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Le Lab

Retour sur… Le Transformational Media Summit

By L'actu des médias, Le LabNo Comments

Après Washington et Londres, c’est à Paris, les 30 novembre et 1er décembre 2015,  durant la Cop21 que se réunissaient Reporters d’Espoirs et ses réseaux internationaux. Journalistes, professionnels des médias, communicants, se sont rassemblés pour une même cause : mettre les médias au service d’un monde meilleur.

Albert Einstein le disait : «Si l’humanité veut survire, elle devra changer sa manière de penser. » C’est  pour permettre ce changement qu’une centaine de personnes s’est rassemblée au Belushi’s, quartier général de la communauté Place to be, dynamique de lutte contre le réchauffement climatique.  Pendant deux jours,  des intervenants se sont relayés afin de présenter leur projet, leur vision d’un monde plus juste.  Et c’est Odile Decq qui  a ouvert le bal.  Cette architecte de renom a créé une école d’un genre particulier : Confluence, centre de formation pour architectes, est un institut où pédagogie rime avec liberté et décloisonnement. Dans ce lieu conçu comme un lieu d’expérimentation, les élèves sont amenés à « trouver les solutions par eux-mêmes » explique Odile Decq. Basée à Lyon, l’école entend former des professionnels mais pas seulement : «L’architecture n’est pas qu’une profession, c’est une discipline. Le but n’est pas d’obtenir un diplôme mais d’apprendre à créer différentes choses.»

«Création » est l’un des maitre-mot de ce rendez-vous  qui, entre chaque  « pitch », prend des allures de cours de récréation. Tout au long de la journée, Magalie Folmer, coach en communication invite l’assemblée à former plusieurs groupes.  Le but ? Développer sa créativité  à l’aide d’exercices. Prendre une écharpe et en faire un chapeau ? Dessiner une ville idéale ? Ce premier jour se voulait interactif.

Mardi 1er décembre. Le public retrouve les équipes de Reporters d’Espoirs et de la Transformational Media Initiative, coorganisatrices de l’événement.  Au menu : enchainement de pitchs « façon TED », et d’exposés suivi  de multiples interactions avec l’audience.  Katerine Adams est la première à entrer en piste.  Venue du Canada, elle a cofondé Goodness Tv, un media web qui promeut des initiatives innovantes. Son ambition : pousser les gens à agir car Katerine Adams en est persuadée , « Chaque être humain est une partie du problème mais aussi de la solution. Il est temps d’arrêter d’écouter les diseux pour se concentrer sur les faiseux. » Et des faiseux, il y en avait beaucoup  à commencer par Slater Jewel Kemker. Cette américaine de 23 ans est  à l’origine du documentaire Inconvenient Youth, qui retrace le  parcours d’une jeunesse qui se bat pour sauver la planète. « Je voulais capturer une histoire humaine, mettre en avant un futur que nos parents ne nous avaient pas promis… un futur plus beau. » Inspirer, c’est aussi le leitmotiv de Caroline Sénéclauze, fondatrice de Moteur, une association qui veut inciter les 15-18 ans à prendre la caméra pour filmer  leur modèle, la personne qui les inspire. Au terme d’un concours organisé par l’association, le film primé sera projeté au Festival de Cannes : de quoi motiver les cinéastes en herbe !

Utiliser les médias et le cinéma pour sensibiliser, c’est le propre du storytellingMaxime Riché, ancien ingénieur devenu photographe, l’a bien compris en réalisant son documentaire et série photographique Climate Heroes. Cinq années de voyage à la rencontre d’individus aux parcours atypiques qui agissent pour préserver la nature, l’ont conduit aux quatre coins du monde. En Gambie, il a rencontré Isatou Csesay  qui donne aux femmes la possibilité  de générer des revenus grâce aux déchets plastiques. En Indonésie Amir, Sryadi, Subarie et Monsieur Payoto luttent contre la déforestation tandis qu’au Viêt-Nam, le bouddhiste Bun Saluth a rassemblé six villages afin de protéger plus de 18000 hectares de forêt au Cambodge.

Quant au témoignage de Laurent de Chérisey, il illustre parfaitement la puissance des médias lorsqu’ils sont mis au service de la solidarité. L’histoire qui se cache derrière son initiative Simon de Cyrène ressemble à un conte de fée. Son ami Philippe Pozzo Di Borgo lui évoque un jour un film inspiré de sa propre histoire, en cours de réalisation. Et lui propose de verser une part de ses recettes à l’association. Ce film, ce sera… Intouchables ! Avec le succès qu’on lui connait (près de 54 millions d’entrées dans le monde). Les maisons de vie partagée Simon de Cyrène, entre personnes handicapées et valides, répondent à un vrai problème de société : l’intégration des personnes handicapées, et au-delà,  le vivre ensemble. Une cohabitation essentielle qui selon Laurent de Cherisey pousse à « écouter la voix des sans voix. » Donner une voix à ceux qui n’en ont pas, c’est la raison d’être de Reporters d’Espoirs, « un réseau qui se confronte à la difficulté de s’intéresser à une information qui ne fait pas de bruit mais qui médiatise des solutions qui viennent des problèmes ».

Informer et raconter pour inciter à la prise d’initiative, favoriser l’émergence d’une société plus juste, c’est le pari des acteurs réunis lors de cette 3ème édition du Transformational Media Summit. Un  pari que Reporters d’Espoirs tente de relever au quotidien.

Myriam Attaf

Médias et Justice : la proposition du journalisme constructif

By L'actu de Reporters d'Espoirs, L'actu des médias, Le LabNo Comments

De l’importance de l’investigation journalistique

Le J’accuse d’Emile Zola marque un tournant dans les rapports de la presse avec la Justice. En s’insurgeant contre les dysfonctionnements d’une justice militaire qui fait condamner Dreyfus (un innocent), Zola journaliste se positionne à la fois comme avocat et comme accusateur public. Dreyfus est réhabilité ; Zola acquiert une stature de justicier, et avec lui, la presse s’impose comme contre-pouvoir.

Le jugement des journalistes n’est pas infaillible pour autant. On regrettera parfois la hâte des censeurs, l’incompatibilité des temps médiatiques et judiciaires, ou la confusion entre présomption d’innocence et de culpabilité. On pourra alors invoquer qu’il appartient « à la justice de juger, aux médias d’informer »… et qu’après tout, chacun son rôle !

Mais ce serait faire peu de cas de l’utilité de l’investigation journalistique, de l’enquête et de la contre-enquête extrajudiciaires. Lorsque le journaliste Denis Robert investigue sur « l’affaire Clearstream », il fait l’objet de plusieurs dizaines de procédures judiciaires. Combat long (une décennie), inégal (nombre de ses confrères le conspuent comme Zola en son temps), difficile et douloureux. Mais victorieux : il lui sera rendu justice au nom de « l’intérêt supérieur » que constitue le devoir « d’informer le public sur un sujet d’intérêt général ».

De la justice à la justesse

Au-delà du rapport des médias à la justice institutionnalisée (dont la vocation est de faire respecter la loi), on peut mettre en question la manière de traiter l’information. Les médias traitent-ils des faits avec justice – ou avec justesse, et dans la complexité? Peuvent-ils proposer des analyses objectives et exhaustives ?

Ces questionnements rejoignent ceux du « journalisme constructif », examiné et expérimenté par Reporters d’Espoirs 1.

Son postulat : l’attirance des médias pour la catastrophe risque de générer résignation apprise, fatigue d’impuissance et démobilisation.
Sa proposition : refléter la complexité du monde, en traitant les dysfonctionnements au même titre que la capacité des populations à trouver des réponses, à faire preuve de résilience et de créativité.
Son constat : cette démarche suscite un intérêt croissant de la part des journalistes, sous l’effet de « la » crise (globale et de la presse) et du négativisme qui atteint les citoyens, journalistes compris.

Il arrive aux médias de faire alliance avec la justice ou, au contraire, de la défier, de vouloir se substituer à elle. Il peut aussi leur arriver de rendre justice, à ceux qui souffrent, qui créent, qui œuvrent au bien commun. C’est la proposition du journalisme constructif, qui veut refléter « le couple opportunités-menaces propre à toute dynamique de vie 2 » . 

Gilles Vanderpooten
Journaliste, Directeur de l’association Reporters d’Espoirs
Ce texte paru dans les « Cahiers d’espérance », à l’occasion de l’intervention de Reporters d’Espoirs à Notre Dame de Pentecôte (Eglise de Paris La Défense) dans le cadre du cycle des conférences de Carême 2016 sur le thème « Cherchez la Justice ».

 

NOTES

  1. Association loi 1901 reconnue d’intérêt général, agissant depuis 2004 « pour une info qui donne envie d’agir ». Partie de France, elle a essaimé à l’International, faisant des émules en Europe et aux USA au cours des trois dernières années.
  1. Laurent de Chérisey, cofondateur de Reporters d’Espoirs.

Positive News UK explore un nouveau business model participatif

By L'actu de Reporters d'Espoirs, L'actu des médias, Le LabNo Comments

 

positive news UKEngagé depuis une vingtaine d’années dans le journalisme constructif, le média britannique PositiveNewsUK opère sa mutation en transformant son journal en magazine, à l’issue d’une campagne de financement participatif internationale lancée en juillet 2015. La contribution financière de 1 526 lecteurs et journalistes dans 33 pays a rendu possible la levée de 263 000 livres, soit plus de 338 000 euros, en l’espace d’un mois.

Les réseaux sociaux ont largement contribué au succès de l’opération. Plus de 220 000 « j’aime » sur facebook et presque 19 000 followers sur Twitter témoignent de l’enthousiasme suscité par l’initiative de PositiveNewsUK.

D’après les chercheurs américains du Pew Research Center, les projets journalistiques recourent de plus en plus au crowdfunding. Mais cette campagne intitulée #Ownthemedia, «le média vous appartient » en français, n’a pas seulement permis de surmonter la crise de financement du journal. Il s’agit aussi d’explorer un nouveau business model dans lequel le lecteur est co-propriétaire du magazine, donc coopérateur.

PositiveNewsUK s’est ainsi transformé en coopérative. Ce statut permet à chaque lecteur copropriétaire, indépendamment du niveau de son investissement financier, de participer au vote des décisions stratégiques, selon le principe de gouvernance démocratique 1 personne = une voix.

La coopération, un modèle d’avenir pour les médias ?

La formule présente de nombreux intérêts dans un contexte de crise de la presse écrite, et de défiance à l’égard des médias. Elle rejoint les nombreuses questions qui se posent au secteur, en matière de propriété des médias, de structure de l’actionnariat, ou d’implication des citoyens.

En France, le Groupe Nice Matin fait figure de fer de lance. Il a en effet trouvé un nouvel élan en adoptant un statut de coopérative associant à son capital, non pas les lecteurs comme c’est le cas pour PositiveNews (qui se rapproche ainsi d’une coopérative de consommateurs), mais les salariés (coopérative de salariés).

La coopérative serait-elle la meilleure structure pour transformer un média et lui permettre de répondre aux exigences du XXIe siècle ? Le débat mérite d’être approfondi.

Le journalisme constructif : nouvelle priorité pour l'école de Windesheim (Pays-Bas)

By Le LabNo Comments

L’école de journalisme de Windesheim (Pays-Bas) est la première école au monde à intégrer le journalisme constructif dans ses programmes de formation et de recherche.

La journaliste danoise Cathrine Gyldensted, pionnière dans le domaine, a été nommée directrice de la spécialité à Windesheim. Elle a pour mission d’intégrer les techniques du journalisme constructif au cursus existant et de développer un cours d’approfondissement. « J’ai formé des étudiants et des salles de rédaction au journalisme constructif dans le monde entier, mais c’est à Windesheim que la démarche suscite le plus d’intérêt » s’enthousiasme la nouvelle directrice, chargée d’établir des partenariats avec les écoles de journalisme, les universités et les organes de presse intéressés par cette nouvelle approche. « Je pense que le journalisme doit refléter la société d’une manière plus authentique, il faut innover dans la façon de couvrir l’actualité, gagner la confiance et véritablement s’engager au service du public. »

« Cathrine Gyldensted a refusé des propositions aux Etats-Unis, au Royaume-Uni et en Scandinavie pour enseigner à Windesheim, nous sommes très fiers de l’avoir à nos côtés » témoigne Bas Mesters, le directeur de l’école de journalisme de Windesheim. « Son expertise du journalisme constructif est reconnue au niveau international, elle apporte une réelle plus-value à notre cursus et au travail de recherche. »

Selon Bas Mesters, s’intéresser au développement de nouveaux business modèles et aux plateformes numériques n’est pas suffisant, un ajustement de la posture journalistique est nécessaire. « Le journalisme fait face à une crise de légitimité. La recherche montre que la confiance du public vis-à-vis de notre profession est au plus bas. Je pense que cette situation peut évoluer si le journalisme change d’angle au lieu de se concentrer exclusivement sur les problèmes et les conflits. Il s’agit simplement d’ajouter les éléments manquants qui permettront de renforcer l’exactitude et la justesse du journalisme, son engagement au bénéfice des citoyens et sa légitimité. Nous avons déjà reçu un grand nombre de demandes de médias qui veulent inclure ces éléments constructifs à leur ligne éditoriale. »

[Etude] Le lectorat plus réceptif à l’info quand elle intègre des solutions

By Le LabNo Comments
Le lectorat plus réceptif à l’info quand elle intègre des solutions : une étude encourageante pour une presse en crise
 
Selon les résultats d’une étude menée conjointement par une association et un centre de recherche américains, et traduite par Reporters d’Espoirs, le journalisme de solutions apporte une information plus exhaustive au public et renforce son intérêt pour l’actualité.
Les « héros » de la Croix, les « bonnes nouvelles » du Parisien ou la 9e édition du « Libé des Solutions » concluent l’année 2015 –particulièrement riche en événements anxiogènes- par une note positive et attestent de l’intérêt grandissant des médias pour le journalisme de solutions. Au mois d’octobre déjà, Reporters d’Espoirs, association initiatrice de cette démarche, avait donné le tempo en rassemblant de manière inédite en France 30 médias généralistes (TF1, libération, France télévisions, Ouest France, La Voix du Nord, L’Express, l’Obs, France Info, Nice Matin…) pour la première « semaine des solutions » (opération que l’association reconduira en octobre 2016).
La tendance du « journalisme de solutions » dépasse les frontières de l’Hexagone. Son développement aux Etats-Unis a poussé l’association Solutions Journalism Network et le centre de recherche texan Engaging News Project à conduire une étude sur sa réception par le public en 2014. L’étude intitulée « Le pouvoir du journalisme de solutions » se base sur une analyse comparative.
Sur un échantillon de 755 Américains adultes, une partie a été confrontée à un article qui se concentrait exclusivement sur un problème (les effets d’expériences traumatiques sur les écoliers américains ; le manque de logement dans les villes américaines ; et la pénurie de vêtements chez les pauvres en Inde), tandis que l’autre partie des sondés lisait une version augmentée du même article évoquant une solution potentielle au problème soulevé.
Les résultats de l’enquête montrent que le lecteur intègre mieux l’information dans la version « solution » : il estime avoir davantage compris et mémorisé le sujet, ce qui aiguise sa curiosité. L’originalité et la plus-value de l’article sont plus souvent mises en avant par les lecteurs de l’article orienté solution.
Les chercheurs estiment que la démarche « problème-solution » pourrait avoir des retombées bénéfiques pour les organes de presse en termes de confiance et de fidélisation.
Les lecteurs de la version solution ont davantage envie de lire d’autres articles du même auteur, du même journal, ou sur le même thème que les lecteurs de l’article dépourvu de solution. L’envie de partager la lecture avec leur entourage ou sur internet était aussi plus forte. Enfin, ils se sentaient plus optimistes, plus aptes et/ou enclins à agir pour résoudre le problème.
Cette étude vient corroborer le travail initié dès 2004 par Reporters d’Espoirs, dans un contexte où les médias eux-mêmes, en plus du lectorat, sont de plus en plus demandeurs de solutions. « Il s’agit pour nous journalistes, de retranscrire la réalité dans sa complexité, faite à la fois de menaces et d’opportunités, de dysfonctionnements et de résilience, et de prise d’initiative » précise Gilles Vanderpooten, directeur de l’association.
Cette étude vient corroborer le travail initié dès 2004 par Reporters d’Espoirs, dans un contexte où les médias eux-mêmes, en plus du lectorat, sont de plus en plus demandeurs de solutions. « Il s’agit pour nous journalistes, de retranscrire la réalité dans sa complexité, faite à la fois de menaces et d’opportunités, de dysfonctionnements et de résilience, et de prise d’initiative » précise Gilles Vanderpooten, directeur de l’association.
Lire l’étude
A propos de Reporters d’Espoirs
ONG reconnue d’intérêt général, indépendante, créée en 2003, Reporters d’Espoirs a pour mission de contribuer à « une information qui donne envie d’agir ». Elle est l’organisation française et francophone de référence sur le journalisme de solutions.
Parmi ses actions : la veille d’initiatives porteuses de réponses aux problèmes de société pour le compte des médias ; la réalisation d’opérations avec les médias ; l’étude et la recherche dans le cadre de son Lab ; des événements notamment le Prix Reporters d’Espoirs et La France des Solutions ; l’animation d’un réseau français et international de journalistes et professionnels des médias.
Informations : www.reportersdespoirs.org
Contact
Olivia Lanselle
Relations médias Reporters d’Espoirs
Tél. 01 42 65 20 88
redaction@reportersdespoirs.org

 

"Nous nous sommes surpris à pratiquer un journalisme d’empathie, nous, les spécialistes du négatif" [Le Monde]

By L'actu des médias, Le LabNo Comments

Nous publions ici un extrait de l’article de journalistes du Monde ayant couvert les événements du 13 novembre 2015 (En mémoire du 13 novembre, par Sylvie Kauffmann et Aline Leclerc), qui est intéressant notamment pour son caractère introspectif. Les journalistes mettent en évidence la pratique d’un « journalisme d’empathie », qui fait écho aux travaux de Reporters d’Espoirs sur le journalisme de solutions, et aux analyses de médecins et psychiatres tel Serge Tisseron qui a particulièrement étudié la notion d’empathie.

En mémoire du 13 novembre

« Nous avons beaucoup appris de ce Mémorial. Bien plus que nous ne l’avions anticipé, lorsque nous avons lancé ce projet, la nuit des attentats, sous le choc d’un bilan qui n’était encore « que » de 40 morts, mais qui s’alourdissait d’heure en heure. L’idée, très simple, était, précisément, de ne pas limiter ces victimes à un bilan, de rendre à chacune son nom, son visage, son histoire. Pour les garder en mémoire, collectivement.
Nous avons d’abord beaucoup appris sur eux, les 130 morts du 13 novembre. […]

Journalisme d’empathie

[…] Au fil des jours, malgré nous, ce Mémorial, projet journalistique, s’est doublé d’une dimension sociale qui nous a échappé. Notre distance habituelle, ce cynisme si mal compris à l’extérieur mais qui nous sert de rempart parfois, tout s’est écroulé devant cette nouvelle proximité. Nous nous sommes surpris à pratiquer un journalisme d’empathie, nous, les spécialistes du négatif, les experts de la noirceur. Nos boîtes e-mail internes se sont remplies d’échanges d’étranges impressions (« Ça me fait vraiment mal de pénétrer ces foyers brisés, et un peu de bien d’écrire, pour une fois, des choses gentilles 😉 », « Cette douleur, tu prends ça en pleine face, ça fait pleurer… »), en même temps que nous nous sentions portés par l’adhésion des lecteurs, chaleureusement exprimée, à notre démarche, que beaucoup ont jugée nécessaire. « Un hymne à la vie », nous a écrit un lecteur. Ça non plus, nous n’avions pas l’habitude.

Peu à peu, les journalistes se sont retrouvés dépositaires d’une mémoire, la mémoire du 13 novembre. Un lien de confiance s’est établi avec les familles endeuillées. « Je prends ça comme un autre métier : écrivain public », a résumé une journaliste aguerrie, l’une des nombreux auteurs de portraits. Ce récit collectif ne doit pas s’arrêter là. Nous le poursuivrons donc, avec ceux qui vont continuer à vivre sans les êtres aimés et ceux qui ont survécu à leurs blessures. Les survivants du 13 novembre. »

> Retrouvez l’article intégral sur le site du Monde

Médias & Climat : Le point de vue du psychologue – Serge Tisseron

By Le LabNo Comments

Serge Tisseron est psychiatre, docteur en psychologie habilité à Diriger des Recherches à l’Université Paris VII Denis Diderot, www.sergetisseron.com

Voir l’article de Serge Tisseron (PDF)

 

Pour une culture du « faire face ensemble »

Autour du climat, les mots changent aussi.
Celui de « réchauffement », d’abord privilégié, s’efface de plus en plus derrière celui de « dérèglement ». Le temps n’est plus « pourri », il devient fou, autrement dit imprévisible et dangereux, semblable à une sorte de terrorisme des éléments naturels. Et cette représentation des choses est évidemment favorisée par la façon dont les médias nous informent de ces dérèglements en tout lieu et à tout moment, avec des images saisies « sur le vif » par le téléphone mobile des protagonistes du drame. Nous ne sommes plus devant l’action, mais dans l’action, au point de nous imaginer déjà à la place des victimes. Et lorsque des journalistes interrogent des témoins, c’est hélas bien souvent pour privilégier ceux qui ont tout perdu plutôt que ceux qui ont su s’organiser. Ainsi, sans même que nous nous en rendions compte, s’insinue une fatigue d’impuissance dont la manifestation principale serait le sentiment d’être condamnés à subir. Certains n’osent même plus allumer la radio ou la télévision à l’heure des informations de crainte d’être submergés par le spectacle de la souffrance du monde. D’autres essayent d’oublier en se repliant sur des activités répétitives et stéréotypées, ou dans une recherche hédoniste à court terme. Comment en sortir ?

L’un des moyens de lutter contre ce danger réside dans une meilleure connaissance des drames du passé, et surtout dans la valorisation des expériences positives qui ont pu les accompagner. C’est dans ce but que j’ai lancé en 2012, avec l’aide du Ministère de l’écologie, du développement durable et de l’énergie (MEDDE) le site Internet « mémoiresdescatastrophes.org, la mémoire de chacun au service de la résilience de tous ». Ce projet participe à la construction d’une résilience qui, après avoir été décrite comme une qualité personnelle, puis comme un processus individuel, est maintenant conçue dans sa dimension collective et sociétale. Là où la résilience individuelle invitait à réfléchir en termes de soutien personnalisé aux plus fragiles, la résilience sociétale pense en termes d’information et de soutien réciproques, d’évaluation des vulnérabilités collectives, de confiance et de collaboration à travers des partenariats et des projets mutualisés. Elle est à la fois informative, formatrice, anticipatrice, interdépendante, et encourage la prise en charge de chacun par lui-même. C’est à la mettre en place que peuvent et doivent nous aider les médias, pour développer une culture du « faire face ensemble ».

Serge Tisseron

« Comment j'ai adopté le journalisme constructif », par Cathrine Gyldensted, journaliste et experte associée au Lab Reporters d'Espoirs

By Le LabNo Comments

Cathrine Gyldensted est journaliste, spécialisée dans le « journalisme constructif ». Grand reporter, elle a pendant 15 ans été correspondante de la télévision danoise aux Etats-Unis (Danish Broadcasting Corporation) et productrice d’émissions pour la radio (Radio24syv). Diplômée en journalisme et en psychologie positive de l’University of Pennsylvania (USA), elle est une référence internationale du journalisme constructif qu’elle enseigne à travers le monde  – Danemark, USA, Royaume-Uni, Afrique du Sud, etc. Elle intervient en tant que formatrice auprès des rédactions de médias à travers le monde. Parmi ses références : The HuffPost, BBC radio, Swedens TV/SVT, Swedens Radio/SR, Danish Broadcasting Corporation, Times Media group, de Correspondent, Reporters d’Espoirs…

 

Comment en êtes-vous arrivée au journalisme constructif ?

Tout a commencé aux États-Unis, le jour où j’ai interviewé une femme sans-domicile-fixe à la sortie d’une banque alimentaire. À côté des questions convenues, je me suis mise à lui demander ce que cette expérience lui apprenait, et comment elle avait réussi à trouver une forme de résilience face à sa situation. Ce qui a suivi m’a transformée. Ses réponses étaient vraiment différentes de celles que j’obtenais habituellement. Parce que mes questions étaient différentes. J’ai alors pris conscience que, pendant des années, j’avais involontairement confiné des personnes dans le seul statut de « victimes » par la manière dont je menais mes interviews. Le journalisme constructif débutait pour moi !

Pour poursuivre sur cette voie, j’ai voulu me former auprès des personnes qui s’y connaissaient le mieux sur comment appréhender les choses d’une manière constructive : les spécialistes en psychologie positive.  J’ai alors suivi un Master en Psychologie Positive Appliquée à l’Université de Pennsylvanie (États-Unis) et consacré une thèse au sujet « Innover dans l’information grâce à l’apport de la psychologie positive ».

 

Pourquoi est-il, selon vous, si important que vos collègues journalistes  aient connaissance des développements récents de la psychologie positive ?

La psychologie positive, ce n’est pas l’étude de choses insignifiantes, ce n’est pas de la « bonheurologie » ; c’est une discipline élaborée, mais surtout un excellent support pour écrire des articles percutants et rigoureux. Des chercheurs ont consacré leur vie à étudier les mécanismes psychologiques sous-jacents à la résilience, à l’endurance, à la renaissance post-traumatique, à la découverte de sens, à l’émerveillement, à l’engagement constructif. Sans cette grille d’analyse en tête, on peut avoir tendance à considérer la plupart des personnes qui traversent des difficultés comme des victimes, alors qu’il faut pouvoir également envisager qu’elles puissent faire preuve de résilience et être dans l’action.

 

Quelles bonnes raisons les journalistes et les professionnels des médias ont-ils de s’intéresser au journalisme constructif ?

Je vois, au moins, quatre arguments-clés :

  • le journalisme constructif permet de dresser un portrait plus juste et plus exhaustif du monde ;
  • il valorise le pouvoir de la volonté et de l’action ;
  • les articles constructifs apportent une valeur ajoutée au lectorat, en élargissant sa vision des choses et en offrant une source d’inspiration ;
  • les expérimentations témoignent que la démarche stimule la croissance des revenus de la presse grâce au surplus d’audience qu’elle génère.

Contre la fatigue d'impuissance, Reporters d'espoirs lance le Solution MediaLab [HuffingtonPost]

By Le LabNo Comments

Serge Tisseron est psychiatre et psychanalyste, docteur en psychologie HDR à l’Université Paris VII Denis Diderot (CRPMS). Il est membre du comité de soutien de Reporters d’Espoirs, et contribue aux analyses du Solutions MediaLab.
Il a publié cette tribune le 15/10/2014, à retrouver en intégralité sur le site du HuffPost.

Ce lundi 13 octobre s’est tenu au Palais d’Iéna le 5e prix « Reporters d’espoirs ». Plusieurs distinctions ont été remises à des journalistes dont les interventions peuvent donner envie d’agir. En même temps, cette rencontre a été l’occasion d’annoncer le lancement du Solution MediaLab, un outil destiné à étudier l’impact des médias sur notre sentiment de pouvoir agir, ou non, sur les événements. Au-delà des contenus, qui peuvent amener par exemple un journaliste a préférer l’image d’un bombardement spectaculaire à celle d’un convoi alimentaire, l’information est en effet aujourd’hui inséparable des technologies numériques qui en modifient profondément la réception, en suscitant trois formes de confusion sans équivalent par le passé.

> La suite sur le site du HuffingtonPost

Réclamée par le public, l'information positive n'a pourtant pas la cote [AFP]

By Le LabNo Comments

Hausse du chômage, inondations, faits divers : pour une large majorité des Français, les médias accordent trop de place aux mauvaises nouvelles, mais ces derniers peinent à séduire le public lorsqu’ils s’intéressent aux événements positifs et aux solutions innovantes. (Extrait de la dépêche AFP publiée le 2/12/2014, à retrouver en intégralité sur le site de l’AFP)

Près de deux tiers des Français (64%) reprochent aux médias de ne pas « donner assez d’informations positives », selon un sondage publié mardi et réalisé par Harris Interactive pour ZoomOn auprès de 1.500 internautes français.

En janvier, le baromètre TNS Sofres-La Croix était aussi catégorique: 61% des sondés reprochaient aux journalistes de « faire trop de place aux mauvaises nouvelles ».

[…] depuis dix ans, de nombreux médias se sont emparés du « journalisme de solution », en créant des rubriques, des chroniques ou des hors-séries consacrés aux réponses à donner aux problèmes économiques, sociaux et environnementaux.

[…] « On a développé pas mal de choses ces deux dernières années, notamment +La France des solutions+, avec 25 médias, dont Le Figaro, France Info et TF1 », explique pour sa part Gilles Vanderpooten, directeur de Reporters d’Espoirs, association qui promeut les initiatives de terrain auprès des rédactions.

Depuis sept ans, Reporters d’Espoirs s’associe au journal Libération pour un numéro spécial annuel, « Le Libé des solutions ». Au sommaire, des savons antipalu, des smartphones pour aveugles, des vélos en bambou ou des initiatives citoyennes antimafia ou contre le gaspillage alimentaire.

-‘Noyés dans l’anxiogène’-

L’Express a aussi lancé son hors-série « Du business et du sens », consacré aux « modèles économiques solidaires et profitables ». Fin 2013, La Croix a créé une revue intitulée « Toute l’énergie du monde ». Sur internet, le site Youphil.com est exclusivement consacré au journalisme de solution.

« Il y a de plus en plus de sujets sur les solutions, mais ils sont toujours noyés dans le flot de l’info anxiogène », regrette Gilles Vanderpooten.

[…]

« Le public a une attitude ambivalente : il pointe les manques tout en suivant les médias » sur le terrain des infos alarmistes, commente Jean-Marie Charon, sociologue spécialiste des médias.

[…]

> Lire l’article intégral sur le site de l’AFP