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Couvrir journalistiquement la biodiversité : une multiplicité d’angles possibles

By 29 octobre 2024octobre 31st, 2024No Comments

La COP 16 touche bientôt à sa fin – le 1er novembre – et elle entend se solder par un accord important sur la préservation de la biodiversité. De nombreuses solutions existent en ce sens et une nécessité se manifeste de politiques publiques renforcées. Parler de biodiversité dans les médias, c’est aussi montrer comment la protéger et donner la parole à ceux qui en connaissent les enjeux.

Les aires protégées présentent un espoir car leur impact positif sur les écosystèmes a été démontré. Ces espaces sont des outils multi-facettes et rassemblent de nombreuses thématiques qu’elles soient sociales, économiques, environnementales…pouvant être traitées avec des approches très variées.

Biodiversité : Quels enjeux ?

Pour cette nouvelle COP, il ne s’agit pas de redéfinir des engagements mais plutôt pour les pays de « rendre effectives les actions, les interventions, les politiques publiques et les plans stratégiques qui sont mis en place pour atteindre les cibles de Kunming-Montréal », explique Joachim Claudet, directeur de recherche au CNRS et spécialiste de la durabilité des systèmes socio-écologiques côtiers et marins. Cela passe par l’intervention de nombreux acteurs, depuis la communauté scientifique jusqu’à l’écosystème médiatique. Médiatiquement, le sujet de la biodiversité se heurte souvent à la focalisation sur l’émerveillement suscité par « les baleines ou les pingouins ». « Il faut dépasser ce côté teddy bear-espèce emblématique et travailler à un niveau beaucoup plus systémique ». Selon le spécialiste, ce qui manque le plus est le relai de sujets a priori moins « séduisants » mais pour autant primordiaux. Une approche transdisciplinaire qui offre un traitement médiatique varié tout en exposant des solutions à l’extinction en masse de la biodiversité.

Une solution attestée : les aires protégées

Les aires protégées, qu’elles soient marines ou terrestres, « sont des périmètres, des espaces géographiquement définis, à l’intérieur desquels les usages humains sont interdits ou réglementés, selon le type d’usage et dont l’objectif principal est la conservation de la biodiversité » explique Joachim Claudet. Outils de gestion par zone, elles ont pour unique but la conservation de la biodiversité, des écosystèmes et espèces inhérentes. D’après le spécialiste, « montrer que les aires protégées sont un outil pour la durabilité est indispensable, que cette dernière soit environnementale, sociale ou économique ». Elles s’inscrivent sur le long terme et comportent des coûts – ne plus pouvoir pratiquer une activité dans le périmètre de l’aire protégée ou ne pouvoir la pratiquer que de manière différente – mais leurs bénéfices sont supérieurs. Le coût, pour les activités les plus extractives et impactantes, est plus fort au moment de la mise en place de l’aire protégée. Mais à moyen terme, l’aire sera bénéfique : si l’on prend l’exemple de la pêche, il y aura exportation de la biomasse, débordement et ensemencement de l’intérieur de l’aire vers l’extérieur, ce qui se traduira par des stocks de pêche accrus, des bénéfices pour la recherche et pour le tourisme. Conscients de cet impact positif à moyen-long terme, les Açores ont annoncé la protection de 30 % de leurs eaux afin de s’aligner aux objectifs de la COP 15 et de créer la plus grande aire marine protégée de l’Atlantique Nord, initiative qui prendra effet dans 9 mois. D’après le spécialiste, « il faut faire évoluer les pratiques » et cela passe par « une volonté politique, des politiques d’accompagnement ». Les politiques d’accompagnement et de compensation sont, dans ce cas, requises pour ne pas laisser seules les communautés territoriales et prendre le risque qu’elles proscrivent les logiques « perdant puis gagnant ». Les journalistes ont ainsi un rôle majeur à jouer pour expliciter les portfolios d’interventions et de transition vers la durabilité.

La géo-ingénierie et la technologie d’absorption de dioxyde de carbone : de nouvelles pistes à explorer et médiatiser ?

L’océan est source de solutions et d’innovations majeures : des écosystèmes côtiers en bonne santé peuvent aider à lutter contre les conséquences néfastes du changement climatique et de l’érosion de la biodiversité. Ces écosystèmes font par exemple office de protection contre la hausse du niveau de la mer ou tampons entre polluants et milieu marin. Aussi les solutions inhérentes au milieu marin sont nombreuses et peuvent constituer des pistes particulièrement intéressantes à explorer dans le champ médiatique.

Par ailleurs de nouvelles technologies, en plein essor, permettent d’accroître la quantité de CO2 capturée et séquestrée par l’océan. « Ces technologies que l’on ne considère pas nécessairement mûres comportent un certain nombre de points d’attention puisque nous ne maîtrisons pas les externalités négatives qu’elles pourraient engendrer, si elles sont employées à de grandes échelles », renseigne Gauthier Carle, responsable plaidoyer de la Plateforme Océan & Climat. « Il est important de décarboner mais d’abord et avant tout de limiter les impacts écologiques et sociaux de ces solutions que certains promeuvent » ce qui nécessite d’accroître la recherche et de mieux suivre, comprendre et rapporter ces sujets. L’enjeu est également de documenter les avancées et d’en vérifier les mises en œuvre.

Journalistes, s’emparer des enjeux : quelle aide pour relayer l’information ?

Quels enjeux pour les professionnels des médias ? Le devoir d’information et la contribution à la médiation scientifique, bien sûr. L’urgence à communiquer le constat scientifique qui fait état du lien entre la crise du climat et l’érosion de la biodiversité, aussi. Mais il s’agit de ne pas traiter les sujets en silo. La biodiversité et le changement climatique étant des « composantes essentielles de notre économie », ils peuvent être abordés dans quelque sujet que ce soit – y compris au sujet des guerres et conflits ou du projet de loi de finance. Pour reprendre l’exemple des aires protégées, par exemple, « pour les journalistes économiques, explique Joachim Claudet, il s’agit de montrer les coûts engendrés par l’absence de création d’une aire protégée. Ces coûts et bénéfices peuvent être chiffrés de manière économique et sociale. »

Joachim Claudet résume : « le travail des journalistes passe par aider à porter à la connaissance du plus grand nombre trois aspects essentiels : l’urgence de mettre en place des changements transformateurs, la manière dont nous dépendons de l’environnement et enfin le fait que les solutions à mettre en œuvre ne peuvent pas être toutes gagnantes-gagnantes en maintenant les pratiques actuelles. Une transformation est indispensable sous peine de n’avoir finalement que des perdants ».

Sur qui les journalistes peuvent-ils s’appuyer ? « Suivre des organisations ressources, ONG, instituts de recherche. Certains réseaux peuvent mobiliser nombre d’acteurs et constituer un point focal pour les médias afin de les orienter et d’être à même de répondre à leurs questions » selon Gauthier Carle. Par exemple, la Plateforme Océan & Climat propose des fiches ressources sur les conséquences du changement climatique sur l’océan, sur la pêche et l’aquaculture dans le contexte du changement climatique, et publie un rapport mettant en avant un panel de solutions pour le climat et la biodiversité.

Léa Varenne

Pour aller plus loin

https://ocean-climate.org/wp-content/uploads/2021/06/Ocean-solutions-report.pdf

http://www.joachimclaudet.com/

https://ocean-climate.org/

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