Les économies développées ont connu en 2008 une crise dont les effets se font toujours sentir d’un strict point de vue économique. Cette crise a magnifié la remise en cause profonde du système qui l’a permise. Le capitalisme, forme dominante de l’économie de marché, n’est pas en odeur de sainteté. Entre protestations et propositions, qui veut sa peau et comment ?
A l’occasion de la sortie du n°81 d’Interdépendances, rencontre exceptionnelle avec Eve Chiapello co-auteure de « Le nouvel esprit du capitalisme », ouvrage de référence paru en 1999 et réédité cette année en format poche. A ses côtés, plusieurs invités viendront partager avec nous leurs idées pour développer de nouvelles alliances, gérer et dépasser les inévitables tensions entre radicaux et réformateurs sur les sujets qui les animent :
– Pascal Canfin, député européen et initiateur de l’appel « Finance Watch »
– Julie Stoll, coordinatrice de la Plate-Forme pour le Commerce Equitable
– Nayla Ajaltouni, coordinatrice du collectif « L’éthique sur l’étiquette »
– Tarik Ghezali, délégué général du Mouvement des entrepreneurs sociaux, animera cette rencontre
Dire et Agir
Edito d’Eve Chiapello, paru dans Interdépendances 81 (avril-juin 2011), un numéro spécial dont elle est rédactrice en chef invitée :
Comment oeuvrer pour une société plus durable ? Au départ il y a l’indignation, le sentiment que cela ne convient pas, que la vie économique notamment pourrait être plus éthique, plus orientée vers le bien-être social et moins destructrice de l’environnement. Encore faut-il se sentir en droit d’exprimer son insatisfaction même si on n’entrevoit aucune solution, et pour cela, ne pas se sentir seul. En favorisant les comportements individualistes supposés peser moins sur les libertés individuelles (chacun peut avoir l’impression qu’il fait ce qu’il veut), notre société nous fragilise en créant un sentiment d’impuissance. Reconstruire des collectifs passe par des rencontres, des liens construits personne après personne, et donc une pluie d’initiatives sur tout le territoire.
Le changement social suppose aussi une écologie des initiatives. Les forces critiques radicales qui dénoncent et appellent à une transformation considérable stimulent le mouvement et incitent les acteurs à entrer dans des processus de changement qui ne peuvent être que progressifs. Des acteurs inventent de nouveaux dispositifs à la croisée de l’existant et des critiques adressées. Certains imaginent de nouveaux régimes réglementaires, d’autres de nouveaux instruments de gestion. Des entrepreneurs montrent qu’on peut faire autrement. Des consultants font circuler ces innovations. Tous sont nécessaires, les radicaux et les réformistes, ceux qui documentent les dérives, ceux qui donnent de la voix et ceux qui créent de nouvelles pratiques, ceux qui construisent des alternatives et ceux qui veulent changer les grandes institutions. Le changement passe aussi par la coopération entre des acteurs qui ne se rencontreraient pas autrement, venant du public et du privé, des ONG et de l’entreprise, de la sphère politique et du monde de la recherche, du syndicalisme et de la culture.
Bien sûr, dans le chaudron militant, les inimitiés ne sont pas rares, car il faut dire qui on est et ce à quoi on croit, se distinguer du plus proche auquel on pourrait être assimilé. Ceux qui ont choisi la radicalité trouvent les autres mous, les accusent de produire de petits changements à la marge ou pire de favoriser le blanchiment d’un système néfaste. Ceux qui préfèrent aider le système à changer, et « se coltinent la réalité » comme ils disent, trouvent les indignés sans solution au mieux inutiles, au pire nocifs. Pourtant, la visée radicale est un ingrédient indispensable à la réforme, la protestation est un facteur d’action. La critique est nécessaire au changement même si elle n’est pas toujours capable d’être constructive. D’autres acteurs pourront l’être. Là comme ailleurs, il faut envisager une division du travail, des connaissances et des compétences.
Rendez-vous mardi 17 Mai de 19h00 à 20h30
à la Mairie du 3ème Salle des fêtes 2, rue Eugène Spuller 75003 Paris
M° République/Temple