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Articles venant étayer le MOOC Reporters d’Espoirs dédié au traitement médiatique du changement climatique.

QuotaClimat à l’Assemblée nationale : faut-il légiférer sur la place du climat dans les médias ?

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Le 19 juillet 2023, le député « socialistes et apparentés » Stéphane Delautrette annonçait, au milieu des fresques de l’Hôtel de Lassay, le lancement d’un groupe de travail transpartisan sur le traitement médiatique de l’urgence climatique. À l’origine de ce projet, l’association QuotaClimat qui, depuis 2022, plaide pour une représentation plus visible et plus pertinente du changement climatique dans les médias. « [D]e nombreux médias français favorisent la fabrique du doute en ne distinguant pas les faits des opinions », peut-on lire dans l’exposé des motifs de la proposition de loi qui figure sur leur site. Et plus bas : « Tout en saluant les récents engagements des journalistes en faveur d’un traitement médiatique plus sérieux de la crise écologique, la réponse à cet enjeu ne peut reposer que sur le seul volontariat. » Reporters d’Espoirs a assisté à l’après-midi de conférences et débats qui a contextualisé l’initiative parlementaire. Voici un bref résumé des réflexions qui ont pris place.

Un consensus général sur les lacunes des médias

Deux tables rondes sur le sujet de l’environnement et la liberté de la presse ont précédé les prises de parole des députés prenant part au groupe de travail. Parmi les intervenants, des journalistes (Le Monde, AFP, France Télévisions), des institutionnels (Arcom, Fondation Descartes) et des représentants de la société civile (collectif Pour un réveil écologique, QuotaClimat, Expertises Climat). Si les avis sur la nécessité législative de contraindre les médias varient, tous s’accordent à dire que leur traitement du climat laisse à désirer, à la fois en termes de volume et de qualité. C’est d’ailleurs sur ce constat, lors des présidentielles de 2022, que s’est constituée QuotaClimat afin de replacer l’écologie, considérée comme la grande invisible des campagnes, au cœur du débat public. La situation s’est un peu améliorée depuis, les initiatives sur lesquelles communiquent certains grands groupes laissant à penser que les lignes bougent, mais il reste du chemin à parcourir. Au sein de l’audience, on critique notamment le manque de cohérence des contenus, entre reportages sur l’augmentation des événements météorologiques extrêmes et articles dithyrambiques sur le salon du Bourget. La dissonance ne passe pas. Mais la question de la cohérence en amène une autre, particulièrement fâcheuse pour les médias en cette période de crise : la publicité. Peut-on parler sérieusement de climat tout en diffusant les annonces de grands pollueurs qui, par la force des choses, sont également de grands financeurs ? Ou, pour le dire plus crument, tous les médias ont-ils les moyens de bouder l’argent de TotalEnergie, à la manière du Guardian ? Face à cette question, les journalistes renvoient la balle à leur audience. Il est facile de jeter la pierre aux rédactions, mais les médias sont, pour la plupart, des entreprises avec un impératif de rentabilité. Donc si les citoyens désirent vraiment une information cohérente dépourvue d’annonces de SUV, ils doivent se résoudre à payer pour.

Journalisme de solutions : vouloir, c’est pouvoir ?

Un autre point sur lequel une grande partie des intervenants comme du public se retrouve, c’est aussi le besoin d’aborder le climat sous un angle constructif. Rapports du Reuters Institute sur la fatigue informationnelle, étude académique pointant l’incapacité du traitement médiatique actuel à promouvoir l’engagement citoyen vis-à-vis du climat… tout le monde s’accorde sur le fait que le ton général de l’info rebute les audiences. À plus forte raison sur un sujet aussi écrasant que le changement climatique. Il faut donc plus de solutions, déclarent les intervenants. C’est bien beau ces déclarations, répondent des membres de l’audience, mais que faire lorsqu’on est porteur d’une solution et que les médias, pourtant contactés, ne répondent pas ? Ou bien lorsqu’on est une grosse entreprise qui tente de mettre en œuvre des circuits vertueux et que les journalistes arrivent sur le terrain avec la certitude de trouver du greenwashing ? Des interrogations qui ne sont pas sans rappeler celles des festivaliers de Couthures-sur-Garonne, lors du Festival international du journalisme qui s’est tenu du 14 au 16 juillet. Car si de multiples rapports soulignent que les audiences à travers le monde ont soif de nouvelles constructives, si l’on discute beaucoup du journalisme de solutions lors des grands rassemblements de l’info, le volume des contenus effectivement « solutions » croît toujours avec la même lenteur. Il faut dire qu’un reportage constructif, qui interroge les limites et les potentialités de l’initiative dont il traite, réclame du temps et des moyens, deux ressources souvent rares au sein des rédactions. Dès lors, on est en droit de se demander si une couverture médiatique véritablement à la hauteur de l’urgence climatique peut encore s’accommoder du modèle économique des médias. En d’autres termes, le retard enregistré par la plupart des rédactions en la matière relève-t-il de la mauvaise volonté des journalistes ou bien de contraintes plus systémiques ?

Une loi peut-elle faire plus de bien que de mal ?

Il est toujours difficile de contraindre les médias par voie législative. La liberté de la presse constitue en effet un principe fondamental de notre système politique, inscrit dès 1789 dans la Déclaration universelle des droits de l’homme et du citoyen, puis réaffirmé dans de multiples lois, dont celle de 1881. Le spectre de la censure provoque des levées de bouclier sitôt que l’État s’intéresse d’un peu trop près aux publications des médias. Pour autant, l’imposition d’un contrôle au sein des rédactions sur la question du climat ne serait pas une première. L’Arcom, chargée par un amendement de 2011 de garantir le « respect des droits des femmes dans le domaine de la communication audiovisuelle », surveille déjà la représentation des femmes dans les médias audiovisuels. Le précédent existe. Mais pour certains intervenants, l’initiative parlementaire constitue tout de même un pari risqué, le changement climatique représentant déjà un sujet politique clivant, en passe de devenir un marqueur identitaire. Pour Laurent Cordonnier, directeur de la recherche à la Fondation Descartes, l’urgence est surtout d’éviter que ne se cristallise en France une polarisation binaire telle que l’on peut en voir aux Etats-Unis. Au-delà de vulgarisateurs compétents, les médias doivent aussi, peut-être surtout, revêtir le rôle de médiateurs. Tout cela sans tomber dans le piège du débat contradictoire qui a longtemps poussé les journalistes à opposer discours scientifiques et climatosceptiques. Autant dire que la tâche semble ardue. Mais il y a de l’espoir. De plus en plus de médias s’emparent des sujets environnementaux, la société civile s’organise afin d’accompagner et de renseigner au mieux les journalistes, les scientifiques se mobilisent pour lutter contre la désinformation. Peut-être s’agit-il du message le plus encourageant transmis lors du lancement de ce groupe parlementaire. Par-delà les divergences politiques, les désaccords de fond et les parcours divergents, les gens sont encore capables de se rassembler et de réfléchir ensemble aux moyens de résoudre des problèmes.

Quelles réactions de la part des médias ?

Parmi les rares médias ayant évoqué l’initiative à fin juillet 2023 :

  • « Est-ce bien aux élus d’imposer une ligne éditoriale aux journalistes ? » s’interroge Marianne (Un quota de sujets climat dans les médias ? « Peut-être qu’il y aurait des sanctions, rien n’est décidé », Margot Brunet, 27/7/2023) dans une interview du député Stéphane Delautrette (PS). Celui-ci affirme : « il me paraît important de fixer un seuil minimum de médiatisation au moment de l’élection présidentielle afin de s’assurer que ces sujets soient traités dans tous les médias avant l’élection. Nous allons démarrer le travail à la rentrée, la première réunion se tiendra le 27 septembre. Nous ne pouvons même pas encore assurer qu’elle aboutira à une proposition de loi. Notre objectif est d’avoir un texte fin décembre, au plus tard en janvier. D’ici là, nous allons mener un cycle d’auditions. » Et de rassurer : « Évidemment que nous n’irons pas à l’encontre de la liberté de la presse ! »

Sciences climatiques dans les médias : annonces, efforts, contradictions

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Photo by IISD/ENB | Anastasia Rodopoulou

Dans sa contribution au sixième rapport du GIEC, le troisième groupe de travail observe que la couverture médiatique dédiée aux sciences climatiques est non seulement de plus en plus rigoureuse, mais a pratiquement doublé de volume en quatre ans dans 59 pays du monde. Aurait-on franchi le cap d’une information consciente de l’urgence climatique, et résolue à faire passer le message à son audience ? Sophie Szopa, auteure principale, coordinatrice d’un chapitre pour le premier groupe de travail du GIEC et vice-présidente développement soutenable à l’Université Paris-Saclay, s’attache à transmettre ce que sont ces rapports, leurs résultats clés et, comment se construisent les connaissances sur le climat aux politiques et journalistes. Conférencière notamment à Radio France et France Télévisions, invitée de l’édition 2023 de l’événement Sciences et Médias, experte lors de l’initiative « Mandat ClimatBiodiversité » à l’Assemblée Nationale (formation suivie par 27% des députés), elle partage avec Reporters d’Espoirs ses observations sur les habitudes et les impensés journalistiques qui tendent, en dépit des bonnes intentions, à freiner une réelle transition de l’information.

Conscience environnementale, entre engagement et posture

En France, les grands médias généralistes se sont passé le mot : l’heure est à l’écologie. Ils signent des chartes, sélectionnent attentivement leurs illustrations – plus de glaces et d’enfants qui barbotent dans les fontaines pour accompagner les reportages sur la canicule –, ils forment leurs équipes à la Fresque du climat (comme Le Monde ou BFM) et communiquent à grand bruit sur leur nouvel engagement. Le ton de « bon élève satisfait » surprend, voire agace, les journalistes pionniers sur le sujet ou certains scientifiques. « J’ai du mal à comprendre cet effet d’annonce », explique Sophie Szopa à propos du « grand Tournant » de Radio France. « Voilà plusieurs décennies que le premier rapport du GIEC est paru. Il n’y a pas de quoi être fier de ne prendre la mesure de la situation que maintenant. » Pareille autocongratulation lui rappelle d’ailleurs le comportement de certains députés venus participer, peu avant leur entrée en fonction, au programme Mandat ClimatBiodiversité, trois journées de vulgarisation durant laquelle une quarantaine d’experts initiaient les élus aux enjeux environnementaux. « L’événement était couvert par la presse, certains élus venaient surtout pour être pris en photo. » Le nombre de députés présents lors de la seconde session organisée en automne – et surtout hors caméra –, a drastiquement baissé. Réjouissance toutefois : le programme a inspiré une initiative similaire au Royaume-Uni, et des formations à l’attention de haut-fonctionnaires français, puis de l’ensemble des fonctionnaires, ont été annoncées à l’automne 2022.

Des freins intrinsèques au sujet du climat ?

Scientifiques, activistes, journalistes s’évertuent depuis des années à rendre visibles les effets de nos modes de vie sur le climat. Comment expliquer que la plupart des médias ne se soient pas emparés plus tôt du sujet ? Sophie Szopa observe d’abord que l’idée selon laquelle l’environnement constituerait un « sujet plombant », qui de surcroît n’intéresserait pas le public, rebute souvent les rédactions. Ensuite, le changement climatique est un bouleversement inscrit sur le long terme, or les journalistes sont davantage habitués à traiter l’actualité chaude et les évolutions à court terme. De fait, les événements ponctuels, comme la sortie des rapports du GIEC, ou dramatiques, comme les récentes inondations au Pakistan, propulsent l’environnement au premier plan. Mais cet intérêt par vague est à double tranchant, car le flot de l’actualité ne tarit jamais, et il y a toujours un événement pour venir en chasser un autre. « Récemment, raconte Sophie Szopa, j’ai été contactée pour parler de la dégradation de la qualité de l’air aux Etats-Unis, en lien avec les incendies au Canada. Je me suis préparée et, au dernier moment, la rédaction m’a appelée pour annuler, parce qu’une attaque avait eu lieu à Annecy, et que ça les intéressait davantage. ». Enfin, nombre de médias généralistes appartiennent à de riches industriels, lesquels n’auraient pas forcément intérêt à promouvoir un discours de transition. Les journalistes de Monde ou de BFM avec qui elle a abordé la question ont toutefois garanti leur totale indépendance sur ce point.

Déléguer aux experts : un réflexe un peu facile ?

« Depuis la sortie du sixième rapport, les auteurs du GIEC, en particulier ceux qui s’investissent dans la vulgarisation, sont énormément sollicités. On nous demande d’intervenir dans des entreprises, des universités, des rédactions. ». Elle s’interroge par contre sur l’intérêt de la présence d’un scientifique chaque fois que le climat est mentionné sur un plateau télé ou dans un article. Dans les émissions télévisées, par exemple, est-ce que la nécessité d’avoir des images, donc des visages, ne justifie pas l’intervention d’un expert davantage que le besoin d’information qu’il serait seul à pouvoir fournir ? Après tout, les rapports d’organisations internationales relatifs à l’environnement sont pour la plupart en libre accès. Le GIEC lui-même a publié de nombreux produits dérivés pour vulgariser ses observations, comme des fiches sectorielles, ou un atlas qui permet de naviguer dans les données parues, quand le collectif étudiant Pour un réveil écologique résume en dix points clés les contributions de chaque groupe de travail. « Les ressources sont là », observe Sophie Szopa, mais les journalistes peinent à s’en saisir. « C’est tout de même saisissant que, durant la campagne présidentielle de 2022, la question de l’environnement ait été complètement occultée. Quand un candidat faisait une annonce sur le sujet, les journalistes politiques ne cherchaient jamais à creuser plus loin. Il existe pourtant un Haut conseil pour le climat, composé de scientifiques indépendants qui évaluent les mesures prises pour diminuer les émissions de gaz à effet de serre de la France. Le travail critique est déjà prémâché. » Les lignes commencent cependant à bouger. On peut penser par exemple aux dernières initiatives du journal Le Monde, dont la première, « Comprendre le réchauffement », résume l’état des connaissances scientifiques sur le réchauffement planétaire dû à l’activité humaine grâce entre autres à des graphiques interactifs, et la seconde, la série « Adaptation », présente en onze reportages extensifs le potentiel d’adaptation de la France aux futures conditions climatiques. La scientifique salue également le travail de fact-checking (vérification) environnemental mené par de nombreuses rédactions. Reste à voir si ces connaissances serviront aux journalistes eux-mêmes pour traiter du climat avec pertinence, et ce quelle que soit leur spécialité. En pratique, les compétences existent souvent au sein des rédactions, ce sont des choix éditoriaux qui limitent le bon traitement de ces sujets.

Sortir le climat de la « case environnement »

Confiner le sujet à une seule rubrique, souvent secondaire, voilà en effet ce que Sophie Szopa reproche surtout aux médias français. Car on ne fait pas plus transverse que les crises environnementales. Économie, alimentation, politique, santé, énergie, sports – avec les récentes réflexions sur l’organisation d’événements à la fois internationaux et écoresponsables – tout touche de près ou de loin à l’impact des humains sur l’environnement ou à l’effet de la dégradation environnementale sur nos sociétés. Compte-tenu de l’urgence écologique, les professionnels de l’info ne devraient plus pouvoir évacuer ces questions sous prétexte qu’ils ne travaillent pas à Reporterre ou dans la rubrique « environnement » de Libération. Invitée en mars 2023 à une session de la formation aux enjeux climatiques de France Télévisions Université, organisée pour ses équipes de journalistes en régions, Sophie Szopa a ainsi pu constater que certains journalistes s’entendaient souvent répondre par leurs homologues que l’environnement constituait « un problème de bobos », voire un sujet circonscrit, dont le traitement ne remettait pas en question la façon de couvrir d’autres thématiques au sein d’une même rédaction. « La contribution du premier groupe de travail au sixième rapport du GIEC est sortie le 9 août 2021. Dans le JT, ce jour-là, les infos relatives à cette publication ont été immédiatement suivies d’un reportage sur la passion des Français pour les litchis. Rien sur l’impact environnemental de consommer ce genre de produits en France et un décalage flagrant entre un sujet grave et une information de divertissement. Ce n’est pas cohérent. » Pour autant, des rencontres régulières entre scientifiques et responsables de rédaction et journalistes de France Télévisions organisées depuis le printemps 2022 semblent avoir porté leurs fruits : une cellule « planète » a été constituée avec la volonté d’améliorer et de systématiser le traitement des informations relatives aux crises environnementales et à la transition. Information qui est d’ailleurs bien plus fouillée sur leur site internet, consulté par une population plus jeune et plus intéressée par ces sujets. Le point météo qui suit le journal de 20h a également évolué en un journal météo et climat, ce qui permet de mieux contextualiser les phénomènes météorologiques, mais aussi de raccourcir le chemin entre explications scientifiques et questions du public, puisque des scientifiques interviennent parfois directement afin d’apporter des réponses. Une équipe de référents scientifiques a de surcroît vu le jour peu après. Son rôle consiste à porter environ une fois par an un regard rétrospectif sur la manière dont le groupe a traité du climat, afin d’identifier des points d’amélioration.

En parler plus, en parler mieux… est-ce suffisant ?

Il existe un monde entre la connaissance et l’action : c’est presque une banalité de le dire. Le premier rapport du GIEC date de 1990. Trente-trois ans plus tard, le sixième rapport estime que le réchauffement de la planète est, en l’état actuel des mesures politiques, susceptible d’atteindre 3°C d’ici la fin du siècle. En outre, si l’on parle beaucoup des risques liés au changement climatique, leur perception demeure diffuse. Sophie Szopa rappelle qu’en juillet 2021, l’Allemagne a subi des inondations de grande ampleur, aux conséquences dramatiques, dont l’origine fut attribuée dès août au réchauffement climatique par le World Weather Attribution. « Les élections fédérales ont eu lieu peu de temps après, en septembre 2021. Malgré le choc des inondations, on n’a pas vu les Verts remporter les élections. » En dépit d’une augmentation de voix pour les écologistes de 5,8% par rapport à 2017, la Direction générale du Trésor constate que le SPD, victorieux, demeure en Allemagne l’un des partis de gauche les moins ambitieux vis-à-vis de la transition écologique. L’information ne se suffit donc pas à elle-même, c’est un fait. Surtout quand la culture médiatique de la controverse pousse parfois à opposer à outrance des points de vue sur le sujet sans chercher à rappeler les faits scientifiques qui eux ne sont pas discutables. Pour autant, affirme Sophie Szopa, le traitement du changement climatique par les médias demeure essentiel, en ce qu’il fournit des éléments de référence au débat public. « Les bouleversements de l’environnement et les choix de transition nous concernent tous, c’est normal que les médias témoignent de ces changements et les explicitent. C’est ce qui nous permet de débattre de la route à suivre. » Et c’est l’existence d’un débat public qui donne à une décision collective son caractère démocratique.

Louise Jouveshomme, chargée d’études au Lab Reporters d’Espoirs, juillet 2023.

Sortir l’écologie du placard : les nouveaux engagements des médias depuis 2022

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Longtemps associé au militantisme, restreint à des rubriques dites « ghetto » (INA, 2022), le journalisme écologique a peu à peu gravi les échelons des priorités au sein des rédactions. Aujourd’hui, les médias multiplient les déclarations d’intention, les chartes et les manuels de bonnes pratiques afin de mieux informer la population sur les enjeux environnementaux et de réduire leur propre empreinte écologique. Quels sont les engagements qui ont marqué le secteur médiatique français ces derniers mois ?

 

« Le consensus scientifique est clair : la crise climatique et le déclin rapide de la biodiversité sont en cours, et les activités humaines en sont à l’origine. » Ainsi commence la Charte pour un journalisme à la hauteur de l’urgence écologique, rédigée à l’initiative de Vert.eco et signée par plus de 1500 journalistes et 120 rédactions, organismes de formation et boîtes de production. Publié le 14 septembre 2022, ce texte destiné à l’ensemble de la profession résume en treize points les engagements de clarté, rigueur, contextualisation et formation des diverses parties prenantes. Bien que saluée pour sa portée et sa détermination à questionner le mode de fonctionnement de la société dans son ensemble, il ne s’agit pas de la première initiative du genre, que ce soit à l’étranger ou en France.

Ainsi, le 30 juin 2022, France Médias Monde (dont RFI et France 24 ont par ailleurs signé la Charte susmentionnée) souscrivait déjà un contrat-climat, passé avec l’État dans le cadre de la loi « Climat et Résilience », sur la publicité responsable (objectif premier de l’article 7 de la loi), la formation de ses équipes et la rigueur de ses contenus vis-à-vis des enjeux écologiques. Deux mois plus tard, le 29 août 2022, Radio France annonçait pour sa part son Tournant environnemental, avec le « plus grand plan de formation de son histoire » et des objectifs de sobriété numérique, énergétique, carbone. Autant de déclarations qui forment comme une « vague verte » dans le monde médiatique ; vague à laquelle s’ajoutent encore le communiqué de France Télévisions du 26 septembre sur « la crise du siècle » environnementale (qui a lancé son journal Météo Climat le 13 mars 2023), et la feuille de route Climat 2022 du Groupe TF1, davantage centrée sur le contenu des reportages et les « bons gestes » des téléspectateurs.

L’argument de la sacro-sainte « neutralité », dont les rédactions ont pu un temps se targuer pour remiser au placard l’écologie considérée comme « militante », perd ainsi de sa pertinence. Tous les manifestes déclarent se « ranger du côté de la science », en reconnaissant que le dérèglement climatique n’est pas une opinion mais un fait scientifique avéré. Le 12 janvier 2023, c’est au tour du Groupe Sud-Ouest de lancer son projet Déclic, grâce auquel il place l’environnement (à l’échelle tant internationale que locale) au cœur de sa production éditoriale. Le groupe s’engage également à créer un comité scientifique interne, et à réduire son empreinte écologique. Le 2 février, Ouest-France publie sa propre Charte pour un journalisme au niveau de l’enjeu écologique, dont une majorité des dispositions concernent la rigueur et la transversalité du traitement de l’environnement.

Quelques douze jours plus tard, la commission « la presse s’engage pour l’environnement » de l’Alliance pour les Chiffres de la Presse et des Médias (ACPM) dévoile son Livre blanc en partenariat notamment avec l’Alliance de la presse d’information générale, sur lequel elle travaille depuis l’été 2022. À la fois guide de bonnes pratiques et index des « grands chantiers d’ores et déjà mis en œuvre », cinq des six grandes parties du texte concernent la production des articles et des journaux (impression, distribution, publicité, diffusion numérique) afin d’aider les entreprises médiatiques à diminuer au mieux leur consommation énergétique et leur impact néfaste sur l’environnement. Enfin, tout récemment, Le Monde se dote le 21 avril, d’une Charte Climat & Environnement, qui reprend les engagements de formation des équipes, de rigueur scientifique, de cohérence publicitaire et de réduction de l’empreinte écologique évoqués plus haut.

Il serait toutefois injuste de réduire l’engagement des médias en faveur de l’environnement aux initiatives, certes spectaculaires, que nous venons de citer. Depuis les années 1970, quelques journalistes et rédacteurs précurseurs se battent pour placer ce sujet en première page (Comby, 2005) et créer des médias dédiés ou militants. Influencées tant par cet engagement que par l’actualité, les rédactions se sont lentement intéressées au sujet, avec une nette accélération à partir des années 2000. On cesse peu à peu de voir dans le climat un non-sujet et d’inviter des personnalités climato-sceptiques pour contester sur les plateaux les propos de scientifiques du GIEC (INA, 2015). On parle de plus en plus de climat dans les journaux télévisés (INA, 2020 ; Reporters d’Espoirs, 2020). Autant de signes encourageants que les chartes et manifestes précédemment énumérés viennent consacrer. Reste à voir comment tout cela se traduit de manière concrète, et si ce nouvel engagement des médias se traduit par une couverture climatique plus constructive.

Louise Jouveshomme/Lab Reporters d’Espoirs, 27 avril 2023.

Environnement / Engagement, quel est le bon ton ? (Méta-Media)

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L’équipe de Meta-Media dirigée par Eric Scherer, directeur de la prospective à France Télévisions, a publié le 2 septembre 2022 un article intitulé « 10 choses à retenir de l’été 2022 pour les médias ». Le point 5 évoque les nouvelles demandes de la société concernant le traitement des questions climatiques.

Au sortir d’un été marqué par les vagues caniculaires et les catastrophes climatiques, journalistes et citoyens sont nombreux à réclamer une meilleure couverture du changement climatique. Il est notamment reproché aux médias un défaut d’explication, transcrit dans le manque de causalité entre les récents événements et le dérèglement climatique.

Alors que de nombreuses images alarmantes circulent, peu de pistes de réflexions sont proposées. A l’inverse, de nombreux articles traitant du climat se sont fait reprocher leurs illustrations positivistes. C’est le cas de Libération avec l’illustration d’un article alarmiste d’un climatologue par la photo d’un homme profitant du soleil à la mi-juin. Une étude a montré que 31% des images illustrant la canicule sont toutes aussi positives en Europe. Pourtant, il est prouvé que le changement climatique est un enjeu majeur pour les citoyens : il serait même un défi capital pour 94% des Français.

Pour autant, les lecteurs aspirent aussi à un journalisme moins alarmant et souhaitent un traitement constructif, vérifié, pédagogique et rigoureux du sujet. De nouvelles narrations s’imposent alors pour couvrir ce thème : la narration autour des impacts personnels et locaux, l’angle des solutions ou alors la vulgarisation du discours scientifique. Les formats évoluent aussi, entre représentations visuelles, formats interactifs et gamification. L’effort est aussi à faire en interne, où le changement climatique est souvent vu comme une thématique engagée et parfois polémique. Pourtant le traitement d’un tel thème ne peut s’arrêter à une énumération de faits sans analyse et mise en contexte. Les salles de rédaction sont face au défi de se doter d’experts pour les aider à traiter le sujet. Elles peuvent aussi renforcer leurs relations avec des institutions académiques pour proposer des formations sur le sujet

>Lire l’article complet sur le site de Meta-Media