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Revue de presseSociété

Le Soleil se lève pour les enfants khmers

By 24 novembre 2011janvier 13th, 2021No Comments

Au coeur du Cambodge, trente jeunes adolescents ont, pendant quatre ans, appris le métier de comédien. Ils débarquent à la Cartoucherie de Vincennes du 23 Novembre au 24 décembre dans « L’Histoire terrible mais inachevée de Norodom Sihanouk, roi du Cambodge ».

 

Ils sont assis sur le bord de la scène,joyeux et pourtant sérieux,beaux visages khmers,lumineux regards, ça discute un peu côté filles, ça chahute un peu côté garçons. Comme chaque fin d’après-midi après les répétitions, les trente jeunes comédiens qui interprètent «l’Histoire terrible mais inachevée de Norodom Sihanouk, roi du Cambodge»attendent les«notes »des deux metteurs en scène, issus du Théâtre du Soleil d’Ariane Mnouchkine. Nous sommes au cœur du Cambodge, à Battambang, près de la frontière thaïlandaise. Plus précisément à Phare Ponleu Selpak, Lumière de l’art, dans une association née dans les camps de réfugiés pendant les années 1980.A travers l’expression artistique (arts
visuels, cirque, théâtre), celle-ci redonne sécurité et joie de vivre à des adolescents victimes indirectes des années rouges,ayant connu la pauvreté, l’abandon,la violence familiale, la drogue, voire la prison.

Le doute et l’espoir chevillés au corps,ils vont écouter Delphine Cottu et Georges Bigot, celui qui fut le roi Sihanouk dans la pièce d’Hélène Cixous montée pour la première fois en 1985 par le Théâtre du Soleil.Quatre ans déjà que le binôme les a embarqués dans ce projet fou, ils écoutent car ils savent qu’ils n’ont pas fini d’apprendre et de comprendre -c’est le même mot en khmer- l’histoire de leur pays qui vit grossir l’utopie meurtrière des Khmers rouges. Et le métier d’acteur. Certains ont même dû apprendre à lire. Ces jeunes Cambodgiens n’imaginaient pas ce qui les attendait. Apprendre la ténacité pour décrocher un rôle à l’école d’Ariane Mnouchkine. Mais aussi apprendre à former une troupe,  solidaire,  dans un contexte social où l’individualisme prime. Ce  fut plus dur pour les garçons que pour les filles et ce sont elles qui ont décroché les premiers rôles. Une raison à cela? Elles étaient tout simplement meilleures, peut-être parce qu’elles avaient des passés moins lourds que les garçons. Sous le maquillage, Mardy, menue et harnachée d’un faux ventre,  incarne le prince Sihanouk, le roi-dieu, celui qui fait tomber la pluie et joue au chat et à la souris avec les grandes puissances.

Quand la ravissante Ravy interprète, tout en retenue, l’inquiétant Saloth Sâr, le futur sanguinaire Pol Pot, l’angoisse est saisissante. Étonnantes jeunes femmes, à la fois juvéniles et matures, qui discutent longuement dans la tiède nuit khmère devant une bière Angkor. Mardy a seulement un frère pour famille. Ravy, née dans le camp de Site B, se souvient des bombardements et «d’avoir fait chiffonnière à la décharge». Son père travaillait dans le théâtre, il avait du
talent mais il est devenu alcoolique… C’est également une femme, l’adorable Hieng, qui joue Kissinger, le funeste secrétaire d’Etat américain. Derrière la douceur enfantine du sourire, Hieng, circassienne de talent,est solide.  Sa famille peut compter sur elle, elle lui donne toute sa paie.

Les garçons aussi sont formidables. Samnang, le gamin, victime de trafic humain, récupéré sniffant de la colle dans la rue, explose de vitalité et de virtuosité derrière le masque de Suramarit, le roi défunt.Tu te sens comment sur scène ? «Je me sens électrique. » Pouch, le conseiller de Sihanouk, raconte comment «au début on a eu peur d’avoir des problèmes à jouer le roi ». Kuoa, qui joue Khieu Samphan, actuellement sur le banc du procès des Khmers rouges, avoue avoir ressenti la même appréhension.« On va se faire assassiner», était une crainte très partagée.Il avait 12ans quand sa mère est partie en Thaïlande, son père est aux abonnés absents. Tous vont prendre l’avion pour la France. Quand, du hublot,  ils verront s’éloigner le «pays de l’eau et de la terre », nul doute que les poitrines palpiteront. Quand, sur scène, ils entonneront «la Chanson de Phnom Penh », nul doute que leur ferveur fera frissonner la salle. Et sans doute, le grand vent du Soleil soufflera sur la Cartoucherie.

 

 

Plus d’informations sur la pièce sur ce site.

 

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