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Interviews

“Les gens n’attendent pas qu’on leur dise quoi faire ou que d’autres se chargent de résoudre les problèmes”, entretien avec Nicolas Dessaigne

By 16 août 2021août 19th, 2021No Comments

LaFranceDesSolutions.fr est un moteur de recherche créé par Reporters d’Espoirs à destination des professionnels des médias. Son objectif : faciliter leur veille de contenus de solutions et d’initiatives pour les aider à enrichir leurs reportages, identifier de nouveaux angles, sujets, des projets concrets et pérennes. À l’occasion du lancement de cette plateforme de mise en relation des acteurs de solutions et des médias, nous mettons en lumière nos partenaires techniques, acteurs de la FrenchTech. Nicolas Dessaigne, ingénieur et entrepreneur, a co-fondé Algolia en 2012, un puissant moteur de recherche qui propulse de nombreux sites web dont LaFranceDesSolutions.fr, la plateforme de Reporters d’Espoirs offerte aux journalistes souhaitant faciliter leur veille d’initiatives et partager leurs reportages.


Vous avez co-fondé Algolia en 2012, une référence dans le monde de la recherche sur le web. S’il n’y a pas de recette, il existe probablement quelques ingrédients pour faire advenir une telle pépite?

Il y a une infinité de startups créées chaque année, qui réussissent ou échouent. Les perspectives de croissance n’étaient pas suffisantes sur notre projet initial de moteur de recherche exclusivement dédié aux applications mobiles. Nous avons dû pivoter au bout de quelques mois, notamment parce que nous avons été à l’écoute des retours de nos utilisateurs.

Il existe deux types d’entrepreneurs : ceux qui vont aller envers et contre tous, ont une idée claire de ce qu’est leur futur, et réussissent quand bien même on leur a rétorqué qu’ils avaient tort ; et ceux qui écoutent les feedbacks avec le danger d’être tentés de suivre le dernier qui s’exprime.

En plus d’être à l’écoute, il faut aller vite. Nous avons eu l’opportunité d’être incubés par le Y Combinator, un accélérateur de startups californien qui fournit des programmes de 3 mois, ce qui nous a donné un sentiment d’urgence. Notre équipe de 6 personnes vivait alors jour et nuit ensemble pour expérimenter de nouvelles idées. Beaucoup ne fonctionnaient pas, mais certaines ont eu un réel impact sur la trajectoire de l’entreprise.

Votre siège social est implanté aux Etats-Unis, et votre pôle technique se trouve en France. Pourquoi ce choix ?

Une fois notre programme d’incubation aux Etats-Unis terminé, la question s’est posée : rester, rentrer en France, créer deux équipes ? Nous savions qu’à terme, il serait nécessaire d’avoir une présence intercontinentale, mais il était encore trop tôt, aussi nous avons préféré retourner en France. Étant français, nous avions l’avantage de connaître l’écosystème local du recrutement et des ingénieurs, c’est donc là que nous avons démarré. Paris est toujours le plus gros de nos bureaux. Cela étant, il y a de très bons ingénieurs dans le monde entier. Et nous avons toujours eu une pensée globale pour le produit : c’est un outil pour les développeurs, qui parlent tous anglais.

Qu’est-ce qui est inspiré de la culture française, de votre attachement à la France, et que vous avez intégré à la vie quotidienne des collaborateurs d’Algolia ?

Avec mon associé Julien, nous avons été inspirés par la lecture de L’entreprise libérée ce qui nous a amené à favoriser la prise d’initiative spontanée par nos équipes. Mais à partir d’une certaine taille, nous nous sommes rendu compte que ce qui était organique ne fonctionnait plus. La valeur de la « confiance » que nous arborions –comme l’une de nos 5 valeurs fondamentales- ne pouvait se réduire à la transparence des salaires. Il y avait d’autres manières de l’incarner, comme donner une visibilité sur ce vers quoi se dirige l’entreprise, en mettant en place une mission, une vision et des objectifs clairs pour réaligner tout le monde. On a réussi à “remonter la pente”, puisque l’entrepreneuriat, c’est une succession de hauts et de bas… et je pense qu’on est de nouveau sur un haut !

Avez-vous défini une « politique d’engagements » pour Algolia – en faveur par exemple d’une technologie ‘responsable’ ou du soutien à des initiatives à impact social ou environnemental ?

Notre engagement s’est construit petit à petit, car on n’y pensait pas forcément lors de la création de la société.

La majorité des initiatives engagées est venue des employés. Par exemple, certains de nos salariés ont commencé à donner des cours de développement informatique aux réfugiés.

Autre exemple : au lieu de distribuer des goodies, notre équipe événementielle de San Francisco a proposé de mettre en place sur les salons un système de dons à l’association Women Who Code, qui aide les femmes à apprendre le développement informatique. Pour chaque scan de badge de visiteur, on s’est mis à donner 10$ à l’association. Les visiteurs aimaient beaucoup l’idée et on a reversé ainsi plusieurs milliers de dollars.

Algolia offre ses produits aux acteurs de l’open-source et de l’associatif. Un mot sur ces initiatives ?

Comme toutes les boîtes, nous utilisons des produits open source qui facilitent la vie des développeurs. L’équipe Tech a eu l’idée de donner en retour, en créant des budgets dédiés à l’aide aux projets open source. Nous offrons aussi un plan gratuit aux associations à but non lucratif et aux projets open-source qui souhaitent intégrer Algolia à leur produit.

Nous avons aussi notre matching donation : pour tous nos salariés qui souhaitent faire un don, Algolia double la mise jusqu’à 5000$ par employé. Une seule règle : l’association doit respecter nos valeurs.

Nous avons aujourd’hui de nombreux programmes qui sont répertoriés sur une page dédiée de notre site.

Vous approprieriez-vous la notion de “Tech4Good”, technologie au service du bien commun ?

Oui et non ! On ne peut évidemment qu’y aspirer. Mais Algolia est un business-for-profit classique. Ce serait un manque d’humilité que de reprendre cette notion à notre bénéfice, là où d’autres font beaucoup mieux et pour lesquels c’est un élément fondamental.

Algolia est essentiellement utilisé par des acteurs du e-commerce et des marketplaces, puis par des médias, et viennent ensuite les startups qui vendent des logiciels en ligne par abonnement. On découvre tous les jours de nouvelles utilisations, c’est l’avantage du format API que nous proposons, qui est une interface avec laquelle les développeurs informatiques peuvent “jouer” pour construire leurs applications.

Parmi vos clients, on trouve des médias français comme France Télévisions et Ouest France. Quelle est votre relation aux médias « traditionnels » et aux nouveaux médias ?

Comparativement à ce qui se passe aux Etats-Unis où je vis désormais, je pense que la France s’en sort bien. Et je continue de faire confiance aux médias traditionnels.

Il y a 17 ans, avec Reporters d’Espoirs a émergé la démarche de « journalisme de solutions » ou plus globalement « média de solutions ». Que pensez-vous de cette idée de faire des médias des démultiplicateurs de diffusion d’initiatives constructives/à impact ?
Est-ce que ça correspond à une attente de votre part / à un ressenti que vous partagez ?

Oui évidemment, ce qui m’a toujours plu à Algolia, c’est que nous avons réussi à créer une culture où les gens s’engagent par eux-mêmes. C’est une culture de responsabilisation, de prise d’initiatives et d’encouragement. C’est ce que j’aime dans l’analogie ici, ce côté mouvement populaire où les gens n’attendent pas qu’on leur dise quoi faire ou que d’autres se chargent de résoudre les problèmes. Le côté bénévole est très fort, on ne dit pas quoi faire, c’est eux qui s’activent pour essayer de faire bouger les lignes.

Propos recueillis par Joshua Tabakhoff


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