Alizée Bossy et Victoria Levasseur restituent le travail de leur commission Ecologie devant l’assemblée réunie au Cese. Photo copyright Mary-Lou Mauricio/Parlement des jeunes.
Voix assurée, discours soigné, conviction chevillée au corps : sur scène, on sent bien qu’ils ne sont pas là par hasard. La scène, c’est l’hémicycle du Conseil économique social et environnemental (CESE), qui accueille à Paris la 2e édition du Parlement des jeunes. Eux, ce sont 170 jeunes de 16 à 24 ans, réunis pour se faire les porte-voix des propositions de la jeunesse.
Paul Chambellant/Reporters d’Espoirs
Devenue le temps d’un après-midi le théâtre d’une jeunesse qui se conjugue au pluriel, l’estrade agitée de l’hémicycle a vu défiler autant de formes d’engagement que de jeunes. Au terme de trois réunions de travail en distanciel, voilà qu’ils se retrouvent enfin, « en vrai », pour restituer leur expérience d’intelligence collective. L’audience se montre captivée par les dix thématiques explorées, du travail à l’autonomie financière en passant par le numérique, l’inclusion, l’écologie et la citoyenneté. Pour chacune, les jeunes ont émis des propositions : un dispositif d’accompagnement professionnel de chaque élève dès l’entrée en seconde ; un observatoire national des initiatives locales en santé pour mieux les reproduire à d’autres échelle ; ou encore une cellule d’engagement dans les lycées.
De jeunes « parlementaires »
Lycéens, étudiants, entrepreneurs, jeunes actifs… Ces « parlementaires », venus de tous horizons et régions de France, s’engagent chacun à leur manière. Et certains multiplient les casquettes : Medhi Faradji, conducteur de métro à la RATP, est aussi membre de la Convention nationale des jeunes d’Apprentis d’Auteuil et animateur radio depuis son enfance. « Ce qui me fait vibrer, c’est surtout la protection de l’enfance et particulièrement la vie privée des enfants placés », confie-t-il.
« Changer les choses », un objectif que partagent volontiers Jade Soriano, étudiante et vice-présidente Environnement au Conseil des Jeunes Métropolitains d’Aix-Marseille-Provence, et Isaac Lefrançois, lycéen en classe de terminale à Paris. Tous deux sont porte-paroles de la commission Place des jeunes. Conscients de la difficulté de s’engager lorsqu’on est jeune, ils ont tenu à « faire autrement » en s’essayant au jeu de rôle sous les yeux attentifs de Prisca Thévenot, alors secrétaire d’État chargée de la jeunesse et du Service national universel.
Servir, c’est aussi donner de son temps et de sa personne. Ce principe anime à la fois Gaspard Florin, étudiant en droit à Nantes et arbitre de football, et Hugo Biolley, plus jeune maire de France élu en Ardèche. Si Gaspard souhaite « améliorer la vie du collectif » et a pu esquisser des réponses au problème du harcèlement scolaire au sein de la commission Education, Hugo voit l’engagement comme un don de soi : « l’engagement c’est faire pour les autres […] en politique, dans l’associatif, dans le monde économique… Ça va d’Emmaüs au club de foot du village ».
Soif d’entreprendre
Le monde économique a également répondu à l’appel du Parlement des jeunes, qui comprend plusieurs entrepreneurs. Pour Thomas Coudrey (Aix-en-Provence), co-porte-parole de la commission Santé et fondateur d’ITI Medics, l’entrepreneuriat se marie sans peine avec une « philosophie humaniste ». Plaçant la collecte et l’exploitation de « données de vie réelle » – sommeil, activité physique, tension, température… – au cœur de la prise en charge des patients, sa start-up « conçoit des solutions innovantes » dans un esprit de médecine participative. Passionné par l’informatique depuis l’âge de 10 ans, Thomas affirme avoir « combiné cet amour pour la création, pour l’informatique, avec mon amour pour l’humanité, pour aider les gens, pour apporter de la valeur ». Convaincu qu’il n’y a pas « 36 000 solutions » pour faire naître un tel projet, il a décidé de créer son entreprise.
C’est ce même élan qu’a connu Justine Durochat (Lyon), co-animatrice du Parlement des jeunes. Ne se retrouvant pas dans les postes salariés, elle s’est « lancée dans l’entrepreneuriat […] dans l’intention de pouvoir aligner [s]es valeurs avec le développement d’un business ». Après avoir créé une éphémère entreprise sociale, Symbiotik, « qui consistait en un accompagnement [des équipes de plusieurs entreprises] sur les relations interpersonnelles, la prise de décision en collectif, […] avec des masterclass », elle est désormais « exploratrice engagée » avec Moving Ways et sillonne les routes d’Europe et d’Asie « à la rencontre d’organisations qui se transforment pour prendre soin du vivant ». La suite ? « Créer une boîte, mais à plusieurs ».
C’est que gérer seul sa propre activité si jeune constitue un chemin particulièrement sinueux. Mais très émancipateur : tous deux « partis de rien », Justine et Thomas ont su naviguer à travers les difficultés financières d’entreprises « pas du tout rentables » et apprennent en temps réel « l’écologie personnelle » pour ne pas s’oublier. Selon Thomas, « [l’entrepreneuriat] est une voie magnifique, […] une façon d’impacter le monde à travers un modèle économique ». Et Justine de conclure sur les bienfaits d’entreprendre : « un espace très enrichissant d’expérimentation et d’exploration qui s’ouvre aux jeunes ».
Une génération d’entrepreneurs d’avenir
Si l’on en doutait, cet échantillon vient confirmer l’idée suggérée par plusieurs études que les jeunes sont engagés – 50 % donneraient de leur temps au sein d’un organisme – et optimistes – 72 % seraient confiants quant à l’avenir. Un combo idéal pour Jacques Huybrechts, fondateur de la communauté Entrepreneurs d’avenir à l’origine de ce Parlement des jeunes. Pensé en réaction à la souffrance éprouvée par les plus jeunes durant la crise du Covid, il vise à « mobiliser la jeunesse sur ses enjeux », et a aujourd’hui pour ambition de « s’installer durablement dans la vie publique ». Derrière ces 170 jeunes sélectionnés via un appel à candidatures puis tirés au sort à l’été 2023, Jacques Huybrechts voit « l’incarnation même de l’espoir ». En trois mots ? Un « feu d’artifice » de nature à faire bouger les lignes et à s’associer aux décisions politiques.Ce ne sont pas les parlementaires qui le contrediront, définissant tour à tour leur génération comme « forte, combattante, ambitieuse, rêveuse, réaliste, belle, motivante, éclectique, optimiste », ou encore « porteuse d’espoirs ». Si tous ont une vision différente de l’engagement, leurs parcours témoignent souvent d’un manque de considération de la jeunesse qu’ils essaient, à leur échelle, de combattre. Cyril Batolo, de la commission Consommation, résume leur état d’esprit en reprenant à son compte les propos de l’anthropologue Margaret Mead : « Ne doutez jamais qu’un petit groupe de jeunes conscients et engagés puisse changer le monde ».