Si le crédit adoucit le quotidien de nombreux foyers, son utilisation peut devenir irraisonnée et amener ainsi à condamner, de façon brutale ou plus ou moins insidieuse, l’emprunteur. Cette ambivalence a été au cœur du débat organisé dans le cadre du 40ème «Alter Mardi : Parlons Solutions » animé par Erwan AUDOUIT, responsable microcrédit au Crédit Coopératif. Alors qu’un dossier de surendettement est déposé toutes les 3 minutes en France, nos invités se sont penchés sur les outils innovants pour lutter contre les effets pervers du prêt bancaire qui ébranlent toutes les catégories sociales. A y regarder de plus prêt, ils se sont attachés tout particulièrement à repenser l’éthique de cet outil financier, qui ne devrait en aucun cas faire le malheur des uns quand il fait le bonheur des autres.
Problème de définition, vision flouée ? A voir certains consommateurs souscrire, sans le moindre contrôle, plusieurs prêts dans différents établissements bancaires complices, c’est à se demander si le crédit ne doit pas être redéfini ! Faire crédit c’est faire confiance. Aussi il reste avant tout un acte d’engagement, souvent sur le long terme, dont les conséquences doivent être pleinement mesurées, grâce à un accompagnement et une pédagogie budgétaires. Hors, l’explosion ces dernières années du surendettement des familles tend à prouver une mal information générale, des encadrements superficiels et des prises de risque non considérées. 90 000 ménages passaient en commission de surendettement en 1990 contre 220 000 en 2010… Le taux moyen d’endettement chez nos voisins européens demeure souvent inférieur à 20 000 Euros, quand il oscille en France entre 35 000 et 45 000 euros… Pointé du doigt : le controversé crédit à la consommation. Coûteux car délivré à des taux d’intérêt très élevés par rapport aux taux du marché, 40% des Français n’y ont pas accès. Prévenir l’endettement et proposer des alternatives innovantes devient une urgence, bien française !
Plus d’accès et moins d’excès ? La loi Lagarde, effective depuis le 1er mai, promet de mieux protéger l’emprunteur en l’informant afin de lui donner le choix de son crédit, en limitant la durée de son emprunt et en lui donnant une plus grande possibilité de se rétracter. Cependant, comme le rappelle Jean-Yves Godard, responsable des Relations Extérieures de LaSer Cofinoga, l’accès au prêt continue de poser problème : « tant qu’une baisse du montant moyen du surendettement et du nombre de dossiers d’endettés ne sera pas effective, l’accès sera limité ». Autre point non résolu par la loi : la transparence et l’anticipation. Le fichier négatif ne permet pas de mesurer la cause d’un refus, ni de guetter et prévenir le surendettement. L’emprunteur qui a 2 mois de retard, en réalité 3 ou 4 mois, se trouve automatiquement inscrit dans ce registre. Il est souvent trop tard pour redresser la barre. Certains inconscients continuent à emprunter, souscrivant parfois un crédit pour en rembourser un autre, tant qu’ils ne sont pas fichés à la Banque de France… Un registre national des crédits aux particuliers, appelé également fichier positif, devient, dans ces conditions, indispensable !
Autant prévenir que guérir, c’est le crédo de Jean-Louis Kiehl et de Régis Halter, directeurs de Crésus. Leur réseau associatif, pionnier sur les questions de surendettement est aux premières loges des effets dévastateurs du crédit à la consommation. Pour lutter contre le mal endettement et le surendettement, il a mis sur pieds des actions d’éducation et d’accompagnement des ménages à risque. Son partenariat avec Laser Cofinoga, autour d’une plateforme d’accompagnement budgétaire à la carte et de détection du malendettement, est tout à fait innovant. Jean-Yves Godard loue cette association vertueuse : « Les établissements doivent créer des structures d’accueil des consommateurs, trouver des solutions de ré étalonnement de leurs créances et les orienter vers des organismes de pédagogie et d’accompagnement, comme Crésus ». Une démarche volontaire et constructive où tous les acteurs de la société s’investissent : banques, associations et clients… Enfin, dans une logique de crédit raisonné, le prêt sur gage et le micro-crédit personnel, pratiqués par le Crédit Municipal de Paris se révèlent être un appui pour les exclus du crédit à la consommation. Alexis Angot, Chargé de mission Microcrédit Personnel au Crédit Municipal de Paris, qui s’appuie lui aussi sur de nombreux partenaires bancaires et associatifs, conclut : « l’important est de travailler le plus en amont possible et le plus en partenariat possible. C’est cette approche multi partenariale qui participe à cette nouvelle philosophie du crédit ».