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L’actu des médias

[Le Monde] Désormais, le « Guardian » préfère voir le verre à moitié plein plutôt qu’à moitié vide

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Violaine Morin (@ViolaineMorin) a publié le 8 juin 2016 dans le journal Le Monde un article dans lequel -à partir de l’exemple du quotidien britannique The Guardian, récemment converti au journalisme constructif (avec la série « Half Full« )- elle fait un point sur ce mouvement porté en France par Reporters d’Espoirs. Notons que The Guardian s’était déjà fait remarquer pour son engagement éditorial ambitieux en amont de la conférence climat Cop21, en se positionnant contre les énergies fossiles et en faveur des énergies renouvelables (« Keep in the group » campaign) .
Extrait.

« Le Guardian a mené une enquête auprès de ses lecteurs, pour savoir s’ils apprécieraient de lire plus de nouvelles positives. La réponse est tombée il y a quelques jours : « Un nombre significatif nous a répondu que nous voyions constamment le verre à moitié vide», explique le quotidien britannique.
Depuis le 1er juin, les internautes sont donc invités à proposer leurs idées, sur un formulaire disponible sur le site, pour alimenter une nouvelle série d’articles intitulée «Half full» («à moitié plein»). Sous-titrée «solutions, innovations, réponses », la série propose déjà deux articles : l’un sur les solutions imaginées par des start-up pour nourrir la planète, et l’autre sur le revenu universel.
L’initiative rouvre un débat déjà ancien dans la presse : faut-il faire de l’information positive?
En France, le «journalisme constructif » ou «journalisme d’impact » est porté par l’association Reporters d’espoir, qui souhaite relayer plus de reportages « « positifs » et collabore par exemple avec le « Libé des solutions » et le «Ouest France des solutions», des numéros spéciaux qui paraissent une fois par an. […]»

La journaliste rapporte les propos du Guardian, qui ont le mérite de confirmer la distinction entre « positif » / »bonne nouvelle » et « journalisme constructif » (ou « de solutions ») que promeut Reporters d’Espoirs depuis de nombreuses années :

« Ceux qui ont essayé de s’opposer au cours habituel des actualités ont souvent été tournés en dérision, indique le journal. On les accusait de tomber naïvement dans le piège de la futilité et du buzz, ou alors de passer à côté de l’info. Nous croyons qu’il existe un juste milieu. Ce ne sont pas des « bonnes nouvelles », mais un journalisme constructif, centré sur les solutions et les réponses, sans pour autant les approuver. »

The Guardian confirme ainsi la nécessité d’un journalisme de la complexité : analyser les problèmes et enjeux tout en analysant des « solutions » (ou plus précisément des initiatives proposant des réponses concrètes). Avec le même regard critique et distancié. Pour éclairer les citoyens et témoigner que l’action est possible et peut être productive, contre le fatalisme. Voilà notre mission.

«Journalisme de Solution » le nouveau dress code de Nice Matin

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Engagé aux côtés de Reporters d’Espoirs dans « La France des Solutions », le journal passe à la vitesse supérieure et fait du journalisme de solutions, une réalité sur le papier ou presque… !

C’est l’une des priorités de la nouvelle stratégie numérique du groupe Nice-Matin:« construire un média utile à sa communauté ». Permettre au lecteur de découvrir à proximité de chez lui, des porteurs d’initiatives qui parviennent à répondre aux problèmes quotidiens ; leur proposer une immersion sur le terrain ; financer des projets locaux : tel est le souhait de cette première édition numérique orientée « journalisme de solutions ». En plus d’analyser les enjeux sociétaux actuels, il s’agit de rendre service à ceux qui les vivent, et qui par ailleurs ont contribué à sauver le journal. Un tournant journalistique recherché, assumé, et financé à hauteur de 60 % par Le Fond Google-AIPG pour l’innovation numérique de la presse.

Il nous faut se souvenir que le quotidien était en redressement judiciaire jusqu’en novembre 2014, date où il fut autorisé par le tribunal de commerce à être reconnu comme société coopérative d’intérêt collectif. Une mutation pour le groupe Nice Matin en partie réalisée grâce à la campagne de crowdfunding,  qui avait permis de récolter en septembre 2014 près de 400 000 euros. Un an plus tard, Nice Matin récidive et met en place un financement participatif pour la création d’un journal en ligne, qui génère 620 pré-abonnements. Nice Matin veut faire honneur à ses contributeurs : experts, pouvoirs publics, société civile, tous sont consultés pour apporter des solutions concrètes, et faire de ce nouveau quotidien régional, un outil social profitable.

L’article sur la cohabitation des loups et des bergers en Italie, est une illustration de cet angle problème + solution. Les  journalistes de Nice-Matin montrent comment « Dans la province de Cunéo, où sont recensées 9 à 11 meutes, les années noires de 2001-2002 semblent révolues ». L’enquête insiste sur chaque étape qui a permis aux bergers de poursuivre leur activité sans menacer l’existence des prédateurs.

Cette manière de traiter l’information n’a toutefois pas empêché la rédaction de faire face à quelques obstacles en interne. Si un certain désintérêt a pu se manifester au départ, il était surtout lié à une faible culture du digital, ainsi qu’à la méconnaissance du journalisme de solutions. Longtemps associé à un journalisme de « bonne nouvelle », il est désormais reconnu et mis en avant pour son utilité : chercheur de solutions, moteur de lien social, il permet moyennant 9,90 euros par mois, d’être acteur de la vie locale. Sur chaque abonnement numérique, le groupe a décidé de reverser 1 euro à une cagnotte d’aide au financement de projets solidaires et innovants. Toujours dans une optique de participation, Nice Martin encourage ses lecteurs à voter pour leur projet préféré.

–  L’opération «Il faut sauver le petit Kiosque Jeannot » a permis de collecter 7152 euros

il faut sauver le kisoque

 

 

 

 

 

 

 

Donner l’opportunité d’écrire des tribunes, d’émettre une expertise, de témoigner ou encore de proposer des sujets à la rédaction…Autant d’occasions de rappeler aux abonnés qu’ils ont à faire à un « Journal qui vous appartient ». Et ça marche ! Les articles intégrant des solutions sont vus 2,8 fois plus que les articles posant uniquement les problèmes (4700 pages vues en moyenne pour ceux dit « solutions », contre 1700 pour ceux dit « problèmes »).

Anaïs DEDIEU

Retour sur… Le Transformational Media Summit

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Après Washington et Londres, c’est à Paris, les 30 novembre et 1er décembre 2015,  durant la Cop21 que se réunissaient Reporters d’Espoirs et ses réseaux internationaux. Journalistes, professionnels des médias, communicants, se sont rassemblés pour une même cause : mettre les médias au service d’un monde meilleur.

Albert Einstein le disait : «Si l’humanité veut survire, elle devra changer sa manière de penser. » C’est  pour permettre ce changement qu’une centaine de personnes s’est rassemblée au Belushi’s, quartier général de la communauté Place to be, dynamique de lutte contre le réchauffement climatique.  Pendant deux jours,  des intervenants se sont relayés afin de présenter leur projet, leur vision d’un monde plus juste.  Et c’est Odile Decq qui  a ouvert le bal.  Cette architecte de renom a créé une école d’un genre particulier : Confluence, centre de formation pour architectes, est un institut où pédagogie rime avec liberté et décloisonnement. Dans ce lieu conçu comme un lieu d’expérimentation, les élèves sont amenés à « trouver les solutions par eux-mêmes » explique Odile Decq. Basée à Lyon, l’école entend former des professionnels mais pas seulement : «L’architecture n’est pas qu’une profession, c’est une discipline. Le but n’est pas d’obtenir un diplôme mais d’apprendre à créer différentes choses.»

«Création » est l’un des maitre-mot de ce rendez-vous  qui, entre chaque  « pitch », prend des allures de cours de récréation. Tout au long de la journée, Magalie Folmer, coach en communication invite l’assemblée à former plusieurs groupes.  Le but ? Développer sa créativité  à l’aide d’exercices. Prendre une écharpe et en faire un chapeau ? Dessiner une ville idéale ? Ce premier jour se voulait interactif.

Mardi 1er décembre. Le public retrouve les équipes de Reporters d’Espoirs et de la Transformational Media Initiative, coorganisatrices de l’événement.  Au menu : enchainement de pitchs « façon TED », et d’exposés suivi  de multiples interactions avec l’audience.  Katerine Adams est la première à entrer en piste.  Venue du Canada, elle a cofondé Goodness Tv, un media web qui promeut des initiatives innovantes. Son ambition : pousser les gens à agir car Katerine Adams en est persuadée , « Chaque être humain est une partie du problème mais aussi de la solution. Il est temps d’arrêter d’écouter les diseux pour se concentrer sur les faiseux. » Et des faiseux, il y en avait beaucoup  à commencer par Slater Jewel Kemker. Cette américaine de 23 ans est  à l’origine du documentaire Inconvenient Youth, qui retrace le  parcours d’une jeunesse qui se bat pour sauver la planète. « Je voulais capturer une histoire humaine, mettre en avant un futur que nos parents ne nous avaient pas promis… un futur plus beau. » Inspirer, c’est aussi le leitmotiv de Caroline Sénéclauze, fondatrice de Moteur, une association qui veut inciter les 15-18 ans à prendre la caméra pour filmer  leur modèle, la personne qui les inspire. Au terme d’un concours organisé par l’association, le film primé sera projeté au Festival de Cannes : de quoi motiver les cinéastes en herbe !

Utiliser les médias et le cinéma pour sensibiliser, c’est le propre du storytellingMaxime Riché, ancien ingénieur devenu photographe, l’a bien compris en réalisant son documentaire et série photographique Climate Heroes. Cinq années de voyage à la rencontre d’individus aux parcours atypiques qui agissent pour préserver la nature, l’ont conduit aux quatre coins du monde. En Gambie, il a rencontré Isatou Csesay  qui donne aux femmes la possibilité  de générer des revenus grâce aux déchets plastiques. En Indonésie Amir, Sryadi, Subarie et Monsieur Payoto luttent contre la déforestation tandis qu’au Viêt-Nam, le bouddhiste Bun Saluth a rassemblé six villages afin de protéger plus de 18000 hectares de forêt au Cambodge.

Quant au témoignage de Laurent de Chérisey, il illustre parfaitement la puissance des médias lorsqu’ils sont mis au service de la solidarité. L’histoire qui se cache derrière son initiative Simon de Cyrène ressemble à un conte de fée. Son ami Philippe Pozzo Di Borgo lui évoque un jour un film inspiré de sa propre histoire, en cours de réalisation. Et lui propose de verser une part de ses recettes à l’association. Ce film, ce sera… Intouchables ! Avec le succès qu’on lui connait (près de 54 millions d’entrées dans le monde). Les maisons de vie partagée Simon de Cyrène, entre personnes handicapées et valides, répondent à un vrai problème de société : l’intégration des personnes handicapées, et au-delà,  le vivre ensemble. Une cohabitation essentielle qui selon Laurent de Cherisey pousse à « écouter la voix des sans voix. » Donner une voix à ceux qui n’en ont pas, c’est la raison d’être de Reporters d’Espoirs, « un réseau qui se confronte à la difficulté de s’intéresser à une information qui ne fait pas de bruit mais qui médiatise des solutions qui viennent des problèmes ».

Informer et raconter pour inciter à la prise d’initiative, favoriser l’émergence d’une société plus juste, c’est le pari des acteurs réunis lors de cette 3ème édition du Transformational Media Summit. Un  pari que Reporters d’Espoirs tente de relever au quotidien.

Myriam Attaf

Médias et Justice : la proposition du journalisme constructif

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De l’importance de l’investigation journalistique

Le J’accuse d’Emile Zola marque un tournant dans les rapports de la presse avec la Justice. En s’insurgeant contre les dysfonctionnements d’une justice militaire qui fait condamner Dreyfus (un innocent), Zola journaliste se positionne à la fois comme avocat et comme accusateur public. Dreyfus est réhabilité ; Zola acquiert une stature de justicier, et avec lui, la presse s’impose comme contre-pouvoir.

Le jugement des journalistes n’est pas infaillible pour autant. On regrettera parfois la hâte des censeurs, l’incompatibilité des temps médiatiques et judiciaires, ou la confusion entre présomption d’innocence et de culpabilité. On pourra alors invoquer qu’il appartient « à la justice de juger, aux médias d’informer »… et qu’après tout, chacun son rôle !

Mais ce serait faire peu de cas de l’utilité de l’investigation journalistique, de l’enquête et de la contre-enquête extrajudiciaires. Lorsque le journaliste Denis Robert investigue sur « l’affaire Clearstream », il fait l’objet de plusieurs dizaines de procédures judiciaires. Combat long (une décennie), inégal (nombre de ses confrères le conspuent comme Zola en son temps), difficile et douloureux. Mais victorieux : il lui sera rendu justice au nom de « l’intérêt supérieur » que constitue le devoir « d’informer le public sur un sujet d’intérêt général ».

De la justice à la justesse

Au-delà du rapport des médias à la justice institutionnalisée (dont la vocation est de faire respecter la loi), on peut mettre en question la manière de traiter l’information. Les médias traitent-ils des faits avec justice – ou avec justesse, et dans la complexité? Peuvent-ils proposer des analyses objectives et exhaustives ?

Ces questionnements rejoignent ceux du « journalisme constructif », examiné et expérimenté par Reporters d’Espoirs 1.

Son postulat : l’attirance des médias pour la catastrophe risque de générer résignation apprise, fatigue d’impuissance et démobilisation.
Sa proposition : refléter la complexité du monde, en traitant les dysfonctionnements au même titre que la capacité des populations à trouver des réponses, à faire preuve de résilience et de créativité.
Son constat : cette démarche suscite un intérêt croissant de la part des journalistes, sous l’effet de « la » crise (globale et de la presse) et du négativisme qui atteint les citoyens, journalistes compris.

Il arrive aux médias de faire alliance avec la justice ou, au contraire, de la défier, de vouloir se substituer à elle. Il peut aussi leur arriver de rendre justice, à ceux qui souffrent, qui créent, qui œuvrent au bien commun. C’est la proposition du journalisme constructif, qui veut refléter « le couple opportunités-menaces propre à toute dynamique de vie 2 » . 

Gilles Vanderpooten
Journaliste, Directeur de l’association Reporters d’Espoirs
Ce texte paru dans les « Cahiers d’espérance », à l’occasion de l’intervention de Reporters d’Espoirs à Notre Dame de Pentecôte (Eglise de Paris La Défense) dans le cadre du cycle des conférences de Carême 2016 sur le thème « Cherchez la Justice ».

 

NOTES

  1. Association loi 1901 reconnue d’intérêt général, agissant depuis 2004 « pour une info qui donne envie d’agir ». Partie de France, elle a essaimé à l’International, faisant des émules en Europe et aux USA au cours des trois dernières années.
  1. Laurent de Chérisey, cofondateur de Reporters d’Espoirs.

Positive News UK explore un nouveau business model participatif

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positive news UKEngagé depuis une vingtaine d’années dans le journalisme constructif, le média britannique PositiveNewsUK opère sa mutation en transformant son journal en magazine, à l’issue d’une campagne de financement participatif internationale lancée en juillet 2015. La contribution financière de 1 526 lecteurs et journalistes dans 33 pays a rendu possible la levée de 263 000 livres, soit plus de 338 000 euros, en l’espace d’un mois.

Les réseaux sociaux ont largement contribué au succès de l’opération. Plus de 220 000 « j’aime » sur facebook et presque 19 000 followers sur Twitter témoignent de l’enthousiasme suscité par l’initiative de PositiveNewsUK.

D’après les chercheurs américains du Pew Research Center, les projets journalistiques recourent de plus en plus au crowdfunding. Mais cette campagne intitulée #Ownthemedia, «le média vous appartient » en français, n’a pas seulement permis de surmonter la crise de financement du journal. Il s’agit aussi d’explorer un nouveau business model dans lequel le lecteur est co-propriétaire du magazine, donc coopérateur.

PositiveNewsUK s’est ainsi transformé en coopérative. Ce statut permet à chaque lecteur copropriétaire, indépendamment du niveau de son investissement financier, de participer au vote des décisions stratégiques, selon le principe de gouvernance démocratique 1 personne = une voix.

La coopération, un modèle d’avenir pour les médias ?

La formule présente de nombreux intérêts dans un contexte de crise de la presse écrite, et de défiance à l’égard des médias. Elle rejoint les nombreuses questions qui se posent au secteur, en matière de propriété des médias, de structure de l’actionnariat, ou d’implication des citoyens.

En France, le Groupe Nice Matin fait figure de fer de lance. Il a en effet trouvé un nouvel élan en adoptant un statut de coopérative associant à son capital, non pas les lecteurs comme c’est le cas pour PositiveNews (qui se rapproche ainsi d’une coopérative de consommateurs), mais les salariés (coopérative de salariés).

La coopérative serait-elle la meilleure structure pour transformer un média et lui permettre de répondre aux exigences du XXIe siècle ? Le débat mérite d’être approfondi.

"Nous nous sommes surpris à pratiquer un journalisme d’empathie, nous, les spécialistes du négatif" [Le Monde]

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Nous publions ici un extrait de l’article de journalistes du Monde ayant couvert les événements du 13 novembre 2015 (En mémoire du 13 novembre, par Sylvie Kauffmann et Aline Leclerc), qui est intéressant notamment pour son caractère introspectif. Les journalistes mettent en évidence la pratique d’un « journalisme d’empathie », qui fait écho aux travaux de Reporters d’Espoirs sur le journalisme de solutions, et aux analyses de médecins et psychiatres tel Serge Tisseron qui a particulièrement étudié la notion d’empathie.

En mémoire du 13 novembre

« Nous avons beaucoup appris de ce Mémorial. Bien plus que nous ne l’avions anticipé, lorsque nous avons lancé ce projet, la nuit des attentats, sous le choc d’un bilan qui n’était encore « que » de 40 morts, mais qui s’alourdissait d’heure en heure. L’idée, très simple, était, précisément, de ne pas limiter ces victimes à un bilan, de rendre à chacune son nom, son visage, son histoire. Pour les garder en mémoire, collectivement.
Nous avons d’abord beaucoup appris sur eux, les 130 morts du 13 novembre. […]

Journalisme d’empathie

[…] Au fil des jours, malgré nous, ce Mémorial, projet journalistique, s’est doublé d’une dimension sociale qui nous a échappé. Notre distance habituelle, ce cynisme si mal compris à l’extérieur mais qui nous sert de rempart parfois, tout s’est écroulé devant cette nouvelle proximité. Nous nous sommes surpris à pratiquer un journalisme d’empathie, nous, les spécialistes du négatif, les experts de la noirceur. Nos boîtes e-mail internes se sont remplies d’échanges d’étranges impressions (« Ça me fait vraiment mal de pénétrer ces foyers brisés, et un peu de bien d’écrire, pour une fois, des choses gentilles 😉 », « Cette douleur, tu prends ça en pleine face, ça fait pleurer… »), en même temps que nous nous sentions portés par l’adhésion des lecteurs, chaleureusement exprimée, à notre démarche, que beaucoup ont jugée nécessaire. « Un hymne à la vie », nous a écrit un lecteur. Ça non plus, nous n’avions pas l’habitude.

Peu à peu, les journalistes se sont retrouvés dépositaires d’une mémoire, la mémoire du 13 novembre. Un lien de confiance s’est établi avec les familles endeuillées. « Je prends ça comme un autre métier : écrivain public », a résumé une journaliste aguerrie, l’une des nombreux auteurs de portraits. Ce récit collectif ne doit pas s’arrêter là. Nous le poursuivrons donc, avec ceux qui vont continuer à vivre sans les êtres aimés et ceux qui ont survécu à leurs blessures. Les survivants du 13 novembre. »

> Retrouvez l’article intégral sur le site du Monde