Pianiste de formation classique, chanteuse, auteure, compositrice, arrangeuse, réalisatrice de ses propres albums, globe-trotteuse, Macha Gharibian a créé son univers en vivant l’expérience du jazz à New York, qui s’entremêle avec la culture arménienne de ses ancêtres, et la culture parisienne. Victoire du Jazz 2020 dans la catégorie « Révélation », Macha Gharibian était l’invitée de la soirée La France des solutions, le 15 décembre à la Maison de la radio et de la musique. L’opportunité de revenir sur son parcours et sa vision de la créativité, thème de l’événement Reporters d’Espoirs.
Quelles sont vos sources d’inspiration ?
La trame que j’ai suivie est celle de la chanson populaire, qui est très riche mélodiquement. Inspirée par le jazz et par mon parcours de pianiste classique, j’ai eu le goût de l’étoffer avec les couleurs qu’offre mon instrument harmonique. Enrichir l’harmonie des chansons existantes, en puisant dans mes différentes influences , répond à une réelle envie.
Quand je crée un arrangement musical, j’ai des inspirations qui peuvent venir de Ravel, Debussy, de la musique que j’ai entendue étant enfant, qu’elle soit classique ou par exemple arménienne. Et les pianistes de jazz comme Thelonious Monk ou Keith Jarrett sont également des inspirateurs. Quand je revisite la musique arménienne, j’ajoute un nouveau prisme, en la jouant à la manière d’un standard de jazz.
En plus de pianiste, vous êtes chanteuse. Mais vous vous laissez volontiers guider par la voix des autres.
Parce que je suis chanteuse, j’adore accompagner le chant des autres en étant concentrée sur mon rôle de pianiste. J’aime laisser beaucoup de liberté aux artistes avec lesquels je travaille.
En travaillant l’indépendance des mains, on travaille certes la capacité à faire deux choses en même temps, mais l’une, généralement la voix, prend toujours le dessus. En accompagnant ma propre voix de chanteuse, le jeu pianistique s’en trouve simplifié . A contrario, à ne jouer qu’une seule corde de mon arc, je me trouve dans la musique et dans l’instant, pleinement investie, avec l’impression parfois d’être meilleure. Meilleure parce que plus libre, plus inventive.
Comment émerge le processus créatif selon vous ?
L’échange est au cœur du processus créatif. Pour un musicien de jazz, chaque concert est unique. Et la musique est imprégnée de ce que nous vivons en tant que personne, de ce que nous échangeons en tant que musicien, sur le moment. Chaque artiste bondit sur la création de l’autre. L’échange d’énergie avec le public est également une source d’inspiration. Nous n’avons pas la même vibration lorsque nous jouons dans un petit club de jazz où nous sentons le public tout près de nous, ou lorsque nous jouons devant une salle de 1000 personnes. Je me souviens d’un concert en Algérie, à Constantine, où les notes orientales de ma musique ont trouvé écho dans le public qui s’est exclamé, a partagé son enthousiasme avec nous en se mettant à danser.
L’improvisation est au cœur de votre art. Vous vous y êtes adonné le 15 décembre à l’occasion de la soirée Reporters d’Espoirs, où vous avez interagit avec 4 jeunes danseurs, à partir des mots, expériences, initiatives que vous avez entendues à travers les initiatives d’acteurs de solutions économiques, sociales, écologiques…
L’improvisation est au cœur du « free jazz » auquel j’aime m’adonner. Chacun assume son vocabulaire, sa partition, tout en écoutant l’autre. Cela nous amène à penser de manière plus globale, orchestrale, les personnalités s’amalgamant sans perdre de leur unicité, leur singularité. Ce qui est vrai pour le free jazz l’est aussi pour le mélange des disciplines – par exemple de la danse, des mots, et de l’instrumental à la fois.
Ce genre d’exercice m’a libéré de la partition, en laissant venir les choses dans l’instant. Ce n’est pas sans risque ! Il peut se passer des choses géniales, ou chaotiques. Se rencontrer sur un territoire vierge, c’est cela qui est excitant. L’absence de préméditation peut faire peur, mais comme on sait que l’on est musicien, et comme un danseur connait son corps, on arrivera toujours à créer quelque chose.
Avez-vous un conseil pour nourrir la créativité ?
J’ai commencé le piano à 6 ans et c’était vraiment le plaisir qui me guidait. Je crois que la créativité c’est réussir à saisir et à tisser ce fil qui nous procure ce plaisir. Aussi, garder la capacité d’étonnement à chaque instant fait naître la créativité.
Gilles Vanderpooten, avec Louise Darrieu, Reporters d’Espoirs
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Retrouvez la performance de Macha Gharibian et celle des danseurs, sur la scène de Reporters d’Espoirs à la Maison de la radio et de la musique :