
Nous l’avons entendu vendredi soir sur le plateau de Quotidien sur TMC. Jean-Victor Blanc est médecin psychiatre à l’hôpital Saint Antoine (AP-HP), enseignant à Sorbonne Université, chroniqueur au Mag de la Santé sur France 5, et écrivain. Il vient de faire paraitre l’ouvrage Pop&Psy : addicts aux éditions Points. Nous avons souhaité l’interroger, lui qui analyse les relations entre fiction et santé mentale, alors que s’ouvre ce vendredi à Saint-Ouen (93) le Festival Pop&Psy, « le festival pop de la santé mentale » qu’il a créé.
Gilles Vanderpooten : Vos travaux portent sur la représentation des troubles mentaux dans les films et séries. Avez-vous aussi examiné comment le journalisme s’en empare ?
Jean-Victor Blanc : Mon travail porte d’abord sur l’analyse, ce pourquoi j’aime bien la fiction. Elle me permet d’assortir les représentations qu’elle véhicule à mes connaissances scientifiques et cliniques, et cela au service d’une cause. Je fais un peu le même travail avec les prises de parole de célébrités pour illustrer des propos scientifiques. Mais pour ce qui est du reportage journalistique, je ne me prononce pas sur la qualité ou l’exactitude de l’information. C’est un autre domaine. Je recommande de ce point de vue le travail de l’association Papageno, qui fournit des conseils aux journalistes notamment sur la question de la prévention du suicide.
GV : Les mots utilisés dans les médias ont un impact. Avez-vous remarqué un mésusage de certains termes sur lesquels il faut attirer l’attention des journalistes ?
En santé mentale, beaucoup de problèmes sont liés au traitement des fait divers, souvent inexact lorsqu’il établit des raccourcis entre troubles psychiques et violences, un mésusage des termes comme « schizophrénie » ou « autisme », ou une confusion sur le rôle des psychotropes.
GV : En matière de films et séries, avez-vous un exemple de production réussie ?

L’ouvrage du Dr Jean-Victor Blanc paru le 3 octobre en version poche.
JVB : La série canadienne Empathie [NDLR : diffusée depuis septembre, et dans laquelle joue notamment l’acteur et humoriste français Thomas Ngijol], raconte le quotidien d’une psychiatre. Elle est très documentée et regarde les personnages avec beaucoup d’humanité sans les réduire uniquement à leur trouble. Elle se déroule dans le contexte assez spécifique d’une unité médico-légale avec des patients qui sont en général amenés par la Justice. C’est une petite partie du sujet, néanmoins je l’ai trouvée très juste et elle a été bien reçue dans la profession.
GV : On reproche à l’information son caractère anxiogène : catastrophes, angoisse, peurs, monde qui tombe. Peut-on faire le même reproche à la fiction ?
JVB : La fiction peut être anxiogène, mais les scénarios font intervenir des héros, ce qui crée une distance salutaire. Un sondage Odoxa-Doctolib réalisé avec nous en 2023 témoigne que 25% des Français considèrent films et séries comme une source d’information fiable sur la santé mentale, devant les reportages de presse et télévision qui ne sont cités ainsi qu’à 24%. C’est étonnant… En tout cas cela témoigne que la fiction peut être perçue comme informative.
GV : Quel est votre rapport aux médias ? Avez-vous une discipline particulière dans votre consommation d’information ?
JVB : Cela pourra paraitre préhistorique mais je m’informe essentiellement avec Le Monde, dans sa version papier, et que j’ai décidé de lire le matin. Parce que le soir je rentre chez moi trop tard, et parce que je me suis rendu compte durant le confinement à quel point la lecture des nouvelles retardait mon endormissement et donc la qualité de mon sommeil. Je m’informe très peu via la télévision, et j’ai désactivé mes notifications autant sur les applications des journaux d’information que sur les réseaux sociaux. L’information en continu et les alertes sont trop anxiogènes.
GV : La question de l’information revient-elle fréquemment chez vos patients ?
JVB : Elle revient parfois dans mes consultations, sans être centrale. Certains patients font le choix de prendre de la distance d’avec l’information, surtout lorsqu’ils sont sujets à une dépression et que cette dépression se teinte de l’environnement médiatique dans lequel on est. Il faut dire qu’en ce moment il est plutôt sombre. C’est un choix complexe, car il est important de s’informer.
GV : Le festival Pop&Psy que vous avez créé se déroule ce week-end du 10 au 12 octobre à Saint-Ouen-sur-Seine près de Paris. Avec du beau monde, des concerts, des conférences, et aussi un « Village des solutions ». Penser solutions, c’est important dans votre démarche ?
JVB : Oui, car en psychiatrie il faut apporter de l’espoir. Pop et Psy montre des exemples de rétablissement et des solutions, même si le secteur psychiatrique ne se porte pas bien. L’idée est d’être positif sans être naïf.
GV : Voyez-vous le traitement médiatique de la santé mentale progresser ?
Depuis 2018, la couverture médiatique de la santé mentale s’est améliorée, en partie grâce aux réseaux sociaux et à la pop culture, qui ont donné de la visibilité au sujet.
Pour aller plus loin
- L’ouvrage de Jean-Victor Blanc, Pop & psy : addicts. Prendre soin de soi et identifier les comportements toxiques avec la pop culture, vient de paraitre en poche aux éditions Points au prix de 9,30 €.
- Le festival Pop&Psy se tient ce week-end du 10 au 12 octobre à Saint-Ouen (93). Programme et informations sur www.popetpsy.fr