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[La chronique d’Eva Roque] Jeunesses de tous écrans, montrez vos visages !

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Comment est représentée la jeunesse française de ces trente dernières années sur nos écrans ?  Les récits fictionnés ou documentés reflètent-ils la diversité de cette classe d’âge ?

Eva Roque est journaliste culture et média. Vous la retrouvez sur les ondes de France Inter, dans la presse (Libération, La Tribune), comme à la télévision (C L’Hebdo sur France5). Elle chronique pour la Revue Reporters d’Espoirs dont est extrait cet article qui vous est offert gratuitement.

Xavier a débarqué à Barcelone avec un petit polo décontracté. A Bruxelles, Samy a opté pour le costume cravate, pendant que Vinz ou Maimouna ont bien du mal à quitter leur survêt dans leur banlieue parisienne. Un défilé de tenues aussi diverses que la jeunesse française s’étalant sur nos écrans.

En 2002, les héros et héroïnes de « l’Auberge espagnole » de Cédric Klapisch brillaient par leur insouciance et une forme de folie douce. Plus de vingt ans plus tard, le réalisateur imaginait une série – « Salade grecque » – mettant en scène les enfants de ses premiers personnages. Ils font toujours la fête, mais sont animés d’un certain sens politique, d’un désir de justice, incarnant au passage une grande partie des problématiques de la société française des années 2020, de la situation des réfugiés aux enjeux post #metoo. Klapisch ne revendique pas un regard sociologique mais en s’emparant du sujet de la jeunesse, il parvient à capter une époque. A nos confrères du magazine Première, il expliquait : « j’ai choisi de travailler avec de jeunes scénaristes qui ont nourri ma réflexion. Ensemble, on a écrit et fait le casting, en interrogeant la vision actuelle des jeunes européens. C’était un travail presque journalistique ».

La série ne connaîtra malheureusement pas le succès du film. A se demander si le cinéaste n’a pas réalisé une œuvre sur la jeunesse destinée aux adultes, plus qu’une fiction parlant de la jeunesse et pour la jeunesse.

Un écueil récurrent dans les fictions qui tentent pourtant de représenter avec justesse cette catégorie d’âge. Comme s’il fallait tout faire pour ne pas trahir ces jeunes et leurs idéaux. Une jeunesse plurielle : technocratique dans la série « Parlement » (épisodes disponibles en Replay ici), banlieusarde et révoltée dans « La Haine » ou « Divines », rurale et en recherche d’ascension sociale dans « La voie royale », amoureuse et passionnée dans « La vie d’Adèle » d’Abdellatif Kechiche. La jeunesse devient alors un relais des thèmes sociétaux, offrant au passage une photographie de la France. La fiction s’accroche à la réalité, flirtant parfois avec le documentaire.

En matière de documentaire, il faut voir l’œuvre remarquable de Sébastien Lifshitz « Adolescentes » et ce travail au long cours qu’il effectue en filmant Emma et Anaïs, de leurs 13 ans à leur majorité. Ou encore « Samedi soir » de Benjamin Montel et Antonin Boutinard Rouelle qui nous immergent dans l’intimité de quatre groupes de jeunes adultes aux parcours si différents.

Et que dire du documentaire immensément poétique de Matthieu Bareyre « L’époque », une traversée nocturne dans le Paris d’après Charlie où il est question de bonheur, d’avenir, mais aussi de peurs et d’incertitudes.

Chaque fiction, chaque documentaire capture ainsi un instant. Un moment daté, ancré dans une géographique, dans une classe sociale aussi.

Contrairement à un autre genre cinématographique qui lui s’illustre par une forme d’intemporalité : les « teen-movies ». Comprenez les films d’adolescents évoquant avant tout les premières fois : premier baiser, premier coup de foudre, première expérience sexuelle… « La Boum », « Lol » ou encore « Les beaux gosses » usent de la comédie pour traiter ces sujets. Des films à voir et revoir, à transmettre à d’autres générations. Comme si ces œuvres ne vieillissaient pas et exposaient un visage éternel de notre jeunesse.

Dans toutes ces représentations plurielles, on pourrait regretter cependant le peu de films reflétant des personnes jeunes en situation de handicap. Alors on se réjouit de la série « Mental » se déroulant dans l’univers d’un service pédopsychiatrie, de « Lycée Toulouse-Lautrec » (TF1) narrant le quotidien d’un établissement accueillant des élèves en situation de handicap, de « Hors normes » d’Eric Toledano et Olivier Nakache qui n’hésitent pas à mettre en scène de jeunes autistes, ou encore du formidable « Patients » de Grand Corps Malade et Medhi Idir, plongée drôle et émouvante dans un centre de rééducation.

« Désespoir, amour, gaieté. Qui a ces trois roses enfoncées dans le cœur a la jeunesse pour lui, en lui, avec lui » écrivait Christian Bobin. Et si c’était cela que l’on attendait d’une œuvre sur nos écrans ?