
Par Théo Criscuolo/Reporters d’Espoirs
Lundi 15 et mardi 16 septembre 2025, Reporters d’Espoirs a réuni à Paris cinq des six lauréats du Prix européen Jeunes Reporters d’Espoirs pour deux journées d’échanges, de rencontres et d’inspiration. Ces jeunes reporters, âgés de moins de 30 ans, ont été récompensés pour leurs reportages sur les grands défis économiques, écologiques, sociaux et culturels qui traversent l’Europe.
Journée 1 : des rencontres sous le signe de la transmission

Tout commence autour d’un déjeuner avec Mémona Hintermann, grand reporter et ancienne membre du CSA. Témoin de conflits majeurs, de la chute du mur de Berlin aux guerres du Moyen-Orient, elle partage avec les lauréats son regard sur le journalisme, fait de rigueur, d’engagement et de résilience. Un moment privilégié qui prend des allures de dialogue entre générations.

Début d’après-midi. Les jeunes reporters poussent les portes du Figaro, accueillis par Anne Rovan, journaliste qui durant six années a été la correspondante du journal à Bruxelles. Elle leur livre les coulisses d’un journalisme européen exigeant, où il s’agit de rendre lisibles des institutions complexes, tout en montrant les forces souvent méconnues de l’Union. Bien que critiquée, l’Europe sait aussi faire preuve de solidarité entre États membres, rappelle-t-elle. Et si le sujet peine à captiver le grand public, une clé réside dans la manière de les raconter : donner de la « chair », c’est-à-dire incarner les enjeux en parlant de personnes réelles, plutôt que rester dans un registre purement technique et institutionnel. Une leçon qui résonne particulièrement auprès des lauréats, soucieux de placer l’humain au cœur de leurs récits.
Challenge Reporters d’Espoirs Europe : 1 soirée, 40 invités de marque rassemblés autour des 5 lauréats

C’est à Europa Expérience que la journée se poursuit, avec la cérémonie de remise des Prix. Cinq lauréats sur les six récompensés sont dévoilés ce soir-là, et prennent la parole devant un public de 40 personnalités issues des mondes médiatique, économique, politique et culturel. Au-delà de la remise des prix, la soirée prend la forme d’un laboratoire d’idées. L’objectif : réfléchir à la manière dont les médias peuvent « donner envie d’Europe » aux citoyens. L’enjeu est clair : à travers une information à spectre large, capable de montrer à la fois les problèmes et les initiatives pour y répondre, les journalistes ont un rôle essentiel pour redonner confiance dans la démocratie européenne et la coopération des peuples et des nations.
Trois ateliers thématiques rythment la soirée dont deux conçus en collaboration avec Making Tomorrow, qui apporte sa méthode de design-fiction pour stimuler la créativité et projeter les participants dans des scénarios inédits. Un atelier “biodiversité” sur “comment les médias peuvent fédérer les Européens sur la préservation de leur patrimoine naturel”, un atelier “numérique” ou “comment les médias peuvent donner envie de souveraineté numérique européenne”, et enfin un atelier animé par Maxime Verner, centré sur la question “comment les médias peuvent donner envie d’Europe aux jeunes ?”.
Entre discours des lauréats, débats et ateliers, la soirée a offert un moment unique de dialogue, où s’est dessinée une vision commune : replacer l’Europe au cœur du récit médiatique, non pas comme un sujet technique ou institutionnel, mais comme une histoire collective à laquelle chacun peut prendre part.
Jour 2 : de l’AFP à France Médias Monde, plongée dans les coulisses des rédactions

Le lendemain, les lauréats ont vécu une immersion au sein de grandes rédactions. La matinée débute au siège de l’AFP (Agence France Presse), par l’observation de la conférence de rédaction. Puis un échange nourri s’engage avec Marianne Barriaux, adjointe à la rédaction en chef pour la région Europe et Juliette Michel, adjointe au service Planète.
Créé en 2022, ce service est devenu l’une des deux priorités stratégiques de l’AFP avec le numérique. Juliette Michel explique comment l’agence a choisi de mêler ses journalistes environnement à ceux de l’économie pour créer des synergies inédites : couvrir ensemble les activités économiques qui affectent le climat et la biodiversité. Le dispositif fonctionne si bien que le sujet infuse désormais dans tout le réseau, avec des référents identifiés pour structurer et porter cette dynamique.
Quant au journalisme de solutions, l’AFP applique une méthode exigeante, adaptée à son cas de figure spécifique, reposant sur quatre règles :
- Vérifier si l’angle est nouveau
- S’assurer qu’il peut trouver un écho dans d’autres pays
- Écrire simplement, sans jargon
- Évaluer la crédibilité des solutions
Les rédactions sont très demandeuses de ce type de contenus porteurs d’espoir nous affirment nos interlocutrices. Et cela répond aussi à une préoccupation croissante : la santé mentale des publics, de plus en plus éprouvés par la surabondance d’informations anxiogènes.
Au fil des échanges, d’autres défis contemporains se font jour : la difficulté à produire des nouvelles positives face à l’urgence des crises, les conditions de travail des correspondants en Ukraine, ou encore le rôle de l’IA perçue comme un véritable enjeu pour l’avenir de l’agence. Enfin, les lauréats découvrent l’ampleur du travail de fact-checking mené par l’AFP, par une équipe de 100 journalistes dédiés dans le monde.

Après-midi. Cap sur les locaux du groupe France Médias Monde qui réunit notamment la radio RFI et la chaîne d’information France 24. Après une visite guidée des locaux, des plateaux TV et des salles de rédaction organisée par Ségolène Allemandou, rédactrice en cheffe d’ENTR, les lauréats rencontrent l’équipe d’ENTR.
ENTR est un réseau de journalistes européens qui produit des vidéos à dimension transnationale, spécialement conçues pour les réseaux sociaux. Particularité : les contenus ne sont pas simplement traduits, mais adaptés aux publics de chaque pays, afin de toucher les jeunes générations là où elles s’informent et avec des formats qui leur parlent. L’équipe présente une série consacrée à l’environnement, pensée avec une approche de journalisme de solutions. Les vidéos mettent en avant des initiatives concrètes, réplicables et impactantes, ancrées dans différents territoires européens. Une manière de montrer que l’Europe n’est pas seulement une institution, mais aussi un vivier d’innovations et de réponses communes aux défis globaux.
Cette présentation fait écho aux discussions de la matinée à l’AFP : qu’il s’agisse d’une agence internationale de presse ou d’un média jeune et numérique, une même ambition se dessine. Les rédactions cherchent à intégrer l’environnement et le journalisme de solutions au cœur de leurs pratiques, répondant à une demande de plus en plus forte des publics et à un enjeu de société majeur.
De ces deux journées, une conviction ressort : l’Europe a besoin de nouveaux récits. Ces jeunes reporters, curieux, engagés et inventifs, sont prêts à les écrire. Grâce à cette immersion entre figures emblématiques du journalisme et coulisses de grandes rédactions, ils repartent avec des clés, des contacts, et une certitude : l’information européenne peut être vivante, proche des citoyens et porteuse d’avenir.
Qu’ont pensé les lauréats de leur séjour parisien ?
Esther Lubanza (République Démocratique du Congo, Kinshasa)
« En seulement 48 heures, le Prix européen Jeunes Reporters d’Espoirs a bouleversé ma vision et marqué un tournant dans mon parcours. Le concours, l’accompagnement et le Challenge du lundi m’ont portée bien au-delà de mes attentes. Moi qui pensais poursuivre en communication, j’ai découvert une évidence : le journalisme de solutions est ma voie. Ces rencontres et cette énergie collective m’ont donné confiance et l’envie de transmettre, à mon tour, des récits porteurs d’espoir. »
Amel Louzguiti (France, Lyon)
« La vie est faite de rencontres, dont certaines peuvent changer votre regard sur le monde, pour le mieux et pour longtemps. Reporters d’Espoirs fait exactement cet effet ! Le Prix, l’accompagnement, les visites que nous avons partagées m’ont offert le souffle nécessaire pour oser. Il m’a confirmé le rôle du journalisme de solutions pour éclairer le monde, servir l’intérêt général et semer des idées qui font naître de nouvelles perspectives et parfois, beaucoup. »