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L’UNOC, ou comment la biodiversité peut devenir une priorité médiatique

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par Emma Baraban, Giulia Bono et Phoebe Skok / Reporters d’Espoirs

Avec à peine 1 % du temps d’antenne à la télévision et à la radio1, la biodiversité s’est imposée à la Une des médias à l’occasion de la Conférence des Nations Unies sur l’Océan (UNOC), organisée à Nice du 9 au 13 juin 2025. Porté par l’Objectif de développement durable n°14 (vie aquatique), l’événement a permis à plusieurs rédactions de traiter la biodiversité sous un angle concret et humain : santé, médecine, alimentation, climat, territoires.

Une augmentation significative et généralisée du temps d’antenne dédié à l’océan

L’UNOC a entraîné une augmentation significative de la couverture médiatique des enjeux liés à l’océan et à la biodiversité. Selon les données de l’Observatoire des Médias sur l’Ecologie (OME), la part des sujets environnementaux à la radio et à la télévision a grimpé à 6,8 % pendant la semaine du sommet, contre une moyenne annuelle de 3,7 % en 2024. Ce pic d’attention a déjà été observé lors d’autres grands événements internationaux à portée environnementale (COP 29 (5,1%) et COP 28 (5,8%)) sans atteindre un tel niveau.

L’augmentation ponctuelle de la couverture ne s’est pas limitée aux médias spécialisés sur les sujets environnementaux. Plusieurs rédactions généralistes ont mobilisé leurs ressources éditoriales pour produire des contenus sur les enjeux océaniques, souvent sous un angle local, technique ou humain. Cette intensification de la production éditoriale met en évidence une capacité des rédactions à traiter d’un écosystème et de ses enjeux de manière approfondie, même si cela se produit dans un contexte spécifique.

Une place donnée aux initiatives citoyennes

Certains médias ont ouvert leurs colonnes aux contributions citoyennes. Nice-Matin a lancé en amont du sommet un appel à propositions intitulé « Ma proposition pour l’océan », destiné à ses lecteurs. Le quotidien régional a reçu plus de 300 réponses et en a publié plusieurs dans ses pages, exposées lors du sommet. Cette initiative s’inscrit dans une logique participative, visant à relier les attentes du public aux processus décisionnels internationaux.

Dans la même dynamique, Nice-Matin a couvert une opération de nettoyage menée sur les berges du Paillon à Nice, quelques jours avant l’ouverture du sommet. Le reportage vidéo réalisé à cette occasion documente l’engagement d’associations locales, tout en relayant certaines propositions concrètes issues du terrain, comme la réintroduction de la consigne pour les bouteilles en plastique.

Autre exemple, RFI a diffusé plusieurs mini-films réalisés par de jeunes vidéastes dans le cadre de son réseau ePOP, consacré aux enjeux environnementaux vécus localement. Ces contenus, présentés dans l’émission C’est pas du vent, traitent notamment de pollution marine, de surpêche ou de dégradation des littoraux. Ils sont accompagnés d’analyses contextuelles, permettant de mieux comprendre les réalités écologiques de différents territoires.

Un écosystème, une multiplicité d’angles

Durant l’UNOC, certaines rédactions ont opté pour des formats de reportage ancrés dans les territoires. Le Monde a consacré un article à la réserve marine de Cerbère-Banyuls (Pyrénées-Orientales), en choisissant de contextualiser les négociations sur les aires marines protégées à partir d’un exemple localisé. Cette approche permet de rendre perceptibles les effets concrets de la régulation environnementale, en illustrant la manière dont des dispositifs de protection peuvent produire des résultats visibles sur les écosystèmes.

De son côté, France Info a produit une série de contenus thématiques à l’occasion d’une journée spéciale dédiée à l’océan. L’un des reportages s’intéresse à l’usage de satellites pour la surveillance de la pêche illégale, en s’appuyant sur les travaux de la société française Unseenlabs. Ce traitement combine données scientifiques, applications techniques et éléments réglementaires, offrant une lecture transversale du sujet.

Dans un registre différent, Libération a publié un numéro spécial intitulé Le Libé des océans, comprenant un article sur les effets des éoliennes offshore de Saint-Nazaire sur la biodiversité marine. L’article met en lumière le phénomène connu sous le nom d’« effet récif », observé autour des structures métalliques installées en mer. Ce traitement montre comment une infrastructure liée à la transition énergétique peut également produire des effets sur les écosystèmes, tout en soulevant la question des impacts environnementaux indirects.

Ces exemples illustrent le fait que l’UNOC n’a pas seulement servi de vitrine diplomatique. Pour plusieurs rédactions, il a été l’occasion de traiter la biodiversité autrement, en sortant des images convenues ou des chiffres répétés. De tels grands rendez-vous peuvent inviter les journalistes à élargir leur regard et à explorer des manières plus variées de raconter la biodiversité. Ce type d’approche permet de l’ancrer davantage dans l’actualité, de la rendre plus tangible pour le lecteur, et de montrer qu’elle n’est pas un sujet isolé mais qu’elle recoupe de nombreux enjeux de société.

Des contenus plus poussés et plus concernants sur la biodiversité

En temps ordinaire, la biodiversité apparaît souvent dans les médias sous des formes dispersées : faits divers liés à la faune, images attendrissantes d’animaux charismatiques ou récits isolés sans véritable mise en perspective. Ces traitements, centrés sur des observations ponctuelles, peinent à montrer en quoi la biodiversité s’entrelace avec des enjeux humains, économiques ou sociaux. 

L’UNOC 2025 a marqué un contraste. 

Profitant de la force d’un agenda international, plusieurs rédactions ont proposé des formats plus riches et structurés. Reportages de terrain, enquêtes technologiques, portraits ou encore dispositifs participatifs, ces approches révèlent les liens entre la biodiversité et des réalités concrètes comme la pêche illégale, la transition énergétique ou les initiatives locales. En ancrant les reportages dans les territoires, il est possible de renouveler la manière de parler de biodiversité et d’en renforcer la place dans l’actualité.

La couverture de l’UNOC 2025 est la preuve qu’il existe une vraie marge de manœuvre pour parler de biodiversité autrement. Pendant quelques jours, les rédactions ont su varier les formats, relier les enjeux à la vie quotidienne et donner de la profondeur à un sujet souvent perçu comme lointain. L’enjeu sera de conserver cette dynamique au-delà des grands rendez-vous internationaux, pour que la biodiversité trouve sa place dans l’actualité au même titre que la santé, l’économie et le climat.

1. Source : Observatoire des Médias sur l’Ecologie – mai 2025 : https://observatoiremediaecologie.fr/

Photo : Ouverture de l’UNOC à Nice, juin 2025 | Crédits : UN Photo/Evan Schneider

Envie d’en savoir plus sur le traitement médiatique de l’océan ?

Plongez dans le 4e numéro de notre revue, dédié à la biodiversité et l’océan !

UNOC : Nice-Matin nous fait rencontrer  les « vigies de l’océan »

By Biodiversité Contenus, Environnement, Interviews, L'actu des médias, Le Lab BiodiversitéNo Comments

A l’approche de la 3e Conférence des Nations unies pour l’océan (Unoc-3), qui se tient à Nice du 9 au 13 juin 2025, la rédaction de Nice-Matin prend le large. Avec « Les vigies de l’océan » elle propose une série de dix portraits de personnalités azuréennes. Skipper, apnéiste, océanographe ou photographe y racontent leurs passions, constats et espoirs. Objectif : parler de mer autrement. L’initiative mêle sensibilisation, participation citoyenne et journalisme de solutions. Explications par Sophie Casals, responsable des projets éditoriaux du journal.

Propos recueillis par Emma Baraban/Reporters d’Espoirs

photo : Sophie Casals interroge le biologiste et photographe Jean-Vincent Vieux-Ingrassia, l’une des dix vigies de l’océan, sur la plage de Beaulieu-sur-Mer. Crédit photo : Camille Devisi.

Emma Baraban : Comment est née cette série, et pourquoi avoir choisi de la construire autour de dix personnalités du monde marin?

Sophie Casals : Les grands sommets internationaux, comme celui de l’ONU sur l’océan, paraissent souvent lointains, techniques, voire déconnectés du quotidien. Aussi nous avons voulu rendre ce sujet plus proche, plus incarné. Comment parler de la mer à nos lecteurs ? Et surtout, comment le faire à partir de notre territoire, la Méditerranée, ses habitants, ses usages ? La réponse est venue naturellement : en donnant la parole à celles et ceux qui vivent la mer au quotidien, ici, sur nos rivages. Apnéiste, réalisateur, photographe, chercheur. Nous avons bâti une galerie de portraits à la fois variée et incarnée. Pas seulement des experts mais des voix capables de transmettre un attachement sensible, une émotion. On voulait parler à l’intellect et aussi donner à ressentir la mer, sa beauté, sa fragilité. Chaque entretien commence par une entrée intime : comment est née leur passion pour la mer ? Ensuite, on les amène vers les menaces qu’ils perçoivent et les solutions qu’ils imaginent.

Votre série adopte une posture constructive. Pourquoi ce choix ?

Nous faisons du journalisme de solutions depuis bientôt dix ans chez Nice-Matin. Cela ne veut pas dire qu’on nie les problèmes : au contraire, on les documente avec précision. Mais on sait que le constat seul ne suffit plus. Trop d’informations anxiogènes finissent par détourner les lecteurs. Pour qu’ils restent engagés, il faut leur donner le sentiment qu’ils peuvent, à leur échelle, avoir prise sur les événements. Nos vigies alertent sur la pollution plastique, la surpêche, la dégradation des petits fonds… Mais on ne s’arrête pas là. On leur demande aussi de formuler des propositions, de raconter ce qu’ils font déjà, et ce qu’ils attendent des décideurs, notamment à l’approche du sommet. Mieux consommer, mieux se déplacer, s’engager localement, se reconnecter à la mer. On ne minimise pas mais on ne désespère pas.

Pour aller plus loin, nous avons lancé, en parallèle, l’initiative participative « Ma proposition pour l’océan ». On a demandé aux lecteurs ce qu’ils proposeraient s’ils étaient à la table des décideurs. Et là encore, surprise : plus de 300 contributions, d’une grande qualité, venues de lecteurs de 15 à 80 ans, parfois très documentées. On a senti une attente forte : être écouté, pris au sérieux, participer.

Comment articulez-vous cette série avec le sommet de l’UNOC ?

Nous avons souhaité travailler en amont du sommet. Préparer le terrain, sensibiliser les lecteurs avant que l’actualité ne soit prise en charge par la couverture plus classique – les discours, la signature des traités. Pendant plus de deux mois, on a publié un portrait par semaine. À cela s’ajoutent un documentaire et une soirée de projection avec nos abonnés et les vigies. Tout cela pour inscrire les grands enjeux du sommet dans une réalité locale, concrète, méditerranéenne.

Nice-Matin est un média local, ancré sur une façade maritime. Cela nous donne une responsabilité particulière : ici, la mer est tangible, vécue. C’est un espace commun. Et lorsqu’on a demandé ce qui préoccupait nos lecteurs et leurs idées pour protéger la Méditerranée, ils ont répondu avec précision : pollution plastique, sur-tourisme, bétonisation du littoral et aussi création d’aires marines protégées, école de la mer itinérante, robots nettoyeurs pour les ports… Ce sont des enjeux à la fois locaux et globaux, qui figurent dans les priorités du sommet. C’est aussi pour ça qu’on a voulu exposer leurs propositions dans notre espace à l’UNOC. Il y aura les portraits de nos vigies et les contributions citoyennes les plus plébiscitées par les lecteurs – qui votent. On veut que ces paroles locales pèsent. Montrer que ce qui se dit ici a sa place dans un débat international. Et on souhaite que nos lecteurs, en retrouvant leurs préoccupations dans l’agenda du sommet, se sentent pleinement légitimes à participer, à s’exprimer, à interpeller. Un lecteur bien informé est un citoyen plus exigeant. C’est aussi ça, notre rôle.

Ce projet a-t-il changé votre regard sur le métier de journaliste ?

Oui. Il nous rappelle qu’on ne peut pas se contenter de transmettre des faits. Il faut aussi parler au cœur, montrer ce qui est beau, pas seulement ce qui est abîmé. Le biologiste et photographe Jean-Vincent Vieux-Ingrassia révèle aux lecteurs la vie insoupçonnée des petits fonds marins. Il montre qu’il y a de la vie dès les premiers centimètres d’eau. Ce type de récit surprend, émerveille, change les regards – et, parfois, le rapport à l’environnement. 

Ce projet renforce aussi notre conviction : le journalisme de solutions n’est pas un supplément. C’est une manière responsable d’informer, d’impliquer, de relier. Si l’on désespère nos lecteurs, on désespère aussi leur capacité à agir, à voter, à se sentir concernés. 

Enfin, on croit de plus en plus au journalisme participatif. Sur des sujets très concrets comme l’océan, associer les lecteurs permet de mieux comprendre les enjeux locaux, de recueillir leurs préoccupations et de valoriser leurs idées. Ils répondent présents. Et ils veulent être partie prenante de l’information.