires au fonctionnement global du centre et à la rémunération de tous les intervenants », explique la chargée de communication.

« Gérer près de 400 enfants par an, requiert des ressources financières importantes. Village Pilote compte sur diverses sources de financement, tels que des bailleurs nationaux et internationaux, l’État, des partenaires financiers étrangers, des entreprises, des particuliers et le grand public sensible à la mission de l’organisation qui effectuent des dons. Cependant, à ce stade, les ressources nécessaires ne sont pas encore suffisamment disponibles pour répondre à tous les besoins. Chaque année, Village Pilote doit trouver les financements nécessaires pour répondre aux besoins du centre », explique-t-elle.

En effet, le centre a besoin d’environ 400 millions de francs CFA par an pour couvrir uniquement les frais de fonctionnement. Manon reconnaît que leur fondation ne dispose pas des mêmes ressources financières que d’autres organisations qui ont recours à des campagnes publicitaires payantes et disposent de grandes équipes de communication. Malgré les contraintes, l’équipe fait de son mieux avec les moyens dont elle dispose. Des campagnes de collecte de denrées alimentaires et de dons financiers sont organisées chaque année, notamment pendant les périodes du ramadan et de Noël. En outre, Village Pilote organise chaque année son gala de levée de fonds en mai.

Moderniser les daras

Face aux défis financiers auxquels font face de nombreuses ONG, il urge de voir d’autres solutions telles que la transformation des écoles coraniques traditionnelles, connues sous le nom de « daras », en institutions modernes. Elle peut être la clé pour mettre fin au problème persistant de la mendicité et de la situation des enfants de rues au Sénégal. Longtemps critiqués pour leur rôle potentiel dans la perpétuation de la mendicité infantile, les écoles coraniques ont été pointés du doigt pour les conditions précaires dans lesquelles les enfants talibés, souvent issus de milieux vulnérables, se trouvent. Contraints à mendier dans les rues pour subvenir à leurs besoins et à ceux de leurs maîtres coraniques, ces enfants ont suscité la préoccupation de la société civile. Bien que certaines ONG aient entrepris des efforts louables pour améliorer leurs conditions de vie, les contraintes financières ont freiné leur impact.

L’initiative de moderniser les « daras » propose une approche novatrice et pleine de promesses pour résoudre cette problématique complexe. En transformant les daras en établissements éducatifs complets, avec un soutien financier et logistique gouvernemental, il devient envisageable de garantir une éducation de qualité aux enfants talibés tout en les préservant de la mendicité. Le manque d’accès à une éducation formelle a été identifié comme l’une des raisons majeures de la persistance de la mendicité. La modernisation des écoles coranique par l’État, offre une solution solide en fournissant aux enfants les compétences éducatives et professionnelles nécessaires pour forger leur avenir en tant que membres productifs de la société. Bien que des investissements considérables soient requis, les avantages à long terme pourraient être substantiels, contribuant à la réduction de la pauvreté, et offrant aux enfants des perspectives qu’ils n’auraient jamais envisagées.

Malgré la volonté politique du gouvernement sénégalais qui depuis 2016, avait ordonné leur retrait dans les rues de Dakar, les enfants-talibés, estimés à plus de 100 000, squattent encore les coins à Dakar. Cette mendicité rapporterait plus de 5 milliards FCFA par an aux maitres coraniques, selon Human Right Watch.