Comme un avant goût de révolution, un changement de cap, un dernier virage plein de promesses. Le 42ème « Alter Mardis: Parlons solutions » a célébré, en grandes pompes, dans la salle des fêtes de la mairie du 3ème arrondissement, les volontés de trouver des réponses à la crise du système capitaliste. Tarik Ghezali, (Mouvement des entrepreneurs sociaux) présidait un débat plein de hauteur mettant à l’honneur des solutions innovantes pour contrer les manquements et les travers de notre économie mondiale malade. Eve Chiapello, Pascal Canfin, Julie Stoll et Nayla Ajaltouni, ont fait un point post crise financière, tout en prônant des comportements innovants et alternatifs. Une table ronde qui a soulevé un seul et même questionnement : celui de notre futur à tous.
Nos sociétés avancent dans une époque bourrée de paradoxes. D’un côté, elles assistent à un foisonnement d’initiatives, marqueur d’une volonté indéfectible des citoyens de faire bouger les lignes. De l’autre, elles constatent une inertie vertigineuse des décideurs politiques et économiques. Eve Chiapello, co-fondatrice et co-responsable de la majeur Alternative Management à HEC, évoque le positionnement de nos sociétés « à la jonction d’une crise capitaliste et d’une prolifération de critiques, de débats et d’initiatives ». Les révoltes de l’autre côté de la Méditerranée en sont une parfaite illustration.
Trois ans après la crise, une machine de re-réglementation s’est mise en marche au cœur de l’Union Européenne. Tous les sujets financiers ont été mis sur la table et l’eurodéputé Pascal Canfin nous promet que « beaucoup de textes pris en co-décision dans un futur proche avec les membres de l’Union Européenne annoncent des changements ». C’est sans tabou qu’il précise que les décideurs politiques n’auront d’autre choix que de lever certains dogmes, comme celui de l’extrême mobilité financière : « Tout doit circuler librement, tout le temps, à la micro seconde près (…) Il faut mettre des limites à la liquidité d’un titre, recloisonner pour stopper cette liquidité permanente ». Les Etats doivent également régler la dette publique, qui ne fait que les affaiblir face aux institutions bancaires, et ainsi inverser le rapport de force.
Seulement, « pour bouger les décideurs, il faut défendre les mises en échec », insiste la co-auteure du Nouvel esprit du capitalisme. Les choses ne changeront pas sans une élévation importante des critiques, des contestations et des révoltes. Ainsi, les contre-expertises, accompagnées d’un contre lobbying et d’une communication grand public, sont évoqués par nos invités comme la formule gagnante pour sortir nos société de l’impasse. C’est la mission de la transpartisane ONG Finance Watch, groupement européen de surveillance citoyenne des pratiques de la finance et des banques. Soutenue par Pascal Canfin, elle s’est fixée pour objectif de créer un débat, interpeler le grand public, assurer une contre-expertise en matière de réglementation bancaire et financière, puis mettre en place un contre-lobbying.
Le collectif L’Ethique sur l’Etiquette, coordonné par Nayla Ajaltouni, qui s’est illustré dans la campagne contre le recours au sablage des jeans, mise lui aussi sur le dialogue, sans avoir peur de hausser le ton, voire de passer à une action radicale quand la négociation ne suffit plus. La menace d’un appel au boycott peut alors être utilisée comme moyen de pression sur telle ou telle entreprise. Ce garde-fou de notre système économique dénonce des situations de violation des droits de l’homme, exerce un lobbying auprès des entreprises, communique et révèle l’inacceptable en utilisant l’outil médiatique. Pour contrecarrer les délocalisations, qui interviennent de plus en plus entre régions d’un même pays ou de Sud à Sud, le collectif propose un indicateur de salaire et de conditions de travail, comme celui utilisé pour les travailleurs du textile en Chine, ce qui encourage les syndicats et favorise la capacité d’organisation des salariés.
Enfin comment rétablir l’équilibre entre petits producteurs et grande distribution, faire cohabiter les différents acteurs d’un bout à l’autre d’une même chaine? Ce sont les missions que se sont fixés les labels du commerce équitable qui couvrent un marché de 4 milliards d’euros dans le monde. Julie Stoll rappelle que « le besoin d’équité s’impose partout et pour tous », à l’heure où la tendance des circuits courts explose et où un commerce de Sud à Sud et de Nord à Nord pèse dans la balance des échanges. Le rôle des labels ? Faire respecter à tous les niveaux « équitable », produire des expertises pour vérifier son impact et s’assurer de la qualité des partenariats. Mais également relever le défi du changement d’échelle, pour s’adapter à la demande des acheteurs et des distributeurs, en trouvant et en organisant des coopératives de productions volumineuses, sans pour autant déséquilibrer les autres producteurs.